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  • Un débat sur la légitimité

    Les légitimistes espagnols que sont les carlistes (Saint-Priest)

     

    Débat qui a suivi la Lettre sur la légitimité de Pierre de Meuse [Du 1 au 22 juin 2015 - 31 commentaires].

    Nous n'allongerons pas ce débat déjà fort long et fort riche en lui-même. La conclusion pourrait être celle qu'en donne l'un des commentaires de Saint-Priest : « Lorsqu'on va chercher ses princes en Espagne, il vaut mieux s'intéresser aussi à leur histoire. Elle est passionnante. Elle est éclairante. Elle est la leur. Elle n'est pas la nôtre.» A cet égard, les contributions de Saint-Priest, parfait connaisseur de ce vaste sujet, sont de toute évidence à signaler. Elles sont, sur certains points, déterminantes. Elles ont aussi le mérite de rappeler que l'Espagne des XIXe et XXe siècles a eu, en quelque sorte, avec le carlisme, son authentique légitimisme et d'en retracer l'histoire. Restent les points de vue qui consistent à trancher la question dynastique par recours à la nouveauté : un fondateur de dynastie, un nouveau paradigme. Mais lesquels ? En attendant leur hypothétique surgissement - tout reste toujours possible - devrions-nous proposer - contre son principe fondateur - un royalisme sans visage ? Nous ne le croyons pas. Les princes d'Orléans sont aujourd'hui les héritiers de la légitimité historique.

     

    Les lois d'exil se sont si peu appliquées à la famille de Louis de Bourbon qu'après avoir été chassée d'Espagne en 1868 et avoir abdiqué en 1870, la reine Isabelle II s'était réfugiée à Paris avec les siens, dont le futur roi Alphonse XII, et y vécut le reste de ses ses jours (36 ans). Elle y est morte en 1904.  Gérard POL lundi 01 juin 2015 

    Ce qui est hilarant c'est que vous passiez du temps à cela . Ça occupe j' imagine. Moine mardi 02 juin 2015 

    C'est toujours tordant et désopilant de voir de tristes illégitimes donner des leçons de légitimité ! Ne vous en déplaise et en dépit d'affirmations mensongères, oui la légitimité existe Non nous accepterons jamais la fusion avec la branche orléaniste . Trop de mensonges , de crimes, de veuleries , de turpitudes et de laideur !!!!! Pauline lundi 01 juin 2015  

    Refuser toute fusion ? Décidément, les partisans de Louis-Alphonse et de ses prédécesseurs tras los montes méconnaissent complètement l'histoire de leurs propres champions ! Le supposé passage de témoin, en 1936, entre la branche carliste (Don Alfonso-Carlos, duc de San Jaime) et la branche réputée libérale d'Alphonse XIII est le pur produit d'une... fusion ! Saint-Priest jeudi 18 juin 2015 

    Les actuels Bourbons d'Espagne sont les descendants d'Isabelle II et de son ministre Puig Molto. Aucun de ses 8 enfants n'est le descendant de Francisco de Asis, son mari, et pour cause !! Elle l'a reconnu et chaque enfant savait qui était son père. Il existe au Ministère des Affaires étrangères de Madrid une grande table ronde sur laquelle a été conçu un petit bâtard royal. Ces "légitimés" sont devenus légitimistes. Belle carrière. Catherine Salvisberg samedi 20 juin 2015 

