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  • L’euro-boulet, par Louis-Joseph Delanglade

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    La récurrence fortement médiatisée des interrogations, parfois empreintes dangoisse, sur leuro est un signe quasi clinique. On relèvera, comme emblématique, le « docu-fiction » diffusé mardi dernier par la chaîne France 5 intitulé « Bye bye leuro ». On en retiendra le point dorgue : M. Attali pontifiant sur lapocalypse que déclencherait une sortie de leuro, alors que lui-même avait, dans un élan de volontarisme idéologique négateur des réalités régaliennes les plus élémentaires, prophétisé avec dautres un avenir radieux (« Leuro, une chance pour la France, une chance pour lEurope », Le Monde 28/10/1997). Et on sera évidemment daccord avec M. Ardinat (Boulevard Voltaire) qui dénonce une « émission militante [] une véritable opération de propagande européiste » 

    Cependant, même sil sagit dun « reportage anxiogène » qui reprend avec une mauvaise foi évidente « tous les clichés éculés sur la fin de leuro », cette émission aura eu quelques mérites. Dabord, sa diffusion prouve bien que désormais, et de façon indéniable, leuro constitue un problème reconnu en tant que tel. Ensuite, il a bien fallu faire une (petite) place à une voix discordante, en loccurrence celle de M. Sapir qui, même minoritaire, a pu défendre son point de vue. Enfin, on aura compris, malgré les outrances, que renoncer à la monnaie unique ne saurait être une partie de plaisir.

     

    Prenant lexemple grec, M. Giscard dEstaing, malgré tout assez compétent en matière financière et économique, vient daffirmer que la Grèce doit sortir de leuro (pour régler ses problèmes grâce àune monnaie désormais dévaluable) et dexpliquer comment elle doit le faire (de manière consensuelle et non conflictuelle). On comprend, en creux, que ce serait aussi lintérêt des autres pays européens (qui pourraient peut-être alors envisager le recouvrement dune partie de leurs créances - 55 milliards tout de même pour la seule France, sur un total proche de 250). Certes, la Grèce vient dobtenir une sorte de sursis (quatre mois) bien fragile tout de même car encore susceptible d’être remis en cause dès cette semaine. Mais tout cela tient à si peu que le bon sens politique commande denvisager calmement ce que pourraient être les modalités dune exfiltration réussie.

     

    Dautant que dautres pays que la Grèce connaissent de très grosses difficultés. M. Sapir voit déjà dans lItalie le prochain maillon faible, assez fort toutefois pour poser un problème insurmontable à la zone euro tout entière dès l’été 2015. Donc, lapocalypse version Attali ? M. Chevènement (Le Figaro, 31/01/2015) est ici dans le vrai qui met en garde contre « un éclatement sauvage de la zone euro ». Ce scénario du pire serait forcément, en ce qui concerne la France, disons-le ici,  le résultat dune faute politique, celle dun gouvernement refusant jusquau bout de renoncer à son aveuglement idéologique en faveur de la monnaie unique, alors que la sagesse commande de préparer un scénario fondé sur la « concertation entre pays européens et d'abord un accord entre la France et lAllemagne »

     

  • Loisirs • Culture • Traditions ...

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  • JUSTICE & SOCIETE • Charlie Hebdo, l’irruption du réel ... Par Jacques Trémolet de Villers

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    jacques%20tremolet%20de%20villers%203.jpgQue la réalité est atroce ! Je ne parle pas seulement du sang qui coule et des pistolets-mitrailleurs qui crachent la mort ! Je parle de l’incroyable décalage, de la fracture que cet événement révèle soudain entre les projets, les plans, les réformes, les ronrons des ministères, et puis la vie telle qu’elle est et qu’on ne voulait pas la voir.

    Le massacre de Charlie Hebdo, c’est la faillite, non seulement de notre ministère de l’Intérieur ou, encore, de notre ministère de la Justice. C’est la faillite de ce que nous appelons notre démocratie !

    Depuis près de trente ans, les efforts législatifs et réglementaires, les « politiques pénales » ou judiciaires sont allés dans le même sens d’un soi-disant respect inconditionnel de l’individu, de ses droits à la liberté, ce qui s’est caractérisé par l’éclatement du lien familial et une attention toujours plus compréhensive pour les malheurs du délinquant. On a multiplié les structures d’assistance, de reclassement, de prévention et, après avoir privé, solennellement, la justice de son droit d’infliger la peine de mort, on s’est acharné à réduire le plus possible son droit de punir.

