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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Éric Zemmour : Poutine, notre mauvaise conscience

     

    La guerre des mondes, de Mathieu Slama, est un plaidoyer en faveur de Poutine qui tranche heureusement avec les habituels réquisitoires contre le leader de la Russie. Et qui sonne comme le fruit de tous nos abandons [Figarovox - 26.05].

     

    ZemmourOK - Copie.jpgPoutine est méchant. Poutine est un tyran. Poutine ment et parfois en allemand. Poutine tue. Poutine vole. Poutine triche. Nos médias occidentaux ont fait du président russe l'incarnation du Mal. Avec une pugnacité qu'ils n'ont jamais montrée même aux pires époques de la guerre froide, contre les patrons de l'Union soviétique ; et une constance dans la dénonciation qui dépasse les éphémères figures du mal islamiste.

    Une fois qu'on a refermé le livre de Mathieu Slama, on comprend mieux pourquoi. Poutine n'est pas notre adversaire, il est notre mauvaise conscience ; il est notre Jiminy Cricket ; il est une sorte de pape qui nous dirait « Europe, qu'as-tu fait de ton message chrétien ? » ; mais avec un nombre respectable de divisions. Il est le seul Européen à dire non aux Américains, comme le faisait jadis de Gaulle. Il est le seul dirigeant démocratiquement élu à assumer les hiérarchies d'un pouvoir vertical, quand tous les autres s'inclinent devant l'égalitarisme d'une société horizontale. Il est le seul chef d'État européen à défendre une société traditionnelle, enracinée dans son Histoire et sa culture quand tous ses homologues occidentaux ont fait de l'individu déraciné et décontextualisé un Dieu impérieux et jaloux. Le seul à refuser l'assujettissement de la souveraineté nationale à « des règles de droit universelles qui font de chaque individu le membre d'une même humanité » énoncées au nom des droits de l'homme. Et il faut avoir l'humour de « M. Petites Blagues », ou son ignorance crasse, pour oser proclamer comme François Hollande à Moscou : « Nous avons en commun une vision du monde. »

    « Plaidoyer pour Vladimir Poutine »

    Mathieu Slama fait mine de renvoyer dos à dos les deux protagonistes, l'Occident et la Russie, les deux lignes, les deux idéologies, alors que chaque page respire de son penchant en faveur de Poutine. Par contraste avec les réquisitoires habituels dont on nous abreuve, cela fait du bien. Son livre est intitulé La Guerre des mondes, alors qu'il aurait dû oser un « plaidoyer pour Vladimir Poutine ». Un plaidoyer ne signifie pas que l'avocat s'aveugle sur les torts et travers du personnage et de sa politique, son autoritarisme, sa brutalité, ses penchants impérialistes ; mais qu'il est en empathie avec sa philosophie, sa démarche. Sans doute l'éditeur a-t-il eu peur des réactions médiatiques.

    Mais peu importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. Notre auteur démolit les lieux communs sur le président russe. Non, Poutine n'est pas un satrape inculte, mais plutôt un grand lecteur. Il n'est pas la marionnette d'Alexandre Douguine, l'idéologue sulfureux de la Russie éternelle contre la décadence occidentale ; mais il a fait siennes les réflexions profondes qu'a inspirées à l'exilé Alexandre Soljenitsyne sa découverte de l'Occident.

    De Gaulle disait : « Dans les victoires d'Alexandre, il y a les idées d'Aristote.» Dans la pugnacité de Poutine contre le « primitivisme » occidental, il y a les écrits du grand écrivain russe qui n'a pas hésité à dire son fait à une civilisation occidentale qui, au nom de la liberté, s'abandonnait aux joies tristes du matérialisme. Poutine nous ramène au combat idéologique autour de la Révolution française. Comme l'Amérique d'aujourd'hui, les Français prétendaient exporter par leurs armées victorieuses les « droits de l'homme » dont ils vantaient l'universalisme, tandis que Burke ou Joseph de Maistre en contestaient l'arrogance. Poutine a ressuscité la lutte des sociétés holistes contre les individualistes. Il a redonné une légitimité idéologique et politique à un conservatisme qui n'avait plus droit de cité en Occident : « Comme le disait le philosophe russe Nicolas Berdiaev : “ le sens du conservatisme n'est pas d'empêcher le déplacement vers l'avant et vers le haut, mais d'empêcher le déplacement vers l'arrière et vers le bas, vers l'obscurité chaotique et le retour à l'état primitif ”.»

    Un malaise existentiel croissant

    C'est pour cela qu'il rencontre un écho grandissant au sein même des nations occidentales, au-delà de ses dirigeants inféodés et à Washington et plus encore à l'idéologie droit de l'hommiste. Il est vrai que Poutine dans son combat a de la chance. L'universalisme arrogant de l'Amérique a causé de multiples catastrophes dans le monde, Afghanistan, Irak, Syrie, etc. Le juridisme européen incarné par la Cour européenne des droits de l'homme suscite les réserves des vieux États nations comme l'Angleterre ou même la France. L'universalisme sans frontières de l'Union européenne, sa religion de l'Autre, bute sur l'hétérogénéité absolue de l'islam : « On ne peut à la fois se fondre dans la jouissance de l'autre, s'identifier à lui, et se maintenir différent » (Lévi-Strauss).

    Enfin, l'individualisme progressiste des droits provoque un malaise existentiel croissant au fur et à mesure qu'il repousse toutes les limites (mariage homosexuel, théorie du genre, exaltation de l'homme augmenté). Le discours de Poutine sonne comme la punition de tous nos échecs, de toutes nos folies et de tous nos renoncements. La realpolitik qu'il défend avec un talent incontesté n'est que la reprise d'une tradition qui fut celle de la France pendant des siècles, de Richelieu à de Gaulle en passant par nos rois, nos empereurs et nos Républiques. De même que la religiosité de la société russe fait écho dans la lointaine Amérique. Et le messianisme russe répond au messianisme américain. Mathieu Slama n'est dupe de rien. Son Poutine n'est ni un saint ni un héros. Ce n'est pas tant la réussite du modèle russe qui fascine les populations occidentales que la décadence du modèle occidental qui les effraie. Ce n'est pas tant la force de Poutine qui leur plaît que la désagrégation des démocraties occidentales qui les inquiète. C'est pourquoi Poutine est de moins en moins vu par les peuples d'Europe comme une menace - au contraire de ce que nous répètent nos médias - que comme un ami à soutenir, un modèle à suivre, voire comme un sauveur à appeler. 

    La guerre des mondes, Mathieu Slama. Éditions de Fallois. 124 Pages. 16 €.

    Eric Zemmour           

    Voir aussi

    Mathieu Slama : « Il y a du Soljenitsyne dans le discours de Poutine » [Lafautearousseau 27.05]

     

  • « Radicalisation » : la guerre des mots

           

  • LITTERATURE & ACTUALITE • Entre ici, Charles Péguy, par Eric Zemmour

     

    Deux textes de Péguy parmi les plus connus, pour évoquer la République entre mystique et politique, ressortent. Une réflexion iconoclaste qui n'a pas pris une ride. Eric Zemmour les a commentés pour Le Figaro.

     

    XVM6312673a-de1a-11e4-b137-20089febc440.jpgD'abord, il y a le style. Impétueux et tempétueux, un fleuve de montagne qui se déverse sans souci de ce qu'il charrie, formules en rafale, répétées autant de fois que nécessaire, sans respect de la bienséance littéraire. Et puis, il y a les mots, les mots employés à jet continu, les mots interdits aujourd'hui, banals hier : « race », « peuple » ou « famille française ». Comme un voyage dans le temps et dans l'espace. Les Cahiers de l'Herne ont eu la bonne idée de publier les textes parmi les plus connus de Charles Péguy. On y retrouve ses formules les plus célèbres, celles qui ont fait sa gloire, citées à tort et à travers : « Tout commence en mystique et finit en politique…» ; ou encore: « Pour la première fois dans l'histoire du monde l'argent est seul face à l'esprit ».

    Péguy nous parle d'un temps que les moins de cent ans ne peuvent pas connaître. Entre l'affaire Dreyfus et 1914-1918 ; entre « la guerre des deux France » et l'union sacrée. Il a assumé celle-là et prophétisé celle-ci. Vécu intensément l'une et perdu la vie dans l'autre, mais dans les deux cas glorieusement. Il a fait le pont entre les deux. Ni sectaire, ni politicard, il a tendu la main à ses adversaires - les antidreyfusards - de la manière la plus élégante qui soit : « Il faut comparer les mystiques entre elles et les politiques entre elles. Il ne faut pas comparer une mystique à une politique ; ni une politique à une mystique… Nos adversaires parlaient le très respectable langage de la continuité, de la continuation temporelle du peuple et de la race, du salut temporel du peuple et de la race. »

    Il n'était pas monarchiste mais sa République était « notre royaume de France ». On pourrait croire que cent ans plus tard, l'extinction de la contestation antirépublicaine l'aurait réjoui ; à le lire, on comprend très vite que c'est la République d'aujourd'hui et les républicains de tous bords qui le désoleraient. Lui qui reprochait déjà à la IIIe République de s'abîmer dans la gestion d'un idéal falsifié, il supporterait encore moins le prêchi-prêcha de la  « culture de gouvernement » couvert des oripeaux des « valeurs républicains ». On a parfois l'impression qu'il se moque de notre Ve République quand il brocarde la IIIe : « la preuve que ça dure, la preuve que ça tient, c'est que ça dure déjà depuis quarante ans. Il y en a pour quarante siècles. C'est les premiers quarante ans qui sont les plus durs… Ils se trompent. Ces politiciens se trompent. Du haut de cette République, quarante siècles (d'avenir) ne les contemplent pas.»

    À son époque, la République exaltait la France et se croyait la mieux à même de la défendre contre ses ennemis ; aujourd'hui, la République a remplacé la France ; on dit la République parce qu'on a honte de dire la France ; on dit « valeurs de la République » parce qu'on refuse de rappeler les « valeurs » de la France. On dit République pour consacrer l'exact contraire de ce que fut la République. Péguy, c'est comme un rappel à l'ordre. Au vrai sens des mots. Avant le grand dévoiement. Grand reniement. Grand remplacement : « On prouve, on démontre aujourd'hui la République. Quand elle était vivante on ne la prouvait pas. On la vivait. Quand un régime se démontre, aisément, commodément, victorieusement, c'est qu'il est creux, c'est qu'il est par terre… Le mouvement de dérépublicanisation de la France est profondément le même mouvement de sa déchristianisation. C'est ensemble, un même, un seul mouvement profond de démystification… C'est la même stérilité moderne.»