    Il est probable en effet qu'Alphonse XII fût le fils d'Enrique Puigmolto, favori et amant de la reine Isabelle II. Il n'en demeure pas moins qu'au regard du droit il est le fils (présumé) de Francisco de Asis de Borbon, duc de Cadix et roi consort d'Espagne (1822-1902). A ce titre, Alphonse XII n'était pas un bâtard et n'avait pas à être légitimé. Disons que, probablement, Alphonse XII et sa descendance (avec notamment Alphonse XIII, Juan-Carlos Ier ou Louis-Alphonse) sont, en ligne paternelle, aussi Bourbon que la descendance de la Grande Catherine est Romanov. Au passage, rappelons que la querelle dynastique a existé en Espagne avant d'exister en France. A la mort du roi Ferdinand VII en 1833, il n'était pas du tout évident que sa très jeune fille Isabelle II fût légitimement appelée à ceindre la couronne d'Espagne... notamment parce que la loi de succession avait été changée - pour permettre aux infantes de succéder - sans l'aval des Cortès dûment mandatées à cet effet. C'est pourquoi, à la mort de Ferdinand VII, l'Espagne traditionnelle et traditionaliste reconnut pour roi le frère du défunt souverain : Don Carlos, comte de Molina (1788-1855), et se souleva contre le gouvernement d'Isabelle II et de sa mère la reine-régente Maria Cristina. S'en suivit une terrible guerre civile entre carlistes et cristinistes. Ces derniers étaient d'ailleurs soutenus par les puissances européennes libérales : l'Angleterre et la France de Louis-Philippe. Cette guerre connut plusieurs répliques, notamment après la révolution de 1868 qui chassa Isabelle II et déboucha laborieusement sur l'instauration de la première République espagnole (1873-1874). Entretemps, Don Carlos, duc de Madrid (petit-fils du comte de Molina et neveu par alliance d'Henri V, comte de Chambord) avait relevé l'étendard du carlisme et s'était solidement établi en Navarre. Ce furent les armées d'Alphonse XII, auxquels les notables libéraux s'étaient ralliés (Canovas del Castillo et Sagasta) qui délogèrent les carlistes et leur prince de la Vendée navarraise. Où l'on voit que les ancêtres de Louis-Alphonse n'ont rien à envier à notre Louis-Philippe national en terme de libéralisme (réel ou supposé) ou en terme de rébellion contre la légitimité. C'est la raison pour laquelle les légitimistes espagnols que sont les carlistes furent placés dans un dilemme tout à fait semblable au nôtre lorsque la branche carliste vint à s'éteindre avec la mort de Don Alfonso-Carlos, duc de San Jaime (et frère du duc de Madrid) en 1936.  D'aucuns se rallièrent à Alphonse XIII, chef de l'ex branche cadette devenue aînée à la mort de leur prince. D'autres reconnurent comme régent puis comme roi de droit le prince Xavier de Bourbon-Parme. D'autres allèrent chercher un descendant du duc de Madrid par les femmes. Evidemment, on avança le libéralisme des princes "isabello-alphonsins" et l'on fit valoir l'hypothèse (ou l'hypothèque ?) Puigmolto.  Certains Blancs d'Espagne aiment également à oublier que, de notre côté des Pyrénées, leurs peu nombreux devanciers, sincèrement attachés aux princes carlistes, furent loin d'être unanimes pour se rallier à Alphonse XIII en 1936... Certains barons d'Empire préfèrent passer outre... ou insulter les princes de Bourbon-Parme qui apparurent à certains comme leurs nouveaux champions.  L'affaire était loin d'être anecdotique. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le "prince d'Espagne" désigné successeur du général Franco en 1969 changea de prénom. Juan (surnommé "Juanito" pour le distinguer de son père Don Juan, comte de Barcelone et prétendant au trône) devint Juan-Carlos Ier. Etant donné qu'il s'agissait de rallier et de réconcilier carlistes et alphonsistes sous la bannière du régime franquiste, il ne pouvait y avoir de roi Jean, puisqu'il en aurait résulté un épineux problème de numérotation (il y avait eu un prétendant carliste sous le nom de Jean III : le père du duc de Madrid).  Il semble d'ailleurs que très peu de carlistes avaient reporté leur fidélité sur Don Jaime, duc de Ségovie (et grand père de Louis-Alphonse). Don Jaime avait en effet renoncé à ses droits à la couronne d'Espagne en 1933. Et ce au profit de son frère Don Juan, comte de Barcelone. Certes, c'était sous la pression de son père Alphonse XIII. Certes, c'était en exil, puisque la deuxième République espagnole avait été instaurée en 1931. C'est la raison pour laquelle Don Jaime, plus ou moins bien conseillé par un entourage assez discutable, revint plusieurs fois sur ses renonciations. Il n'en demeure pas moins qu'entretemps le même duc de Ségovie avait contracté un mariage non dynaste - puisque la loi de succession espagnole exigeait une épouse issue d'une famille royale. C'est la raison pour laquelle les deux fils de Don Jaime : Alfonso (le père de Louis-Alphonse) et Gonzalo ne pouvaient pas, sérieusement, griller la priorité à un prince qui était lui incontestablement dynaste (si l'on ramène l'hypothèque Puigmolto à ses justes proportions), à savoir Juan-Carlos, fils du comte de Barcelone et de son épouse Maria de las Mercedes de Borbon y Orléans (dont le grand-père maternel était Philippe VII, comte de Paris). Certes, on trouva des partisans de Don Alfonso au sein de la Phalange, et au sein de la famille du Caudillo : son épouse et son gendre... puisque Don Alfonso avait épousé la petite-fille du généralissime (en 1972). Il semble bien que Franco n'a jamais envisagé l'hypothèse Don Alfonso : ni avant la désignation de Juan-Carlos en 1969, ni a fortiori après. On pourrait conclure comme suit : lorsqu'on va chercher ses princes en Espagne, il vaut mieux s'intéresser aussi à leur histoire. Elle est passionnante. Elle est éclairante. Elle est la leur. Elle n'est pas la nôtre. Saint-Priest lundi 22 juin 2015 