    La formule, encore usitée, dans les jugements, « déclare M. X coupable des faits qui lui sont reprochés, et en répression, le condamne… », en est arrivée à paraître incongrue.Tout devait se dérouler aisément, en écoutes, entretiens, suivis psycho-judiciaires, assistance à la personne, procédures d’insertion et cellules socio-éducatives, avec force subventions, RMI, RSA, aide à ceci, aide à cela,

    Et puis voilà ! Allahou akbar ! et la réalité cagoulée rappelle à tous, et d’abord aux rieurs professionnels dont les crayons ridiculisaient, à longueur de « unes » provocantes, la religion, la famille, l’armée, la police, la justice, l’ordre et la loi, que d’elle – la terrible réalité – on ne se moque pas.

    « Dieu », disait le professeur Lejeune, « pardonne toujours. L’homme quelquefois, la nature jamais ». Il parlait de la nature physique, celle dont, en homme de science, il cherchait les lois. Il existe, aussi, une physique sociale. Elle a ses lois, beaucoup plus simples, plus accessibles à la connaissance que celles de la génétique fondamentale. L’assez grossier bon sens des proverbes les décline dans des formules à la portée du plus simple : « Qui sème le vent récolte la tempête ! »…« Oignez vilain, il vous poindra »…« La raison du plus fort est toujours la meilleure ».

    Et puis, montons d’un cran, en restant simple, et tournons nos regards vers le modèle humain et royal des juges transmettant à son fils le fruit de son expérience. « Sois raide dans ton jugement, sans tourner à droite, ni à gauche, et « sans écouter d’autre voix que celle que te dictent l’évidence et la facilité du bon sens ».

    La première leçon est de Saint Louis, la seconde de Louis XIV.

    Des juges dont on nous dit aujourd’hui, dans une incontinence verbale qui donne la nausée, qu’ils fondèrent la sainte laïcité – cette super-religion qui nous sauvera de tous les fanatismes – ont coupé la tête à leur descendant, en le condamnant sous son patronyme d’origine Louis Capet.

    Et puis, au nom de la liberté, de l’égalité, de la fraternité, de la tolérance et de la suppression de la peine de mort, ils ont génocidé la Vendée et tout ce qui, à Lyon, à Marseille, à Nîmes ou à Paris, pouvait lui ressembler.Vont-ils aujourd’hui recommencer ? Réveillés en sursaut par l’assassinat de leurs maîtres à ne plus penser, après avoir processionné sur leurs reliques, vont-ils abreuver, du sang impur des extrémistes, ce qui reste de sillons républicains ?

    Je redoute, comme la peste, une volte-face absolue dont le dérèglement dans la répression sera aussi néfaste que le laxisme qui l’a précédé. Capet ! Reviens ! Ils sont devenus fous. 

     

    Politique magazine

  • LECTURES • « Quelle histoire pour la France ? » Et : « Esthétique de la liberté » ....

    Ces deux recensions de deux ouvrages importants, en particulier dans le contexte actuel, sont reprises des toujours excellentes - aussi bien qu'abondantes - notes de lecture de Georges LEROY, dans chaque livraison du Réseau Regain. Ici, celle de février 2015. Nous en recommandons la lecture.  

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    Quelle histoire pour la France ?

    Dominique Borne

    Gallimard, 350 p., 22,50 €. 

    Certains annoncent la mort de l’histoire de France. En ces temps de mondialisation, et surtout d’arrivée massive de populations issues de pays anciennement colonisés, le récit purement national serait à mettre au rebut. D’autres voudraient le retour d’un âge d’or, avec ses histoires saintes, monarchiques ou républicaines. 

    Dans cet essai qui peut faire débat, l’auteur, inspecteur général de l’Éducation nationale, propose de dépasser l’une et l’autre attitudes. À le suivre, il est possible de (re)construire une histoire à partir de moments d’histoire. Ces récits portaient en eux une espérance eschatologique qui a déserté quand la  croyance au progrès s’est enfuie.