    Péguy dénonçait les modernes ; nous subissons le joug des post-modernes. Il ne connaissait pas sa chance ; nous reconnaissons bien nos maîtres : « Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin. Le monde des intelligents, des avancés, de ceux qui savent, de ceux à qui on n'en remontre pas, de ceux à qui on n'en fait pas accroire. Le monde de ceux à qui on n'a plus rien à apprendre. Le monde de ceux qui font le malin. Le monde de ceux qui ne sont pas dupes, des imbéciles. Comme nous. C'est-à-dire : le monde de ceux qui ne croient à rien, pas même à l'athéisme, qui ne se dévouent, qui ne se sacrifient à rien. Exactement: le monde de ceux qui n'ont pas de mystique.»

    Karl Marx avait annoncé que le capitalisme détruirait toutes les structures traditionnelles (aristocratie, église, nation, État, famille) pour plonger chacun d'entre nous dans « les eaux glacées du calcul égoïste ». Péguy a bien compris que le socialisme finirait le travail, que ce couple moderniste, soi-disant antagoniste, en réalité complice car de concert progressiste, annihilerait les valeurs traditionnelles des classes populaires, sans lesquelles pourtant ni l'un ni l'autre n'auraient pu prospérer : « Le foyer se confondait encore très souvent avec l'atelier et l'honneur du foyer et l'honneur de l'atelier étaient le même honneur. C'était l'honneur du même lieu… respect des vieillards ; des parents, de la parenté. Un admirable respect des enfants. Naturellement un respect de la femme. Un respect de la famille, un respect du foyer… Un respect de l'outil et de la main, ce suprême outil… Et au fond ils se dégoûtent d'eux-mêmes, d'abîmer les outils. Mais voilà, des messieurs très bien, des savants, des bourgeois, leur ont expliqué que c'était ça le socialisme, et que c'était ça la révolution.»

    Le rapprochement de ces deux textes nous fait toucher du doigt ce qu'un Jean-Claude Michéa ne cesse de rappeler dans chacun de ses livres : l'affaire Dreyfus fut un basculement historique et idéologique. À partir de la défense légitime d'un innocent, les socialistes se sont ralliés à la défense exclusive de la « République » où ils n'ont plus cessé de privilégier l'épanouissement de l'individu, donnant ainsi au marché, au capitalisme - Péguy dit « l'argent » - l'arme absolue pour régner totalement sur la société. D'instinct, Péguy l'a compris. D'où le regard sévère qu'il porte sur les dreyfusards, le respect qu'il manifeste à ses adversaires, et la violence de son désespoir face à l'étiolement de la République. D'où son déchirement intérieur qui explique peut-être qu'il se soit jeté ainsi étourdiment au-devant des mitrailleuses allemandes dès les premiers jours de la guerre… 

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    Péguy, La mystique républicaine. L'Herne. 71 p., 7,50 €.

     

  • Religion & Société • L'islam, principale ligne de fracture entre les intellectuels

     

    par Vincent Trémolet de Villers

    Une remarquable réflexion pour Le Figaro [22./04] sur un sujet maintes fois évoqué dans Lafautearousseau mais qui est ici approfondi et actualisé.

     

    ob_b41265_vincent-temolet-de-villers.jpgAlain Finkielkraut, Michel Houellebecq, Michel Onfray ou Eric Zemmour ont longtemps été les seuls à dire sans tricher ce qu'ils voyaient. Mais, depuis les attentats islamistes de Paris et de Bruxelles, la prise en compte du réel est en train de modifier profondément le monde de la pensée.

    On peut avoir le visage découvert, les cheveux aux vents et se voiler volontairement l'esprit. Ce port du voile-là n'a jamais été obligatoire mais celui qui, en France, se risquait à le retirer pour voir les conséquences d'une immigration inconséquente, celui qui osait exprimer sa crainte de voir fleurir les barbes et pousser les minarets a longtemps subi le supplice réservé aux apostats. Les gardiens du dogme le jetaient dans les ténèbres, les comités de surveillance le faisaient poursuivre par les juges, les relais d'opinion accolaient à son nom tous les péchés du monde.

    S'il lui prenait la fantaisie de ne plus chercher les convulsions antisémites dans les salons de la vieille France ou les sacristies des églises mais dans les territoires délaissés par l'école, la police, la justice, on criait au racisme. Il valait mieux raser les murs et rester bien au chaud derrière la bonne grille de pensée. Le nouveau clergé disait le bien et le mal, le salut et l'enfer. Nul n'y croyait guère mais, l'histoire le prouve, on peut aussi pratiquer une religion sans y croire.

    Accepter de voir

    Et puis, un à un, malgré tout, essayistes, philosophes, écrivains ont arraché le voile. Ils ont accepté de voir. Ils ont même accepté de dire. Les gardiens de la révolution ont bien tenté de les poursuivre, de les faire renvoyer de leurs journaux, de leurs télévisions, de leurs radios, de les mener de force devant les juges: rien n'y fit, leur succès était trop grand et la population les portait aux nues.

    Ils pouvaient être journalistes comme Eric Zemmour, philosophes comme Alain Finkielkraut et Michel Onfray, romanciers comme Michel Houellebecq, essayistes comme Pascal Bruckner et Elisabeth Lévy. Par paresse (ou par malveillance), ils furent assimilés les uns aux autres, sous le vocable de néoréactionnaires. Pourtant, en l'espèce, il était hasardeux de faire des amalgames. Leur seul point commun était d'avoir retiré le voile, d'avoir appelé un chat un chat et un attentat islamiste, un attentat islamiste.

    En dix ans, ce surgissement du réel a bouleversé toutes les lignes de la vie des idées. L'antiracisme a perdu la tête et la main jaune est devenue folle. Les potes d'hier se sont déchirés et la génération SOS a essaimé au Parti socialiste, certes, mais aussi chez Dieudonné. Bernard-Henri Lévy s'est élevé contre le drapeau noir du califat tandis qu'Edwy Plenel a fait du musulman le prolétaire, la victime, le juif du XXIe siècle.

    La gauche morale à l'heure de l'examen de conscience

    « Le catholique zombie », voilà l'ennemi, proclamait Emmanuel Todd quelques mois après que les fous d'Allah eurent tué de sang-froid journalistes, policiers et juifs de l'Hyper Cacher, tandis que des bouffeurs de curés prenaient la défense des chrétiens d'Orient. Il a fallu un deuxième carnage, le 13 novembre, pour que d'autres, à leur tour, viennent dire ce que chacun voyait à l'œil nu. La gauche morale, enfin, faisait son examen de conscience. Celle qui ne combattait que des ennemis déjà vaincus - le fameux homme-blanc-de-plus-de-50-ans - a découvert dans la nuit de Cologne que « la victime » pouvait être « un bourreau ». Elisabeth Badinter qui, elle, n'a jamais été dupe, a souligné la hiérarchie morale du parti de l'Autre : « Ce que cette affaire de Cologne a démontré c'est que, quand ce sont des étrangers qui sont en cause, alors les priorités changent. »

    La gauche, qui ricanait devant Le Petit Journal sur tout ce qui ressemblait de près ou de loin à de la transcendance, s'est souvenue que l'homme était un animal religieux. Jean Birnbaum (Un silence religieux, Seuil) s'est fait l'écho de Saint- Exupéry qui, au milieu de la guerre, écrivait au général X : « Rendre aux hommes une signification spirituelle, des inquiétudes spirituelles, faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien […] Rien qu'à entendre un chant villageois du XVe siècle, on mesure la pente descendue. » Cette lettre, celle d'un homme plongé dans la nuit du monde entre la croix gammée et le drapeau rouge, résonne curieusement aujourd'hui. L'auteur de Citadelle, en effet, connaissait l'ennemi, mais se demandait si cette connaissance suffisait au sursaut d'un pays et d'une civilisation.

    L'État islamique et ses épigones ne nous disent pas autre chose. L'islamisme conquérant, celui des bombes mais aussi celui du voile intégral et des prières de rue, nous pose la même question: « Qui êtes- vous ? ». Nous, nous savons qui nous sommes, nous disent les djihadistes, mais vous qui êtes-vous ?

    À cette question, les réponses sont multiples : « Je suis Charlie », « je suis terrasse », « je suis Bruxelles ». « Qui est Charlie ? » se demande-t-on, tout de même. Certes, la terrasse du Petit Carillon à la nuit tombée illustre un peu de notre art de vivre, mais peut-on répondre au cri d'« Allah est grand » par un verre de mojito ? Et Bruxelles est-elle la « ville-monde » que le maire vante comme un modèle pour tout l'Occident ou « la capitale de l'Europe des soumis, d'une infinie laideur » dont parle l'écrivain Jean Clair ?

    Dans Situation de la France, Pierre Manent en appelle à la « marque chrétienne » de notre pays. Mais quelle est cette marque ? Celle d'Alain Juppé et du pape François qui la revendiquent pour justifier l'accueil sans mesure des réfugiés, ou celle de Philippe de Villiers qui s'incline devant l'anneau de celle « qui voulait bouter les Anglais hors de France » ?

    En créant le Printemps républicain, Laurent Bouvet a déclaré vouloir retrouver les fondements de la laïcité à la française. Mais est-ce celle de Viviani, qui voulait éteindre une à une les étoiles du ciel ? Celle de Ferdinand Buisson, qui rêvait d'instituer une religion républicaine ? Celle de Christiane Taubira, qui invoque la laïcité pour justifier le développement infini des droits individuels ? Celle de Jean-Louis Bianco ou celle de Manuel Valls ? Celle de Joseph Pagnol, le maître d'école universel, ou celle des transhumanistes ?

    « Que faut-il dire aux hommes ? », s'interrogeait Antoine de Saint-Exupéry à la fin de sa lettre. L'islamisme conquérant nous impose, à son tour, cette question.

    Dans un dialogue inoubliable publié cet été par Le Figaro Magazine, Alain Finkielkraut et Michel Houellebecq tentaient d'y répondre. « Dieu est parti, disait l'auteur de L'Identité malheureuse, et il ne dépend pas de nous de le faire revenir. Je crois que ce qui est mort pour de bon en France comme dans le reste du monde occidental, c'est la croyance en la vie éternelle.» Il poursuivait : « On ne peut pas décider de croire à nouveau dans la vie éternelle - et c'est le destin de l'Occident. » … « Alain, je suis en net désaccord là-dessus, répondait Michel Houellebecq.Ce sont ceux qui croient à la vie éternelle qui survivent. La religion gagne toujours à la fin. » Plutôt que de s'écharper sur les menus à la cantine et les coiffes des hôtesses de l'air, on rêve d'un débat qui soit à cette altitude. C'est peut-être illusoire, mais il n'est pas interdit d'essayer. 