    Brillante démonstration. Félicitations à Pierre de Meuse. Mais il est à craindre que les blancs d'Espagne , qui ignorent les fondements du politique et ont tendance à arranger l'histoire à leur convenance restent prisonniers de leurs rancoeurs cultivées dans certaines vieilles familles qui mettent un point d'honneur à ressembler aux caricatures que l'on fait d'elles.  Olivier Perceval 01 juin 2015 

    Bravo, Pierre de Meuse : voici résumées en quelques lignes brillantes et claires, l'évidence des ridicules prétentions de l'espagnolade... Pierre Builly lundi 01 juin 2015 

    Merci à Mr Pierre de Meuse pour ce rappel de faits historiques éclairants. Le marketing "people" soudain autour de Louis de Bourbon, à l'occasion de l'une de ses visites ponctuelles est en effet assez déplaisant. Il y a en France une famille royale et un prince, Jean, duc de Vendôme. Qu'ajouter ? renaud  lundi 01 juin 2015 

    Une famille royale " française " qui a voté la mort du roi Louis XVI (et Qui avait pris le nom de Philippe EGALITE °..... en effet.... jf mardi 02 juin 2015  

    Ce n'est pas la famille d'Orléans qui a voté la mort du roi Louis XVI. C'est Louis-Philippe-Joseph, duc d'Orléans (dit "Philippe-Egalité") et lui seul. Ses trois fils, au premier rang desquels le futur Louis-Philippe Ier, n'ont été en rien associés au vote de leur père. En décembre 1792, ils tentèrent de le dissuader de participer au procès du roi. En vain. Saint-Priest jeudi 18 juin 2015  

    Tant qu'il restera des descendants dans la branche ainée de la derniere famille régnante ce ceux la qui sont appelés a régner en France, les cadets passent apres. Vous n'y pouvez rien à moins de contester les lois fondamentales qui reglent la dévolution de la couronne. sequane mardi 02 juin 2015  

    Sans doute ni le Comte de Chambord, ni Louis XV n'étaient au courant. Antiquus mercredi 03 juin 2015  

    Et dans les "lois fondamentales du Royaume", le caractère "étranger" du prétendu prétendant ne l'emporte-t-il pas sur de prétendues priorités dynastiques douteuses et archaïques ? Si nous voulons un Roi, ce n'est pas parce qu'il sera, ou serait, "légitime" : c'est pour qu'il mette fin à la République ! La prétendue légitimité des Bourbons d'Espagne n'a commencé à se faire une petite, ô toute petite place (on n'a jamais vu des pseudos-légitimistes distribuer des tracts, vendre des journaux, coller des affiches, affronter les marxistes) dans le monde royco parce que le Comte de paris Henri VI, par ses prises de position, avait mécontenté quelques extrêmistes. Et de ces fait, ces gandins providentialistes ont "choisi" leur prétendant et rejoint quelques débris moisis qui survivaient incompréhensiblement... De toute façon, avant de se qureller sur l'évidence, faudrait déjà prendre le Pouvoir. Et ça, c'est pas demain !  Pierre Builly mercredi 03 juin 2015 

    Alors comment expliquer que le prédicat officiel de premier prince du sang, passé des Condé aux Orléans, n'ait jamais échu aux Bourbons d'Espagne ? Comment expliquer que, sous Louis XV, Louis XVI, Louis XVIII et Charles X, chacun des ducs d'Orléans, du fils du Régent jusqu'à Louis-Philippe, ait été reconnu officiellement premier prince du sang ?  Je rappelle que le premier prince du sang est le premier prince dynaste après les fils et petits-fils de France.  Si, de Louis XV à Charles X, les Bourbons d'Espagne avaient été regardés comme dynastes dans notre pays, l'infant Philippe-Antoine, duc de Calabre (1747-1777) aurait succédé à Louis Ier duc d'Orléans (1703-1752) comme premier prince du sang. Et après le duc de Calabre, son frère le futur roi Charles IV d'Espagne. Or il n'en a rien été.  Nos derniers rois et les institutions de l'Ancienne France puis de la Restauration ont sauté à pieds joints par-dessus la prolifique descendance de Philippe V : les membres de cette dernière n'étaient plus dynastes en France. Du moins pour la jurisprudence de nos derniers rois et de notre Monarchie ancienne puis restaurée. Excusez du peu !  Saint-Priest vendredi 19 juin 2015   