    Faut-il pour autant abandonner toute histoire de France ? Ce livre répond par la négative : « Le besoin d’histoire nationale, dit l’auteur, est d’autant plus grand que les incertitudes contemporaines sont nombreuses. »

    Une telle histoire, pluraliste et discontinue, serait tissée avec celle de l’Europe et du monde et prendrait en compte toutes les composantes de la société. Se prêtant lui-même à l’exercice, l’auteur en propose quelques facettes qui redessinent un paysage national, suggèrent de possibles héros et donnent même des raisons d’espérer en l’avenir.   

     

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    Esthétique de la liberté

    Philippe Nemo

    PUF, 200 p., 18 €. 

    Il y a comme un arrière-goût dandy dans ce titre. En effet, quel rapport entre l’esthétique et la liberté ? En quoi la liberté pourrait-elle être esthétique ou pas ? Comment créer du lien entre l’esthétique et la liberté ? Est-ce un pur exercice intellectuel réservé à un homme de grande science ou bien en quoi cela peut-il concerner les millions de petits bourgeois français en cet hiver 2014 ? Livre de circonstance, petit plaisir, livre de fond ? 

    Dans la fable de La Fontaine « Le chien et le loup », la vie du loup est présentée comme plus belle que celle du chien, parce que l’un est libre, alors que l’autre est attaché. Le propos du livre est de savoir si La Fontaine a raison. Beauté et liberté sont-elles indissociables ? Si tel est le cas, quelles conclusions politiques peut-on en tirer ? Existe-t-il un enjeu plus profond, métaphysique, dans l’alternative d’être « chien » ou « loup» ?

    Le livre esquisse d’abord les contours d’une anthropologie philosophique où les places respectives de la beauté et de la liberté dans la structure de l’esprit humain sont précisées sont interrogés à cet égard de nombreux auteurs, de Platon à Plotin, de Grégoire de Nysse à Pic de la Mirandole, de Kant à Proust. 

    On voit que beauté et liberté sont « des idéaux qui doivent être cherchés de façon inconditionnelle », à l’instar de « la vérité et du bien ». Ainsi « le lien entre liberté et beauté a été formellement affirmé dans l’histoire des idées et des arts ». Pour les Grecs, « excellence physique et excellence morale sont donc étroitement mêlées et que l’on passe facilement de kalos à agathos ». Ce qui est beau est bon. Pour les Grecs, « beauté veut dire noblesse et l’aristocrate par excellence est un homme libre ». À l’inverse, le christianisme reconnaît un Dieu qui sonde les reins et les coeurs et donc « notre valeur objective n’est ni augmentée ni diminuée par le regard positif ou négatif que les autres portent sur nous ; il n’en pas ainsi chez les Grecs anciens. Leur souci, c’est ce que les autres pensent d’eux ». 

    Le lien entre société de liberté et beauté morale est établi au moyen des vertus théologales que sont la foi, l’espérance et la charité, mais aussi d’autres vertus chrétiennes comme la justice, la véracité, la libéralité, l’esprit de paix, la tolérance, la prudence, la tempérance, la force et l’orientation positive des activités. 

    Puis il montre comment la servitude enlaidit les existences humaines, ce qui n’est pas vrai seulement de la servitude absolue des totalitarismes, mais aussi de la demi-servitude instaurée par les socialismes dits modérés. 

    Il examine enfin ce qu’est une vie libre et créatrice de beautés, en soulignant le rôle qu’y jouent la contingence, l’imprévu, et la possibilité qu’y survienne du nouveau, comme dans un voyage. Sur ces bases, il montre que seule une vie libre peut avoir un sens. Le voyage permet de découvrir les facettes du monde qui lui était inconnue, de se découvrir lui-même. Il en appelle à Balzac pour le voyage social, mais aussi à Baudelaire dans son célèbre poème des Fleurs du mal. 

    En conclusion, nous sommes invités à « revivre en oeuvre d’art » notre propre existence. Ce livre est donc une magnifique médiation sur l’invitation au voyage que suppose une vie libre dans une société librequi repose elle-même sur la propriété privée d’une part, et la mise en action des vertus chrétiennes, au premier rang desquelles se trouve la charité, don gratuit, qui n’est rien d’autre que la beauté d’un geste libre.

