Laïcité: «Les footballers ne sont pas les meilleurs ambassadeurs auprès des jeunes», par Guillaume Bigot.
La star de MMA Khabib Nurmagomedov. KIRILL KUDRYAVTSEV/AFP
Une publication haineuse à l’égard de la France a été «likée» sur Instagram par plusieurs anciens joueurs de l’équipe de France, souligne Guillaume Bigot. Selon l’éditorialiste, cet acte odieux contraste avec la vidéo de footballers publiée par Jean-Michel Blanquer qui avait pour but de rendre hommage à Samuel Paty en essayant de s’adresser aux jeunes.
Afin de saluer la mémoire de Samuel Paty et de préparer nos enfants à une explication forcément douloureuse, le Ministre de l’éducation nationale a diffusé, à la veille de la rentrée, une pastille vidéo, sur les réseaux sociaux, dans laquelle plusieurs joueurs de l’équipe de France de football défendent l’école et la République.
Le même jour, un joueur de l’OGC Nice, plusieurs joueurs de l’équipe de France de football juniors et trois ex-internationaux français apportaient leur caution à un message ultra-violent à l’égard d’Emmanuel Macron, posté sur Instagram par Khabib, un célèbre sportif musulman originaire du Daguestan.
La superposition de ces deux informations dit tout de la tragédie dans laquelle risque de sombrer une France fracturée par l’absence de croyances collectives des uns et par le fanatisme religieux des autres si le pays ne trouve pas, en lui, les moyens de se ressourcer pour se redresser. La vidéo, pleine de bons sentiments, inspirée de bonnes intentions et commandée par le ministère de l’Éducation nationale laisse pantois lorsqu’on s’efforce de réfléchir à sa signification symbolique.
Si l’on comprend sans peine comment l’idée de recourir à des champions appréciés de tous les enfants, et notamment des gamins issus de l’immigration tentés par le radicalisme musulman, pour passer un message difficile et important a pu germer dans l’esprit du Ministre Blanquer, le décalage entre la figure de Samuel Paty et celle de ces champions de football couverts de gloire et d’argent provoque un malaise.
Les joueurs de l’équipe de France ont beau être d’impressionnants modèles de réussite sportives, ils incarnent le divertissement
Samuel Paty était un homme simple, entièrement dévoué à la cause de la transmission des connaissances et de l’instruction dans une école républicaine conçue comme un havre éducatif qui devait se tenir éloigné des influences et des clameurs de la cité.
Les joueurs de l’équipe de France ont beau être d’impressionnants modèles de réussite sportive, ils incarnent le divertissement. Ils sont tous millionnaires et ultra célèbres et ne sont sans doute pas les mieux placés pour faire comprendre à nos enfants la noblesse de ce fonctionnaire qui, pour un traitement des plus modestes, s’efforçait d’apprendre que tout ne s’achète pas et que la France place au-dessus de toutes les autres réussites, celle de l’esprit et du courage.
Face à des générations qui trop souvent rêvent, pour utiliser le vocabulaire des cités «de faire de la maille» en étant influenceurs sur Insta et qui, parfois dégoûtés par tant de matérialisme et de narcissisme se laissent embrigader au service d’un idéal de frugalité, de piété et d’héroïsme guerrier, Benjamin Pavard et ses camarades étaient-ils les meilleurs remparts de ce que Georges Orwell appelle la décence ordinaire?
Les valeurs que Samuel Paty a transmis à ses élèves au prix de sa vie et que la France doit inculquer à tous ses enfants et qui sont celles du courage, de l’abnégation, de la réflexion et de l’esprit critique ne pouvait-on trouver d’autres ambassadeurs que ces athlètes ultra talentueux mais peu cultivés et qui ne risquent pas leur vie ?
Aucun joueur de confession musulmane ou d’origine africaine n’y témoigne alors qu’ils sont pourtant nombreux
Quitte à prendre une célébrité, on aurait pu choisir un grand soldat ou un grand savant mais justement, nous sommes ici au cœur du processus de diffusion de fausses valeurs post-modernes, plus aucun combattant et plus aucun savant n’est populaire et même connu de la jeunesse. Il est loin le temps où Malraux pouvait s’exclamer sans craindre le ridicule: «Aujourd’hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n’avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la France...» Kim Kardashian et le marketing de son narcissisme vide a depuis longtemps supplanté le souvenir de Marie Curie.