    La Querelle dynastique est le cancer de la cause royaliste française. Il est navrant de voir avec quelle gourmandise certains en propagent les métastases.  Catoneo 3 juin 2015  

    Il n'a été opposé à l'analyse de Pierre de Meuse ni arguments sérieux, ni démonstrations. Seulement des affirmations sans preuves et des imprécations. Il est certain que ce qui reste de la querelle dynastique affaiblit la cause monarchique. Certain aussi que les partisans de Louis de Bourbon - qui n'est fondé ni à prétendre ni à agir politiquement en France, si ce n'est, éventuellement, dans le cadre de commémorations historiques - nuisent à la crédibilité du royalisme français. Néanmoins, ils sont là, avec leur prince d'ailleurs, et, pour parler trivialement, il faut bien "faire avec". Inutile de geindre sur ce cancer et ses métastases. Il y a toujours eu quelques cercles dits "légitimistes" en France. Mais ce sont les maurrassiens, l'Action française et les princes d'Orléans, tantôt ensemble, tantôt séparés, qui ont véritablement réfléchi, agi, milité, parfois tenté , en faveur de la monarchie. Les "espagnols" n'ont jamais compté autrement que par leur effet de nuisance. Sur ce que peut être l'avenir du royalisme français, nous ne savons rien, si ce n'est l'extrême décrépitude, le profond discrédit, le ridicule même, dont est frappé aujourd'hui le régime en place. Personne ne pensait aux alentours de 1790, et même au delà, que la vieille monarchie s'effondrerait sous très peu de temps, encore moins que quinze ans plus tard, après une horrible Révolution, elle se donnerait un empereur corse. Et ma génération n'aurait pas cru dans les années 80 (1980 !) celui qui lui aurait annoncé que l'Union Soviétique imploserait, elle et ses satellites, dix ans plus tard. Qu'est-ce qui pourrait bien succéder à l'actuel régime s'il venait à s'écrouler ? C'est une autre inconnue. Il me semble que c'est une raison suffisante pour maintenir et diffuser aussi largement que possible les idées qui nous rassemblent. Par exemple et entre autres, ici, sur ce site bien utile ... Anatole - mercredi 03 juin 2015 

    Mille mercis à Pierre de Meuse pour la clarté et la pénétration de sa mise au point. En effet, les prétentions espagnoles-toutes émotionnelles et infondées qu'elles soient, sont occasionnelles tout autant qu'imaginatives, et ne datent que de 1940,après que le malheureux sourd-muet qu'était le fils aîné du roi Alphonse XIII,aient renoncé pour lui et sa descendance à ses droits sur la couronne d'Espagne. En dépit de la sympathie que l'on puisse éventuellement nourrir à l'endroit de tel ou tel membre de cette descendance bourbonienne,il faut posément reconnaître que leur imaginaire dynastique nuit beaucoup à l'unité, à la cohérence et à l'efficacité du royalisme français,- qui n'appartient qu'aux Français eux-mêmes,et non à des

  • Mathieu Slama : « Il y a du Soljenitsyne dans le discours de Poutine »

     

    Dans un premier essai passionnant, La guerre des mondes, Mathieu Slama analyse les ressorts de l'affrontement entre la Russie et l'Occident. Pour le jeune essayiste, ce sont avant tout deux visions du monde qui s'opposent. Et qu'il expose dans cet entretien - un peu long mais où beaucoup de choses essentielles sont dites - donné à Figarovox [25.05]. Nous prévenons les lecteurs de Lafautearousseau : ces réflexions sont importantes. Il faudra être attentifs désormais aux publications de Mathieu Slama !  LFAR

     

    image1.jpgPour quelle raison l'affrontement entre Vladimir Poutine et l'Occident est-il essentiellement idéologique ?

    Ma thèse est que dans le conflit politique qui oppose l'Europe et les Etats-Unis à la Russie de Poutine, il y a un arrière-plan idéologique fondamental qui met en jeu deux grammaires du monde qui s'opposent en tout point. A cet égard, ce qui se joue dans cet affrontement est bien plus décisif qu'un simple conflit d'intérêts.

    Mais il suffit d'écouter Poutine pour comprendre qu'il se situe lui-même sur le terrain idéologique. Ce fut particulièrement frappant à partir de 2013, lorsque les crises ukrainiennes et syriennes ont réellement marqué une rupture entre les Russes et les Occidentaux.