     

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  • SOCIETE • Un griot en hiver ... Par Pierre Chalvidan

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    Janvier 2015 s’éloigne et l’on ne peut s’empêcher de continuer à ruminer « les évènements »… les ruminer avec un goût amer.

    Ruminer d’abord l’acte barbare lui-même mais, plus encore maintenant, ruminer ce que nous en avons fait. Car c’était bien un acte-question. Et cette essence échappait à ses auteurs. Elle était ce que nous aurions dû « retenir ». Avons-nous été à la hauteur ? A hauteur d’homme ? Pas sûr, en dépit de ce que nous susurre la complaisance qui est toujours la meilleure alliée du conformisme.

    Car ce qu’il eût fallu d’abord faire, peut-être, devant cet acte, c’est le silence. Ce silence qui permet d’intérioriser et donc d’objectiver. Mais que reste-t-il de l’intériorité dans ce qu’un philosophe appelle « la grande fabrique postmoderne des affects et des illusions »… ? S’en tenir à la minute de silence. A la limite, en la faisant accéder aux dimensions d’une manifestation : une vraie marche blanche. Silencieuse. Sans pancartes ni slogans.

    Et surtout pas ce slogan en « Je » qui dit trop bien à la fois l’origine – les réseaux sociaux, les réseaux du « tout-à-l’ego », a-t-on dit. Un ego maladif – et la nature profonde de ce sociodrame par lequel nous avons tenté d’éviter – et pour certains, de récupérer – les questions posées par l’acte. Les questions essentielles : la violence, la liberté, la responsabilité, la vie, la mort, la place de Dieu…

    Non qu’elles n’aient pas été soulevées, mais rarement à bras-le-corps. Parce qu’elles font peur. Et, face à la peur, nous avons deux réflexes : l’enfermement dans des certitudes faciles et la fuite en avant. Les deux ont fonctionné cumulativement pour l’évitement des remises en cause : il faut, de plus en plus, protéger la liberté d’expression et préserver notre conception de la laïcité. Autrement dit, consolider les causes mêmes du mal…

    Et comme souvent dans notre monde où ils sont, partout, les premières victimes, en s’attaquant aux enfants. Ainsi va-t-on expérimenter sur eux ce nouveau et bien hasardeux protocole pédagogique de « l’enseignement laïque du fait religieux ». C’est dans ce cadre qu’on va vraisemblablement leur expliquer qu’on a le droit de dire que la religion la plus « con » qui soit, c’est l’Islam, mais qu’on n’a pas le droit de dire que les musulmans sont des « cons »… Puis, on leur fera apprendre par cœur l’inusable propos de Voltaire : je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je suis prêt à me battre pour que vous puissiez continuer à le dire… . Et ce, alors même que la vérité est spontanément sortie de leur bouche : « Fallait pas se moquer… ». Et ce, alors même que le problème de fond n’est pas l’école mais la déstructuration familiale.

    Eh ! bien non, je ne suis pas prêt à me battre pour le droit au blasphème. Que le blasphème ne soit plus un délit, c’est une chose. Mais le fait que ce ne soit plus un délit ne crée pas un droit. Cela crée, au contraire, une obligation : celle d’utiliser à bon escient l’espace de liberté ainsi créé.

    Si le blasphème, parce qu’il n’est plus un délit, devient un droit, qu’est-ce que cela fait ? Des morts.

    Si l’avortement, parce qu’il n’est plus un délit, devient un droit, qu’est-ce que cela fait ? Des morts.

    Si l’euthanasie parce qu’elle n’est plus un délit, devient un droit, qu’est-ce que cela fait ? Des morts.

    On atteint là la racine de la perversion de la liberté version 1789. Car l’article 4 de la Déclaration le disait : la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Bien ! Sauf que lorsque le subjectivisme absolu prend le dessus, la limite explose et la liberté dégénère en libertarisme. Mortel.

    Et si je ne suis pas prêt, c’est –disons-le – au nom de l’Evangile. Ephésiens 4, par exemple : « Aucune parole mauvaise ne doit sortir de votre bouche… Faites disparaître de votre vie tout ce qui est amertume, emportement, colère, éclats de voix ou insultes… ».