    Vincent Tremolet de Villers

  • Livres • Élisabeth de Fontenay et Alain Finkielkraut, la victoire de la pensée

      

    Par  

    Une superbe recension du livre - à paraître - d'Alain Finkielkraut et Élisabeth de Fontenay, dont on parle déjà beaucoup. Vincent Trémolet de Villers évoque ici les débats des deux philosophes. Ils portent sur les grands sujets qui intéressent aujourd'hui la France, la Civilisation, leur existence même. [Figarovox, 11.09].  LFAR

     

    3085200083.jpgQuand ils se voient, les deux philosophes, amis depuis près de quarante ans, se querellent inévitablement. Pour leur ouvrage, En terrain miné, à paraître aux éditions Stock, ils ont choisi de s'écrire et seront les invités des rencontres du Figaro le 25 septembre, à la Salle Gaveau, à Paris.

    La politique menace tout ce qui n'est pas elle, même l'amitié. Vingt ans après, Athos et Aramis, Porthos et d'Artagnan défendent deux camps opposés ; sous l'œil d'Ettore Scola, Gianni, Nicola et Antonio ne parviennent même plus à s'entendre. Les héros de Nous nous sommes tant aimés voulaient changer le monde mais c'est le monde qui les a changés.

    Alain Finkielkraut et Élisabeth de Fontenay sont amis depuis près de quarante ans. Écrivains, professeurs, ils partagent, écrit la philosophe, « un mélange idiomatique d'appartenance juive et d'enchantement par le génie du christianisme, d'esprit laïc et républicain, mais aussi d'attachement douloureux et glorieux à la totalité de l'Histoire de France ». Autrefois, ils avaient les mêmes préjugés : « Canaille décomplexée, salaud et fier de l'être : tel m'apparaissait l'homme de droite », confie Finkielkraut. C'était il y a un demi-siècle. Depuis, l'eau a coulé sous le pont des Arts et si l'admiratrice de Derrida est restée sur la rive gauche, l'ami de Kundera a revêtu sous la coupole l'habit d'académicien. Pire encore, il n'a pas craint de frayer, en mauvaise compagnie, sur la rive droite. Quand ils se voient, inévitablement les deux amis se querellent. Pour cet ouvrage, ils ont choisi de s'écrire. La lettre (« ce vieil outil littéraire », dit Fontenay) permet la précision et la distance, le repentir et la nuance. Elle contraint la pensée à s'ordonner et donne, dans ce carcan, une très grande liberté. Sans grimace ni colère, les amis donc se disent tout. L'une reprochant à son ami une dérive « ultradroitière », des engagements « compromettants » (la pétition de Denis Tillinac «Touche pas à mon Église » dans Valeurs actuelles), une amitié coupable (celle qui le lie à Renaud Camus). L'autre tentant d'expliquer l'angoisse qui le tourmente : celle de la disparition d'un monde. Pas des principes, non, mais ce « certain arrangement des choses » (Saint-Exupéry) que le travail des siècles a établi et qu'on appelle la civilisation. 

    L'immigration, l'islam, l'école, le pape François, les études de genre… Les deux amis n'esquivent aucun sujet. Ils s'éloignent sur Rousseau, se rapprochent sur Israël mais ne parviennent pas à se rejoindre sur le cœur de leur controverse : «Ton destin fatal, Alain, il se nomme Renaud Camus.» Et c'est moins la personne qui compte à ses yeux que le symbole d'un pacte accepté avec des forces maléfiques : celle de la « droite réactionnaire ».

    Élisabeth de Fontenay est tenace, ne lâche rien, et le « mécontemporain » se dévoile lettre après lettre. Il répond, scrupuleusement, et dessine un saisissant autoportrait intellectuel. Ni pacte ni dérive, mais une obsession : « La réconciliation de la raison et de la finitude. » Aux lendemains qui chantent ont succédé les trésors d'hier, aux utopies grandioses, la mesure et la précaution, à la présomption inhéritière, la probité du débiteur, aux préoccupations mondaines, l'urgence de la transmission.

    « Je n'ai pas d'opinions, avoue Finkielkraut, je suis affecté par les événements du monde et mes idées, quand il m'en vient, naissent sous l'effet d'un choc, d'une inquiétude ou d'un chagrin.» Quel choc ? Quelle inquiétude ? Quel chagrin ? « La France est devenue pour moi une patrie charnelle, depuis que sa disparition est entrée dans l'ordre du possible

    Cet attachement qui mêle les vers de Racine aux vaches de Normandie, l'église de Saint-Armand-de-Coly et la montagne Sainte-Victoire l'étreint. La disparition ou l'enlaidissement des formes extérieures - images, paysages, langue - l'accablent parce qu'elles conspirent contre le dernier sanctuaire, la vie intérieure.« Naguère encore, écrit Finkielkraut, nous lisions les classiques, parce que nous avions le sentiment qu'ils nous lisaient

    Noble inquiétude

    Qu'Élisabeth de Fontenay soit remerciée ! En le poussant, d'une plume élégante et incisive, dans ses retranchements, en lui faisant subir « mille morts » pour qu'il s'explique, la philosophe a élevé son contradicteur à une altitude renversante. Ses détracteurs le disent scellé dans ses certitudes : il montre un esprit en perpétuel mouvement. Ils le peignent volontiers en « Monsieur Jadis » quand il ouvre courageusement les yeux sur les malheurs à venir. On le croque installé sur son Aventin quand à l'inverse il descend dans l'arène et ne se dérobe jamais : « Une fois qu'à force de tâtonnements, de ratures et d'insomnies, cet objectif me paraît atteint, je l'expose et je m'expose sans compromis ni calcul. » C'est ce souci constant d'honnêteté accompagné d'un soin amoureux de la langue française qui donnent à chacune de ses lettres une telle intensité. Cette noble inquiétude explique aussi l'aura unique que le philosophe conserve sur les jeunes générations. Pour elles, s'il n'est pas un maître à penser, il est sans aucun doute un maître à réfléchir.

    « Le fou, disait Chesterton, c'est celui qui a tout perdu sauf la raison. » Finkielkraut n'a rien perdu et c'est tout l'être qui pense. L'esprit et la chair : « Accorde à ton serviteur, dit le psalmiste, un cœur intelligent. »  

    Élisabeth de Fontenay et Alain Finkielkraut seront les invités des rencontres du «Figaro», le 25 septembre, Salle Gaveau. Réservations: 01 70 37 31 70. www.lefigaro.fr/rencontres

    Vincent Tremolet de Villers

    Vincent Trémolet de Villers est rédacteur en chef des pages Débats/opinions du Figaro et du FigaroVox 

  • Alain Finkielkraut doit-il se taire ?

    Alain Finkielkraut a été reçu à l'Académie française. Dans son discours, il a évoqué la vie et l'oeuvre de Félicien Marceau. Il a condamné la mémoire « revue, corrigée et recrachée par le système. »

     

    Une pertinente analyse de Vincent Tremolet de Villers *

    A l'émission Des paroles et des actes, une enseignante a interpellé Alain Finkielkraut. Une passe d'armes qui témoigne du dialogue de sourds qui a remplacé le débat intellectuel en France.

     

    ob_b41265_vincent-temolet-de-villers.jpgTout passe et l'immortelle série des Gendarmes en est l'éclatant témoignage. Au départ divertissante, elle est très vite tombée dans une mécanique de répétitions épaisses et vaines. Il en va de même pour les débats et les controverses. Devant le énième procès fait aux « néo-réacs-qui-ont-gagné-la-bataille-des-idées », nous éprouvons la lassitude d'un téléspectateur contraint aux grimaces du Gendarme et les extraterrestres. L'adjudant-chef Lindenberg (auteur en 2002 du Rappel à l'ordre : enquête sur les nouveaux réactionnaires, Seuil) peut bien publier son livre enrichi, ça ne prend plus. Reconnaissons cependant que certaines répliques de cet interminable feuilleton sont entrées dans le langage courant.

    Il suffisait par exemple de regarder l'émission Des paroles et des actes  qui, jeudi dernier [21 janvier], a opposé Alain Finkielkraut à Daniel Cohn-Bendit. L'auteur de La Seule Exactitude (Stock), « néo-réac » du mois, a été pris à partie par une jeune professeur d'anglais, « apolitique », assurait le présentateur, mais maîtrisant cependant sur le bout des doigts le lexique victimaire. Comme Najat Vallaud-Belkacem au mois de mai dernier, elle qualifia le philosophe de « pseudo-intellectuel ». Elle fit l'éloge du « nous inclusif et solidaire » cher au rapport sur l'intégration remis par le conseiller d'État Thierry Tuot en 2013 à Jean-Marc Ayrault. Elle reprocha à l'auteur de La Défaite de la pensée d'être « approximatif », « vaseux », et d'obscurcir volontairement les esprits. Enfin, dans un sourire satisfait, elle conclut son propos par un martial : « Taisez-vous, Alain Finkielkraut ! » Six minutes d'idéologie pure que David Pujadas, visiblement gêné, n'a pas cru bon d'interrompre. À ces certitudes, le philosophe a répondu par l'éloge du doute consubstantiel, selon lui, à l'esprit européen. « Je m'avance vers celui qui me contredit, qui m'instruit », disait Montaigne. La jeune femme n'écoutait plus. Elle avait définitivement classé l'auteur du Cœur intelligent parmi les manipulateurs à l'esprit étroit dont la perversion consiste à souffler sur les braises d'une société déjà incandescente.

    « Taisez-vous, Alain Finkielkraut! » Cette injonction, au fond, reprenait le mot d'ordre des derniers défenseurs du gauchisme culturel. Dans leur manifeste pour une contre-offensive intellectuelle et politique publié par Le Monde le 27-28 septembre dernier, Édouard Louis et Geoffroy de Lagasnerie établissaient comme premier principe celui du refus: « Fuir les débats imposés, refuser de constituer certains idéologues comme des interlocuteurs, certains thèmes comme discutables, certains problèmes comme pertinents. Ces thèmes rendent la confrontation d'idées impossible, les évacuer est la condition du débat.» Ces thèmes étaient les suivants : « nation, peuple, souveraineté ou identité nationale, désagrégation ». Les deux intransigeants préféraient parler « de classes, d'exploitation, de violence, de répression, de domination, d'intersectionalité ».

