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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Société • Ce que révèle l'affaire du Burkini

     

    Par Mathieu Bock-Côté           

    Le projet de privatisation d'un parc aquatique le temps d'une journée a finalement été annulé après une vive polémique. Mathieu Bock-Côté analyse ici excellemment [Figarovox, 9.08] comment l'exhibitionnisme identitaire est le vecteur privilégié de l'impérialisme culturel qui anime l'islamisme

     

    3222752275.jpgOn apprenait il y a quelques jours que l'association Smile 13 organisait une journée dans un parc aquatique réservé aux femmes et aux enfants de moins de 10 ans et qu'il serait permis d'y porter le burkini. La polémique a d'abord percé sur les médias sociaux, comme d'habitude, avant d'être reprise par la classe politique et de trouver de l'écho dans la presse internationale. Ce n'est pas surprenant: l'islamisme prend d'abord la forme d'un impérialisme culturel qui progresse dans l'ensemble des sociétés occidentales..

    Ainsi, à Québec, en 2014, le maire Régis Labeaume, malgré ses réticences personnelles et une exaspération qu'il ne parvenait pas à masquer, a cru devoir accepter la présence du burkini dans les piscines publiques de la ville, au nom de la diversité, qui aurait naturellement tous les droits et à laquelle il faudrait se soumettre. Le commun des mortels reconnaît spontanément une provocation identitaire dans l'organisation d'un tel événement: l'islam le plus rigoriste s'installe en France et veut y vivre selon ses propres règles.

    Même si la journée a été annulée, il demeure nécessaire de réfléchir à ce qu'elle représentait. En s'appropriant le SpeedWater Park le temps d'une journée, il s'agit de marquer la présence en France d'un islam radical, étranger aux mœurs françaises, et qui entend le demeurer. On aura beau distinguer le voile ordinaire du voile intégral, les deux témoignent d'une forme d'exhibitionnisme identitaire ayant pour vocation de rendre l'islam visible au cœur de la cité. Le temps d'une journée, ce parc aquatique aurait dû être classé parmi les territoires perdus de la nation. La culture française y aurait été remplacée par une autre.

    L'islamisme s'approprie le corps des femmes pour marquer sa présence physique et symbolique dans les nations qu'il veut conquérir. Naturellement, une frange des élites préfère capituler et se réfugier derrière les droits de l'homme, comme si la politique s'abolissait dans leur célébration systématique. La logique de la soumission est la suivante: puisque le parc aquatique est privé, n'est-il pas permis à n'importe quel groupe de le louer pour une journée et de le soumettre aux règles qu'il voudra ? De quoi la société se mêle-t-elle ?

    C'est l'occasion, aussi, pour plusieurs, de désubstantialiser la laïcité française au nom d'un multiculturalisme qui prétend lutter contre l'islamophobie : on refait ainsi le procès des lois qui entendent réguler l'expression des communautarismes religieux dans l'espace public. On dédramatise la situation et on fait comme si rien ne se passait. Encore une fois, on classe l'événement dans la rubrique des faits divers - c'est-à-dire qu'on en fait un non-événement qui ne mériterait même pas d'être pensé politiquement.

    On ne se leurrera pas : l'islamisme est dans une logique de conquête politique et idéologique. Il veut implanter de manière irrémédiable un islam particulièrement rigoriste au cœur des sociétés occidentales et rendre inimaginable sa critique, sauf à risquer l'accusation d'islamophobie. Il teste comme il peut les défenses occidentales pour voir là où elles cèderont. Il est dans une guerre d'usure. Nos sociétés, qui ne savent plus trop comment assumer politiquement leur héritage de civilisation, semblent désarmées devant lui.

    En les détachant de leur ancrage civilisationnel, l'islamisme joue ce qu'on appelle les valeurs de la république contre la France. Il maquille en droits de l'homme à faire respecter des conquêtes communautaristes. Il dissimule derrière une adhésion aux grands principes de la modernité libérale son implantation territoriale, culturelle et idéologique. La France, sans trop s'en rendre compte, se soumet au système des accommodements raisonnables qui l'amène à voir dans sa propre faiblesse une marque de grandeur et de générosité humanitaire.

    La même situation s'est présentée devant les tribunaux canadiens lorsqu'une immigrante pakistanaise a voulu, en octobre 2015, prêter son serment de citoyenneté en niqab. Les tribunaux et la classe politique lui ont donné raison au nom des droits de l'homme. Dans un pays qui passe pour le Disneyland diversitaire du nouveau monde, on a normalisé juridiquement et culturellement un symbole qui consacre l'infériorisation des femmes au nom des droits de l'homme. L'individualisme radical rend invisible le conflit des cultures.

    Mais une évidence reprend ses droits : ce sont moins des valeurs abstraites qui font un pays que sa culture et ses mœurs. Dans les faits, la mise en place de zones plus ou moins officiellement soumises à une forme d'apartheid sexuel correspondent à la défrancisation programmée de parcelles du territoire national. Celle qui revêt le burkini déclare en fait de manière agressive sa non-appartenance au monde occidental. Et une association qui organise une activité où celui-ci sera à l'honneur pratique, quoi qu'on en pense, le militantisme politique le plus radical.

    D'ailleurs, au même moment où la culture nationale s'efface, c'est la souveraineté nationale qui devient inopérante. La France n'est plus la bienvenue chez elle. On devine qu'elle ne reprendra ses droits dans ces espaces dénationalisés qu'avec une grande résolution politique. Évidemment, encore une fois, on ne manquera pas d'esprits subtils occupés à réinventer une nouvelle définition de la France pour la rendre conforme à sa multiculturalisation. Il est toujours plus facile de jouer avec les mots et de fuir la réalité que d'affronter lucidement cette dernière.

    C'est une chose, et une bonne chose, naturellement, de permettre aux musulmans de vivre librement leur foi dans nos sociétés qui peuvent à bon droit se faire une fierté de leur respect de la liberté de conscience. C'en est une autre, toutefois, de consentir à une forme d'effacement de la culture de la société d'accueil, comme si elle était optionnelle dans son propre pays. Si les pays occidentaux doivent être naturellement accueillants envers leurs citoyens musulmans, ils n'ont pas toutefois, à se transformer en terre d'Islam.

    Pour vraiment s'intégrer aux pays qui l'accueillent, la religion musulmane devra s'occidentaliser et se transposer dans une culture qui l'obligera à transformer son rapport à l'inscription sociale de la foi. Les musulmans devraient moins chercher à rendre leur religion la plus visible possible dans la cité que s'acculturer aux mœurs occidentales et miser sur une pratique religieuse moins conquérante, qu'il s'agisse de la taille des mosquées et des minarets, des prières de rue ou encore des signes religieux ostentatoires.

    Le nouvel arrivant, dans un pays, doit envoyer le signal qu'il en respectera les coutumes et les usages. C'est sa manière de dire qu'il sait qu'il arrive dans un monde qui est déjà-là et auquel il est prêt à s'intégrer en profondeur, notamment en reconnaissant et en respectant la nature profonde de la civilisation qu'il rejoint. On aime dire qu'à Rome, on doit faire comme les Romains. La formule demeure plus que valable et devrait commander une refondation sérieuse de nos politiques d'intégration.   

    Mathieu Bock-Côté       

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada.    

  • Discours d'Alexandre Soljenitsyne, le samedi 25 septembre 1993, aux Lucs-sur-Boulogne

    Dans ce discours, Soljenitsyne dit le mal qu'il faut penser de toute révolution. De la nôtre en particulier. Il critique ses racines idéologiques elles-mêmes, les illusions des Lumières, la devise de notre République, les « organisateurs rationalistes du bonheur du peuple »...

    On notera que tel est l'objet profond de nos analyses, dans ce quotidien lafautearousseau.

    Sur la réalité des révolutions, sur les horreurs qu'elles engendrent, sa pensée se "dédouble" dans une vision grandiose et universelle des maux que le monde a connus de leur fait, aux XIXème et XXème siècles. Il appelle de ses voeux le temps où seront érigés, en Russie, des monuments pour témoigner de cette barbarie et souhaite que les Français en fassent autant, non seulement comme objet de mémoire, mais aussi, mais surtout, comme condition d'une renaissance. 

    Soljenitsyne ouvre à notre réflexion de multiples « pistes » avec, à l'instar du pape Jean-Paul II, la force et l'autorité d'un témoin, d'une victime, en définitive victorieuse. Lafautearousseau 

     

    1021349285.jpgTexte intégral du discours prononcé par Alexandre Soljenitsyne, , aux Lucs-sur-Boulogne, le samedi 25 septembre 1993 pour l'inauguration de l'Historial de Vendée . 

    M. le président du Conseil général de la Vendée, chers Vendéens,           

    Il  y a deux tiers de siècle, l'enfant que j’étais lisait déjà avec admiration dans les livres les récits évoquant le soulèvement de la Vendée, si courageux, si désespéré. Mais jamais je n'aurais pu imaginer, fût-ce en rêve, que, sur mes vieux jours, j'aurais l'honneur d’inaugurer le monument en l'honneur des héros et des victimes de ce soulèvement.            

    Vingt décennies se sont écoulées depuis : des décennies diverses selon les divers pays. Et non seulement en France, mais aussi ailleurs, le soulèvement vendéen et sa répression sanglante ont reçu des éclairages constamment renouvelés. Car les événements historiques ne sont jamais compris pleinement dans l'incandescence des passions qui les accompagnent, mais à bonne distance, une fois refroidis par le temps.

    Longtemps, on a refusé d'entendre et d'accepter ce qui avait été crié par la bouche de ceux qui périssaient, de ceux que l'on brûlait vifs, des paysans d'une contrée laborieuse pour lesquels la Révolution semblait avoir été faite et que cette même révolution opprima et humilia jusqu'à la dernière extrémité.

    Eh bien oui, ces paysans se révoltèrent contre la Révolution. C’est que toute révolution déchaîne chez les hommes, les instincts de la plus élémentaire barbarie, les forces opaques de l'envie, de la rapacité et de la haine, cela, les contemporains l'avaient trop bien perçu. Ils payèrent un lourd tribut à la psychose générale lorsque le fait de se comporter en homme politiquement modéré - ou même seulement de le paraître - passait déjà pour un crime.            

    C'est le XXème siècle qui a considérablement terni, aux yeux de l'humanité, l'auréole romantique qui entourait la révolution au XVIIIème. De demi-siècles en siècles, les hommes ont fini par se convaincre, à partir de leur propre malheur, de ce que les révolutions détruisent le caractère organique de la société, qu'elles ruinent le cours naturel de la vie, qu'elles annihilent les meilleurs éléments de la population, en donnant libre champ aux pires. Aucune révolution ne peut enrichir un pays, tout juste quelques débrouillards sans scrupules sont causes de mort innombrables, d'une paupérisation étendue et, dans les cas les plus graves, d'une dégradation durable de la population.

    Le mot révolution lui-même, du latin revolvere, signifie rouler en arrière, revenir, éprouver à nouveau, rallumer. Dans le meilleur des cas, mettre sens dessus dessous. Bref, une kyrielle de significations peu enviables. De nos jours, si de par le monde on accole au mot révolution l'épithète de «grande», on ne le fait plus qu'avec circonspection et, bien souvent, avec beaucoup d'amertume.

    Désormais, nous comprenons toujours mieux que l'effet social que nous désirons si ardemment peut être obtenu par le biais d'un développement évolutif normal, avec infiniment moins de pertes, sans sauvagerie généralisée. II faut savoir améliorer avec patience ce que nous offre chaque aujourd'hui. II serait bien vain d'espérer que la révolution puisse régénérer la nature humaine. C'est ce que votre révolution, et plus particulièrement la nôtre, la révolution russe, avaient tellement espéré.

    La Révolution française s'est déroulée au nom d'un slogan intrinsèquement contradictoire et irréalisable : liberté, égalité, fraternité. Mais dans la vie sociale, liberté et égalité tendent à s'exclure mutuellement, sont antagoniques l'une de l'autre! La liberté détruit l'égalité sociale - c'est même là un des rôles de la liberté -, tandis que l'égalité restreint la liberté, car, autrement, on ne saurait y atteindre. Quant à la fraternité, elle n'est pas de leur famille. Ce n'est qu'un aventureux ajout au slogan et ce ne sont pas des dispositions sociales qui peuvent faire la véritable fraternité. Elle est d'ordre spirituel. 