    J’entends les ricanements : comme si l’Evangile avait jamais empêché la violence et n’avait pas, même, odieusement servi à la justifier ! Qu’il l’ait souvent empêché, j’en suis persuadé. Qu’il ait parfois servi à la justifier, c’est incontestable et intolérable. Mais si l’on veut bien – honnêtement – regarder l’Histoire (ce qui aurait pu être aussi une retombée bénéfique de ces moments si souvent qualifiés d’ « historiques »), on fera au moins deux constatations.

    La première est que si la foi chrétienne a pu justifier d’inadmissibles violences, elle est aussi la seule, à ce jour, qui, en revenant sur elle-même, a pu puiser dans ses ressources propres les motifs de préférer la paix et de la mettre en œuvre. En Europe notamment. Aucun autre système de convictions – et surtout pas les idéologies – n’est parvenu à s’auto-corriger. Ils se sont effondrés avant. Ainsi des deux totalitarismes. Qui étaient athées et antichrétiens.

    La seconde constatation que l’on fera, si l’on est honnête, c’est que ce n’est tout de même pas un hasard si c’est en pays chrétien, et nulle part ailleurs, que se sont développés les droits de l’homme, la démocratie, la laïcité, le souci des victimes, l’action humanitaire… etc. Ou alors il faut « croire » en la génération spontanée. Ce qui n’est pas sérieux.

    Comme quoi, le débat de fond sur la laïcité est loin d’être épuisé. Et si ce n’est pas nous, chrétiens, porteurs de la responsabilité de cette civilisation, qui le relançons, qui le relancera ?

    Qui enseignera que si l’homme est homme, c’est parce qu’il lui a été «donné », et à lui seul, deux ailes qui lui permettent de s’élever au-dessus de sa bestialité : la Foi et la Raison. Deux ailes indissociables parce que, comme l’expliquait superbement Benoît XVI, elles ont besoin l’une de l’autre pour se mutuellement stimuler et se mutuellement corriger de leurs dérives maléfiques.

    Edgar Morin, dans son « Penser l’Europe », appelait cela « la grande dialogique de l’Occident ». Et comment ne pas évoquer aussi ce propos du Cardinal de Lubac dans « Le drame de l’humanisme athée » : « Il n’est pas vrai que l’homme, ainsi qu’on semble quelquefois le dire, ne puisse organiser la terre sans Dieu. Ce qui est vrai, c’est que sans Dieu, il ne peut, en fin de compte, que l’organiser contre l’homme. L’humanisme exclusif est un humanisme inhumain ».

    Il faut arrêter d’aborder la question de la foi, y compris celle de l’Islam, de façon biaisée c’est-à-dire, encore, par des catégories seulement sociologiques : les religions, les communautés, le multiculturalisme… etc.

    Or, de ce point de vue, une autre vive inquiétude suscitée par notre sociodrame, c’est bien le caractère souvent timoré des réactions chrétiennes. Celles d’un christianisme ayant tellement intériorisé la sécularisation qu’il en a perdu la fraîcheur des sources vives. C’est ainsi qu’on a pu voir de grands organes de presse chrétiens analyser à pleines pages le mouvement du 11 janvier, à grands renforts de… sociologues, sondages et instituts d’opinion. De théologiens, peu. De références bibliques, encore moins. L’Evangile ensablé dans le social… c’est aussi une figure de ce monde. Celle de la sociolâtrie.

    Pourtant, c’est Claudel, je crois, qui affirmait que lorsqu’il voulait les dernières nouvelles, il lisait…Saint Paul et Karl Barth, de son côté, conseillait de vivre ici-bas le journal dans une main et l’Evangile dans l’autre…

    Qu’a fait le Christ face à la violence ? Silence. « Tu ne réponds rien ? » Non. Ou plutôt si : sept paroles, dont une – «pardonne-leur…» – a été reprise comme « couverture » par le nouveau Charlie. Bien malencontreusement. C’est l’adverbe le plus « soft » que j’ai trouvé… On ne christianise pas Mahomet. L’amour et le pardon des ennemis sont le propre du Nouveau Testament.

    Et que faisait le Christ lorsqu’il était pressé par la foule ? Il montait en barque, avançait en eau profonde ou se retirait sur la montagne. Et c’est peut-être pour lui – et pour nous – la pire tentation : se dire que, décidément, nous ne sommes pas de ce monde, et l’abandonner à son autodestruction (car Dieu laisse le mal en liberté, comme le reste, mais il fait en sorte que le mal finisse toujours en bien).