    « Taisez-vous, Alain Finkielkraut ! » Le thème de l'émission était « Les Deux France », et nous les avions là, sous nos yeux, plus encore que dans la conversation féconde et courtoise qu'eurent pendant deux heures Daniel Cohn-Bendit et Alain Finkielkraut. Ceux qui s'en tiennent à l'écume des choses feront de l'islam la ligne de fracture. Les courants, pourtant, sont autrement profonds, et ce qui sépare ces deux camps, c'est d'abord l'appréhension du monde. Les uns considèrent qu'il n'est rien d'autre qu'une matière à façonner selon des principes dictés par l'idéologie (qui peut être athée, religieuse, coranique), les autres tentent de tirer des leçons politiques et sociales de son observation. Les premiers le rêvent et nous endorment, les seconds le voient et nous réveillent. « Vivre-ensemblistes » et noyeurs de poissons décrivent une surréalité admirable qui aura raison de ce monde ancien, quand notre philosophe se fait « l'accoucheur de notre inquiétude collective » (François-Xavier Bellamy) et veut protéger ce qu'il reste de beauté. Ils promettent les lendemains qui chantent, quand Alain Finkielkraut vit les tourments d'aujourd'hui. Ils ont le cœur large comme la COP21, il contemple les vaches dansant dans les prés. Ils sont de partout et viennent de nulle part, il est l'héritier d'une généalogie, d'une histoire, d'une littérature. Ils pérorent avantageusement, mais plus personne ne les écoute, il s'exprime lentement, alternant soupirs, nuances et précautions. Chut ! taisez-vous, Alain Finkielkraut parle.   

    * Vincent Tremolet de Villers

    Vincent Tremolet de Villers est rédacteur en chef des pages Débats/Opinions du Figaro et du FigaroVox.

  • L’Algérie en guerre contre ses binationaux ?

     

    par Gabriel Robin

    En lisant cette intéressante note de Gabriel Robin [Boulevard Voltaire, 4.02.2016], on ne peut s'empêcher de conclure que, sur la question de la bi-nationalité s'agissant de leurs ressortissants, ce sont les autorités algériennes qui ont raison. Raison contre nos intellectuels, juristes, politiciens et gens de médias. Certes, la mémoire des origines, l'attachement à une patrie de provenance en termes de culture, peuvent être légitimes pourvu qu'ils ne prévalent pas sur les devoirs que l'on a contractés envers le pays dont on a acquis la nationalité. Celle-ci n'est pas faite, en effet, que de mémoire et de culture, domaines où la multi-nationalité est possible. Elle est aussi faite d'intérêts, parfois de leur choc, choc dans certains cas, entre des intérêts vitaux. C'est pourquoi la bi-nationalité exigerait au moins un choix explicite de prévalence. En fait, au sens plein, incluant le culturel mais aussi le politique, l'on peut considérer la bi-nationalité comme impossible. L'individualisme postmoderne peut-il seulement comprendre et admettre que la citoyenneté ne se partage pas et qu'en définitive l'appartenance à un Etat ne peut être qu'à un seul ? Les autorités algériennes, plus frustes, le savent. Les Français l'ont oublié et, par la force des choses, devront le réapprendre. Il se pourrait que ce soit tout simplement la déchéance de la bi-nationalité qu'il convient de décider. Débat ouvert ! Lafautearousseau  

     

    Gabriel Robin.jpegDimanche, l’Algérie votera sa nouvelle Constitution. Dernière œuvre politique majeure du président Abdelaziz Bouteflika, la révision de la Constitution a été approuvée le 11 janvier dernier en Conseil des ministres. Si certaines mesures ont été saluées par l’opinion publique, comme la reconnaissance officielle de la langue amazighe, d’autres agacent quelques opposants. C’est le cas de l’article 51 qui restreint fortement les droits des binationaux.

    Les fonctions politiques seront désormais réservées aux seuls nationaux algériens qui ne possèdent pas une autre nationalité. Idem pour la plupart des hautes responsabilités de l’État (gouverneur de la banque centrale, directeur général de la sûreté nationale ou président de la Cour suprême). Par ailleurs, l’accès à la fonction de président de la République ne sera rendu possible qu’aux candidats strictement algériens capables de prouver dix ans de résidence en Algérie. Cet article 51 dérange.

    Chafia Mentalecheta, députée binationale franco-algérienne, a ainsi poussé un coup de gueule sur les réseaux sociaux : « Au nom de la communauté nationale établie à l’étranger, composée de millions de binationaux attachés à l’Algérie comme peu savent le faire, jaloux de leur algérianité comme peu peuvent le comprendre, liés à la nation algérienne par le sang et par l’Histoire, je refuse que l’Algérie se mette au diapason constitutionnel de la France en instituant une variante de la déchéance de la nationalité. » Les deux réformes n’ont strictement rien à voir mais qu’importe l’exactitude quand critiquer la France est un véritable sport national.

    Les protestations contre l’article 51 se multiplient dans les pays à forte diaspora algérienne. C’est évidemment en France que la réforme suscite les réactions les plus passionnées. Chafia Mentalecheta a même lancé une pétition expliquant l’amour qu’elle porte à sa nationalité d’origine. Dans un élan lyrique, la députée parle amoureusement des « bi, tri et quadrinationaux », à l’identique de Jack Lang sur Canal+ récemment.

    La binationalité ne devrait être qu’une exception. Il est difficile d’avoir deux patries comme il est difficile d’avoir deux mères. L’Algérie dénonce cette hypocrisie et appelle les Algériens possédant une autre nationalité à choisir. Si ces derniers veulent être des acteurs politiques dans leur pays d’origine, ils doivent faire un choix clair pour la nationalité algérienne et non pas simplement en profiter des avantages.

    Ahmed Ouyahia, directeur de cabinet de la présidence de la République, le dit clairement : « Ceux qui voudraient servir ou représenter l’Algérie à de très hauts niveaux de responsabilités ne doivent avoir de loyauté qu’envers elle et doivent être dégagés de tout lien avec une puissance étrangère. » Un discours de bon sens que je fais mien.

    Sous couvert d’anonymat, un ancien haut fonctionnaire déclarait : « Mes enfants, nés en Europe, qui sont rentrés avec moi, n’ont donc pas le droit de servir leur pays ? De quel droit ? » Ils en ont le droit mais ils doivent faire un choix. Les binationaux franco-algériens ont plus souvent des comportements de patriotes algériens lorsqu’ils vivent en France. Les événements de la dernière Coupe du monde de football en témoignent. Abdelaziz Bouteflika les enjoint désormais à traduire leurs déclarations en actes. Si l’Algérie est dans leur cœur, ils doivent renoncer à la nationalité française.   

    Juriste
  • La technocrature, maladie sénile de la démocratie, par Philippe Germain.

    Les maurrassiens ne sont pas les seuls à mesurer l’importance de l’évolution du cycle de la démocratie française donnant tout le pouvoir politique aux technocrates. Effectivement à gauche et à l’ultra-gauche, s’enfle l’imaginaire démonologique, voir complotiste  !

    C’est à gauche et même à l’ultra-gauche, que certains ont commencé à se poser la question du «  quel est réellement ce nouveau monde qui gouverne  ?  ». Prenons quelques titres d’ouvrages  :

    philippe germain.jpg1. Chez Laffont «  Les intouchables d’Etat   » par Vincent Jaubet, grand reporter à l’Obs,

    2. ATTAC publie «  Macron l’imposture  »,

    3. Médiapart publie l’enquete nommé «  La caste  »,

    4. Succès fulgurant au Diable Vauvert de «  Crépuscule  » de Juan Branco, ancien avocat de Jean-Luc Melechon,

    5. Chez La découverte «  Le président des ultra-riches  » de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot,

    6. Chez Textuel «  Les prédateurs au pouvoir, main basse sur notre avenir..  » toujours par les passionnants Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, 

    7. L’hebdomadaire Marianne titre «   Ceux qui gouvernent vraiment la France  ».

    En revanche avec ces travaux venant de la gauche, nous assistons au retour du mythe des gros et des petits, de la caste sur le peuple, de ceux d’en haut sur ceux d’en bas. Bref du vieux mythe républicain recyclé, celui du clergé allié à la noblesse contre le tiers état, celui des 200 familles du parti radical de 1934, celui du murs d’argent du PCF….

    Ainsi la technocrature devient-elle  «  la caste  » et Macron le Président des«  plus riches  ».

    Ce qui n’est pas complètement faux  !

    Effectivement Macron a été adoubé par les puissants, financé par de généreux donateurs, conseillé par des économistes libéraux et multiplie effectivement les cadeaux «  aux plus riches  »– suppression de l’ISF, – flat tax sur les revenus du capital,– suppression de l’exit tax,– pérennisation du crédit d’impôt pour les entreprises…

    alors même que les classes moyennes en paient la facture sur fond de privatisation des services publics. Allez-donc vous étonner de la révolte des Gilets Jaunes  ?

    Pas faux donc… mais cette analyse nous oriente dans une voie sans réel avenir.

    Effectivement d’une démocratie représentative en phase terminale, sauvé in-extremis par les technocrates, il serait nécessaire de rebondir par… plus de démocratie, de la démocratie directe voir une VI° République…

    Bref toujours et encore une fuite en avant dans la démocratie imaginaire après le constat d’echec de la démocratie réelle.

    En réalité la dénonciation du mythe des gros et des petits, celui de la caste macroniste, du Président des riches évite de se poser des questions sur  :– les relations entre politique républicaine et économie,– l’histoire des élites démocratiques comme la technocrature,– leurs réseaux hexagonaux, européens et transatlantiques (pensons à la très officielle Amicale du Trésor regroupant technocrates d’État et financiers).

    Nous maurrassiens, ne pouvons en rester à une analyse aussi courte que celle du mythe républicain des gros et des petits. Nous le verrons prochainement mais en attendant il est possible de visualiser quelques vidéo intéressantes imprégnées de l’imaginaire du mythe des gros et des petits.

    1) Celle (84 minutes ) des «  mercredi de la NAR  » dans laquelle le célèbre monarcho-gaulliste Bertrand Renouvin recoit Monique Pinçon-Charlot pour son livre “Le président des ultra-riches”.  On y aborde l’aspect pur produit de l’oligarchie, l’hôte de l’Élysée a comblé de cadeaux fiscaux ceux qui l’avaient porté au pouvoir et donné à la guerre de classe une intensité inédite, provoquant la révolte des Gilets jaunes qui ont significativement envahi les “Beaux quartiers…”.


    2) Celle (35 minutes) de « Le Média » dans lequel Aude Lancelin a reçu le journaliste Laurent Mauduit pour échanger à propos de son livre : « La Caste – Enquête sur cette haute fonction publique qui a pris le pouvoir » :


     

    3) Celle (45 minutes) du groupe des «  Gilets Jaunes Constituants 91  » sur l’annuaire de l’association très discrete du Siècle et dans laquelle intervient Thibault le maintenant célèbre Gilet Jaune Royaliste.