    1630734882.jpgLa liberté et l'égalité s'excluent mutuellement. Et, en guise de fraternité, la Convention pratiqua le génocide !...

    Au surplus, à ce slogan ternaire, on ajoutait sur le ton de la menace : « ou la mort», ce qui en détruisait toute la signification. Jamais, à aucun pays, je ne pourrais souhaiter de grande révolution. Si la révolution du XVIIIème siècle n'a pas entraîné la ruine de la France, c'est uniquement parce qu'eut lieu Thermidor.

    La révolution russe, elle, n'a pas connu de Thermidor qui ait su l'arrêter. Elle a entraîné notre peuple jusqu'au bout, jusqu'au gouffre, jusqu'à l'abîme de la perdition. Je regrette qu'il n'y ait pas ici d'orateurs qui puissent ajouter ce que l'expérience leur a appris, au fin fond de la Chine, du Cambodge, du Vietnam, nous dire quel prix ils ont payé, eux, pour la révolution. L'expérience de la Révolution française aurait dû suffire pour que nos organisateurs rationalistes du bonheur du peuple en tirent les leçons. Mais non ! En Russie, tout s'est déroulé d'une façon pire encore et à une échelle incomparable.           

    De nombreux procédés cruels de la Révolution française ont été docilement appliqués sur le corps de la Russie par les communistes léniniens et par les socialistes internationalistes. Seul leur degré d'organisation et leur caractère systématique ont largement dépassé ceux des jacobins. Nous n'avons pas eu de Thermidor, mais - et nous pouvons en être fiers, en notre âme et conscience - nous avons eu notre Vendée. Et même plus d'une. Ce sont les grands soulèvements paysans, en 1920-21. J'évoquerai seulement un épisode bien connu : ces foules de paysans, armés de bâtons et de fourches, qui ont marché sur Tanbow, au son des cloches des églises avoisinantes, pour être fauchés par des mitrailleuses. Le soulèvement de Tanbow s'est maintenu pendant onze mois, bien que les communistes, en le réprimant, aient employé des chars d'assaut, des trains blindés, des avions, aient pris en otages les familles des révoltés et aient été à deux doigts d'utiliser des gaz toxiques. Nous avons connu aussi une résistance farouche au bolchévisme chez les Cosaques de l'Oural, du Don, étouffés dans les torrents de sang. Un véritable génocide.     

    En inaugurant aujourd'hui le mémorial de votre héroïque Vendée, ma vue se dédouble. Je vois en pensée les monuments qui vont être érigés un jour en Russie, témoins de notre résistance russe aux déferlements de la horde communiste. Nous avons traversé ensemble avec vous le XXème siècle. De part en part un siècle de terreur, effroyable couronnement de ce progrès auquel on avait tant rêvé au XVIIIème siècle. Aujourd'hui, je le pense, les Français seront de plus en plus nombreux à mieux comprendre, à mieux estimer, à garder avec fierté dans leur mémoire la résistance et le sacrifice de la Vendée.  Alexandre SOLJENITSYNE 

     

    GRANDS TEXTES I

    Totalitarisme ou Résistance ? Vendée, "Guerres de Géants" (Album Lafautearousseau)

     

  • Retour vers Soljenitsyne, le 25 septembre 1993, aux Lucs-sur-Boulogne : une critique historique et idéologique fondament

     

    En introduction à la note précédente, nous nous sommes permis de marquer notre point de vue : pour être efficiente, servir la pensée politique, être utile au pays, la critique du Système, que nous sommes désormais nombreux à faire, se doit de le définir et de remonter jusqu'à sa source. C'est ce que fait ici Soljenitsyne en homme qui a éprouvé dans sa vie même les horreurs qu'il rappelle. Non pas seulement pour lui-même et pour son pays. Mais aussi pour le monde et particulièrement pour la France parce qu'elle est à l'origine des Révolutions de l'époque moderne. Soljenitsyne remonte ici aux sources historiques et idéologiques du Système que nous subissons encore aujourd'hui. C'est, selon nous, ce qu'il convient que nous fassions. Et c'est pourquoi nous republions aujourd'hui ce texte important, qui nous est, d'ailleurs, souvent réclamé.  Lafautearousseau   

    1021349285.jpgTexte intégral du discours prononcé par Alexandre Soljenitsyne, , aux Lucs-sur-Boulogne, le samedi 25 septembre 1993 pour l'inauguration de l'Historial de Vendée . 

    Monsieur le président du Conseil général de la Vendée, chers Vendéens,           

    Il  y a deux tiers de siècle, l'enfant que j’étais lisait déjà avec admiration dans les livres les récits évoquant le soulèvement de la Vendée, si courageux, si désespéré. Mais jamais je n'aurais pu imaginer, fût-ce en rêve, que, sur mes vieux jours, j'aurais l'honneur d’inaugurer le monument en l'honneur des héros et des victimes de ce soulèvement.            

    Vingt décennies se sont écoulées depuis : des décennies diverses selon les divers pays. Et non seulement en France, mais aussi ailleurs, le soulèvement vendéen et sa répression sanglante ont reçu des éclairages constamment renouvelés. Car les événements historiques ne sont jamais compris pleinement dans l'incandescence des passions qui les accompagnent, mais à bonne distance, une fois refroidis par le temps.

    Longtemps, on a refusé d'entendre et d'accepter ce qui avait été crié par la bouche de ceux qui périssaient, de ceux que l'on brûlait vifs, des paysans d'une contrée laborieuse pour lesquels la Révolution semblait avoir été faite et que cette même révolution opprima et humilia jusqu'à la dernière extrémité.

    Eh bien oui, ces paysans se révoltèrent contre la Révolution. C’est que toute révolution déchaîne chez les hommes, les instincts de la plus élémentaire barbarie, les forces opaques de l'envie, de la rapacité et de la haine, cela, les contemporains l'avaient trop bien perçu. Ils payèrent un lourd tribut à la psychose générale lorsque le fait de se comporter en homme politiquement modéré - ou même seulement de le paraître - passait déjà pour un crime.            

    C'est le XXème siècle qui a considérablement terni, aux yeux de l'humanité, l'auréole romantique qui entourait la révolution au XVIIIème. De demi-siècles en siècles, les hommes ont fini par se convaincre, à partir de leur propre malheur, de ce que les révolutions détruisent le caractère organique de la société, qu'elles ruinent le cours naturel de la vie, qu'elles annihilent les meilleurs éléments de la population, en donnant libre champ aux pires. Aucune révolution ne peut enrichir un pays, tout juste quelques débrouillards sans scrupules sont causes de mort innombrables, d'une paupérisation étendue et, dans les cas les plus graves, d'une dégradation durable de la population.

    Le mot révolution lui-même, du latin revolvere, signifie rouler en arrière, revenir, éprouver à nouveau, rallumer. Dans le meilleur des cas, mettre sens dessus dessous. Bref, une kyrielle de significations peu enviables. De nos jours, si de par le monde on accole au mot révolution l'épithète de «grande», on ne le fait plus qu'avec circonspection et, bien souvent, avec beaucoup d'amertume.

    Désormais, nous comprenons toujours mieux que l'effet social que nous désirons si ardemment peut être obtenu par le biais d'un développement évolutif normal, avec infiniment moins de pertes, sans sauvagerie généralisée. II faut savoir améliorer avec patience ce que nous offre chaque aujourd'hui. II serait bien vain d'espérer que la révolution puisse régénérer la nature humaine. C'est ce que votre révolution, et plus particulièrement la nôtre, la révolution russe, avaient tellement espéré.

    La Révolution française s'est déroulée au nom d'un slogan intrinsèquement contradictoire et irréalisable : liberté, égalité, fraternité. Mais dans la vie sociale, liberté et égalité tendent à s'exclure mutuellement, sont antagoniques l'une de l'autre! La liberté détruit l'égalité sociale - c'est même là un des rôles de la liberté -, tandis que l'égalité restreint la liberté, car, autrement, on ne saurait y atteindre. Quant à la fraternité, elle n'est pas de leur famille. Ce n'est qu'un aventureux ajout au slogan et ce ne sont pas des dispositions sociales qui peuvent faire la véritable fraternité. Elle est d'ordre spirituel. 

    1630734882.jpgLa liberté et l'égalité s'excluent mutuellement. Et, en guise de fraternité, la Convention pratiqua le génocide !...

    Au surplus, à ce slogan ternaire, on ajoutait sur le ton de la menace : « ou la mort», ce qui en détruisait toute la signification. Jamais, à aucun pays, je ne pourrais souhaiter de grande révolution. Si la révolution du XVIIIème siècle n'a pas entraîné la ruine de la France, c'est uniquement parce qu'eut lieu Thermidor.

    La révolution russe, elle, n'a pas connu de Thermidor qui ait su l'arrêter. Elle a entraîné notre peuple jusqu'au bout, jusqu'au gouffre, jusqu'à l'abîme de la perdition. Je regrette qu'il n'y ait pas ici d'orateurs qui puissent ajouter ce que l'expérience leur a appris, au fin fond de la Chine, du Cambodge, du Vietnam, nous dire quel prix ils ont payé, eux, pour la révolution. L'expérience de la Révolution française aurait dû suffire pour que nos organisateurs rationalistes du bonheur du peuple en tirent les leçons. Mais non ! En Russie, tout s'est déroulé d'une façon pire encore et à une échelle incomparable.           

    De nombreux procédés cruels de la Révolution française ont été docilement appliqués sur le corps de la Russie par les communistes léniniens et par les socialistes internationalistes. Seul leur degré d'organisation et leur caractère systématique ont largement dépassé ceux des jacobins. Nous n'avons pas eu de Thermidor, mais - et nous pouvons en être fiers, en notre âme et conscience - nous avons eu notre Vendée. Et même plus d'une. Ce sont les grands soulèvements paysans, en 1920-21. J'évoquerai seulement un épisode bien connu : ces foules de paysans, armés de bâtons et de fourches, qui ont marché sur Tanbow, au son des cloches des églises avoisinantes, pour être fauchés par des mitrailleuses. Le soulèvement de Tanbow s'est maintenu pendant onze mois, bien que les communistes, en le réprimant, aient employé des chars d'assaut, des trains blindés, des avions, aient pris en otages les familles des révoltés et aient été à deux doigts d'utiliser des gaz toxiques. Nous avons connu aussi une résistance farouche au bolchévisme chez les Cosaques de l'Oural, du Don, étouffés dans les torrents de sang. Un véritable génocide.     

    En inaugurant aujourd'hui le mémorial de votre héroïque Vendée, ma vue se dédouble. Je vois en pensée les monuments qui vont être érigés un jour en Russie, témoins de notre résistance russe aux déferlements de la horde communiste. Nous avons traversé ensemble avec vous le XXème siècle. De part en part un siècle de terreur, effroyable couronnement de ce progrès auquel on avait tant rêvé au XVIIIème siècle. Aujourd'hui, je le pense, les Français seront de plus en plus nombreux à mieux comprendre, à mieux estimer, à garder avec fierté dans leur mémoire la résistance et le sacrifice de la Vendée.  Alexandre SOLJENITSYNE 

  • MEDIATEURS et DIPLOMATES, par Frédéric Winkler.

