Mardi 27, M. Dumas, accorde un entretien au Figaro, à propos de son livre Politiquement incorrect. Quoi qu’il en dise, on ne saura jamais si l’ancien président du Conseil constitutionnel a effectivement « sauvé la République en 1995 » en validant les comptes de campagne présidentielle « manifestement irréguliers » de MM. Chirac et Balladur. Ce qui est en revanche plus que plausible, c’est qu’il a alors agi, comme il tient à le souligner, par « esprit républicain ». Ce qui revient à dire que - malgré tous les beaux principes de façade - le système républicain reste à lui-même sa propre finalité : dès lors qu’on le croit en danger, sa défense transcende tout principe, toute « valeur ». M. Legrand rejoint, au fond, M. Dumas lorsqu’il évoque, même si c’est pour la déplorer, l’« aristocratisation des élites républicaines » (France Inter, jeudi 29). Derrière la formule de l’éditorialiste, et sans doute bien malgré lui, on peut comprendre que se cache le non-dit d’une caste qui, se perpétuant par auto-reproduction et cooptation, tient le pays grâce à une forme de régime - la République - dont elle tire toute sa puissance.
Entretemps, mercredi 28, M. Houellebecq a répondu aux questions de Mme Elkrief (BFM TV). Rappelant curieusement M. Onfray et certains de ses propos tenus il y a quelques mois sur les ondes de RMC, M. Houellebecq - certes de façon moins méthodique, mais c’est un romancier, non un philosophe -, tient, devant la journaliste apparemment effarée, un discours pour le coup politiquement incorrect puisqu’il constitue une véritable remise en cause du credo républicain, « système de valeurs qui arrive à son terme ». Petite citation à l’usage de Mme Belkacem et de tous les écoliers de France : « 1789, n’est pas le début de l’Histoire de France […] La France ne se limite pas à la période de 1789 à nos jours. C’est un vieux pays. » Mais, ce qui mérite d’être particulièrement relevé, c’est le distinguo, d’une grande pertinence, que M. Houellebecq établit entre la France et la République : « La République est une modalité parmi d’autres ».
Et si elle n’était justement qu’une modalité ? Dans son Journal d’un écrivain, Dostoïevski parle de « la ténuité des racines qui unissent la République au sol français ». Là pourrait résider l’explication de cette mobilisation quasi permanente de « l’aristocratie républicaine » - on vient encore d’en avoir l’illustration avec l’orchestration de la campagne « Je suis Charlie » - pour défendre une situation jamais acquise. Si la République les appelle, si elle se sent de façon chronique en danger, n’est-ce pas parce qu’elle n’est qu’une greffe étrangère, rejetée de façon récurrente et peut-être même inconsciente par le corps socio-national ? Une sorte de parasite…
M. Finkielkraut a raison de rappeler régulièrement que l’être profond de la France est « littéraire », les livres jouant chez nous un rôle essentiel. Ceux de Mme Trierweiler et de M. Zemmour, pour différents qu’ils soient, en sont la preuve récente. Avec ceux de MM. Dumas et Houellebecq se trouve posée, de façon indirecte, la question politique de la légitimité du régime républicain. •