  • « À ces soldats sans armes… », par Christian Vanneste.

    « Nous sommes en guerre… » L’anaphore martiale de M. Macron lors de sa seconde allocution avait pour but de revêtir la tenue dans laquelle le Chef de l’Etat prend toute sa dimension, l’armure du Chef de guerre. L’ennemi est là, il faut se mobiliser, se regrouper au nom de l’union sacrée, faire preuve de discipline, et le généralissime de doter ses troupes des moyens de gagner la bataille ! La communication a produit son effet : un sondage montre une progression de 13 points d’opinions favorables permettant au président de franchir la barre des 50%.

    christian vanneste.jpgMalheureusement, l’histoire de France a tendance à bégayer : du « il ne manque pas un bouton de guêtre » du Maréchal Le Boeuf en 1870 à « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts » de Paul Reynaud en 1940, ces discours ont conduit au désastre parce qu’ils cachaient une grande impréparation. C’est le cas, une fois de plus. Le réveil au clairon, tardif, dissimule trois fautes majeures de nos gouvernants : défaut d’anticipation, pénurie de moyens, stratégie inopérante.

    Commençons par la dernière : le confinement est le principe de la stratégie. Peut-il endiguer le mal définitivement ? Evidemment non ! Il faudra bien l’arrêter un jour après des conséquences économiques calamiteuses, et le mal resurgira, d’autant plus que la règle n’aura pas été suivie par tous. En fait, le confinement, c’est notre ligne Maginot. Cela peut bloquer l’ennemi, le ralentir, mais cela ne peut le vaincre. Il est destiné à retarder au maximum la propagation du virus, le temps que les pénuries et les erreurs commises soient réparées. C’est un cache-misère ! La fermeture des frontières en amont, la généralisation de l’usage des masques, des gants, du gel hydroalcoolique, le dépistage massif et systématique des personnes contaminées dans la population, et l’emploi rapide de la chloroquine dans les traitements, comme le préconise le professeur Raoult, auraient composé une stratégie efficace dont la France n’avait ni les moyens matériels, ni la volonté politique. Des pays asiatiques comme la Corée du sud, ou européens, comme l’Allemagne, ont été plus réactifs et étaient mieux pourvus que nous.

    Car, une fois encore, le « Mal français », indéracinable, semble-t-il, celui-là, apparaît dans toute sa splendeur : un pays suradministré, bardé d’organismes de planification, d’évaluation et de contrôle, dont l’organisation est chamboulée en permanence par un prurit de réformes, se révèle incapable de prévoir les crises parce qu’il ne tire aucun enseignement des erreurs passées. En 2016, Mme Touraine, suivant un des dogmes qui règnent dans les écoles d’administration, selon lequel, plus c’est gros, mieux ça marche, et moins ça coûte, a réuni quatre établissements dans l’Agence « Santé Publique France ». Auparavant, c’était l’EPRUS qui gérait la réserve sanitaire, et l’Institut de Veille Sanitaire qui anticipait les risques. Le premier était notamment chargé de maintenir les stocks. Malgré, ou peut-être à cause de la présence d’autres organismes destinés à l’évaluation des risques, ou à la sécurité des produits, le nouveau diplodocus administratif, son conseil scientifique, et ses dix directions, ont poursuivi et accéléré l’inflexion initiée en 2011 : il ne fallait plus conserver inutilement le milliard de masques chirurgicaux et les 700 millions de FFP2, mais réserver des options d’achat, notamment… en Chine. Le flux devait l’emporter sur le stock, l’économie souple sur la précaution jugée superflue. Le tout était enrobé par une trouvaille rhétorique : il fallait distinguer les stocks stratégiques, et les stocks tactiques. Le Haut Conseil de Santé Publique préconisait de réserver les FFP2 aux personnels de santé, mais en excluant les pharmaciens, les ambulanciers et… les chirurgiens-dentistes ! Par ailleurs, subsidiarité oblige, le renouvellement des FFP2 devait incomber aux établissements hospitaliers, et non plus à l’Etat. C’est ce qui explique que celui-ci se trouva « fort dépourvu, lorsque la bise fut venue » : 150 millions de masques chirurgicaux et une indigence chronique pour les FFP2. Il restait quatre entreprises françaises qui commençaient à livrer aux clients étrangers, par exemple Valmy au NHS britannique, lorsque la commande nationale arriva. Mme Buzyn préféra dire que les masques étaient inutiles. En fait, il n’y en avait pas, avec l’énorme danger de voir le personnel médical, le plus exposé, subir une hécatombe ! Même incurie pour les tests et, pour les réticences à soigner par la chloroquine, il semble qu’une guerre souterraine entre l’INSERM et le CNRS, d’une part et l’IUH de Marseille de l’autre, ait entraîné une disqualification du produit alors que celui-ci obtient des résultats positifs.

    La mobilisation après le 15 Mars, alors que le péril est connu depuis début janvier, est une faute lourde qui sera la cause d’un grand nombre de morts et d’une nouvelle défaillance économique dans un pays déjà en grande difficulté. Alors, le pouvoir peut bien comme le précédent pour le terrorisme, tirer quelque profit sondagier fugace, de la catastrophe, il faudra qu’il rende des comptes, lui qui a menti et tergiversé. Ses prédécesseurs, aussi, qui ont accumulé les fautes. Pour le moment, trois médecins, ont, par le biais de leur avocat, Me Fabrice Di Vizio, déposé une plainte contre Edouard Philippe et Agnès Buzyn…

  • Le désastre stratégique français face au Covid-19 !, par Christian Vanneste.

    Zemmour, toujours inspiré par sa passion pour l’histoire militaire, explique que la France commence toujours mal les guerres.

    Mais il oublie qu’elle peut aussi mal les terminer, lorsqu’elle est envahie et même totalement occupée.

    La métaphore s’arrête là car personne n’imagine la victoire du virus. Avoir mal entamé cette guerre, c’est donc déjà l’avoir perdue parce que la France a montré qu’elle n’avait pas su opposer une stratégie efficace à l’épidémie et limiter le nombre de morts. La progression du mal aura été le révélateur d’un mal plus profond, celui de la décadence inexorable de notre pays de plus en plus criante malgré les rodomontades des politiques et le concert médiatique qui les accompagne.

    christian vanneste.jpgLe pouvoir s’est trompé à chaque étape de la bataille à mener. Il a commencé par nier qu’elle pouvait atteindre notre sol. Le 24 Janvier, Mme Buzyn, ministre de la Santé déclarait que "le risque d’importation du virus depuis Wuhan est pratiquement nul, le risque de propagation très faible" . Ce jour-là, la ministre de la Santé s’appuie sur "des analyses de risques modélisés par des équipes de recherche" . L’INSERM vient de construire "un modèle pour estimer le risque d’importation de l’épidémie en Europe".

    Ses chercheurs ont réalisé deux scénarios, "celui d’un faible risque de diffusion et celui d’un risque élevé". Pour la France, le risque d’importation était estimé entre 5% et 13%. Il n’était donc pas nul, contrairement à ce qu’a dit la ministre, et il a été moins faible que les manipulateurs de chiffres plutôt que de molécules ne l’avaient prévu.

    Pendant près de deux mois, jusqu’au 15 Mars, quand la Chine multipliait des mesures d’exception, avec le confinement des villes doublé de contrôles et prises de température à l’entrée et à la sortie, la concentration des moyens dédiés et les commandes appropriées, la construction ultra-rapide de nouveaux hôpitaux, la France lançait une  bande dessinée : Manu au bar des handicapés, Manu au théâtre, Manu va voter et puis Manu va-t-en guerre.

    Dans la dernière édition, le climat avait changé : il ne s’agissait plus de tranquilliser la population mais de la préparer à un combat pour lequel on avait oublié de stocker les munitions : manque de masques, notamment FFP2 pour le personnel médical, manque de tests, manque de respirateurs et de lits adaptés dans certaines régions particulièrement touchées.

    Toute la communication gouvernementale s’est, dès lors, ingéniée à justifier une stratégie imposée à la France par le manque de prévoyance et par la pénurie des moyens. L’absence de contact devait pallier l’absence de solution médicale. La France, grande puissance, pays riche, menait une lutte médiévale destinée à ralentir la propagation, le temps de fabriquer ou de commander les armes nécessaires pour livrer le vrai combat, en dépistant systématiquement les personnes atteintes par le virus et capables de le transmettre, sans laisser elles-mêmes apparaître de symptômes, en protégeant le personnel médical avec des masques FFP2, et en soignant le plus vite possible les malades avant que les cas ne deviennent trop graves.

    Dans cette gesticulation du pouvoir mêlant mensonges et avalanche de mesures, les unes limitant la liberté de circuler, les autres visant à empêcher la panique économique à grands renforts de dépenses d’un Etat déjà hyper-endetté, les boulettes se sont multipliées.

    C’est Madame Belloubet annonçant la libération anticipée de 5000 détenus parce que cela « chauffe » trop dans les prisons, alors que l’ordre ne règne pas non plus dans les quartiers de non-droit, que des « libérés » vont rejoindre. Si les professionnels du tourisme et les indépendants, en général, les commerçants en particulier, souffrent, les trafics, eux, continuent. C’est M. Le Maire ou Mme Pénicaud qui incitent à aller travailler malgré le confinement et sans abuser pour les employeurs du chômage partiel et pour les employés du droit de retrait… Entre les essentiels et ceux qui ne le sont pas, ceux qui peuvent télétravailler, et ceux qui ne peuvent pas, les Français découvrent de nouvelles inégalités, avant peut-être d’apprendre celle qui surgira devant la mort, pour les plus fragiles qui seront discriminés… négativement !

    Dans cette confusion qui est l’apogée du « en même temps », un conflit local typiquement français s’est déclaré : entre le village gaulois de l’IUH de Marseille dirigé par le Professeur Didier Raoult et l’Etat parisien, ses consuls et ses légions. Le virologue, de réputation mondiale, mais climatosceptique, définit une bonne stratégie : dépistage massif et soins précoces à base d’Hydroxychloroquine associée à un antibiotique.

    Comme la France n’a pas les moyens du dépistage, « en raison de difficultés techniques et logistiques », contrairement à l’Allemagne qui fait quatre fois plus de tests, une levée de boucliers a été organisée contre l’iconoclaste : les autorités « scientifiques » et médiatiques pointent les dangers d’un « vieux » médicament pourtant bien connu et veulent le réserver aux cas graves… Un essai clinique européen a été lancé, Discovery. La partie française sera supervisée par l’Inserm, et cinq hôpitaux français y participeront, mais l’IHU du Pr Raoult n’en sera pas. Le Pr Bruno Lina, virologue, membre du Conseil Scientifique, met en garde contre la prescription de la chloroquine. Le traitement associant l’antibiotique ne sera pas expérimenté…

    Pour des raisons qui mêlent la science à d’obscures rivalités, auxquelles prendrait part, selon certains, l’ancien patron de l’INSERM, et époux de Mme Buzyn, le Professeur Raoult n’est pas en cour…

    On n’ose imaginer que l’appétit de certains laboratoires se cacherait derrière cette obstruction. Mais, nous sommes sauvés, un nouveau « machin » a été créé pour conseiller le pouvoir : le CARE, au nom typiquement progressiste français….