    Mon père, tu as apporté dans ces lieux l’art de la guerre de ce monde qui est au-delà du grand lac ; nous savons que dans cet art tu es un grand maître, mais pour la science et la ruse des découvertes, pour la connaissance de ces bois et la façon d’y faire la guerre nous l’emportons sur toi. Consulte-nous et tu t’en trouveras bien. » (Déclaration d’un Sachem au marquis de Montcalm, 5 aout 1757).

    ftédéric winkler.jpgEn septembre 1678, Daniel Greysolon Dulhut réunit les Sioux et les Sauteux dans une alliance Française : « Je crus ne mieux pouvoir cimenter (l’alliance) qu’en faisant des mariages réciproques des nations les unes avec les autres… » Tour à tour ambassadeur puis militaire (ancien de la campagne de Franche-Comté, survivant de la bataille de Seneffe, Belgique 11 aout 1674), il renforce Michillimakinac, stoppant les anglais vers le Michigan. Il bloque les accès vers le lac Nipigon, à la rivière Albany et à la baie d’Hudson, par les forts Kaministiquia, La Manne et la Tourette…
    Les officiers français étaient rompus aux méthodes et pratiques diplomatiques. Il fallait savoir, argumenter et persuader en permanence, chef de paix comme médiateur ou chef de guerre à la tête des guerriers.
    Les amérindiens et les français vivent en fait, mélangés. On donne aux soldats méritants, comme aux amérindiens, des décorations : «…l’Iroquois, qui est un des chefs de sa bande des Minéouakatons, qui est un bon sujet, se flatte d’avoir la médaille et il la mérite aussi, M., si vous jugez à propos de lui donner. Ouapaté est le second chef d’une bande de Matatons, qui est aussi un bon sujet, qui vous porte la médaille de son oncle Ouakatapé pour en avoir une plus grande, comme M.feu le Marquis de Lajonquière lui avait promis. La Marchandise, autrement dit Makasant est le chef de la bande du Bœuf, à qui feu M. Lajonquière avait promis une médaille lorsqu’il viendrait le voir ; et je puis vous assurer M., qu’il la mérite » (Journal de Marin, fils 1753-1754).
    Les ingénieurs Français collaborent avec les Amérindiens pour dessiner les cartes de l'Amérique. On se fait soigner chez les Amérindiens, car leur médecine était considérée comme plus efficace. Les abus et trafics de certains sur ce que la métropole envoyait à l’Amérique contribua fortement à la disparition de notre présence, comme le dit si bien le Marquis de Montcalm : « si les sauvages avoient le quart de ce que l’on suppose dépensé pour eux, le Roy auroit tous ceux de l’Amérique et les Anglois aucuns » (12 avril 1759, au Maréchal de Belle Isle). En 1754, le chevalier de Raymond, qui avait été en charge du fort des Miamis écrit que : « L’attention d’un officier qui commande chez les nations sauvages doit donc entrer dans le sens, dans l’esprit de leur pensée et savoir la pénétrer dans le sens figuré et parabolique dont ils s’expriment et leur répondre dans le même sens et le même genre ; d’avoir l’attention de garder leurs colliers et de les envoyer au général, avec les paroles des sauvages et les réponses qu’il leur a faites » ; Bougainville écrivait : « Les Iroquois m’ont adopté dans ce festin et m’ont donné le nom de Garoniatsigoa, qui veut dire : le Grand Ciel en Courroux. Me voilà donc chef de guerre iroquois. Ma famille est celle de la Tortue… ». Les officiers français étaient les médiateurs entre les rivalités amérindiennes. Les forts devenaient des lieux d’échange où se pratiquaient les alliances. Lieux de refuge aussi pour les nations Amérindiennes, en cas de danger. Le contact, le métissage, comme l’intégration dans un réseau de parenté avec les amérindiens, amenaient l’échange de nombreux traits culturels. Une vie communautaire rythmée, avec ses tensions, son organisation sociale, écoutons la conclusion d’Arnaud Balvay dans « L’Epée et la Plume » : « Il ne s’agit donc pas d’une société « moitié-policée moitié-sauvage »comme en rêvait Diderot mais plutôt d’une société composée d’éléments mixtes ayant des cultures différentes et vivant selon un mode autochtone. » Nous avons tenu grâce à notre politique Amérindienne, écoutons Bougainville : « C’est l’affection qu’ils nous portent qui jusqu’à présent a conservé le Canada ». Notre alliance, depuis Champlain avec les Hurons, en passant par le sacrifice de Dollard des Ormeaux, au coude à coude avec eux, pour défendre Montréal, restèrent dans les esprits…
    Lors de l’attaque de William Henry, étaient présents les alliés amérindiens de diverses tribus. Un grand nombre de médailles à l’effigie du Roi, dont nos alliés, raffolaient comme signe d’une certaine noblesse, fut distribuée. Carillon fut le « zénith de l’alliance militaire franco-amérindienne » (G.Havard). L’influence française permettait de réunir des alliés amérindiens se haïssant, comme les Iroquois, détestés des autres tribus. Bougainville cite pour les relations avec les amérindiens : 3 prêtres, 11 interprètes et 13 officiers des troupes de marine. Il fallait pour les officiers payer de leur personne, pour enlever l’adhésion de ces alliés indisciplinés, comme le fit en son temps le gouverneur Frontenac, dansant avec eux. « Le marquis de Montcalm est parti aujourd’hui avec Mrs Rigaud, de Saint-Luc, de Longueuil fils et l’abbé Piquet pour aller chanter la guerre. Je l’ai chantée au nom du marquis de Montcalm, ce qui a été fort applaudi » (Bougainville). Thomas Chapais rapportait : « …sans eau de vie, avec son seul prestige personnel, sa seule parole, sa seule influence persuasive, en multipliant les conseils et les conférences, il était parvenu à diriger, à faire marcher et faire participer aux opérations près de 2 000 Sauvages de trente-deux nations différentes ».
    Il ne faut pas oublier, n’en déplaise alors aux officiers réguliers, que les amérindiens étaient des alliés « autonomes ». La perte de crédibilité des français, suite aux défaites successives, eut une répercussion terrible chez eux qui précipita la chute de la Nouvelle-France. La manière dont les amérindiens étaient considérés par les « métropolitains » n’arrangeait rien. Les britanniques en profitèrent pour promettre « mondes et merveilles », offrant les meilleurs tarifs pour les peaux, scalps, eau de vie, sans compter les produits manufacturés fabriqués en série depuis longtemps en Angleterre. Bougainville se plaint ainsi, le 12 janvier 1759, que « les marchandises de traite avec les Sauvages manquent presque entièrement ». Il avait évalué deux ans plus tôt le coût annuel des présents aux tribus des Pays d’en Haut à « 150 000 francs », somme colossale si on considère que Pehr Kalm évaluait, en 1749, le coût d’un bon cheval à environ cent francs. Cela donne une idée de ce que pouvait représenter le budget alloué aux présents « diplomatiques » destinés aux Amérindiens… La chute du fort Frontenac eut à ce titre un impact des plus néfastes sur la position française, que ce soit sur un plan militaire ou économique. C’est en effet par ce poste, ainsi que par celui de Niagara, que l’essentiel de la traite et donc, des contacts avec les tribus des Pays d’en Haut, se faisait. Dans la mesure où Fort Frontenac servait de base pour le ravitaillement des postes de traite de l’ouest, la perte des marchandises ajoutée à celles des vaisseaux allaient avoir des conséquences catastrophiques sur le commerce avec les tribus des Pays d’en Haut, ainsi que sur les capacités de défense des implantations de l’Ohio. Il en découla, l’abandon des forts Presqu’île et Le Bœuf. Les garnisons des forts de l’ouest, comme Machault, seront livrées à eux-mêmes et privées de leurs précieux auxiliaires. La traite des fourrures se trouva suspendue, augmentant encore les difficultés économiques de la colonie et il n’est plus possible de disposer de bases en vue de raids sur la Pennsylvanie ou sur la Virginie. Il en sera de même pour la chute des forts Duquesne et Niagara. Evoquant ce dernier poste en 1757, Bougainville avait en effet insisté sur le fait qu’il était « la clef des Pays d’en Haut ». C’est pourquoi la colonne de secours commandée par le capitaine de Lignery, officier réputé des Troupes de la Marine, représentait les dernières forces de l’ouest. Pour Henri-Raymond Casgrain, c’était en quelque sorte le « sursaut du monde colonial français : de toutes les hordes américaines réunies sous les bannières de France, celle-ci était certainement une des plus extraordinaires qu’on eut entrevues [...]. Elle renfermait les éléments les plus disparates, [...] depuis le gentilhomme canadien endurci aux courses jusqu’au sang-mêlé retroussant ses cheveux avec des plumes d’oiseaux et fier de son tatouage aussi bien que des scalps flottant à sa ceinture. » (La Petite Guerre et la Chute de la Nouvelle France, Laurent Nerich). (livre disponible chez l'auteur : http://fredericporetti.canalblog.com/)

  • Crise avec la Turquie : Doit-on saborder la flotte de Toulon ?, par Olivier Perceval.

    Un ami m’a rapporté qu’au cours d’une sortie en mer très récemment, il a pu voir, en plus du porte-avion Charles De gaulle, notamment trois BCP et quatre frégates de premier rang (les 2 “Horizon” anti aérienne et 2 FREMM) plus toute une flottille, en mouillage dans la rade de Toulon.

    Après les incidents entre la frégate Courbet et trois frégates turques au mois de juin, devant les côtes de Lybie qui n’hésitèrent pas à «  illuminer  » avec leurs radars le navire français, c’est-à-dire procéder à une menace imminente d’attaque et ainsi poser un acte de guerre, le ministre de la défense, Florence Parly, a porté l’affaire devant le secrétariat général de l’OTAN, puisqu’il s’agissait d’un grave incident entre deux pays appartenant à l’organisation atlantique. Dans un premier temps, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, n’a pas explicitement évoqué cet incident lors de la conférence de presse donnée à l’issue de la première journée de la réunion des ministres de la Défense des pays membres de l’Alliance. Au plus a-t-il admis des «  différences  », voire des «  désaccords  » entre Alliés, comme il y en a déjà eu par le passé. Mais, le 18 juin, l’ex-premier ministre norvégien n’a pas pu faire autrement que d’aborder le sujet… D’autant que, au moment de l’incident, la frégate Courbet était en mission pour le compte de l’OTAN (ce qui n’était pas le cas des navires turcs).

    «  L’incident en Méditerranée a été abordé en réunion par plusieurs alliés. Nous avons fait en sorte que les autorités militaires de l’OTAN enquêtent sur l’incident afin de faire toute la lumière sur ce qui s’est passé  » a en effet déclaré M. Stoltenberg. «  Je pense que c’est la meilleure façon, maintenant, de le faire – de clarifier réellement ce qui s’est passé  », a-t-il insisté.

    Reste à voir combien de temps prendra cette enquête… Et les conclusions qui en seront tirées.

    Parallèlement, et ne pouvant ignorer cette tension internationale montante et impliquant la France, au cours de l’Audition du CEMAT (Chef d’État Major de l’Armée de Terre) par la commission de la défense de l’Assemblée nationale, portant sur la nouvelle vision stratégique de l’armée de Terre, le 17 juin 2020, celui -ci déclara en substance :

    «  La première conclusion est que nous arrivons peut-être à la fin d’un cycle de la conflictualité qui a duré 20 ans où l’effort de nos armées s’est concentré sur le combat contre le terrorisme militarisé. (…) Il nous faut réapprendre la grammaire de la guerre de haute intensité. La deuxième conclusion est que le risque d’escalade militaire est très élevé.  »

    Il ne faut pas tirer de conclusions hâtives sur ces deux faits concomitants qu’il faut aussi inscrire dans les grands mouvements de plaques tectoniques des grandes puissances, États-Unis, Chine, Russie, Inde, Turquie …

    Il est clair que l’entrainement de nos troupes pour des conflits asymétriques est en train d’évoluer vers la perspective d’augmentation d’intensité, autrement dit les futurs adversaires pourraient être autre chose que des djihadistes en Toyota dans le Sahel.

    Jean Dominique Merchet , journaliste spécialiste des questions de défense rapportait il y a quelques mois l’impression que donnait l’armée turque aux observateurs militaires français en Syrie  :

    «  En octobre dernier, l’opération « Source de paix » contre les forces kurdes a retenu l’attention de l’armée de terre. « Les Turcs ont alors engagé 80 000 hommes pendant vingt jours, sur un front de plus de 300 kilomètres », souligne un officier. « Avec des chars lourds, de l’artillerie et une vingtaine de drones armés au-dessus d’eux », ajoute-t-il. Ces moyens ont permis à l’armée turque de briser en quelques jours le proto-Etat kurde du Rojava, en prenant le contrôle d’un secteur d’environ 150 km sur une profondeur de 30 km, soit l’équivalent d’un petit département français.

     Vu de Paris, c’est l’effet de « masse » ou d’« épaisseur » (ce dernier mot est plus à la mode) qui est pointé. Surtout en comparaison de la situation française, où la qualité prime souvent sur la quantité. La Force opérationnelle terrestre (FOT), c’est-à-dire la capacité de combat de l’armée de terre, est de 77 000 hommes et celle-ci doit pouvoir en « projeter » 15 000 à l’étranger en cas d’« événement majeur ». Même si elle a l’avantage d’intervenir à ses frontières, la Turquie joue au-dessus de cette catégorie.