    Mais le Christ redescendait de la montagne. Car là-haut, il priait. Et la dernière fois qu’il y est monté, c’est pour le poteau d’exécution.

    Il se trouve que j’ai suivi ces évènements en lisant un de mes cadeaux de Noël, le récit d’Erik Orsenna intitulé « Mali ô Mali », du nom de ce pays si attachant qui est… l’histoire d’un Fleuve. Et c’est cette histoire que raconte le griot de service : un Fleuve donc, qui, au lieu d’aller bêtement se jeter, comme tout le monde, dans la mer, décide, à contre courant, de monter affronter les sables du désert.

    Celui-ci finira par réussir à le détourner. Et le griot renonce à poursuivre l’histoire…Mais tout n’est pas perdu : Tombouctou, libérée, garde sa foi et retrouve la raison.

    Orsenna écrit : « C’est la rançon du métier de griot : l’effacement. Celui qui a pour mission de raconter doit apprendre à devenir invisible. A aucun prix, il ne doit troubler le cours des choses ». 

  • CINEMA • JEAN-CHRISTOPHE BUISS0N recommande « L'ENQUÊTE » de Vincent Garenq ... sur un scandale politico-financier brumeux et saumâtre

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    Quant à nous, nous tenons les critiques cinématographiques de Jean-Christophe Buisson comme de celles, rares, auxquelles on peut se fier sans risque. Celle-ci, tout en finesse, intelligence et goût est parue dans le Figaro magazine du 6 février 2015. Les cinéphiles suivront son conseil ...

     

    Tout citoyen français curieux, informé et intelligent tient l'affaire Clearstream pour une chose aussi complexe que les guerres dans les Balkans, la lecture de La Phénoménologie de l'es­prit ou l'équation de Schrödinger. Autant dire que l'idée qu'elle puisse servir de trame narrative à un film prête à sourire, voire à ricaner grassement. A tort. L'Enquête est un excellent film doublé d'un éclairage lumineux sur un scandale politico-financier brumeux et saumâtre. 

    La bonne idée était de gravir la montagne par sa pente la plus escarpée, mais aussi la plus facile à emprunter : Denis Robert. Ce journaliste casse-bonbons, prétentieux, courageux et exalté qui a dû se prendre plus d'une fois pour ses confrères du Washington Post Bob Woodward et Carl Bernstein mettant au jour le Watergate, fut celui par qui la révélation du scandale arriva. Arrachant des informa­tions à des policiers, des juges, des traders repentis ou des journalistes bienveillants, se mettant à dos des multinationales, des sociétés d'armement, le Luxem­bourg, des huissiers, des banques, des politiciens, la DST, sa femme, ses enfants et des journalistes moins bienveillants, il fit de sa vie une croisade contre les paradis fiscaux, les circuits de finance internationale opaques, la dissimulation de capitaux.

    Intérêt majeur du film : mêler les dimensions privée et professionnelle de cette lutte entre un David iden­tifié et un Goliath quasi invisible. Combat déséquili­bré, perdu d'avance, mais qui n'en fit pas moins bouger les choses. Défilent des mots et des noms qui ont hanté les deux dernières décennies : frégates de Taïwan, Edouard Balladur, secret-défense, Renaud Van Ruymbeke, lmad Lahoud, le général Rondot, Thomson, Dominique de Villepin, Nicolas Sarkozy... Il y a des morts étranges, des suicides suspects, des accusations mensongères, des thèses conspiration-nistes. On navigue agréablement entre le polar judi­ciaire, l'enquête journalistique et le film d'espion­nage. Gilles Lellouche est époustouflant, la mise en scène et le montage, impeccables. On ferait presque de grands bonds de félicité, n'était-ce une musique démonstrative et omniprésente. Notre seul bémol - c'est le cas de le dire. 

    (En salles depuis le Il février) 

    Post-filmum : bravo aux scénaristes de ne pas avoir oublié qu'il fut un temps où c'était Le Figaro qui soutenait Denis Robert, lâché et presque lynché par Le Monde d'Edwy Plenel...