  • Au cinéma, la chronique de Guilhem de Tarlé : Apocalypse : La guerre des mondes 1945-1991 (3ème et 4ème épisode).

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    A la télé : Apocalypse : La guerre des mondes 1945-1991 (3ème et 4ème épisode), un film français de Daniel Costelle et Isabelle Clarke, avec Mathieu Kassovitz comme narrateur.

     

    guilhem de tarlé.jpgUn nouveau bain de jouvence dans mon anticommunisme primaire avec la suite de la série diffusée hier soir, 31 mars, sur France 4 :

    Le Monde tremble (1950-1952)
    La Conquête (1953-1955)
    Ces deux épisodes portent presque exclusivement sur les guerres de Corée et d’Indochine : 1 ou 2 guerres ? Il n’y a en tout cas qu’un seul ennemi : le communisme !
    une page d’Histoire pour ma classe 47, celle-là trop récente pour l’avoir apprise au lycée et celle-ci trop jeune, trop enfant, pour l’avoir ressentie. Mes seuls souvenirs de cette époque sont Diên Biên Phu et le bol de lait que Mendès-France nous a obligés à boire au « Petit lycée » ! J’aime à dire que c’est ce bol de lait qui m’a fait tomber dans la marmite de « l’extrême-droite » !
    La Corée avait été annexée par le Japon en 1910 et, en 1945, elle fut partagée en 2 zones d’occupation, soviétique au nord du 38ème parallèle et américaine au sud. Après la création de deux états indépendants en 1948, et le départ des troupes d’occupation, la République démocratique populaire déclencha la « guerre de Corée » en envahissant le sud, le 25 juin 1950, pour réunifier le pays. Kim IL Sung, rapidement aidé par 500 000 « volontaires » de Mao Zedong, se heurta alors aux forces de l’ONU commandées par MacArthur, jusqu’à ce que le président Truman, redoutant une intervention soviétique en Europe, procédât à son remplacement. Un armistice en juillet 1953 maintint la frontière des deux Corées au 38ème parallèle.
    L’Indochine française, la « perle de l’empire », conquise durant la seconde moitié du XIXe siècle, regroupe les territoires côtiers de la mer de Chine méridionale, à savoir la « colonie » de Cochinchine , au sud, le protectorat d’Annam et, au nord, celui du Tonkin, auxquels il faut ajouter deux autres protectorats du Cambodge et du Laos. A la capitulation de l’occupant japonais, le chef du Viêt-Minh, Hô Chi Minh, « celui qui éclaire », proclama à Hanoï, le 2 septembre 1945, l’indépendance du Viêt-Nam. Après l’envoi d’un corps expéditionnaire commandé par le général Leclerc, la France reconnut la République du Viêt-Nam (6 mars 1946). Néanmoins une intervention pour le moins malencontreuse du Haut-Commissaire Thierry d’Argenlieu qui reconnut une république sécessionniste de Cochinchine, et l’échec de la conférence de Fontainebleau (juillet-septembre 1946) donnèrent le temps à Giap de fomenter des événements qui aboutirent à la guerre. Il y eut bien une tentative de reconnaissance d’un état vietnamien gouverné par  l’empereur d’Annam Bao-Dai (accords du 5 juin 1948 et 8 mars 1949) mais la proclamation de la République populaire de Chine, le 1er octobre 1949, avec Mao, rebat les cartes et intègre définitivement cette guerre d’Indochine dans la guerre froide. Pendant que les communistes manifestent en métropole contre la « sale guerre », le général de Lattre redresse la situation, mais meurt d’un cancer (1952). Il est remplacé par le général Salan (qui n’est pas cité dans le film) puis par le général Navarre qui décide la création d’un camp retranché : Diên Biên Phu.
    « Ils attendaient dans la cuvette
    Le tout dernier assaut des Viets
    Dans la boue, ils creusaient leur trou
    Diên Biên Phu »
                                                                      (JPM)
    Le 7 mai 1954, sous l’assaut des forces du général Giap, bien supérieures en nombre, Diên Biên Phu tombe laissant des milliers de morts, de blessés et de prisonniers dont ils seront peu à revenir, comme le général de Castries, le colonel Bigeard et l’infirmière Geneviève de Galard, « l’ange de Diên Biên Phu ».
    A Genève, le 21 juillet, Mendès-France signe un armistice qui partage le pays en deux, à l’image de la Corée,  avec le nord du 17ème parallèle abandonné aux communistes.
    « Aujourd’hui, tout le monde s’en fout
    De Diên Biên Phu
    Mais nous, nous restons fiers de vous
    Diên Biên Phu ».
  • France ”sous cloche” Insécurité par temps de confinement : les leçons d’une expérience inouïe pour les criminologues, pa

    Source : https://www.atlantico.fr/

    L'expérience du confinement aura été très instructive. Ce que la criminologie a appris du confinement prendra des mois à se cristalliser, à pouvoir s'écrire. Les principaux enseignements concernent l'emprise territoriale et la réactivité du banditisme périurbain.

    La physique connaît les expériences sous "cloches à vide" : par exemple, on créé le vide dans un espace pour y étudier la propagation du son. Pratique bien sûr inaccessible aux sciences humaines, surtout à échelle continentale. Un pays entier - l'Europe même ! - sous cloche à vide ? Les voies et artères d'un pays ; ses espaces urbains ou ruraux ; ses paysages, côtes et mers, vides d'hommes, soixante jours durant ? Impossible - exclu même des songeries hallucinées d'un savant sous LSD ou d'un dictateur mégalomane.
     

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    1.jpgOr c’est ce que le confinement du 16 mars au 10 juin a soudain (presque) imposé au monde développé. Cas inouï pour la France qui n’a jamais rien subi de tel en trois siècles – sauf peut-être, l’Île-de-France, au début de l’occupation allemande (juin-juillet 1940).Immense et inespéré laboratoire, cette France « sous cloche » permet aux sciences humaines ou naturelles de riches observations -l ‘épidémiologie, bien sûr ; mais période plus féconde encore pour la criminologie. Voici comment et pourquoi. 

    Discipline transversale, la criminologie intègre d’autres sciences humaines : philosophie (violence… peur…) ; histoire ; psychologie (passage à l’acte du criminel, etc.). Plus la sociologie (étude des entités illicites – clandestines), la statistique (mesure des infractions) ; enfin, la réponse sociale (critique des politiques criminelles, lois pénales, etc.). 

    Face aux autres sciences humaines, la criminologie subit cependant une additive et vaste difficulté : sans trêve et de leur mieux, ses sujets d’étude camouflent qui ils sont, ce qu’ils font et ce qu’ils manipulent : flux financiers, biens et services illicites, etc. L’économie ou la psychologie regorgent certes de cas où l’approche du réel est passivement ardue. Mais en criminologie, ce réel est activement caché : là est toute la différence. Toujours et partout, le crime parasite la société et l’économie légales et légitimes ; le deal de stupéfiants, les vols avec armes, le contrôle des fiefs criminels, le proxénétisme, les effractions, le racket, etc. Doivent être noyés dans la foule ; ce d’abord, dans l’espace urbanisé. De même pour toute logistique illicite : comment infiltrer des migrants clandestins en masse, ou des tonnes de stupéfiants, dans des ports confinés ou sur des autoroutes vides ? Impossible bien sûr. Vides d’habitants, les rues, autoroutes, places et quartiers de la plupart des villes d’Europe, désormais balayés jour et nuit par des caméras de surveillance, rendent l’activité criminelle de voie publique difficile voire impossible.  

    4.jpgPire encore : d’usage imperceptibles sans efforts massifs, ces signaux faibles et ruptures d’ambiance permettant le décèlement précoce des dangers et menaces sont aisés à repérer dans un monde « sous cloche ». Ce, en temps quasi-réel, privant le milieu criminel ou terroriste d’un classique atout de décalage temporel : dans le monde « normal », les bandits vont vite et les bureaucraties d’État sont lentes et lourdes.

    En temps de confinement, rien de tel : tout peut se repérer, et vite. Ce que la criminologie a appris du confinement prendra des mois à se cristalliser ; à pouvoir s’écrire. D’ores et déjà cependant, deux premier enseignements sur l’emprise territoriale et la réactivité du banditisme périurbain, d’habitude immergé dans des quartiers inaccessibles aux non-résidents et aux forces de l’ordre. 

    EMPRISE

    Fin mars, des journalistes veulent jauger le confinement, la vie sociale, etc., d’une cité « chaude » du nord de Marseille.  Récit : « Un chouf[guetteur prévient de notre arrivée…Notre voiture, repérée sur le champ… D’autres « jeunes » observent à distance, prêts à intervenir… Avenue X trois « jeunes » masqués gèrent le barrage… Un journaliste interroge un habitant… Des guetteurs viennent écouter… une dizaine autour de nous, agités, intimidants… Nous partons vite, pourchassés par deux véhicules jusqu’à l’autoroute ». 

    Flagrant dans le vide ambiant, tel est le durable ordre paramilitaire imposé à des centaines de quartiers en France ; surtout, ceux restés calmes lors du confinement, du fait justement de l’emprise criminelle. Selon le classement même du Renseignement territorial, la France métropolitaine compte 58 quartiers et « grands ensembles » de niveau 1, les « Quartiers sensibles de non-droit » et 160 de niveau 2, les « Quartiers sensibles très difficiles ». 218 territoires au total dont la moitié au moins subit l’emprise de l’ordre paramilitaire ci-dessus décrit. Ordre qui suppose forcément une hiérarchie, des fonctions distinctes, une planification – la définition même du crime organisé par les instances internationales. Reste le partage de l’argent illicite généré. Et quel argent ! Pour les demi-grossistes livrant ces territoires par quantités de 50 à 300 kilos, la vente de trois tonnes de cocaïne procure de 70 à 100 millions d’euros. Or notre myope ministère de l’Intérieur et ses journalistes-chouchous font mine de s’affoler de quelques pétards, d’une agitation somme toute banale – mais ignorent au quotidien la présence en France de plus de cent impénétrables fiefs criminels, générant ces fortunes. 