    Dans plusieurs discours, Poutine s'en est pris à la « destruction des valeurs traditionnelles » et à « l'effacement des traditions nationales et des frontières entre les différentes ethnies et cultures », visant implicitement les pays occidentaux. A plusieurs reprises il a exalté « les valeurs spirituelles de l'humanité et de la diversité du monde », « les valeurs de la famille traditionnelle, de la vie humaine authentique, y compris de la vie religieuse des individus », faisant appel au grand philosophe conservateur russe Nicolas Berdiaev. Il y a aussi, dans le discours de Poutine, des attaques directes adressées aux pays occidentaux et notamment aux pays européens. « Les pays euro-atlantiques rejettent leurs racines », a-t-il expliqué dans un discours, « dont les valeurs chrétiennes qui constituent la base de la civilisation occidentale ». Utilisant des termes très violents comme « primitivisme », s'en prenant ouvertement aux légalisations en faveur du mariage homosexuel, Poutine accuse aussi régulièrement les pays occidentaux de vouloir exporter leur modèle libéral au monde entier, au mépris des particularités nationales.

    Poutine est donc porteur d'une vraie vision du monde. Il se fait le défenseur des particularités nationales et des valeurs traditionnelles face à un Occident libéral, amnésique de ses fondements spirituels. Et surtout, et c'est peut-être la plus grande force de son discours, il s'en prend à l'universalisme occidental, à cette prétention qu'a une partie du monde de modeler à son image l'autre partie de l'humanité. C'est une manière pour lui de s'en prendre aux ingérences occidentales, que ce soit en Ukraine ou au Moyen-Orient.

    Poutine dit ici quelque chose d'essentiel. L'Occident est persuadé que son modèle, la démocratie libérale, est le devenir inéluctable de l'humanité toute entière. Mais il y a dans le monde des nations qui tiennent à leurs traditions culturelles et qui n'ont absolument pas envie de s' « occidentaliser » ! Il y a là un enjeu majeur, que l'un des plus grands penseurs du XXème siècle, Claude Lévi-Strauss, avait vu avant tout le monde : comment préserver les particularités culturelles dans un contexte de mondialisation politique, culturelle et économique croissante ? « Les grandes déclarations des droits de l'homme », expliquait Lévi-Strauss, énoncent « un idéal trop souvent oublieux du fait que l'homme ne réalise pas sa nature dans une humanité abstraite, mais dans des cultures traditionnelles ». Les démocraties occidentales n'ont de cesse d'exalter « l'Autre », mais ce n'est en réalité que pour annihiler son altérité et l'envisager comme un parfait semblable, c'est-à-dire un individu émancipé de tous ses déterminismes. L'Occident libéral est devenu incapable de penser et comprendre la différence culturelle. On le voit au Moyen-Orient aujourd'hui : nous ne célébrons l'Iran que parce qu'il s'occidentalise ; tout ce qui relève du traditionnel est perçu comme une barbarie amenée à disparaître. Il y a dans cette approche un mélange d'incompréhension et de mépris.

    Soljenitsyne est l'un des fils rouges de votre livre. En quoi est-il représentatif d'une partie de l'âme russe ?

    La figure d'Alexandre Soljenitsyne est intéressante à plusieurs égards. D'abord parce qu'il est étonnamment - et injustement - oublié aujourd'hui, alors qu'il est l'une des rares figures intellectuelles du XXème siècle à ne s'être jamais trompé dans ses combats politiques, ce qui est suffisamment rare pour le souligner.

    Ensuite parce qu'il a fait, en effet, l'objet d'un grand malentendu en Occident. Ses œuvres « Une journée d'Ivan Denissovitch » (1962), « Le Premier cercle » (1968) et surtout « L'Archipel du Goulag » (1973), révélant au monde entier les atrocités commises par les soviétiques dans les camps, ont fait de lui la principale figure de l'opposition intellectuelle et politique au régime soviétique. Accusé de trahison dans son propre pays, il est parti en exil en Suisse puis aux Etats-Unis. Mais voilà, et c'est le cœur du malentendu dont je parle dans mon livre : Soljenitsyne ne s'opposait pas au régime soviétique au nom des droits de l'homme ou au nom du « monde libre ». Il n'avait pas choisi le camp occidental contre le camp soviétique. Il s'opposait à l'URSS parce qu'il s'agissait pour lui d'un régime corrompu, matérialiste, violent, niant la dimension spirituelle propre à chaque homme. Il s'y opposait au nom de sa foi orthodoxe et au nom de la grande histoire nationale russe.

