Face à l’ensauvagement : de l’indignation à la conversion, par Jean-Michel Lavoizard.
Source : https://www.bvoltaire.fr/
Le terme « ensauvagement » est controversé. Il dérange les bien-pensants, dont notre nouvel apprenti ministre de la Justice, encore tout émoustillé par sa nomination inattendue qui l’a amené à renier sa parole publique de ne jamais accepter ce poste ministériel. Le mot ne date, pourtant, pas de la multiplication récente des actes exutoires de barbarie perpétrés par des factions de frustrés et d’illuminés sur des innocents et des monuments.
En 2005, la philosophe et politologue Thérèse Delpech (1948-2012) signait, avec L’Ensauvagement – le retour de la barbarie au XXIe siècle, un essai lucide et prospectif, à l’horizon 2025, qui se révèle prophétique. Traitant de l’ensauvagement des relations internationales depuis 1905 et de ses débordements dans les sociétés – on y est –, il pose en filigrane la question, plus que jamais d’actualité, de savoir quelles idées méritent encore que nos « sociétés post-héroïques » prennent des risques pour les défendre.
En effet, cette brillante spécialiste des relations internationales constatait, il y a déjà quinze ans, que « l’Europe, fatiguée de courir le monde et tentée par une sortie de l’Histoire, cultive le romantisme niais de la fin des grands conflits. L’Europe n’est plus un modèle pour le monde. Sa conscience est troublée, son esprit craintif et sa politique introvertie. »
Si l’on estime, comme l’auteur dramatique américain Arthur Miller (1915-2005), qu’une époque est révolue lorsque ses illusions fondamentales se sont évanouies, on doit se demander et plus encore décider si c’est vraiment le cas de la France. Serait-ce inéluctable et irréversible ? Nous ne le croyons pas. De quel manquement serions-nous coupables envers nos ancêtres et notre destinée, et quelle responsabilité d’abandon envers nos héritiers !
Le ministre Dupond-Moretti a beau marteler que la société française a changé depuis l’époque du Code civil napoléonien – ce qui ne veut rien dire et n’oblige personne – pour justifier les dérives immorales, contre-nature et antifrançaises de ses nouveaux maîtres pseudo-progressistes, gardons-nous de la tentation amnésique et périlleuse de rejeter en bloc le passé autant que de nous y accrocher par unique désespoir, en renonçant à tout projet.
Ne sombrons pas dans la nostalgie, laquelle mène à la mélancolie morbide – l’immortalité mélancolique chère à Baudelaire. Celle-ci se caractérise, d’un point de vue psychiatrique, par la prévalence du rapport au passé au détriment du rapport au présent et du projet orienté vers l’avenir. Or, les malades mélancoliques ne sont pas encombrés par leur passé : ils sont coupés du futur et ne voient aucun avenir devant eux, le présent ne leur dit rien, il est vide. Si le manque d’espoir humain nous met sur la réserve, l’espérance chrétienne nous en préserve.
Ne nous laissons donc pas abattre, car l’Histoire n’est jamais préécrite et l’enjeu en vaut la peine. En 1771, le philosophe et encyclopédiste Diderot prévenait, à juste titre, maintes fois vérifié, qu’il est mille fois plus facile pour un peuple éclairé de retourner à la barbarie que pour un peuple barbare d’avancer d’un seul pas vers la civilisation.
Or, la crise existentielle que connaît aujourd’hui le peuple français peut être interprétée comme un appel à une vraie conversion, nouvelle ou renouvelée et approfondie à la culture française authentique, historique, dont les racines et le culte chrétiens sont indissociables.
Nous portons tous une part de responsabilité, active ou passive, dans l’immixtion progressive des idéologies déshumanisantes et mortifères à l’œuvre depuis des décennies de transformations silencieuses et insidieuses qui se sont emparées du pouvoir en France. Puisque nous tous qui déplorons la situation actuelle faisons partie du problème, il nous revient de décider de faire partie aussi de sa solution.
En attendant que « l’homme de la situation » se révèle, que les circonstances feront nécessairement apparaître le moment venu comme à chaque situation de péril national, c’est par notre mobilisation quotidienne, individuelle et collective, visible et audible, que nous créerons les conditions d’une renaissance de la France.
D’une chaîne de réactions d’indignation, déclenchons une réaction en chaîne de conversions.