    RÉACTIVITÉ

    En France, le cannabis du Maroc et la cocaïne du nord de l’Amérique latine sont les stupéfiant-rois. Or à la mi-mars, désastre pour les importateurs de ces narcotiques, désormais associés : des frontières bouclée au sud (Maroc, Espagne) et au nord (Pays-Bas, Belgique). Fin des vols internationaux, donc du trafic de « fourmis « infiltrant la cocaïne en France. Le deal de rue s’arrête, hors cités criminalisées. Ailleurs, des dealers et clients sont sous l’œil des caméras, suspectes présences dans le vide ambiant. L’offre et la demande des stupéfiants en panne : fort risque pour les caïds de quartiers où nombre de familles et clans vivent des trafics illicites. Or tous s’adaptent vite au nouvelles « normes de marché »: livraisons pour les « bons » clients; trafic rabattu sur le fret maritime et les camionneurs qui livrent les populations confinées en biens essentiels. Là, encore et toujours, obligation d’une architecture transnationale hiérarchisée, dotée de capitaux massifs, d’un strict et clandestin partage des tâches ; enfin, d’une capacité de prévision et de réaction aux obstacles, pour maintenir la fluidité du trafic et l’optimale rentrée de l’argent. 

    Au bout du compte, une emprise et une réactivité hélas supérieures à celle des autorités françaises, regrettent (discrètement) ceux qui, dans l’ombre, pistent ces trafiquants.

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    Xavier Raufer

    Docteur en géopolitique et criminologue.

    Enseignant dans les universités Panthéon-Assas (Paris II), George Mason (Washington DC) et Université de Sciences politiques et de droit (Pékin)  

  • Conservatisme

    Olivier Dard, Frédéric Rouvillois et Christophe Boutin
     

    par Gérard LECLERC

     

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    Est-il vrai que le conservatisme est à la mode ? Un certain nombre de signes pourrait plaider en ce sens. On est même allé jusqu’à prétendre que la tendance sinistrogyre (c’est-à-dire en faveur d’une pensée de gauche) établie naguère par Albert Thibaudet pour caractériser le mouvement des idées politiques en France, était désormais démentie par une nette tendance dextrogyre. On peut objecter à cela la victoire d’Emmanuel Macron, proclamant haut et fort son progressisme, mais la nature du macronisme est encore en suspens, sa prétention à dépasser le clivage gauche-droite attendant une véritable confirmation. Le débat intellectuel demeure largement ouvert, et il l’est d’autant plus que la notion même de conservatisme a toujours eu beaucoup de mal à être définie et à trouver droit de cité dans ce pays. Thierry Maulnier n’aimait-il pas rappeler la formule du duc d’Orléans pour qui « le mot commençait vraiment trop mal ». Beaucoup de réactionnaires se sont moqués, tel Bernanos, de ces braves gens qui « se sont appelés eux-mêmes, tour à tour, conservateurs, libéraux ou modérés, dans l’espoir que ces sobriquets, qui suaient la paresse et la peur, allaient leur assurer infailliblement l’estime et l’amour du peuple français ». Il y a donc beaucoup de travail pour assurer au conservatisme un statut à la fois honorable et crédible. C’est pourquoi Frédéric Rouvillois, Olivier Dard et Christophe Boutin ont préféré la formule du dictionnaire à celle du manifeste pour faire un peu plus de clarté et apporter un peu de rigueur à ce qui pourrait être autre chose qu’« un simple ramassis de préjugés bourgeois agités comme des épouvantails contre ceux qui se réclament de la Justice et du Progrès, mais un ensemble extrêmement riche ».

    La preuve en est faite grâce à cette publication d’un bon millier de pages, dont la fonction est plutôt de donner infiniment à penser quant à une tradition qui pourrait bien trouver aujourd’hui le terrain propice à une refondation « qui reprendrait l’héritage des conservatismes anciens, mais qui implique aussi de prendre en compte des éléments qui n’avaient pas été intégrés aux programmes conservateurs des XIXe ou XXe siècles tant qu’ils semblaient ne jamais devoir être menacés, alors que la démesure moderne risque de les faire disparaître eux aussi ». Les trois responsables du dictionnaire soulignent ainsi d’emblée en quoi le conservatisme pourrait trouver une actualité bien supérieure aux modes éphémères, dès lors qu’il affronterait non pas une menace contre un ordre bourgeoisement établi mais une atteinte à la substance de notre humanité, en ce qu’elle a de plus exposée. Mais avant d’en arriver à cette ultime conclusion, il était nécessaire de refaire tout un parcours historique, afin de saisir à travers quelles étapes, quelles difficultés s’était constitué un courant conservateur aux multiples déclinaisons, toujours confronté à des difficultés tenant à la complexité d’une réalité rebelle aux réductions idéologiques.

    Il fallait bien partir d’une définition minimale. Celle-ci semble correctement formulée par Philippe Bénéton : « Le conservatisme est un mouvement intellectuel (et politique) de l’ère moderne qui naît avec elle puisque contre elle ; la doctrine conservatrice s’est constituée pour la défense de l’ordre politique et social traditionnel des nations européennes, elle est fondamentalement anti-moderne. Le conservatisme est donc un traditionalisme. Dans la mesure où il a une filiation qui, tout en restant fidèle aux valeurs du conservatisme, s’est détachée, histoire oblige, de la tradition pré-moderne et du modèle historique qu’elle incarne, l’on parlera alors de néo-traditionalisme. » Ce simple point de départ indique déjà la difficulté d’une pensée qui, en dépit de sa volonté d’assurer le pérenne, se trouve contrainte d’assumer la nouveauté, au risque de sérieuses contradictions. De là, par exemple, ses rapports indécis avec le libéralisme. Peut-on être à la fois conservateur et libéral ? La réponse ne va pas de soi, car s’il semble y avoir des incompatibilités doctrinales, il y aussi d’évidentes complicités. Ainsi que le remarque Lucien Jaume : « Le libéralisme peut se montrer aussi bien conservateur (contre les idéologies égalitaires ou “régénératrices” au sein de la Révolution française) que révolutionnaire. L’“appel au ciel” chez Locke, le soutien à la révolution de 1830 chez les orléanistes… » (article Libéralisme). L’ambiguïté est déjà manifeste chez Chateaubriand, qui fut le premier à se faire le porte-drapeau de la réaction à la Révolution, en figure de proue d’un journal qui s’appelait Le conservateur, mais qui, en même temps, veut comprendre une certaine inspiration de 1789, tout en ayant subi aussi le choc, avant son neveu Tocqueville, de la découverte du Nouveau monde. Autre ambiguïté : le conservatisme est très souvent accusé d’indifférence à l’égard de la question sociale, et il serait suspect, à l’instar du libéralisme, de préférer les lois du marché à une politique de justice sociale. Mais c’est oublier l’extrême sensibilité de beaucoup de conservateurs, tel Albert de Mun, à combattre une pauvreté, qui tenait aux excès du système capitaliste et industriel, provoquant « la déliquescence des liens sociaux, et, en premier lieu, l’érosion du lien familial, par l’amenuisement de l’humain et son exploitation » (Claire Araujo Da Justa, article Pauvre, pauvreté).

    9782204123587-59fb496fddd78.jpgCe n’est là qu’un faible aperçu de la richesse de ce dictionnaire qui, par ses développements, ne cesse d’inciter à toujours plus creuser et complexifier la réflexion. On prêtera, notamment, attention aux liens qu’une tradition politique entretient avec des courants philosophiques aussi caractéristiques que le thomisme et plus généralement avec le christianisme. De sa part, on ne saurait admettre nulle neutralité axiologique, ce qui l’éloigne de l’ère du vide dans toutes ses désinences, d’un libéralisme incertain (« Le libéral, disait le général de Gaulle, est celui qui pense que son adversaire a raison ») mais qui pourrait le rendre apte à affronter un des défis les plus graves, « le remplacement d’un monde par une réalité virtuelle qui dissimule mal les risques d’un nouveau totalitarisme ». Ainsi pourrait enfin se détacher « une volonté de perdurer dans l’être, ancrée aux coeurs des hommes » qui permette « de fédérer des axes et, peut-être, de rassembler une famille ». 

    Le dictionnaire du conservatisme, sous la direction de Frédéric Rouvillois, Olivier Dard et Christophe Boutin, Les Éditions du Cerf.

    Royaliste

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  • Emmanuel Macron, le chantre de la société des individus

     

    Par 

     

    XVMb1a0a3cc-c313-11e7-b1f9-8e8a8cad8fcc-100x166.jpgMélenchon déprimé, Le Pen démonétisée, Wauquiez vilipendé, des socialistes cornérisés, tout se passe comme si «les sanglots longs des violons de l'Automne «avaient pétrifié toutes les formes d'opposition politique dans ce pays. 

    On envisageait la rue ? Celle-ci, nonobstant quelques mobilisations sporadiques, est restée calme.

    On envisageait des transports bloqués ? Rien n'est venu paralyser le pays, ni les routiers, encore moins les cheminots.

    D'aucuns suggèrent un mouvement étudiant, mais le mot de « sélection » , épouvantail totémique de bien des gouvernements, parait désormais accepté par une majorité de français et ne plus effrayer les jeunes entrants à l'Université.

    Force est de constater qu'avec sa ligne assumée, son usage des symboles de l'autorité, de la distance, du surplomb, et une communication de tous les instants, dosée entre la verticalité de la fonction et la proximité de la personne, le président de la République a pour l'instant déminé une rentrée qui lui permet de décliner sans trop d'encombres un programme que les électeurs n'ont même pas plébiscité, optant plus par défaut que par adhésion pour le marcheur.

    Le paradoxe veut que les Français aient choisi Macron et non le macronisme. Mais ce faisant , c'est bien le macronisme, quintessence des bourgeoisies de droite et de gauche enfin fédérées, qui applique sa politique dans les veines profondes du pays.

    Toute la question consiste à comprendre comment Macron est devenu en cet automne « le point de coordination tacite » ou s'agrègent les bourgeoisies et où se diluent et s'effilochent, pour l'instant, les élans protestataires en autant de mouvements velléitaires.

    L'essence du macronisme repose sur trois piliers qui, à ce stade, contribuent à sa stabilité automnale.

    Le style d'abord de son leader qui a fait de l'apparence, plus que ses prédécesseurs, la vitrine de sa politique.

    Macron rassure les bourgeois. Il les consolide dans cette croyance que gouverner c'est aussi obéir à des codes, à des usages, c'est-à-dire à une épure qui avait été quelque peu malmenée ces deux derniers quinquennats. Le bourgeois a reproduit de l'aristocratie de cour l'exigence de l'étiquette et du respect des formes. Il se déploie dans un « entre soi » où le regard jauge, évalue, contrôle.