    Et c'est justement ce même attachement aux racines et à la dimension spirituelle de l'existence qui l'amena à s'opposer violemment au modèle libéral occidental à plusieurs occasions, notamment dans un célèbre discours devant les étudiants de Harvard en 1978 où il dénonça la dérive matérialiste de l'Occident, les ravages de son modèle capitaliste et surtout son obsession pour les droits individuels au détriment des valeurs traditionnelles comme l'honneur, la noblesse ou encore le sens du sacrifice. Soljenitsyne croyait à la possibilité d'une troisième voie entre le libéralisme occidental et les totalitarismes soviétiques ou fascistes, une troisième voie fondée sur l'enracinement et l'auto-restriction des hommes comme des nations. Il me semble qu'aujourd'hui, peut-être plus que jamais, ce message mérite d'être entendu.

    Je note dans mon livre la réaction de Jean Daniel qui voyait dans L'Archipel « un panslavisme illuminé, des idées étranges sur le Moyen-âge et sur la Sainte Russie » ou encore de Bernard-Henri Lévy qui accusa au début des années 90 Soljenitsyne de défendre des idées « obscurantistes », « populistes », de peindre « une Russie rustique et primitive ». Ces réactions sont absolument passionnantes car elles révèlent selon moi une opposition fondamentale entre deux mondes qui sont aux antipodes l'un de l'autre. Les pays occidentaux n'ont pas compris Soljenitsyne tout simplement parce qu'ils ne parlent pas le même langage : les premiers tiennent le langage de la liberté individuelle, le second celui de la tradition et de la mystique communautaire. Il me semble que cet affrontement renaît aujourd'hui à la faveur des conflits qui opposent la Russie de Vladimir Poutine et les pays occidentaux. Et je trouve dans le discours de Poutine beaucoup de rémanences du discours de Soljenitsyne. C'est pourquoi j'ai voulu faire de ce dernier le fil rouge de mon livre.

    La « révolution conservatrice » engagée par Poutine est-elle populaire en Russie ? Et ailleurs ?

    S'agissant de la Russie, personne ne conteste aujourd'hui que Poutine est soutenu par une immense majorité de la population. Emmanuel Carrère avait émis l'hypothèse, dans un de ses romans, que le succès de Poutine était dû au sentiment des Russes d'avoir été humiliés à la chute du régime soviétique. Et qu'en somme, on n'avait pas le droit de leur dire que toutes ces décennies passées sous le joug communiste, « c'était de la merde ». L'échec de l'expérience « libérale » avec Boris Eltsine est aussi un atout pour Poutine. Mais c'est oublier un peu vite l'attachement encore prégnant des Russes pour les valeurs traditionnelles, pour l'âme de leur pays. Hélène Carrère d'Encausse expliquait que « l'idée que les choses puissent être relatives heurte profondément les Russes ». Poutine est très certainement en adéquation avec l'état d'esprit d'une grande partie de l'opinion publique russe.

    Mais ce qui m'intéressait surtout dans mon livre, c'était de montrer que Poutine est devenu en quelque sorte le porte-voix de la cause conservatrice dans le monde, et notamment en Europe. Sa popularité auprès de beaucoup de partis conservateurs européens est le signe que Poutine a compris ce qui se jouait en Europe. Son génie est d'avoir permis la rencontre, au bon moment, entre ses idées et celles d'une partie de l'opinion européenne, de plus en plus hostile à la mondialisation et au multiculturalisme, de plus en plus attachée à ses racines et aux « protections naturelles » que sont les frontières nationales. De Viktor Orban en Hongrie à Marine Le Pen en France, en passant par Nigel Farage en Grande-Bretagne, ils sont tous animés d'une sympathie naturelle envers Poutine. Clairement, le « poutinisme » correspond à un certain esprit du temps, à une résistance de plus en forte des peuples vis-à-vis de la mondialisation.

    Vous écrivez que le sens du sacré est une clef de compréhension indispensable pour comprendre la Russie actuelle - qui avait bu le communisme comme le buvard absorbe l'encre, avait rappelé Philippe Séguin dans son discours du 5 mai 1992. Y a-t-il une opposition entre le « messianisme russe » et le « rationalisme libéral européen » ?