     

     

  • Timbuktu, la beauté triomphe aux César

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    Avec sept récompenses sur huit nominations, le chef d'œuvre d'Abderrahmane Sissako sur la terreur djihadiste au Mali sacré par l'Académie du cinéma français. Un plébiscite amplement mérité ! 

     

  • VOYAGES • Pourquoi pas la Russie, qui fut si souvent alliée de la France ? Ici, images du Goum de Moscou ...

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    Cette grande galerie commerciale bordant la place Rouge de Moscou a été inaugurée le 2 décembre 1893 en présence du gouverneur général de Moscou, le grand-duc Serge, et de son épouse, la grande-duchesse Elisabeth, soeur de la tsarine Alexandra.

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    C’était à l’époque le plus grand centre commercial du monde, conçu par les architectes Alexandre Pomerantsev et Vladimir Choukhov. Il remplaçait les petites boutiques qui se trouvaient à cet endroit depuis des siècles.

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    Nationalisées à la révolution, les galeries marchandes du Goum ont servi de bureaux dans un premier temps, puis de magasins pour le peuple à partir de 1953. 

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    Privatisé en 1993, le Goum (Glavny Ouniversalny Magazin, magasin principal universel) abrite sous sa lumineuse verrière des cafés et des boutiques de luxe.  

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    Source : Noblesse et Royautés qui remercie Agnès pour cet article depuis Moscou.

     

  • Où est l’union européenne ? Par François RELOUJAC

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    La victoire du parti Syriza aux élections grecques a mis en lumière les difficultés de l’Union européenne à proposer des plans de sauvetage économique : elle semble, désormais, à court d’idées. 

    Les élections législatives grecques ont été profondément marquées par la politique européenne et l’ingérence des états étrangers. Elles traduisent la faillite totale des régimes de partis et d’une « Union » qui prive les pays de leur propre souveraineté. Elles révèlent aussi le triomphe de la sphère financière sur l’économie réelle dont le plan imaginé par Mario Draghi est la manifestation la plus symptomatique. 

    Depuis près de cinq ans, maintenant, la Grèce est entrée dans une crise grave et le « plan de sauvetage » appliqué en force par les autorités européennes n’a pas donné les effets annoncés. Il n’est pas question ici de revenir sur les causes de la déroute grecque, ni sur les astuces comptables et les lâchetés politiques qui ont conduit à l’admission du pays dans la zone euro, ni sur la politique monétaire européenne qui a permis à l’Allemagne de développer son système économique au détriment de ceux de ses « partenaires ». Force est cependant de constater que le programme d’austérité imposé au pays a conduit au démantèlement du droit du travail, à l’explosion du chômage, à la réduction des pensions de retraite, à la disparition quasi totale des mécanismes de protection sociale, à l’effondrement de la valeur des biens immobiliers, à la contraction du produit intérieur brut et à l’explosion de la charge de la dette que ce programme était censé rendre supportable. Le seul résultat positif de ce plan drastique a été de permettre aux banques – essentiellement allemandes et françaises, lesquelles avaient cru trouver en Grèce un nouvel eldorado – de céder directement ou indirectement une grande partie du risque qu’elles portaient à leur gouvernement.  

    Aussi le résultat des élections grecques du dimanche 25 janvier n’a-t-il rien d’étonnant. Il fallait s’y attendre. Le parti Syriza d’Alexis Tsipras n’a fait que coaguler les révoltes grecques et il a préféré s’allier avec le parti AN.EL., de Panos Kammemos, souverainiste, pourtant par ailleurs conservateur, pour bien marquer une volonté grecque de s’en sortir en dépit des autres politiciens et des partenaires européens. La pression sur l’Europe sera forte et l’Union européenne n’a plus d’autre politique que financière.