    Macron récite l'histoire d'une bourgeoisie éclairée, sûre de son fait, déterminée à ne pas se laisser déposséder du pouvoir; il en incarne la posture, plus gentilhomme parfois que bourgeois, mais aussi trivialement bourgeois quand il laisse transparaître son agacement lorsque l'on proteste un peu bruyamment contre sa politique. C'est un fait que le bourgeois n'aime pas « le bordel ». Le désordre l'offusque et Macron sait parfaitement mettre en scène son indignation.

    Mieux : il décomplexe le bourgeois qui ne doit pas avoir honte de son statut, y compris dans le face-à-face avec le « populo ». Il n'hésite pas à dire au chômeur de « bosser » « pour se payer un costume » , et il n'est pas « le père Noël » quand il débarque à Cayenne, dans cette Guyane où le taux de chômage atteint 20 %.

    Macron libère les consciences embourgeoisées, les réinstalle dans le confort de leur morale et de leur vision du monde. Il est tout à la fois le héros et le héraut d'une révolution, non pas conservatrice, mais bourgeoise. Il restaure l'habitus de la bourgeoisie dans une société où l'envie, la frustration, le ressentiment constituent de puissants moteurs politiques.

    Et c'est là le deuxième facteur de l'apaisement apparent dont semble bénéficier le macronisme en ce début de mandat. Il martèle une conception de la société dont le leitmotiv, à la manière d'un Guizot exhortant les Français du XIXème siècle à s'enrichir par le travail et par l'épargne, consiste à les enjoindre de réussir.

    « Réussissez » clame Macron ; et surtout exige-t-il de ses concitoyens de renoncer à toute forme de jalousie à l'encontre de la réussite de leur voisin. Ainsi propose-t-il de rompre avec une culture de la culpabilisation du succès, vieil héritage catholique d'un pays laïque dont l'inconscient religieux ne cesse de se manifester, y compris parfois parmi les plus hostiles à la religion !

    Macron est ce président qui incite chacun d'entre nous à procéder sur terre à son salut. Il est le chantre de « la société des individus » pour reprendre le titre d'un ouvrage de Norbert Elias. Cet engagement, répété implicitement ou explicitement, constitue le fil rouge de la doxa macroniste. Il contredit existentiellement toute une sensibilité égalitaire, sidère par son caractère assumé et, prenant à contre-pied une société lassée des mobilisations catégorielles, impose son culot en flattant aussi l'individualisme, cette autre dimension de la sociologie française ...

    La communication du président théorise le mouvement - « En Marche »; illustre celui-ci en suggérant l'exemple de Macron comme modèle de réussite individuelle - les initiales du président « E M » rappellent cette convergence entre le slogan et le leader ; reproduit à satiété ce que le publicitaire Rosser Reeves conceptualisa au milieu du siècle dernier dans la notion de « Unique selling proposition » «ou « proposition unique de vente ».

    Toute la philosophie politique du macronisme vise à promouvoir l'individu, l'individuel, l'individualisme comme moteur de la cohésion sociale. De quoi s'agit-il au fond si ce n'est, au prix d'un raisonnement où le sophisme le dispute à une vision trivialement mathématique du social, de considérer que la somme des réussites individuelles est ce qui soude et fait sens pour la société ... C'est ce parti pris, philosophiquement libéral, que le jeune président promeut à un moment de grande fatigue collective.

    Bourgeoise, individualiste, la politique du jeune chef de l'Etat s'accompagne d'une pratique du pouvoir dont la discrétion frôle la méfiance et l'obsession du secret. Réalité que confirme, entre autres, la clause de confidentialité que vient de faire signer à ses collaborateurs le président ...

    À l'instar d'Auguste Comte qui observait que l' « on ne rentre pas dans les cuisines de la science » , Emmanuel Macron exige du pouvoir qu'il se fabrique dans le silence et la pénombre.

    C'est là le troisième pilier de la foi macroniste. Pas de dévoilement inutile : un rideau s'interpose entre la société et le Prince, quand bien même celui-ci orchestrerait avec une régularité de métronome sa présence au monde. La communication du président explicite des valeurs mais conserve cette énigme qui incite à s'interroger, à susciter une fascination implicite par le non-dit qu'elle suggère.

    Communiquer, c'est aussi savoir se taire et ne pas montrer. Le bourgeois est un individu secret . Par nature, par conviction et par intérêt. La métaphore du moment en quelque sorte mais qui ne constitue pas pour autant la vérité de demain.

    L'opinion n'est pas domestiquée, ni conquise ; elle attend. C'est l'expectative d'abord qui se lit dans le regard des Français ...  

    Arnaud Benedetti est professeur associé à l'Université Paris-Sorbonne, coauteur de Communiquer, c'est vivre (entretiens avec Dominique Wolton, éd. Cherche-Midi, 2016), et auteur de La fin de la Com' (éditions du Cerf, 2017).

  • Un soldat pour sauver la démocratie ?, par Christian Vanneste.

    Il y avait 6 élections législatives partielles dimanche dernier. Celles-ci seraient presque passées inaperçues si le numéro 2 de LREM n’avait pas démissionné dans la foulée et qu’un bureau exécutif du « parti » n’avait pas laissé apparaître le désarroi de ses dirigeants. La France est atteinte d’une maladie politique infiniment plus grave que le Covid-19 pour les Français.

    christian vanneste.jpgC’est la démocratie française qui est en phase terminale. Les symptômes sont nombreux. Le virus mortel est le Macron-2017, mais il a atteint un corps terriblement affaibli.

    Apparemment, la routine : lors de législatives partielles, les électeurs boudent les urnes et avertissent la majorité toujours décevante. Mais l’amplitude est, elle, exceptionnelle. L’abstention est allée de 79% dans le Haut-Rhin à 87% dans le Val-de-Marne. Aucun candidat du parti majoritaire LREM ne survit à l’issue du premier tour, y compris dans la 11e circonscription des Yvelines où le siège était occupé par Nadia Hai, devenue ministre de la Ville. Le monde d’avant est de retour avec le PS, la gauche et LR en tête dans les circonscriptions traditionnellement favorables. Dans trois circonscriptions, l’écologisme est en seconde position, le RN dans une seule.

    La plupart des grandes démocraties connaissent l’alternance de la droite et de la gauche. Dans certaines, l’un des camps s’impose durablement, non sans permettre des évolutions internes. Dans d’autres, avec le scrutin proportionnel surgissent au bout de longues tractations des majorités insolites et colorées. Dans tous les cas s’affrontent la ténacité de l’oligarchie politique à sauvegarder ses places et l’expression de la volonté populaire qui suivant son humeur accrédite, remplace ou renverse la table. Contrairement à l’idée reçue, la proportionnelle qui fait élire des étiquettes et non des personnes, celles-ci étant placées sur les listes de manière à ce que certaines soient systématiquement élues ou réélues, est la plus favorable à l’oligarchie, comme c’est le cas en Belgique. En revanche, la votation suisse est le seul moyen de faire entendre la voix du peuple par-dessus une caste politique consensuelle et particulièrement stable dans la Confédération.

    Les Français, fatigués par des alternances improductives, et déçus par un candidat, professionnel de la politique comme beaucoup, mais visé comme aucun autre par une scandaleuse campagne de dénigrement, politique, judiciaire et médiatique, ont cru renverser la table. Ils se rendent compte avec la gueule de bois que l’ivresse du nouveau monde n’était qu’une arnaque d’une taille inconnue jusqu’alors. Ils ont élu un homme dénué d’expérience, à la compétence surfaite, mais doté d’une surestimation de soi à peine croyable, soutenu par des milieux d’affaires qui voyaient en lui le moyen de satisfaire leurs intérêts en dépit de l’opinion montante, de plus en plus hostile au mondialisme et à la construction européenne. Là-dessus, ils ont, suivant l’habitude acquise depuis l’instauration du quinquennat, élu une chambre introuvable pour permettre au jeune et beau génie de faire ce qu’il voulait. On passait d’un choix en grande partie négatif à un choix très positif. Après Hollande, plus de socialiste. Après Sarkozy et Fillon de la morale en politique. Et surtout, pas de Marine Le Pen. Moyennant quoi, le président était un socialiste devenu banquier… Alors, ce fut la foire à l’opportunisme : réunis sous une seule étiquettes, les socialistes accrochés à leur siège, les arrivistes de tous bords, et des Républicains flairant la bonne affaire formèrent une majorité dont le seul credo commun est la survie. Peu à peu, ceux qui avaient le tort de nourrir des convictions sont partis.

    La légitimité populaire est le fondement de la démocratie. Le pouvoir en France n’en possède aucune : il est l’autorité légale, mais n’a aucune racine dans le pays. Malgré l’avantage qu’il tire de la muselière imposée au-delà du nécessaire par la crainte exacerbée du virus, on sent bien que, si l’opposition est réduite au silence ou à une parole mesurée, le soutien au président est des plus faibles. La gestion de la crise sanitaire a été calamiteuse de bout en bout, enfilant les maladresses les unes derrière les autres. On manquait de tests quand ils étaient nécessaires. On en fait trop aujourd’hui pour les rendre efficaces ! Le tsunami économique et social révèle l’état de notre pays, et l’impuissance du gouvernement à y remédier. La sécurité des Français est gravement altérée. La politique étrangère qui se voulait ambitieuse va de déconvenue européenne en mésaventure méditerranéenne.

    Malheureusement, le bébé s’en va avec l’eau du bain. L’absence de confiance dans la politique actuelle a entraîné la disparition de toute confiance dans la politique : les taux inouïs d’abstention, la montée apparente de l’écologisme politique, cette idéologie gauchiste pleine de dogmes contradictoires et totalement inadaptée aux besoins de la France, l’incapacité du Rassemblement National à présenter une solution alternative, le manque de personnalités aptes à incarner un avenir positif pour le pays dessinent un paysage morne et décourageant alors que la vie démocratique a besoin de ferveur. Ce n’est pas la Cinquième République qui est en cause, sauf à rétablir le septennat et à accroître l’usage du référendum, mais la qualité du personnel politique, de plus en plus une profession recrutée par cooptation, sans compétence professionnelle, si ce n’est dans le domaine de la communication, et dont les niveaux de formation, de culture et d’expérience sont tragiquement insuffisants. Les Français ont souvent eu recours dans leur histoire à des hommes providentiels, avec plus ou moins de bonheur. Le militaire, attaché par essence à l’intérêt supérieur de la nation, spécialiste du commandement, et dont la connaissance des problèmes d’un Etat est particulièrement élevée représente idéalement le profil de l’homme dont la France a besoin….

    Source : https://www.christianvanneste.fr/