    J'essaie de comprendre la cassure idéologique fondamentale entre la Russie de Poutine et l'Occident, et il me semble que la question religieuse est un élément déterminant de cette incompréhension, du moins s'agissant de l'Europe. On le sait, Poutine dans ses discours lie très étroitement le destin de la nation russe avec celui de l'Eglise orthodoxe, et s'en prend à « l'approche vulgaire et primitive de la laïcité ». C'est une des armes essentielles de son combat idéologique, sans compter que cela lui permet d'asseoir son autorité dans son propre pays, où l'Eglise est depuis longtemps le constituant de la morale collective, comme l'a rappelé Hélène Carrère d'Encausse.

    Pour illustrer l'opposition entre la Russie et l'Europe sur ce terrain, j'évoque un exemple qui me semble particulièrement parlant, celui des Pussy Riot et des Femen. Quand en février 2012 les Pussy Riot, groupe de rock ultra-féministe russe, débarquent dans la cathédrale de Moscou en hurlant « Marie mère de Dieu, chasse Poutine ! », elles font l'objet d'une réprobation quasi-unanime, et sont condamnées quelques mois plus tard à deux ans de détention, provoquant d'ailleurs des réactions indignées de la part des dirigeants européens. Un an après cet épisode, en France quand des membres du groupe féministe Femen s'introduisent à Notre-Dame et vandalisent une cloche, l'expression « pope no more » inscrite sur le torse, elles sont toutes relaxées.

    En France, nous faisons du droit au blasphème un droit fondamental, un des piliers de la fameuse liberté d'expression, elle-même pilier des sacro-saintes libertés individuelles. On ne compte plus les défenseurs du blasphème sur le terrain médiatique. Il faut profaner, désacraliser absolument tout. Dieu est devenu une question dépassée, on le relègue à la sphère individuelle. On érige la profanation du sacré en droit fondamental sans même se poser la question de ce que peut bien nous apporter ce droit. En quoi moquer de manière vulgaire Jésus ou Mahomet est-il un progrès, une liberté nécessaire ? A force de libéralisme et d'individualisme, nous autres européens perdons de vue la dimension spirituelle de la vie humaine pour n'en retenir que la dimension proprement matérielle. Le phénomène djihadiste est venu nous rappeler que la question religieuse est encore loin, très loin d'être une question résolue.

    La souveraineté nationale est-elle davantage défendue par la Russie que par les Etats-Unis ou les pays européens ?

    La défense de la souveraineté nationale est en effet un aspect essentiel de la doctrine poutinienne. Voici ce qu'il disait en 2014 : « La notion de souveraineté nationale est devenue une valeur relative pour la plupart des pays » ; « les soi-disant vainqueurs de la Guerre froide avaient décidé de remodeler le monde afin de satisfaire leurs propres besoins et intérêts ». Et d'asséner cette attaque directe : « Si pour certains pays européens la fierté nationale est une notion oubliée et la souveraineté un luxe inabordable, pour la Russie la souveraineté nationale réelle est une condition sine qua non de son existence ». En ligne de mire : l'alignement quasi-systématique de l'Union européenne sur les positions américaines, comme récemment sur le dossier ukrainien. Poutine s'en prend également aux ingérences américaines et européennes au Moyen-Orient, qui ont conduit pour Poutine à une aggravation des conflits et à la propagation du chaos.

    Le discours américain est très différent. Barack Obama n'a de cesse de répéter que l'Amérique a un rôle à jouer dans la défense des libertés : « Nous soutiendrons la démocratie de l'Asie à l'Afrique, des Amériques au Moyen-Orient, parce que nos intérêts et notre conscience nous forcent à agir au nom de ceux qui aspirent à la liberté ». Il s'agit ici d'une conception fondamentalement universaliste des relations internationales, semblable à celle que défendaient les néo-conservateurs sous George W. Bush. La question de la souveraineté n'est jamais abordée par Obama.

    La Russie et les Etats-Unis défendent des conceptions géopolitiques qui servent leurs intérêts, écrivez-vous, souverainisme et multilatéralisme pour la première, universalisme pour les seconds. Quelle est la conception adoptée par les pays d'Europe ?

    Les pays européens sont dans l'alignement quasi-permanent avec les positions américaines. On l'a vu sur les dossiers syriens et ukrainiens. Cela pose quand même un problème car peut-on dire que les intérêts américains et européens sont parfaitement alignés ? Je n'en suis pas certain. Est-ce dans l'intérêt de l'Europe de se brouiller avec son voisin russe ou avec l'Iran ? N'y aurait-il pas un intérêt à jouer une carte intermédiaire, qui ne soit ni celle des Etats-Unis ni celle de la Russie ? Je laisse le soin aux géopolitologues de répondre à cette question.

