Des centaines de cadavres, certains atrocement mutilés, ne laissent désormais aucun doute sur la situation en Centrafrique. Et permettent en tout cas à M. Hollande d’affirmer que l’objectif de l’opération Sangaris est de « sauver des vies humaines » et « d’éviter une catastrophe humanitaire », donnant ainsi raison à ceux de ses adversaires qui veulent n’y voir qu’un moyen de propager ce qu’ils appellent par dérision « l’empire du Bien ». Mais M. Hollande prétend aussi - ce qui laisse sceptique - que « l’intervention sera rapide » et qu’à terme, ce sont les Africains eux-mêmes qui devront être en mesure de réagir.
La réalité est sans doute plus prosaïque. D’abord, le chef de l’Etat s’inscrit, malgré lui et malgré son idéologie, dans la lignée de ses prédécesseurs et même, comme le dit de façon sans doute exagérée M. Domenach, « des rois de France », tant il est vrai qu’on n’échappe pas au poids de l’Histoire.
Plus simplement, M. Guetta (eh oui !) reconnaît que l’intervention au Mali a redoré le blason de la France dans toute l’Afrique et qu’il faut continuer en Centrafrique de façon à assurer conjointement la sécurité de l’Europe et celle de l’Afrique et « ce faisant, d’y nouer et resserrer des liens politiques dont les retombées économiques pourraient être extrêmement profitables à l’emploi français ».
C’est dit : qu’on prenne les choses par un bout ou par l’autre, toute intervention, en l’occurrence française, répond à un intérêt, même caché, même inconscient. De fait, l’Afrique subsaharienne constitue pour la France un enjeu stratégique de première importance, et d’abord parce qu’elle est très riche en ces matières premières qui nous font cruellement défaut. De plus, elle est une opportunité paradoxale en raison de son développement démographique : si l’aider à se développer est indispensable pour notre sécurité, cela peut aussi se révéler très profitable pour notre économie.
Par ailleurs, malgré certains commentaires, il ne s’agit pas, en Centrafrique, de simples affrontements interreligieux mais d’un nouvel épisode de la fièvre islamo-terroriste qui secoue le continent africain. Les milices chrétiennes d’autodéfense ne font que répondre aux tueries et exactions de l’islamique « Séléka », laquelle compte dans ses rangs de nombreux étrangers, notamment soudanais et saoudiens. On sait tout cela à Paris : dès lors, intervenir en Centrafrique relève de la plus élémentaire cohérence après l’opération Serval.
Voilà qui pose, au fond, le vrai problème, celui des moyens. Si la France veut être présente – et c’est son intérêt légitime – en Afrique, il lui faut une armée dotée des moyens ad hoc. Pas de politique étrangère crédible sans une armée efficace. Or, la Loi de Programmation Militaire 2014-2019 ne va pas forcément dans le bon sens car elle ne garantit manifestement pas les moyens humains et matériels nécessaires, prépositionnés en Afrique et/ou basés en métropole.
Donc, M. Hollande, si m’en croyez, soyez chef de l’Etat jusqu’au bout en permettant aux soldats de la France d’être à même d’accomplir leur(s) mission(s) : ce devrait être un investissement rentable.