    En termes d’équipement, l’armée française dispose de moins de drones que son homologue turcqui vient de faire une démonstration de ses capacités dans la poche d’Idlib. Quant à l’artillerieles quatre ( !) canons Caesar déployés en Irak de 2016 à 2019 ont « quasiment épuisé » le stock d’obus de 155 mm. « La puissance sans la résilience n’est rien : pour durer, il nous faut un stock de munitions et de pièces détachées », analyse un proche du dossier, qui ajoute que l’armée turque s’appuie désormais sur un « outil industriel national », gage d’« autonomie stratégique ». (Les Echos)

    Et oui, quitte à passer pour des nationalistes repliés sur nous-mêmes, la lèpre quoi, nous devons convenir que l’autonomie stratégique est nécessaire pour faire la guerre…

    Revenons à nos bateaux  : Est-ce un hasard si nos forces maritimes de souveraineté se trouvent en mouillage à Toulon  ? On pourrait penser que de futures manœuvres se préparent, d’autant qu’un autre pays de l’OTAN, la Grèce, se mobilise contre les provocations agressives de la Turquie. Cette présence à quai signifie-t-elle que l’on prépare, sinon une riposte, du moins une affirmation de la puissance française  ? Car nous n’avons pas à rougir de notre marine qui a réappris à faire la guerre en Lybie. Et pourtant nous n’obtiendrons vraisemblablement pas réparation.

    Mais au fait, à quoi sert vraiment l’OTAN aujourd’hui, si ce n’est à appliquer des consignes de plus en plus confuses du Pentagone  ?

    On peut également penser que la volonté des autorités serait de placer nos navires à l’abri, tant que l’OTAN ne se positionne pas clairement sur cette affaire promise à un enterrement de première classe.

    Si nous continuons à attendre les ordres de Jens Stoltenberg, valet norvégien de l’Amérique/Europe, il se pourrait qu’il exige, peut-être dans un élan grandiloquent d’honneur mal placé, mais plus certainement dans un esprit de soumission et d’acceptation trouillarde des évènements, un nouveau sabordage (symbolique) de type humiliation. Mais alors, où se situerait l’intérêt de la France  ? Il serait intéressant de connaître l’avis de notre diplomatie ainsi que de notre état-major à ce sujet…

  • GRANDS TEXTES (1) : Discours intégral d'Alexandre Soljenitsyne en Vendée.

    Nous inaugurons – avec ce discours d’Alexandre SOLJÉNITSYNE – une nouvelle catégorie de notes : celle de ce que nous nommerons les "Grands textes" parce qu’ils ouvrent la réflexion sur les perspectives de l’essentiel.

     

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    Dans ce discours, Soljénitsyne dit le mal qu'il faut penser de toute révolution. De la nôtre en particulier. Il critique ses racines idéologiques elles-mêmes, les illusions des Lumières, la devise de notre République, les "organisateurs rationnalistes du bonheur du peuple"...

    On notera que tel est l'objet profond de nos analyses, sur ce quotidien lafautearousseau.

    Sur la réalité des révolutions, sur les horreurs qu'elles engendrent, sa pensée se "dédouble" dans une vision grandiose et universelle des maux que le monde a connus de leur fait, aux XIXème et XXème siècles. Il appelle de ses voeux le temps où seront érigés, en Russie, des monuments pour témoigner de cette barbarie et souhaite que les Français en fassent autant, non seulement comme objet de mémoire, mais aussi, mais surtout, comme condition d'une renaissance. 

    Soljénitsyne ouvre à notre réflexion de multiples "pistes" avec, à l'instar du pape Jean-Paul II, la force et l'autorité d'un témoin, d'une victime, en définitive victorieuse...

     

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    Texte intégral du discours prononcé par Alexandre Soljenitsyne, le samedi 25 septembre 1993, aux Lucs-sur-Boulogne, pour l'inauguration de l'Historial de Vendée .

     

    M. le président du Conseil général de la Vendée, chers Vendéens,

               

    Il  y a deux tiers de siècle, l'enfant que j’étais lisait déjà avec admiration dans les livres les récits évoquant le soulèvement de la Vendée, si courageux, si désespéré. Mais jamais je n'aurais pu imaginer, fût-ce en rêve, que, sur mes vieux jours, j'aurais l'honneur d’inaugurer le monument en l'honneur des héros et des victimes de ce soulèvement.

     

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    Voir notre Album (104 photos) : Totalitarisme ou Résistance ? Vendée, "Guerres de Géants"...



               

    Vingt décennies se sont écoulées depuis : des décennies diverses selon les divers pays. Et non seulement en France, mais aussi ailleurs, le soulèvement vendéen et sa répression sanglante ont reçu des éclairages constamment renouvelés. Car les événements historiques ne sont jamais compris pleinement dans l'incandescence des passions qui les accompagnent, mais à bonne distance, une fois refroidis par le temps.

    Longtemps, on a refusé d'entendre et d'accepter ce qui avait été crié par la bouche de ceux qui périssaient, de ceux que l'on brûlait vifs, des paysans d'une contrée laborieuse pour lesquels la Révolution semblait avoir été faite et que cette même révolution opprima et humilia jusqu'à la dernière extrémité.

    Eh bien oui, ces paysans se révoltèrent contre la Révolution. C’est que toute révolution déchaîne chez les hommes, les instincts de la plus élémentaire barbarie, les forces opaques de l'envie, de la rapacité et de la haine, cela, les contemporains l'avaient trop bien perçu. Ils payèrent un lourd tribut à la psychose générale lorsque le fait de se comporter en homme politiquement modéré - ou même seulement de le paraître - passait déjà pour un crime.

     

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    Vitrail de l'église des Lucs-sur-Boulogne, relatant le massacre de la population par les Colonnes infernales : à l'intérieur de l'église, comme à Oradour-sur-Glane, dont le massacre des Lucs est la préfiguration...



               

    C'est le XXème siècle qui a considérablement terni, aux yeux de l'humanité, l'auréole romantique qui entourait la révolution au XVIIIème. De demi-siècles en siècles, les hommes ont fini par se convaincre, à partir de leur propre malheur, de ce que les révolutions détruisent le caractère organique de la société, qu'elles ruinent le cours naturel de la vie, qu'elles annihilent les meilleurs éléments de la population, en donnant libre champ aux pires. Aucune révolution ne peut enrichir un pays, tout juste quelques débrouillards sans scrupules sont causes de mort innombrables, d'une paupérisation étendue et, dans les cas les plus graves, d'une dégradation durable de la population.

    Le mot révolution lui-même, du latin revolvere, signifie rouler en arrière, revenir, éprouver à nouveau, rallumer. Dans le meilleur des cas, mettre sens dessus dessous. Bref, une kyrielle de significations peu enviables. De nos jours, si de par le monde on accole au mot révolution l'épithète de «grande», on ne le fait plus qu'avec circonspection et, bien souvent, avec beaucoup d'amertume.
    Désormais, nous comprenons toujours mieux que l'effet social que nous désirons si ardemment peut être obtenu par le biais d'un développement évolutif normal, avec infiniment moins de pertes, sans sauvagerie généralisée. II faut savoir améliorer avec patience ce que nous offre chaque aujourd'hui. II serait bien vain d'espérer que la révolution puisse régénérer la nature humaine. C'est ce que votre révolution, et plus particulièrement la nôtre, la révolution russe, avaient tellement espéré.

    La Révolution française s'est déroulée au nom d'un slogan intrinsèquement contradictoire et irréalisable : liberté, égalité, fraternité. Mais dans la vie sociale, liberté et égalité tendent à s'exclure mutuellement, sont antagoniques l'une de l'autre! La liberté détruit l'égalité sociale - c'est même là un des rôles de la liberté -, tandis que l'égalité restreint la liberté, car, autrement, on ne saurait y atteindre. Quant à la fraternité, elle n'est pas de leur famille. Ce n'est qu'un aventureux ajout au slogan et ce ne sont pas des dispositions sociales qui peuvent faire la véritable fraternité. Elle est d'ordre spirituel.

     

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    La liberté et l'égalité s'excluent mutuellement. Et, en guise de fraternité, la Convention pratiqua le génocide !...

    Au surplus, à ce slogan ternaire, on ajoutait sur le ton de la menace : « ou la mort», ce qui en détruisait toute la signification. Jamais, à aucun pays, je ne pourrais souhaiter de grande révolution. Si la révolution du XVIIIème siècle n'a pas entraîné la ruine de la France, c'est uniquement parce qu'eut lieu Thermidor.

    La révolution russe, elle, n'a pas connu de Thermidor qui ait su l'arrêter. Elle a entraîné notre peuple jusqu'au bout, jusqu'au gouffre, jusqu'à l'abîme de la perdition. Je regrette qu'il n'y ait pas ici d'orateurs qui puissent ajouter ce que l'expérience leur a appris, au fin fond de la Chine, du Cambodge, du Vietnam, nous dire quel prix ils ont payé, eux, pour la révolution. L'expérience de la Révolution française aurait dû suffire pour que nos organisateurs rationalistes du bonheur du peuple en tirent les leçons. Mais non ! En Russie, tout s'est déroulé d'une façon pire encore et à une échelle incomparable.

     

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    "Nous avons eu notre Vendée...Le soulèvement de Tanbow s'est maintenu pendant onze mois..."



               

    De nombreux procédés cruels de la Révolution française ont été docilement appliqués sur le corps de la Russie par les communistes léniniens et par les socialistes internationalistes. Seul leur degré d'organisation et leur caractère systématique ont largement dépassé ceux des jacobins. Nous n'avons pas eu de Thermidor, mais - et nous pouvons en être fiers, en notre âme et conscience - nous avons eu notre Vendée. Et même plus d'une. Ce sont les grands soulèvements paysans, en 1920-21. J'évoquerai seulement un épisode bien connu : ces foules de paysans, armés de bâtons et de fourches, qui ont marché sur Tanbow, au son des cloches des églises avoisinantes, pour être fauchés par des mitrailleuses. Le soulèvement de Tanbow s'est maintenu pendant onze mois, bien que les communistes, en le réprimant, aient employé des chars d'assaut, des trains blindés, des avions, aient pris en otages les familles des révoltés et aient été à deux doigts d'utiliser des gaz toxiques. Nous avons connu aussi une résistance farouche au bolchévisme chez les Cosaques de l'Oural, du Don, étouffés dans les torrents de sang. Un véritable génocide.

     

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    http://historial.vendee.fr/



               

    En inaugurant aujourd'hui le mémorial de votre héroïque Vendée, ma vue se dédouble. Je vois en pensée les monuments qui vont être érigés un jour en Russie, témoins de notre résistance russe aux déferlements de la horde communiste. Nous avons traversé ensemble avec vous le XXème siècle. De part en part un siècle de terreur, effroyable couronnement de ce progrès auquel on avait tant rêvé au XVIIIème siècle. Aujourd'hui, je le pense, les Français seront de plus en plus nombreux à mieux comprendre, à mieux estimer, à garder avec fierté dans leur mémoire la résistance et le sacrifice de la Vendée.

    Alexandre SOLJÉNITSYNE

     

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    Retrouvez l'intégralité des textes constituant cette collection dans notre Catégorie

    "GRANDS TEXTES"...

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  • Louis XVI et les Vendéens, les premiers Résistants au Totalitarisme.

                Plusieurs messages et commentaires positifs, et aussi quelques critiques -dont certaines assez féroces- reçues sur maisaquilafaute à propos de notre Pdf Vendée Résistance !

                (Vous pouvez le lire dans la Catégorie "Documents", sur la page d'accueil du Blog, en bas à droite, en dessous des Albums Photos et des Commentaires récents. Tous les documents qui s'y trouvent vous sont proposés en Pdf, pour une utilisation plus pratique. Sinon, c'est ici : Vendée Résistance !......pdf)

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                  Les messages d'accord et d'approbation n'appelant pas, à proprement parler, de réponse, on s'en tiendra ici aux quelques critiques et accusations formulées contre le soulèvement vendéen en particulier, et les insurrections du Grand Ouest en général. En gros, certains disent ceci: vos paysans sont tout aussi violents que les révolutionnaires, et tout aussi obscurantistes et fanatiques que les talibans; ils sont hargneux et haineux, comme les révolutionnaires et les talibans; ils ont commis autant d'horreurs et de massacres qu'eux; il faut les renvoyer tous dos à dos...

                Voici ce que nous souhaitons répondre à nos correspondants, qui ont de toutes façons bien fait de nous communiquer leur point de vue, puisque c'est ce qu'ils pensent.

