Alain Finkielkraut doit-il se taire ?
Alain Finkielkraut a été reçu à l'Académie française. Dans son discours, il a évoqué la vie et l'oeuvre de Félicien Marceau. Il a condamné la mémoire « revue, corrigée et recrachée par le système. »
Une pertinente analyse de Vincent Tremolet de Villers *
A l'émission Des paroles et des actes, une enseignante a interpellé Alain Finkielkraut. Une passe d'armes qui témoigne du dialogue de sourds qui a remplacé le débat intellectuel en France.
Tout passe et l'immortelle série des Gendarmes en est l'éclatant témoignage. Au départ divertissante, elle est très vite tombée dans une mécanique de répétitions épaisses et vaines. Il en va de même pour les débats et les controverses. Devant le énième procès fait aux « néo-réacs-qui-ont-gagné-la-bataille-des-idées », nous éprouvons la lassitude d'un téléspectateur contraint aux grimaces du Gendarme et les extraterrestres. L'adjudant-chef Lindenberg (auteur en 2002 du Rappel à l'ordre : enquête sur les nouveaux réactionnaires, Seuil) peut bien publier son livre enrichi, ça ne prend plus. Reconnaissons cependant que certaines répliques de cet interminable feuilleton sont entrées dans le langage courant.
Il suffisait par exemple de regarder l'émission Des paroles et des actes qui, jeudi dernier [21 janvier], a opposé Alain Finkielkraut à Daniel Cohn-Bendit. L'auteur de La Seule Exactitude (Stock), « néo-réac » du mois, a été pris à partie par une jeune professeur d'anglais, « apolitique », assurait le présentateur, mais maîtrisant cependant sur le bout des doigts le lexique victimaire. Comme Najat Vallaud-Belkacem au mois de mai dernier, elle qualifia le philosophe de « pseudo-intellectuel ». Elle fit l'éloge du « nous inclusif et solidaire » cher au rapport sur l'intégration remis par le conseiller d'État Thierry Tuot en 2013 à Jean-Marc Ayrault. Elle reprocha à l'auteur de La Défaite de la pensée d'être « approximatif », « vaseux », et d'obscurcir volontairement les esprits. Enfin, dans un sourire satisfait, elle conclut son propos par un martial : « Taisez-vous, Alain Finkielkraut ! » Six minutes d'idéologie pure que David Pujadas, visiblement gêné, n'a pas cru bon d'interrompre. À ces certitudes, le philosophe a répondu par l'éloge du doute consubstantiel, selon lui, à l'esprit européen. « Je m'avance vers celui qui me contredit, qui m'instruit », disait Montaigne. La jeune femme n'écoutait plus. Elle avait définitivement classé l'auteur du Cœur intelligent parmi les manipulateurs à l'esprit étroit dont la perversion consiste à souffler sur les braises d'une société déjà incandescente.
« Taisez-vous, Alain Finkielkraut! » Cette injonction, au fond, reprenait le mot d'ordre des derniers défenseurs du gauchisme culturel. Dans leur manifeste pour une contre-offensive intellectuelle et politique publié par Le Monde le 27-28 septembre dernier, Édouard Louis et Geoffroy de Lagasnerie établissaient comme premier principe celui du refus: « Fuir les débats imposés, refuser de constituer certains idéologues comme des interlocuteurs, certains thèmes comme discutables, certains problèmes comme pertinents. Ces thèmes rendent la confrontation d'idées impossible, les évacuer est la condition du débat.» Ces thèmes étaient les suivants : « nation, peuple, souveraineté ou identité nationale, désagrégation ». Les deux intransigeants préféraient parler « de classes, d'exploitation, de violence, de répression, de domination, d'intersectionalité ».
« Taisez-vous, Alain Finkielkraut ! » Le thème de l'émission était « Les Deux France », et nous les avions là, sous nos yeux, plus encore que dans la conversation féconde et courtoise qu'eurent pendant deux heures Daniel Cohn-Bendit et Alain Finkielkraut. Ceux qui s'en tiennent à l'écume des choses feront de l'islam la ligne de fracture. Les courants, pourtant, sont autrement profonds, et ce qui sépare ces deux camps, c'est d'abord l'appréhension du monde. Les uns considèrent qu'il n'est rien d'autre qu'une matière à façonner selon des principes dictés par l'idéologie (qui peut être athée, religieuse, coranique), les autres tentent de tirer des leçons politiques et sociales de son observation. Les premiers le rêvent et nous endorment, les seconds le voient et nous réveillent. « Vivre-ensemblistes » et noyeurs de poissons décrivent une surréalité admirable qui aura raison de ce monde ancien, quand notre philosophe se fait « l'accoucheur de notre inquiétude collective » (François-Xavier Bellamy) et veut protéger ce qu'il reste de beauté. Ils promettent les lendemains qui chantent, quand Alain Finkielkraut vit les tourments d'aujourd'hui. Ils ont le cœur large comme la COP21, il contemple les vaches dansant dans les prés. Ils sont de partout et viennent de nulle part, il est l'héritier d'une généalogie, d'une histoire, d'une littérature. Ils pérorent avantageusement, mais plus personne ne les écoute, il s'exprime lentement, alternant soupirs, nuances et précautions. Chut ! taisez-vous, Alain Finkielkraut parle. •
Vincent Tremolet de Villers est rédacteur en chef des pages Débats/Opinions du Figaro et du FigaroVox.