     

    Une Europe financière qui cherche à sauver ses régimes de retraite 

    Aujourd’hui, le système d’« assouplissement quantitatif » (« Quantitative Easing » ou « QE ») mis en place aux états-Unis, et dans une moindre mesure en Grande-Bretagne, arrive au bout de ses possibilités. Mais, s’il est arrêté, il risque, d’une part, de pousser les taux d’intérêts à la hausse – ce qui ferait chuter les cours des titres cotés en Bourse, mettant alors en difficulté les fonds de pension, compagnies d’assurance-vie et autres caisses de retraite – et, d’autre part, de peser sur le cours du dollar, ce qui aurait pour effet de nuire un peu plus aux exportations européennes. D’un point de vue psychologique, cet effondrement de la valeur de l’épargne, ajouté à une baisse du prix du pétrole et des autres matières premières échangées en dollars sur les marchés internationaux et à un ralentissement des ventes à l’étranger, ne pourrait avoir qu’un effet dépressif sur les populations européennes. Le président de la Banque centrale européenne a décidé de réagir. Adieu le mythe de l’euro fort, cher à Jean-Claude Trichet ; aujourd’hui, la priorité est à la baisse de l’euro par tous les moyens. Plusieurs années après les Anglo-Saxons, la BCE se lance donc dans une politique d’assouplissement quantitatif sans chercher à expliquer les résultats qu’une telle politique entraînera sur le long terme ni ce qui a véritablement été obtenu outre-Atlantique par une telle méthode. 

    Dans une première analyse, on peut donc considérer que l’objectif poursuivi par le président de la BCE est de faire baisser le cours de l’euro par rapport au dollar, fût-ce au prix d’une déstabilisation complète des partenaires européens, qu’ils « bénéficient » ou non de la monnaie unique. Cette déstabilisation, quant à elle, est bien réelle et a été immédiate. Ce fut d’abord le franc suisse qui, dès que le plan de la BCE a été considéré comme inéluctable, a subi une pression à la hausse qui a rendu la Banque nationale suisse incapable de suivre la politique économique adaptée à l’économie de son pays. Accessoirement, cet échec de la politique suisse a conduit à mettre en difficulté les collectivités publiques françaises qui avaient fait le pari de se financer en francs suisses. Pour les mêmes raisons, la Banque nationale du Danemark a aussi été contrainte de réagir, mais elle a choisi de le faire différemment : désormais les dépôts effectués auprès d’elle sont soumis à un taux d’intérêt négatif (-0,35 %) ! Une façon de dire aux spéculateurs : « si vous placez votre argent chez moi, je vous volerai »… Mais une telle politique ne peut réussir que si les spéculateurs sont persuadés que le « vol » de la Banque nationale danoise est inférieur aux risques que leur font courir les manipulations de cours des principales monnaies internationales (dollar et euro).  

     

    Des « tests de résistance »  

    Dans une seconde analyse, on ne peut pas ignorer les mesures d’accompagnement qui sont réclamées par toutes les « Autorités ». Depuis le début de la mise en condition de l’opinion publique européenne pour lui faire accepter ce nouveau plan de la BCE, on explique que cette stratégie ne pourra être opérante que dans la mesure où les états adopteront les « réformes » nécessaires, c’est-à-dire le démantèlement de leur droit du travail, comme en Grèce.  

    Dans un troisième temps, il faut se demander s’il n’existe pas des causes moins avouables ou moins faciles à expliquer. Il y a quelques semaines, la BCE a effectué ce que l’on a appelé un « stress test » ou « test de résistance ». Il s’agissait officiellement de « modéliser » les conséquences, pour chaque grande banque, d’un accident sur les marchés financiers internationaux. La plupart des banques ont satisfait au test… mais l’on sait que les hypothèses retenues pour ce test étaient particulièrement douces. On a mis la moyenne à tout le monde de peur de traumatiser les déposants. Mais les notes attribuées à chacune n’ont pas trompé la BCE. Ce n’est pas pour rien que le plan mis en place par Mario Draghi – sous la pression d’Angela Merkel – a prévu que 80 % du risque serait à la charge de banque centrale nationale pour financer les banques de son propre pays… Ce qui permet d’aider plus les banques allemandes et françaises qu’italiennes, espagnoles ou portugaises. à chacun ses mauvaises créances… Et, en fait, ses mauvaises dettes. 

     

    Politique magazine

     

  • Le « progrès » selon Gustave Thibon ... Une appréciation devenue assez courante, aujourd'hui.

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     « Progrès ?  Le monde, depuis un siècle, évolue à pas de géant. Tout se précipite : le vent du progrès nous coupe la face. Amer symptôme : l'accélération continue est le propre des chutes plutôt que des ascensions. »

     

    Gustave THIBON

     

    L’Échelle de Jacob, Lyon, Lardanchet, 1942 ; dernière édition remaniée : Fayard, 1975