En regardant la vidéo diffusée par Jean-Michel Blanquer, on éprouve un second malaise lié au fait qu’aucun joueur de confession musulmane ou d’origine africaine n’y témoigne alors qu’ils sont pourtant nombreux. Cette contradiction entre le fond du message véhiculé (à savoir que la France est plurielle et qu’elle doit célébrer son unité) et la forme (où à une exception près, seuls des «Gaulois» comme on dit dans les cités s’y expriment) est encore renforcé par une autre absence.
Il manque manifestement les minorités visibles dans ce témoignage mais il manque aussi un mot clé. Ce terme est soigneusement omis. Passons sur le côté faussement spontané de l’expression des joueurs qui témoignent et qui ferait passer la propagande brejnévienne pour une improvisation digne de l’actor’s studio mais leur ode à la tolérance s’achève par ses mots: «vive notre République, vive nos professeurs, vive notre école.» C’est une vidéo à trou comme il existe des textes à trous. Ce rébus concocté par monsieur Blanquer laisse une place béante.
En réalité, nos élites qui préfèrent l’Europe à la France nous ont aussi habitués à utiliser le terme République comme un euphémisme pour parler de notre pays. La République est à la France ce que l’intégration est à l’assimilation. Un terme neutre, passe partout qui ne fâche personne et surtout pas ceux qui semblent bien décidés à rester ici comme ils sont venus, c’est-à-dire, étrangers.
Le message haineux pour la France de la star de MMA, Khabib a également été soutenu (...) par trois anciens joueurs: Benzema, Sakho et Bakayoko.
Cette pudeur sémantique, ce caractère monochrome, figé et presque forcé de cette vidéo qui entend mobiliser la grosse caisse du marketing et des réseaux sociaux, du Name and fame contraste violemment avec l’attitude d’autres joueurs de football célèbres qui jouent en France.
Dans le sillage d’Erdogan qui a joué le même rôle à l’égard des attentats de Nice qu’Abdelkahim Sifrioui à l’égard de Samuel Paty en lançant une sorte de fatwa implicite sur les réseaux sociaux, un champion russe de free fight mondialement célèbre (il ne compte pas moins de 25 millions d’abonnés sur son compte Instagram) du nom de Khabib Nurmagomedov s’est adressé aux Français et à ceux qui les soutiennent sur son compte Instagram: «Vous ne pouvez pas nuire à Mohamed et à sa mémoire.»
Le sportif de 32 ans ultra pratiquant a poursuivi:«Qu’Allah bénisse notre prophète bien-aimé et sa famille.» Puis, il a menacé «qu’Allah écrase son châtiment sur tous ceux» opposés à l’islam radical. Des propos inqualifiables «likés» par Youcef Atal, joueur de l’OGC Nice et international algérien le jour du triple assassinat à Nice.
Le message haineux pour la France de la star de MMA, Khabib a également été soutenu par deux joueurs juniors de l’équipe de France de football, Kimpembe et Faty et par trois anciens joueurs: Benzema, Sakho et Bakayoko.
Voilà qui devraient finir de déciler ceux qui doutent encore de la profonde pénétration de ce cancer idéologique qu’est le fondamentalisme musulman dans la société française
Voilà qui devraient finir de dessiller ceux qui doutent encore de la profonde pénétration de ce cancer idéologique qu’est le fondamentalisme musulman dans la société française, surtout au sein de la jeunesse. Le président Macron se trompe en déclarant, dans son allocution qui annonçait un nouveau renconfinement: «Pour nous, il n’y a rien au-dessus de la vie humaine.» Monsieur Blanquer aurait pu ajouter: pour nous, il n’y a rien au-dessus de la célébrité et de l’argent.
Notre pays se retrouve acculé et bousculé sur son sol et par une partie de sa jeunesse. S’il ne renoue pas avec ce qu’il a été et avec ce qu’il doit redevenir, il risque de sombrer dans l’horreur de la guerre civile. Le meilleur moyen de rallumer une lueur d’espoir et de fierté dans les yeux de nos enfants est aussi le seul de les ressouder comme nation.
Ce moyen, c’est de reprendre le discours que tenait les hussards noirs qui ont forgé notre République française:
«Dans notre France moderne, l’idéal de notre éducation est de faire à la fois des hommes ce qu’ils furent à Athènes et à Sparte. À Athènes, l’homme fut surtout un citoyen épris de liberté politique, d’activité commerciale, d’art et de littérature. À Sparte, il fut uniquement un soldat, exercé chaque jour aux vertus militaires et prêt chaque jour à donner sa vie pour sa patrie.»
Guillaume Bigot est directeur général d’une école supérieure de commerce, éditorialiste sur CNews, auteur de La Populophobie, le gouvernement de l’élite, par l’élite et pour l’élite (Plon).
Source : https://www.lefigaro.fr/vox/