                 D'abord, l'ensemble de nos correspondants raisonnent par analogie. Mais tout le monde sait que le raisonnement par analogie est bien souvent le pire des raisonnements ! Ce n'est que dans la forme extérieure, dans les apparences extérieures qu'a revêtues cette "Guerre de Géants" (le mot est de Napoléon) que les actions militaires des royalistes dans le Grand Ouest peuvent, éventuellement, se comparer à d'autres actions guerrières, avec leurs horreurs inhérentes, et par exemple au talibanisme. Mais qu'est-ce que ça vaut, les formes, les apparences extérieures ? C'est bien le fond, qui compte, non ? Et du point de vue du fond des choses, de la réalité vraie, on ne peut que rejeter complètement ce raisonnement par analogie. Non, le soulèvement vendéen (et la chouannerie...) n'a strictement rien à voir avec le talibanisme, et il en est même l'exact contraire.

                 Les Vendéens, les chouans, ne se soulevaient pas pour imposer l'Etat partout, le Totalitarisme, aux autres habitants de France. Ils n'étaient pas agresseurs, ils étaient agressés. Ils ne souhaitaient pas imposer, ils souhaitaient qu'on ne leur impose pas. Ils se soulevèrent contre l'Etat, pour refuser son intrusion dans la sphère privée, pour l'empêcher de régir tout, de réglementer tout, bref, d'être totalitaire. Exactement ce que veulent faire les talibans qui, eux aussi, veulent au contraire, imposer une religion partout, et une charia qui va avec et qui s'occupera de tous les aspects de la vie privée et sociale, tenant même lieu de justice.

                 Ceux qui se ressemblent, ce sont les talibans et les révolutionnaires de la Convention. Révolutionnaires et Islamistes, tous purs et durs, ne rêvent que d'installer une loi unique régissant tout et tous, jusques et y compris, et surtout, dans les consciences. Ils se rejoignent ainsi dans le Totalitarisme (même si, là aussi, dans la forme, les différences sont grandes). Les paysans vendéens, les chouans ne se sentent pas porteurs d'un modèle parfait qu'ils prétendent imposer aux autres. Ils demandent juste que l'Etat ne sorte pas de sa sphère, et ne s'arroge pas le pouvoir sur les consciences. Ils veulent qu'on les laisse en paix, et qu'on les laisse vivre comme ils l'entendent.

                Où voit-on la moindre ressemblance avec les talibans là-dedans ? Parce qu'il y a eu guerre, donc horreurs et massacres ? Mais, là aussi: est-ce la Vendée qui s'est ruée sur Paris, dans le but affiché d'obliger tous les habitants de la capitale à assister à la messe quotidienne, avec confession préalable et communion obligatoires, sous peine de mort ? Ou bien est-ce la Convention qui a voulu régir les consciences, et lorsqu'on s'y opposait, a prétendu les régir de force ? (1).

                Non, chers contradicteurs, si comparaison(s) il y a , elle est entre les totalitaires talibans et les totalitaires révolutionnaires, qui sont tous frères  (la république étant d'ailleurs une religion, dans l'esprit des Révolutionnaires de 89/93...).

                Les Vendéens -et Louis XVI en refusant la Constitution civile du Clergé et ce qui en découlait- sont bien les premiers résistants de France, et du monde, au Totalitarisme qui pointe à la fin du XVIIIème, et qui va ravager la terre, sous ses diverses formes -diverses mais semblables, au fond- au XXème. Les Vendéens luttent contre l'Etat totalitaire, les talibans c'est tout l'inverse: ils luttent pour l'imposer.

                Alors, si cela plaît à certains de raisonner par analogie, qu'ils le fassent ! Pour nous c'est clair: il y a le totalitarisme, inauguré par la révolution et il y a les résistants au totalitarisme. Les totalitaristes, c'est "eux"; les résistants, c'est "nous".

    (1): Ne suffit-il pas de rappeler cet effrayant propos: ""Nous ferons un cimetière de la France plutôt que de ne pas la régénérer à notre manière et de manquer le but que nous nous sommes proposé". Goëring ? Non, Carrier, envoyé de la Convention !.....

  • Patrimoine en danger : quand la simple bêtise se double d'un vrai scandale....

                Ne pas entretenir notre Patrimoine, c'est désolant. C'est aussi absurde parce que, même si ce n'est bien sûr pas la seule raison ni la plus importante, on sait bien que - pour dire les choses vite - patrimoine = tourisme = argent.      

                C'est un peu trivial, et même beaucoup, mais c'est ainsi.

                Par contre, on va le voir, cette simple bêtise se double actuellement d'un vrai scandale, qu'il convient évidemment de dénoncer.....

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    Saint Géry de Cambrai.

                Nous commencerons notre réflexion en reprenant des propos de Béatrice de Andia. Fondatrice de l’Observatoire du patrimoine religieux,créé en 2006. Béatrice de Andia, fut longtemps déléguée à l’action artistique de la Ville de Paris.

               « Notre patrimoine religieux, explique-t-elle, est sans doute le plus important d’Europe, car la France a été, du Moyen Âge au XVIIIe siècle le pays le plus peuplé, avec une répartition de la population sur l’ensemble du territoire. Les communes créées par la Révolution se sont calquées sur les paroisses de l’Ancien Régime, mais il se trouve que ces paroisses comptaient, parfois, plus d’une église, de sorte que le nombre d’édifices cultuels, en comptant les chapelles, avoisine les cent mille.

                Privés d’aides publiques pour les deux tiers, ces lieux de culte ne peuvent, souvent, être entretenus et restaurés par des communes qui sont contraintes à arbitrer entre des choix plus pressants. De surcroît, le regroupement de communes, la désertification des campagnes, la baisse de fréquentation religieuse, font qu’il est tentant de laisser se dégrader ces édifices, qui, quand ils ne bénéficient pas de la protection au titre des monuments historiques, ne peuvent plus compter dès lors que sur le mécénat privé ( la Fondation du patrimoine, la Sauvegarde de l’art français, par exemple ) qui ont engagé de nombreuses actions de mécénat dans ce domaine.

               Pour les édifices classés ou protégés, des travaux en cours ont été, malheureusement, interrompus ou annulés faute de crédits. Actuellement l’État est en situation de retard sur les travaux engagés, ce qui place les entreprises spécialistes de la restauration des monuments historiques dans une situation délicate. Non payées par l’État, elles sont contraintes de licencier du personnel. Partant, des monuments vont tomber en ruines, et c’est un savoir-faire artisanal unique qui risque de disparaître. Cette situation, hélas, ne paraît pas devoir cesser car les crédits d’État affectés à la restauration des monuments historiques sont en baisse d’au moins 20 %. »

              Un sénateur lucide et courageux, Philippe Nachbar (1), a dénoncé cette situation dans son rapport “Monuments historiques : une urgence pour aujourd’hui, un atout pour demain”. Selon la Direction de l’architecture et du patrimoine, 20 % des monuments classés seraient en situation de péril, soit 2 800 bâtiments sur un total de 15 000. Parmi ceux-ci, églises et chapelles sont au premier rang, et des démolitions sont inévitables.

              Voici donc posé, et bien posé, le problème que nous évoquions en titre : en cette période de chômage et de mal-formation des jeunes, la France sera-telle privée par des gouvernants inconscients de milliers de poste de travail ? Et de travail d'art et de qualité ? Qui serait donc rentable puisqu'il générerait à l'évidence des flux touristiques importants, donc de l'activité économique et du développement ?

              Passons maintenant, pour en finir avec l'explication de notre titre, au scandale : il tient tout simplement au fait que, là aussi pour faire court et pour dire les choses simplement, comme elles sont, la cathédrale est moins bien lotie que la mosquée !

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              Ainsi, vient de s’achever le chantier de la grande mosquée de Strasbourg, financé en partie par des subventions publiques, à hauteur de 26 % du montant total des travaux. Dans le même temps, les travaux de restauration de la cathédrale de Strasbourg, budgétés en 2002, sont en panne. Plus de huit ans après la tempête de 1999, les dégâts occasionnés n’ont pas été réparés, comme c’est le cas pour d’autres édifices cultuels majeurs.

              Tandis qu’un vaste programme de construction de mosquées est en cours dans l’ensemble du pays, nos cathédrales sont en déshérence. Comme nous le disions en titre : une bêtise, doublée d'un scandale.....

     (1) : Sénateur de Meurthe et Moselle.

  • A propos d'un ”enfant de la lune”: flagrant délit de ”mal-générosité”.....

              Le Tribunal administratif des Bouches-du-Rhône a en effet annulé l'arrêté d'expulsion de sa mère pris par le Préfet, au motif qu'il n'y a pas d'équipements adéquats en Algérie pour soigner cette maladie. Et encore moins d'établissements mixtes "école/hôpital" pour assurer une scolarité normale à ces enfants. RESF crie victoire, et le parti immigrationniste a même sommé le Préfet de donner, dans la foulée, des papiers à toute la famille!

              Au risque de surprendre nos adversaires, nous pensons quant à nous que la volonté de soigner un petit enfant, par delà toute querelle de quelque type qu'elle soit, honore notre pays. La France se grandit, chaque fois qu'elle fait preuve de générosité, même si des êtres qui -eux- ne sont grands en rien la prennent pour une vache à lait....

              Mais générosité n'est pas niaiserie. Et, à propos du petit Walid que nous allons donc soigner bien qu'il relève du pays d'origine de sa mère, l'Algérie, nous rajouterons donc ceci. Il nous semble bien que les immigrationnistes sont ici pris en flagrant délit d'incohérence et de "mal-générosité". Et qu'on peut même les accuser non seulement de ne pas faire reculer la misère, la pauvreté et l'indécence des conditions de vie dans les pays que fuient leurs émigrés, pour devenir nos immigrés, mais au contraire de les favoriser! C'est à dire d'être, au fond, tout sauf efficaces....

              En effet, tout le monde le sait: l'Algérie est un pays riche, du moins où les caisses du trésor sont pleines (à la différence de la France républicaine où elle sont vides: le Premier ministre lui-même a assumé ce secret de Polichinelle). Certes ce pays riche est très mal géré, et depuis l'indépendance le FLN au pouvoir a commis toutes les erreurs qu'il ne fallait pas commettre: le choix d'essayer de créer une industrie lourde, qui a abouti au fiasco complet que l'on sait, en étant l'exemple le plus parlant, mais non le seul. Et ainsi, le FLN, tel l'écrevisse, a fait entrer l'Algérie à reculons dans le XXI° siècle....Pourtant, grâce au gaz et au pétrole dont elle a hérité de la France, l'Algérie a accumulé de grandes réserves de devises et se trouve donc être un pays "qui a de l'argent", malgré les erreurs monumentales et les échecs fracassants de ses dirigeants.

              Le combat vraiment positif, la "vision de progrès" serait donc, dans ces conditions, de convaincre le gouvernement algérien d'employer utilement et correctement cette quantité d'argent qu'il conserve inutilement dans ses caisses. D'abord en remboursant ses dettes. L'État algérien doit des millions d'euros à plusieurs Caisses de la Sécurité Sociale en France: n'est-ce pas un scandale doublé d'une aberration? Ensuite et surtout en créant, pour ses citoyens, les infrastructures hospitalières et scolaires dont ceux-ci ont, évidement, besoin. N'est-il pas curieux d'avoir une natalité forte mais d'envoyer ses enfants se faire soigner et éduquer ailleurs? Si encore il s'agissait d'un pays sans aucune ressource et totalement démuni, comme le Bangla Desh par exemple...! Mais, nous l'avons vu, l'Algérie est financièrement riche. Et là nous en revenons à notre point de départ et au petit Walid.....

              On tient là le coeur de notre reproche de fond au parti immigrationniste. Nous ne reprochons pas à des adversaires d'être généreux. Nous leur reprochons d'abord de tenter de s'arroger une sorte de "monopole du coeur", ce qui est une prétention absolument insupportable et totalement hypocrite. Nous leur reprochons aussi, et surtout, de mener une action inefficace et qui aboutit, en fin de compte, à développer le mal (les maux) qu'ils prétendent combattre. Car ce n'est pas "un" enfant de la lune qu'il faut aider et sauver, mais tous ceux qui en ont besoin, et qui sont abandonnés par leurs propres responsables, alors que l'argent est là pour construire et faire tourner les infrastructures, partout en Algérie. C'est en développant les pays où se posent des problèmes que l'on éradiquera ces problèmes, non en accablant un seul pays de toute la misère du monde. Surtout si, encore une fois et dans le cas précis de l'Algérie, c'est uniquement à cause d'une politique aberrante de dirigeants corrompus que le pays ne dispose pas du degré de développement auquel ses citoyens peuvent prétendre...