Commentaires
"l'apolitisme" de l'enseignante ramène a celui d'un certain Renaudo......En fait ces gens ne se croient peut-etre pas de gauche en toute bonne foi! Non;;;ils fondent leur discours sur LA Verité,une et et indivisible, monolithique et intangible ,qui ne souffre aucune contestation et qu'ils detiennent! Tout débat commence une fois ce principe posé! Et c'est bien expliqué par Les deux fous furieux dont de Villers rapporte l'article ;Ce dont nous devons le remercier encore plus que du reste de sa pourtant trés pertinente analyse parceque on touche la a l'impossibilité fondamentale pour toute personne voulant "loyalement"regarder le monde d'etre de gauche......
Symptome capital :dans leur article du Monde les auteurs mettent la notion de peuple parmi les themes rendant"la confrontation d'idées impossible ,donc a evacuer du débat". On ne saurait etre plus clair : le peuple , que la gauche a utilisé comme notion centrale de son discours pendant 200 ans est desormais banni sans état d'ame: il vote FN! Il n'était qu'un moyen,un outil,un levier pour les ideologues en vue de créer l'Homme et le Monde nouveau ,révé. Surtout pas une entité vivante de chair et de sang,d'etres liés par une communauté d'Histoire et de Destin a prolonger dans l'universel.. C'est un aveu ,il éclaire la ligne de fracture entre deux conceptions du monde.
Monsieur Portier, re,
Décidément, vous ne pouvez pas vous empêcher de parler de moi. Ne me demandez quand-même pas le mariage, cela ne m’intéresse pas.
Pour vous tout est toujours politisé. Les individus ne peuvent-ils donc pas être libres? Je déteste la gauche comme la droite, car la logique de partis empêche l'expression des idées en elles-mêmes. Pourquoi les gens, de plus en plus, confondent droite et gauche? Parce que ces désignations ne présentent plus autant de différence idéologique qu'avant. Ne parlons surtout pas du parti qui ne devrait même pas existé, le front national. Les Allemands, dans leur Constitution, ont un article permettant de dissoudre les groupes politiques menaçant la démocratie. Si seulement nous avions un article comme celui-là en France! Le front national est un frein à la démocratie, parce que les électeurs vont voter utile (il est indiscutablement utile de lutter contre le front national) et ne vont plus voter selon leurs idées. Les idées doivent compter avant l'adhésion à un quelconque parti. En somme, il faut voter pour des idées, puis pour des personnes (il faut bien porter les idées), mais pas pour des groupes politique professionnels, insipides et inutiles dans une société démocratique.
La question de ma bonne foi n'est pas ici à sa place, car on pourrait écrire et déblatérer sur la bonne foi de chaque personne qui écrit sur ce forum. Vous tentez de placer des petites piques, libre à vous, mais cela ne prend pas.
François Renaudo, qui n'est ni l'aile droite, ni l'aile gauche, qui est l'oiseau
D'après tous nos intellectuels et vendeurs de rêve, la passage du deuxième millénaire devait nous apporter le bonheur de vivre dans un pays moderne, riche, fraternel et j'en passe. Seize ans après nous en sommes encore à nous étriper en paroles sur des futilités qui effacent les maux qui vont nous écraser. Et oui, la masse des gens de France en a assez et vote le FN. Ne me dites pas que les autres ,que ceux qui se gavent, ceux qui au travers de partis politique, machine de guerre,, gèrent la France en toute démocratie. Alors les petits Français autochtones et ceux qui désirent l'être ont compris l'oligarchie imposée par quelques familles nanties, il suffit de voir ou il ont menés le Pays. Le monde est en plein bouleversement et nos gouvernants ne pensent qu'à eux. Revenons simplement à la lecture des fables de Monsieur de la Fontaine.
Je trouve que le dénommé Renaudo nous promène un peu à l'excès avec une argumentation pauvre et caricaturale - comme il a déjà été dit - et une propension à étaler son ego tout à fait déplacée. (On en a déjà eu ici dans ce genre qui n'étaient d'ailleurs pas républicains ...). Je proposerai qu'on évite de lui donner la réplique, lorsqu'il ressasse ses poncifs ou est franchement hors sujet. Il ne gêne personne mais abuse un peu, selon moi, de l'hospitalité de LFAR. Il a dit tout ce qu'il avait à dire. Il n'est pas utile qu'il continue. Le blogmestre avisera ...
Monsieur Fabre, pourrait, au lieu de déclarer mon argumentation "pauvre et caricaturale" nous faire part de la sienne... Quitte à juger de l'argumentation de quelqu'un, autant prouver que le statut de juge que l'on s'attribut n'est pas immérité.
Concernant l'ego, la fierté d'être républicain n'en est pas. L'ego serait beaucoup mieux représenter par la morgue, par la condescendance, par les brimades et moqueries qui sont l'apanage de la monarchie depuis sa création.
Encore une fois (ce n'est qu'une énième répétition, parce que personne ne prend la peine de répondre), argumentez, au lieu de déclarer péremptoirement que mon raisonnement est mauvais. Pour le coup, et c'est à peine croyable tant cela est gros, c'est vous qui ne répondez pas, je le crois, au principe d'un forum, qui est de parler, d'argumenter, de discuter. Vous, vous jugez, sans raison, façon ancien régime. Le blogmestre a avisé, il a permis l'expression de ma liberté d'expression, comme la votre, ce pour quoi d'ailleurs je lui suis reconnaissant, ce n'est pas tout le monde qui l'aurait fait.
Cordialement
François Renaudo, citoyen républicain, ami de la liberté, de l'égalité, de la fraternité et des lois, régicide, jacobin.