Prise en otage, par Louis-Joseph Delanglade
On y a encore eu droit. Pour faire court : Mme Le Pen et MM. Copé, Désir et Mélenchon nous ont, à l’issue du premier, puis du second, tour des élections municipales, resservi la même soupe électoraliste. Chacun, selon les résultats de son parti, affichant sa satisfaction ou cachant mal son dépit. Tous semblant oublier qu’ils sont bien les seuls à croire encore à leur petit jeu « démocratique » et « citoyen ».
Dans la bouche même de ses thuriféraires, celui-ci finit par se ramener à une sorte de compétition sportive au point d’en emprunter le vocabulaire : on a ainsi entendu journaleux et politiciens professionnels parler de « match » et de « mi-temps (l’entre-deux tours) et même eu droit, de-ci de là, aux « on ne lâchera rien » ou « on a gagné, on a gagné » des affidés et encartés, semblables en cela aux plus excités et avinés des bandes de supporteurs. Minable.
Quel crédit accorder à un système électif dont les résultats sont censés manifester la volonté et la légitimité populaires, lorsque le total des non votants (non inscrits et abstentionnistes) auquel s’ajoutent, de facto, les bulletins blancs ou nuls, dépasse franchement la moitié de la population en âge de voter ? C’est-à-dire que l’élu, le plus souvent, ne représente, en tout cas dans les villes d’une certaine importance, qu’un quart, au mieux un tiers, des électeurs potentiels : n’est-ce pas que le système est complètement décrédité ?
Encore plus grave, parce que relevant cette fois de la vraie politique : il s’agissait d’élections municipales, donc en principe essentiellement « locales ». Or, l’imprégnation idéologique est telle que la quasi-totalité des scrutins concernant les villes - grandes et moyennes - se sont déroulés sous l’interventionnisme direct des états-majors des partis. Ces derniers, poussent même la stupidité jusqu’à se croire propriétaires d’un capital-voix totalement « démotivé », c’est-à-dire sans rapport avec les réalités concrètes induites en l’occurrence par une élection municipale - comme le prouvent les habituels désistements mais aussi certaines alliances qui relèvent de la simple magouille.
On a ainsi presque toujours voté, les 23 et 30 mars, pour ou contre le pouvoir socialiste. Tous l’ont bien sûr affirmé à droite et à l’extrême-gauche. Seul, par pur intérêt conjoncturel, le P.S. a voulu faire semblant un temps de croire le contraire, avant de se contredire – d’abord en laissant fuiter quelques jours avant le premier tour un certain nombre d’« affaires » potentielles visant manifestement à déstabiliser la droite, ensuite par ses annonces à caractère national destinées avant le second tour à faire savoir qu’il avait compris le message.
Il n’y a qu’une leçon politique à tirer de ces élections : la res publica reste plus que jamais l’otage des factions.