              Donc, soit RESF et le parti immigrationniste sont sincères, auquel cas ils se trompent (de combat, de méthodes, de buts...), et ils sont largement inefficaces. Soit ils ne sont pas sincères, ne se trompent pas du tout, et savent très bien ce qu'ils font: ils se servent de l'immigration pour dissoudre une vieille communauté historique qui résiste encore et toujours à leurs lubies, à leurs chimères. Et ils sont prêts à utiliser n'importe quel artifice pour masquer cette action (comme, ici, le fait d'utiliser sans vergogne une sorte d'argument sentimentalo-larmoyant, du type "à-faire-pleurer-dans-les-chaumières".....)

            Dans un cas comme dans l'autre, il faut sans relâche arracher leur masque aux tartuffes; démonter et dénoncer la mystification de ceux qui ne cherchent, en réalité, qu'à favoriser le torrent dilueur de l'immigration; et expliquer à temps et à contre temps la supercherie de l'arnaque du siècle.....

  • Trois leçons d’économie du pape François

     

    par François Reloujac

    Le discours prononcé par le pape François à la tribune des Nations Unies le 25 septembre a donné lieu à de nombreux commentaires. Entre ceux qui se sont réjouis d’entendre le pape donner un satisfecit à l’ONU et ceux qui regrettent que le discours fut trop « moraliste » et pas assez « politique », beaucoup a été dit. Mais peu de commentateurs se sont penchés sur les trois leçons d’économie que contenait ce discours fort riche. Ces trois leçons ont trait au fonctionnement des organismes financiers internationaux, à la façon de mesurer les performances économiques et au rôle des États.

    Le fonctionnement des Organismes financiers internationaux

    Il est nécessaire, a dit le pape, d’accorder à tous les peuples de participer aux décisions des « corps dotés d’une capacité d’exécution effective, comme c’est le cas (…) des Organismes Financiers et des groupes ou mécanismes spécialement créés pour affronter les crises économiques ». Si l’on peut d’abord penser au Fonds Monétaire International (FMI), on ne peut pas écarter le cas de la Banque Centrale Européenne (BCE) ni celui du Mécanisme Européen de Stabilité (MES). Aucun de ces organismes, selon ce que nous dit le pape ne peut donc « imposer » à un État quel qu’il soit une décision que celui-ci ne pourrait pas accepter. Le pape a ajouté que « les Organismes Financiers internationaux doivent veiller au développement durable des pays, à ce qu’ils ne soient pas soumis, de façon asphyxiante, à des systèmes de crédits qui, loin de promouvoir le progrès, assujettissent les populations à des mécanismes de plus grande pauvreté, d’exclusion et de dépendance ». Certes, en prononçant cette phrase, le pape avait surtout à l’esprit le cas des « pays en voie de développement ». Mais, comment un Européen peut-il entendre cette recommandation sans penser en premier lieu à la Grèce et au diktat qui lui a été imposé par la « troïka » (FMI, Union européenne, BCE) ?

    La mesure des performances économiques

    Sur ce point, le pape commence par reconnaître que « la multiplicité et la complexité des problèmes exigent de compter sur des instruments techniques de mesure ». Ces instruments ne sont donc pas simplement utiles, ils sont nécessaires. Mais le pape ajoute que leur usage, à force de banalisation, peut conduire à deux dérives graves : une priorité absolue donnée au « travail bureaucratique » qui conduit à multiplier les normes, les processus et les contrôles au détriment de l’action proprement dite ; une confiance aveugle dans les constructions théoriques et a priori qui conduisent à se couper du réel. Car, nous rappelle le pape, une action économique n’est efficace que « lorsqu’on l’entend comme une activité prudentielle, guidée par un concept immuable de justice, et qui ne perd de vue, à aucun moment, qu’avant et au-delà des plans comme des programmes, il y a des femmes et des hommes concrets… ».

    Le rôle de l’État en matière économique

    Les gouvernants, nous dit le pape, « doivent faire tout le possible » pour permettre à chacun de vivre décemment. Et le minimum qu’ils doivent donner pour cela s’articule autour de trois besoins qu’il est impératif de combler : donner un « logement personnel » ; donner un « travail digne et convenablement rémunéré » ; donner accès à une « alimentation adéquate » et à une « eau potable ».

    Il convient ici de ne faire aucun contre-sens. Les pouvoirs publics n’ont pas à mettre en œuvre des politiques de faux-semblants, comme ils savent si bien le faire. Donner à chacun l’accès à un logement personnel ne signifie pas obligatoirement qu’il faille accorder une « aide à la pierre », ni venir au secours du secteur du bâtiment. Le choix des mesures à prendre est affaire de circonstance et telle mesure qui paraît opportune à un moment peut fort bien ne plus l’être ultérieurement. Les questions économiques relèvent du domaine prudentiel et les mesures circonstancielles doivent toujours être adaptées aux situations concrètes. Celles qui ne sont plus adaptées doivent donc toujours être rapportées. Mais il ne faut pas non plus se tromper sur le but premier poursuivi et, en l’occurrence nous dit le pape, les pouvoirs publics doivent veiller à ce que chacun puisse bénéficier d’un logement personnel où il puisse accueillir sa famille.

    Deuxième priorité : tous doivent pouvoir avoir accès à un « travail digne et convenablement rémunéré ». Dans son encyclique Laudato Si’, le pape avait rappelé de façon très concrète que « la création de postes de travail [par toute entreprise] est une partie incontournable de son service du bien commun » (§ 129). Mais créer un poste de travail n’est pas suffisant ; celui-ci doit être « digne », c’est-à-dire ne pas faire courir, même indirectement, à la personne qui l’occupe un danger moral, psychologique ou spirituel autant que physique. De plus, il doit être convenablement rémunéré, c’est-à-dire qu’il doit permettre à celui qui l’occupe de vivre normalement avec sa famille, selon son état. Si cela ne conduit à aucune course à l’échalote, cela suppose aussi que la famille ne doit pas être condamnée, pour vivre normalement, à suppléer le manque de rémunération par un crédit à la consommation. Mais être convenablement rémunéré ne signifie pas non plus que tout le monde soit en droit d’exiger de son employeur une rémunération qui lui permette de satisfaire tous les désirs artificiels entretenus et développés par une publicité agressive qui ne peut conduire qu’au surendettement.

    Troisième priorité : l’accès à une « alimentation adéquate » et à l’« eau potable ». Là encore, le pape fait clairement référence à son encyclique Laudato Si’. Sans entrer dans le détail, il convient de remarquer qu’une « alimentation adéquate » est celle qui correspond aux besoins physiologiques de chacun et qui varie donc en fonction de l’âge de la personne, de la nature de ses activités et du climat de son pays (de la saison). Si une « alimentation adéquate » sous-entend une certaine diversité, elle ne signifie pas que certains peuvent s’arroger le droit de manger de tout en toute saison, en faisant venir à grands frais (et en gaspillant de l’énergie fossile) des produits qui pourraient manquer à ceux qui les produisent ou les conduire à produire des produits inutiles ou nocifs – pavot par exemple – destinés à l’exportation en lieu et place de cultures vivrières indispensables à l’échelon local.

    Dans son discours à la tribune des Nations Unies, le pape n’a pas développé ces analyses qui, d’ailleurs, n’épuisent pas le sujet. Il s’est contenté de rappeler « le minimum absolu » auquel chacun doit avoir accès pour exercer sa dignité, « comme pour fonder et entretenir une famille qui est la base de tout développement social. Ce minimum absolu a, sur le plan matériel, trois noms : toit, travail et terre ; et un nom sur le plan spirituel : la liberté de penser, qui comprend la liberté religieuse, le droit à l’éducation et tous les autres droits civiques ». Il a donc mis chacun en garde contre toute « mauvaise gestion irresponsable de l’économie mondiale, guidée seulement par l’ambition du profit et du pouvoir ».   

     

  • SOCIETE • Natacha Polony : Quand Libération insulte les pauvres

     

    PARIS : Le canal Saint-Martin chaque soir est infesté de déchets et des restes des nuits d'ivresse. Les riverains se plaignent. Libération se moque d'eux. Natacha Polony y voit un signe des temps. Elle a raison.

     

    XVMbd3235a0-219b-11e5-93d6-2261d4e29204 - Copie.jpgC'est un simple conflit de voisinage. L'action d'une association de riverains qui fait parler d'elle parce qu'elle a eu l'idée d'utiliser les nouvelles technologies pour se faire entendre. Ils habitent un quartier prisé de Paris, les abords du canal Saint-Martin, avec ses écluses et ses ponts ombragés par les platanes. Les pavés, l'Hôtel du Nord et la voix d'Arletty aux accents de Parisienne. Sauf que l'atmosphère, justement, devient irrespirable. Parce que chaque lendemain de soirée ensoleillée, le canal et ses abords se transformenten cloaque. Bouteilles de bière, paquets de chips, déchets divers et variés flottant dans le canal ou s'entassant sur les rives. Et les traces d'urine et de vomi sur les pas-de-porte. Alors, une jeune femme de 32 ans a lancé un compte Instagram pour diffuser les photos du massacre et alerter le maire du Xe arrondissement, qui ne semble pas ému plus que cela. Le Figaros'en est fait l'écho, tout comme Les Inrocks. C'est dire si la cause semblait consensuelle.

    Pourtant, le journal Libération a voulu montrer son indignation face à l'action de ces affreux bourgeois dont on précise qu'ils ont payé 8 000 euros le mètre carré, ce qui les range visiblement dans le camp des ennemis de classe. L'argument est de poids: ces riches-là n'aiment pas les pauvres qui sont de sortie dès la canicule venue, « et aussi les étudiants, les djembéistes, les sosies de Zaz, les futurs festivaliers d'Aurillac, les intérimaires fauchés, les trompettistes amateurs, les buveurs de 8.6 et même les punks à chiens ». Ces propriétaires (Libé oublie qu'on peut être locataire à Paris) amateurs d'Amélie Poulain et de son Paris « sépia » (en langage Libé, ça veut dire nostalgique, donc pétainiste, donc nous renvoyant aux « heures sombres, etc. ») sont furieux de constater que leur quartier est véritablement pittoresque, qu'il est resté véritablement parisien et pas gentrifié.

    L'argument aurait de quoi faire hurler de rire de la part d'un journal qui vante les bistrots branchés et pour qui le peuple se réduit si souvent à des beaufs racistes votant FN. Mais il nous révèle en fait comment une part de la gauche a remplacé dans son horizon idéologique le peuple par une entité indéfinie, ces «étudiants, djembéistes, intérimaires fauchés» et autres. Cette foule folklorique a bien sûr le droit d'être sale et de déverser ses déchets sur un site jusqu'à lui ôter toute beauté, parce qu'ils sont du côté du « mouvement » et de la « vie ». Le même processus incite à ne pas considérer comme des «pauvres»les populations des cités HLM qui à intervalle régulier s'élèvent contre les saletés et dégradations qui massacrent les parties communes de leurs immeubles. Les «pauvres»ne protestent pas, ils ne réclament pas la sécurité et la pauvreté. Les « pauvres », les « damnés de la terre », ce sont les « jeunes » qu'il ne faut pas « stigmatiser » et qui, de ce fait, peuvent imposer des immondices à leurs voisins.

    Quel étrange mépris du peuple ! Quelle curieuse vision de la dignité humaine ! On serait tenté d'inciter les éditorialistes de Libération à relire les réflexions de George Orwell sur ceux qu'il appelait « les gens ordinaires », qui se caractérisent par le désir d'une vie simple, l'attachement à des valeurs traditionnelles et le respect de la « décence commune », la faculté instinctive de percevoir le bien et le mal. Certes, ces petites gens ne ressemblent pas à ceux qui viennent déverser leurs déjections festives sur les trottoirs. Parce que, faut-il le rappeler aux garantsde la gauche libertaire, les pauvres, autant que les riches, aiment la propreté et la beauté. Et la propension à prendre l'espace commun pour une poubelle n'est pas la conséquence de l'oppression sociale mais de l'abolition de cette morale minimale qui fait prendre conscience qu'il y a des choses « qui ne se font pas ». Elle est la traduction en actes d'une idéologie mettant l'individualisme hédoniste au-dessus des normes communes au nomdu sacro-saint « il ne faut pas juger ».

    La meilleure preuve que, dans la lutte des classes sans cesse réinventée, les défenseurs du droit à polluer l'espace public pour cause de divertissement de masse ne sont pas du côté qu'ils croient, c'est que ce que subissent les petits bourgeois du canal Saint-Martin ou les prolétaires des cités du 9.3, on ne permettrait pas une secondeque le subissent les grands bourgeois du XVIe arrondissement ou les dirigeants de Libération aux abords de leur maison de campagne ou de bord de mer.

    De gauche ou de droite, le respect du peuple consiste à ne pas imaginer que la pauvreté implique (et donc excuse) l'incivilité ou la délinquance, mais à comprendre que l'égalité, la fraternité et la morale qui les sous-tendent sont le ciment d'une société digne. 

    Natacha Polony - Le Figaro

  • Boualem Sansal : « L'ordre islamique tente progressivement de s'installer en France »

     

    Par Alexandre Devecchio           

    Ce qui nous intéresse ici ce n'est pas le personnalité controversée et ambiguë de Boualem Sansal. Mais son analyse en tant que telle. Après les meurtres de policiers à Magnanville par un islamiste, il compare ici [Figarovox 17.06] la situation actuelle de la France à celle de l'Algérie au début de la guerre civile. Les perspectives qu'il trace, en effet, glacent le sang.  LFAR

    2917551200.jpgDepuis un an, sur fond de tensions culturelles, la France vit au rythme des attentats. Dernier en date, l'assassinat à coups de couteau, revendiqué par l'État islamique, d'un policier et de sa compagne dans leur maison. Que vous inspire ce nouvel acte de terreur ?

    Ca me glace le sang. Voici venu le temps du couteau et de l'égorgement. Il est à craindre que cette méthode fasse florès, car un hadith célèbre prête au prophète Mahomet cette terrible sentence adressée aux mécréants: «Je suis venu à vous avec l'égorgement». On a vu combien Daech a pris ce hadith à la lettre et combien de milliers de personnes ont été égorgées comme des moutons, avec tous les raffinements que des esprits malades peuvent inventer pour exalter leur soif de cruauté. C'est le deuxième cas en France: en juin 2015, en Isère, un islamiste avait égorgé et décapité son patron puis accroché sa tête au grillage d'une usine. La méthode va certainement inspirer beaucoup de jeunes islamistes. Au couteau, eux ajouteront la caméra qui démultiplient l'horreur. Ils filmeront leur crime et balanceront le film sur les réseaux sociaux. Le terrorisme islamiste en Europe n'en est qu'à ses débuts, nous verrons avec le temps combien il sait être inventif: l'égorgement, le viol, l'empalement, l'éventrement seront au menu, comme ils le sont au Daech et comme ils l'ont été en Algérie à grande échelle, pendant la guerre civile. Au Daech comme en Algérie, les terroristes sont très fortement endoctrinés et encadrés: ce sont des soldats de la terreur, ils exécutent des ordres. En Europe, une telle organisation n'est pas possible, pas encore. C'est pourquoi les commanditaires et les stratèges du terrorisme islamiste mondialisé poussent à l'ubérisation du terrorisme, les instructions sont dans la toile à la disposition de qui veut devenir djihadiste et martyr.

    Peut-on vraiment comparer la France et l'Algérie?

    L'islamisme sait s'adapter, il se fiche de la culture du pays, il veut la détruire et imposer la sienne, et comme il a trouvé des recrues en Algérie il trouvera des recrues en France. Aujourd'hui, il les sollicite, les prie, demain il les forcera à assumer leurs devoirs de soldats du califat, et le premier de ces devoirs est de libérer l'islam de la tutelle de l'Etat mécréant qu'est la France. En Algérie, les maquis islamistes étaient pleins de jeunes qui ont été forcés de faire allégeance à l'émir de leur village, de leur quartier: c'était rejoindre le maquis ou se faire égorger ainsi que toute sa famille. S'il s'évade c'est la famille, voire tout le village, qui paie.

    Derrière le terrorisme, existe-t-il un problème plus large d'islamisation de la France ?

    C'est le but même de l'islam conquérant, gagner la planète, convertir toute l'humanité. Le terrorisme n'est qu'une méthode pour conquérir des territoires, soumettre leurs populations et les convertir par force, comme il l'a fait au Daech avec les communautés chrétiennes. C'est la méthode des islamistes radicaux, les djihadistes. Les islamistes modérés et les musulmans pacifiques récusent cette méthode, ils préfèrent la voie douce, la da'wa, l'invitation à écouter le message d'Allah, ou la prédication publique. Entre les deux méthodes, la conquête militaire et la da'wa, il y a tout ce que l'intelligence humaine a pu inventer pour convertir et enrôler. La France est un terrain très favorable à l'islamisation par la voie douce et par le moyen de la violence: elle est inquiète, divisée, épuisée, dégoutée. Les retours à la pratique religieuse se multiplient chez les musulmans et les conversions explosent.

    Une serveuse musulmane a été giflée à Nice parce qu'elle servait de l'alcool durant le ramadan…

    L'ordre islamique tente de s'installer en France, c'est un fait patent. En maints endroits, il est déjà installé. Dans un pays musulman, cette serveuse aurait été arrêtée et jetée en prison par la police. Durant le ramadan, la folie s'empare du monde musulman et fait commettre d'horribles choses. La faim et la soif ne sont pas seuls responsables, il y a que ce mois est sacré (c'est pendant le ramadan que Mahomet a reçu le coran, apporté à lui par l'archange Gabriel), les gens sont pris dans la ferveur et la bigoterie. Durant ce mois, certains imams sont littéralement enragés.

    Comment les islamistes s'y prennent-ils pour accroître leur influence ?

    La force des islamistes et des prédicateurs est la patience. Ils inscrivent leur action dans la durée. Une autre qualité est l'inventivité et leur capacité maîtriser les instruments à leur portée: les chaines satellitaires, Internet, les réseaux sociaux, les outils marketing, les techniques de communication, la finance islamique, le cinéma, la littérature, tout est mobilisé pour atteindre la plus grande efficacité. Dans les pays du sud, les islamistes n'ont que les moyens traditionnels pour avance, ils convoquent les vieilles recettes de charlatanisme, la sorcellerie, la magie, le maraboutisme, ils investissent les mosquées, les souks, les stades, les fêtes religieuses, les hôpitaux. L'action sociale n'a pas de secrets pour eux. Dans tous les cas, ils n'ont aucun souci d'argent, les donateurs généreux et intéressés ne manquent pas.

    Bombarder Daech peut-il régler la question ?

    Elle n'est une solution que si elle est accompagnée d'une intervention militaire au sol menée par les pays arabes. Pour compléter, il faut ensuite installer à demeure une mission onusienne pour reconstruire la région, disposant d'une force armée capable d'empêcher les représailles. 

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    Boualem Sansal est un écrivain algérien censuré dans son pays d'origine à cause de sa position très critique envers le pouvoir en place. Son dernier livre 2084, la fin du monde est paru en 2015 au éditions Gallimard. 

    Alexandre Devecchio

  • Non à la dissolution de Génération Identitaire : Cessez ce spectacle indécent !, par Christian Vanneste.

    Moins les politiciens se montrent capables de résoudre les problèmes, plus ils se réfugient dans la mise en scène, confondant les deux sens du mot acteur et considérant les citoyens comme des spectateurs. Le service dit public de télévision s’est prêté docilement à cette évolution en offrant un duel entre la présidente du Rassemblement national et le ministre de l’Intérieur. Il s’est agi en fait d’un duo, où chacun pensait à son image plus qu’à la solution à apporter au problème central de l’émission : le séparatisme.

    christian vanneste.jpgMme Le Pen voulait se crédibiliser en se montrant responsable et même consensuelle allant jusqu’à dire qu’elle aurait pu signer le livre du ministre. Son argumentation consistait à montrer que le projet de loi abandonnant le mot “islamisme” pour se blottir dans les mots éculés, vagues et confortables de “principes de la République”, s’éloignait de l’intention contenue dans le livre, et faute de citer l’ennemi, mettait toutes les religions mal à l’aise. Son angle d’attaque distinguait au contraire “l’idéologie” islamiste des religions. Mais elle s’est abstenue de préciser comme le fait Zemmour que justement l’islam est davantage une idéologie qu’une religion parce que fondamentalement, dans ses textes originaux, il ne sépare pas la religion de la politique, de la morale publique et du droit. Cette retenue suivie d’un certain flou sur les chiffres a permis au ministre de souligner la mollesse et les approximations de son interlocutrice. Il avait lui bien appris ses fiches, mais c’était en fait son point faible que la députée est parvenue à faire apparaître avec le petit nombre d’expulsions réalisées par rapport à celles qui sont décidées : 12,6%. En fait tous les chiffres du ministre sont illusoires, car apparemment plus exacts que ceux de Mme Le Pen, ils voilent la réalité. Le nombre d’étrangers en France n’aurait pratiquement pas bougé ? Evidemment, puisque tous les ans, par de multiples moyens des étrangers deviennent français tout en demeurant pour certains titulaires d’une autre nationalité. En revanche, combien de ces nouveaux Français le sont dans leur comportement et dans leur attachement à la France ? C’est là la vraie question que le ministre qui n’ignore pas la réponse cache volontairement lorsqu’il rappelle que la majorité des auteurs d’attentats sont des nationaux. Oui, mais de quelle origine ? Lorsque le droit s’écarte à ce point du réel, c’est le droit qu’il faut changer, et notamment l’entrée des étrangers sur le territoire, les conditions d’acquisition et de retrait de nationalité.

    Mais pour le ministre et la fabrication de son image, le spectacle ne finissait pas avec l’émission. Peu après il enclenchait la procédure de dissolution de Génération Identitaire. On comprend la manoeuvre : de même que le ministre a évité de stigmatiser  uniquement l’islam et laissé entendre que des traditionalistes catholiques ou des protestants évangélistes pouvaient aussi présenter des risques, il fallait qu’il censure Génération Identitaire, hostile à l’immigration musulmane, comme il s’en était pris à Baraka City ou au CCIF, dissous récemment. Un détail lui a sans doute échappé : si des islamistes commettent des attentats contre les Français, aucun “identitaire” n’a commis d’attentat contre un Français, ni même contre un immigré. Ce désir d’équilibre hypocrite est un geste minable de politique politicienne qui instrumentalise le droit en même temps qu’il dénature la réalité. C’est du macronisme en marche pour la promotion personnelle du ministre dont l’arrivisme forcené est débridé. Clément Weill-Raynal observe que les militants de Génération Identitaire n’ont jamais été condamnés, ne prônent ni ne pratiquent la violence, contrairement aux groupuscules antifas ou aux Black-blocs auxquels on ne touche guère.

    Beaucoup de médias ne s’offusquent pas de cette dissolution. Depuis longtemps, la pensée unique et le politiquement correct ont fait reculer la liberté d’expression en France et avec la complicité de nombreux “journalistes”. Cette fois, l’injustice et le caractère discrétionnaire de la mesure nous font totalement quitter le terrain de la démocratie et de l’Etat de droit. La liberté d’exprimer son opinion et de manifester pour la défendre sont des droits constitutionnels. Leur limitation a beau avoir été accrue, ni les idées, ni les actions de Génération Identitaire ne sont susceptibles de sanctions. Aucune haine raciale, puisque c’est contre l’immigration excessive et insuffisamment contrôlée que milite l’association, et non contre une ethnie particulière. Mais, l’islamophobie ne peut-elle leur être reprochée ? L’islam n’est pas une race, mais une religion. L’accroissement de sa présence sur notre territoire pose manifestement des problèmes. Le dire n’est pas un crime, mais une opinion. Celle-ci est-elle exprimée dans la violence ? Non. D’ailleurs la justice a récemment relaxé les membres de l’association pour leurs actions à Poitiers et dans les Alpes. Troublent-ils l’ordre public ? Même pas, puisque ces manifestations sont purement symboliques et évitent systématiquement un rapport de forces physique. On les accuse d’être une milice ? Sait-on ce que c’est ? Un groupe armé et en tenue reconnaissable cherchant à faire respecter sa loi à la place des forces de l’ordre, comme les guetteurs des quartiers perdus de la République ou le groupe tchetchène qui était venu attaquer ceux d’un quartier de Dijon. Génération Identitaire est exactement l’inverse : des groupes peu nombreux sans arme dressent un banderole dans le but de souligner symboliquement une carence de l’ordre public dans notre pays, le fait que les frontières ne soient pas gardées, que les migrants clandestins soient nombreux en certains lieux, que des manifestation racistes et clairement antifrançaises en même temps qu’hostiles à la police puissent se dérouler. Mais ils le font avec le sens du spectacle, et c’est cette concurrence intelligente que l’Etat macronien ne supporte pas !

    Quelles que soient nos convictions sur l’islamisme ou l’immigration, la dissolution de Génération Identitaire signe une dérive du gouvernement actuel vers un Etat où le droit n’est plus le même pour tous, où le Français patriote se trouve stigmatisé davantage que celui qui déteste notre pays et le dit haut et fort en brandissant sa carte d’identité nationale. S’opposer à cette dissolution, c’est défendre la démocratie et l’Etat de droit ! C’est aussi défendre la France !

    Source : https://www.christianvanneste.fr/

  • L’insaisissable Édouard Philippe, par Philippe Bilger.

    Parce que plus on croit connaître l’ancien Premier ministre, plus il nous échappe. À peine a-t-on dessiné les grandes tendances de sa personnalité à partir de ce qu’il a accompli, de ce qu’il écrit, de ce qu’il dit et de ce qu’il montre qu’il nous confronte à des lignes de fuite. À la fois familier, proche mais insaisissable. 

    1.jpgPassionnant à cause de cela, même : il y aura toujours, dans son être, place pour un inconnu que nous nous acharnerons en vain à débusquer.

    Il est absurde d’insérer Édouard Philippe dans les catégories ordinaires. Il a quitté Alain Juppé parce que ce dernier a lui-même quitté ses soutiens à force de roide maladresse. Mais si Édouard Philippe a rejoint , il n’est pas pour cela un vulgaire transfuge ; il n’a pas, par exemple, le cynisme joyeux et ironique d’un Gérald Darmanin. La meilleure preuve en est que certains n’hésiteraient pas à le faire revenir dans sa originelle.

    Léger reproche : Édouard Philippe a tort de traiter avec trop de condescendance LR. Cette attitude tranche avec ce qu’il est. On n’est pas obligé de traiter mal ce qu’on a quitté pour se justifier de l’avoir fait !

    Un trait de son caractère m’a frappé. Ce sens de l’amitié qu’il a poussé jusqu’à repêcher Gilles Boyer, à l’installer à ses côtés à Matignon, à le laisser souvent s’exprimer à sa place et à cosigner un livre avec lui : Impressions et lignes claires, que je suis impatient de découvrir. Cette fidélité active ne laisse pas de me surprendre de la part d’un homme qui sait pourtant ce qu’il vaut mais éprouve apparemment le besoin de partager ce qu’il offrirait si bien tout seul.

    Cette constance mérite d’être retenue bien au-delà de cette relation si proche : difficile de ne pas l’intégrer dans l’interrogation sur son futur. Quand Édouard Philippe affirme qu’il ne damera jamais le pion à Emmanuel si celui-ci est candidat pour 2022, on ne peut évidemment que le croire.

    Un mystère occupe les esprits curieux de la chose publique et de l’avenir d’Édouard Philippe, maire du Havre. Rien n’est plus simpliste que de l’attaquer brutalement, comme Christian Jacob déclarant : « Édouard Philippe, c’est la caricature de l’incapacité à faire des réformes » (Carl Meeus, Figaro Magazine).

    Derrière l’animosité, comment tout de même ne pas s’interroger sur l’aura incontestable d’Édouard Philippe – et qui dure : elle n’a rien à voir avec le culte des absents inactifs puisque lui n’est ni l’un ni l’autre – et, à rebours, sur le passif de décisions qu’il a prises et qui ont gravement affecté le mandat présidentiel : Notre-Dame-des-Landes, la taxe carbone révoltant les , la limitation à 80 km/h et sa dureté quantitative sur le projet de loi sur les retraites. Sans paradoxe, si Emmanuel Macron n’a pas « fait » Édouard Philippe, Édouard Philippe l’a un temps « défait » ! Mais qui lui en tient rigueur ?

    Ce contraste entre une opinion qui le plébiscite et une analyse froide qui ne le surestime pas fait apparaître qu’il a noué avec les Français un lien singulier lors de ses remarquables prestations sur la gestion du Covid-19, à la fois claires, modestes et pédagogiques ; et ce n’est pas le sympathique qui dira le contraire au regard des siennes plus confuses !

    Il serait superficiel de voir en Édouard Philippe un homme dont le succès et la notoriété ne seraient advenus que grâce au président de la qui l’aurait, en quelque sorte, sorti de l’ombre. Cette perception que des députés de LREM cultivent est erronée et manque d’intuition psychologique. Ils appréhendent mal ce qu’il y a d’unique dans cette intelligence limpide, dans cette ironie de pudeur et de protection et dans cette affirmation de soi aussi éclatante qu’elle est élégante.

    Édouard Philippe n’a jamais voulu adhérer à LREM. Ce n’est pas anodin.

    Par ailleurs, à l’égard d’Emmanuel Macron, comme Premier ministre il n’est jamais tombé dans une inconditionnalité qui aurait fait disparaître son libre arbitre. Déférence soit, discrétion à l’extérieur, mais rien qui ressemble à une courtisanerie de mauvais aloi. Il ne s’est jamais égaré dans un pouvoir fusionnel. Lui à sa place, à la fois fier, indépendant et loyal. Dans la Ve République, il n’est pas si fréquent d’avoir eu un Premier ministre permettant aux citoyens, s’ils ne désiraient pas le couple en gros, de le choisir au détail.

    La preuve la plus éclatante de cette autonomie est qu’Édouard Philippe a insisté – la clarification lui semblait nécessaire – pour faire savoir que c’est lui qui avait décidé de quitter sa fonction de Premier ministre et non pas le Président qui l’aurait incité à le faire. Cette précision manifeste que, dans cette personnalité, il y a de l’orgueil et qu’elle n’a pas vocation, pour son honneur, à s’effacer en complaisant au chef de l’État.

    D’autant plus que celui-ci, dans le passé, n’a guère été élégant quand il a laissé entendre qu’Édouard Philippe était frileux à cause des menaces de judiciarisation concernant son action contre l’épidémie de Covid-19. J’avais tout particulièrement apprécié, dans un monde politique qui crache sur les procédures judiciaires, mélangeant ignorance et manque de civisme, la réaction calme et digne d’Édouard Philippe quand il avait appris la perquisition havraise le concernant – légale, mais à une heure totalement indécente.

    Emmanuel Macron se représentant en 2022, Édouard Philippe sera là où il aura décidé d’être. Il a déclaré qu’il n’avait « pas renoncé à la vie politique et qu’il aimait être aux manettes » (Le Point). Même s’il lui est arrivé, comme maire du Havre, de formuler quelques critiques sur l’action de son successeur, je n’imagine pas qu’il se départe, lors de la future , d’un soutien critique à celui qui l’a nommé Premier ministre en 2017.

    Mais gare à ceux qui pourraient être tentés de prendre Édouard Philippe pour un homme, un politique, une personnalité tout d’une pièce ! Au contraire, plus je l’écoute, plus je cherche à le comprendre, plus je bute…

     

    Philippe Bilger

    Magistrat honoraire
    Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole
  • Vers l’inflation et l’éclatement de la bulle boursière avec Biden, par Marc Rousset.

    Wall Street vient de conclure dans le rouge (-0,91 %) une semaine volatile au cours de laquelle le Dow Jones a connu trois séances de baisse d’affilée pour la première fois depuis plus de deux mois, tandis que le NASDAQ et le S&P 500 ont lâché 1,50 %. Quant au CAC 40, il a reculé, vendredi, de 1,22 %.

    marc rousset.jpgSous Trump, du 3 janvier 2017 au 15 janvier 2021, le Dow Jones et le NASDAQ sont passés, respectivement, de 19.881 à 30.991 (+56 %) et de 5.429 à 13.113 (+142 %) ! Il n’est pas normal que, malgré les très nombreuses incertitudes de la crise sanitaire, une économie américaine ravagée par le Covid-19 et une activité qui se contracte, le S&P 500 soit 10 % plus élevé qu’avant la crise. Début 2020, les marchés restèrent aussi sereins pendant des semaines après les premières infections à Wuhan alors que la pandémie se propageait partout dans le monde.

    Durant le mandat de Trump, la capitalisation de Facebook a augmenté de 150 %, celle d’Amazon de 450 %, celle de Microsoft de plus de 300 %. Quant à Tesla, valorisé à 800 milliards de dollars, il vaut plus cher, en Bourse, que tous les constructeurs du monde réunis alors qu’ils vendent 50 fois plus de voitures. De son côté, le Bitcoin a connu une première descente vertigineuse de 10.000 dollars en deux jours. Il faut donc s’attendre soit à un krach soit à une très forte correction sur les Bourses mondiales.

    Alors que Biden annonce un plan d’aide (« American Rescue Plan ») de 1.900 milliards de dollars tous azimuts et un second programme de 2.000 milliards de dollars d’investissements en février, la Fed, très craintive, annonce qu’elle n’a pas l’intention de relever de sitôt les taux d’intérêt ou de réduire le montant du « QE ». La question « tapering » (réduction des achats d’actifs) n’est pas à l’ordre du jour de la Fed car, en 2013, les restrictions du célèbre « taper tantrum » avaient fait tanguer les marchés. La Fed va donc continuer, en plus des dépenses de Biden, à racheter, tous les mois, 80 milliards dollars du Trésor et 40 milliards de dollars d’obligations gagées sur des créances immobilières.

    Les États-Unis connaissent, aujourd’hui, des inscriptions hebdomadaires au chômage en hausse (965.000), un chômage de 6,7 %, soit 19 millions de chômeurs, au lieu de 3,5 % avant la crise du Covid-19, une dette publique qui représente 127 % du PIB, un bilan de la Fed qui vient d’augmenter, en un an, de 74 % à 7.300 milliards de dollars. L’inflation, en absence de réaction de la Fed pour éviter un krach boursier, pourrait déjà dépasser les 2 %, d’ici mars-avril, avec un risque d’hyperinflation d’ici deux ou trois ans.

    Le Blitz de Biden pour une reprise fiscale et keynésienne devrait, cependant, forcer la Fed à être moins accommodante. Un grand nombre d’Américains sentent l’inflation venir. La masse monétaire M2 a augmenté de 24 %, en 2020. Les stimulations budgétaires devraient donc être compensées par un resserrement monétaire plus tôt que ne l’ont supposé les marchés. Les taux obligataires des bons du Trésor sur dix ans ont doublé, depuis octobre 2020, pour atteindre 1,18 %. La Fed sera peut-être donc obligée d’intervenir, ce qui entraînera une très forte correction à Wall Street, les riches payant les pots cassés avec Biden en 2021, alors qu’en 2020, ce sont les pauvres avec Trump qui ont été matraqués.

    L’indice Wilshire 5.000 de Warren Buffett, qui rassemble 3.500 entreprises, soit sept fois plus que le S&P 500, est formel. En augmentation constante depuis 1970, après une pointe passagère à 130 % du PIB pendant le pic de la bulle Internet en 2000, il vient d’atteindre le taux record de 153 % du PIB. Il ne doit pas dépasser 100 % du PIB, selon Warren Buffett, sinon les actions sont trop chères ; il était de 80 % en 2019 ; il est également supérieur à l’indice de 1929. Le célèbre économiste américain Irving Fisher, qui croyait aussi, comme les boursiers de nos jours, à la pérennité de la bulle en 1929, ce qu’il appelait « un plateau permanent », a été ruiné.

    Nonobstant le raisonnement ci-dessus, strictement économique, les investisseurs font aussi l’impasse sur les effets incertains des vaccins de la thérapie génique, sur les doutes au sujet de la contagiosité après injection, sur l’immunité à venir ou non des populations si l’on en croit l’OMS, sur les mutations probables du virus (variant anglais, etc.). Pourquoi le PDG de Pfizer a-t-il vendu des millions de dollars d’actions le jour même où son entreprise annonçait les résultats à plus de 90 % des décisifs ?

     

    Marc Rousset

    Économiste
    Ancien haut dirigeant d'entreprise