    Comment la Russie de Poutine considère-t-elle l'exceptionnalisme américain ?

    Une des thèses de mon livre est de dire que les modèles américains et russes sont moins éloignés qu'on veut bien le croire, au moins du point de vue idéologique et culturel. Les deux pays partagent un même sentiment national très affirmé, avec un rôle politique du religieux encore très fort. Des deux côtés, les communautés nationales s'appuient sur des mythes fondateurs très puissants. Et en effet, les deux pays se fondent sur une certaine idée de l'exceptionnalisme, c'est à dire qu'ils ont la conviction qu'ils jouent un rôle qui dépasse le cadre purement national.

    Mais paradoxalement, Poutine a ouvertement attaqué l'exceptionnalisme américain

  • « Maurras pas mort ! Reportage sur l’Action française »... vue par Daoud Boughezala sur Causeur

     

    L'article qui suit est paru dans Causeur - version papier et version numérique. [29.02]. Nous le reprenons intégralement y compris le tableau des « neuf dates qui ont fait l’AF » et les notes. L'Action française que Daoud Boughezala décrit ici n'est pas le tout de l'Action française, même si elle en est la part la plus voyante et la plus remuante. Le quotidien régional La Provence dirait avec malveillance : « la plus tapageuse ». C'est qu'elle en est aussi - ce qui n'enlève rien à ses mérites, ni à ses devoirs - l'élément le plus jeune. Et qu'elle peut donc en être l'avenir si Dieu ou les circonstances lui prêtent vie, durée et expansion. Il n'y a pas d'antipathie dans le tableau, en effet plutôt disparate - qu'en brosse Causeur. Sans-doute quelques inexactitudes ou approximations. La première et jeune Action française - au moins en son printemps décrit par Paugam - a été aussi diverse et bouillonnante. Elle est devenue, a été, le grand mouvement qui a marqué son siècle. A ses juges de Lyon, des juges assez indignes, Maurras avait lancé en conclusion de son procès : « J'ai mes livres, j'ai mon œuvre, j'ai mes disciples, j'ai l'avenir devant moi. »  Souhatons à notre pays, aujourd'hui tristement à la dérive, que la suite lui donne raison.  Lafautearousseau  •

     

    « Causeur, c’est très bien ! Je pensais que c’était un repaire de vieux droitards réacs mais j’ai beaucoup aimé votre dernier numéro, que j’ai acheté avec Society » Venant d’un militant d’Action française, le compliment ne manque pas de sel. Affublé d’un t-shirt « 0 % hipster », du haut de ses 21 ans, Louis se dit « anarcho-royaliste » et m’exhibe sa dernière lecture : l’essai de Pablo Iglesias, penseur de charme du parti espagnol Podemos classé à la gauche de la gauche.

    On m’avait prévenu. Un reportage sur les jeunes d’Action française s’annonce forcément foutraque puisque le mouvement que Charles Maurras a dirigé quarante ans durant ne se définit ni comme un parti ni comme une idéologie. Un vieux de la vieille me glisse même : « Du temps de mon père et de mon grand-père, c’était formidable : on était monarchiste sans prétendant, catholique sans pape (NDLR : l’Action française a été excommuniée par le Vatican en 1926 puis récusée par les Orléans en 1937). Des sortes d’anars maurrassiens ! »

    On trouve de tout à l’AF

    Officiellement adeptes du « ni droite ni gauche » en raison de leur « nationalisme intégral », les camelots du roi n’appartiennent pas moins à la grande famille de la droite de la droite, et souffrent de la réputation sulfureuse de leur mentor Maurras. Il faut bien avouer que le maître de Martigues, par ailleurs germanophobe et opposé à la collaboration, a commis une faute indélébile à mes yeux : cautionner l’antisémitisme du régime de Vichy tandis que nombre de ses émules résistaient ou combattaient au sein de la France libre*.

    De nos jours, comme jadis à la Samaritaine, on trouve de tout au siège parisien de la formation monarchiste, sis 10, rue Croix-des-Petits-Champs : des cathos tradis, des conservateurs bon teint, des libéraux nostalgiques de l’Ancien Régime, une poignée d’« identitaires », de rares « royalistes libertaires », quelques juifs rassurés par la renonciation du mouvement à « l’antisémitisme d’État » et même… un musulman vegan. Par-delà leurs divergences, ces amoureux de la fleur de lys s’emploient à la préparation des conférences dans une atmosphère de franche camaraderie. Le contraste entre le capharnaüm sans nom du lieu et leur supposé culte de l’ordre saute aux yeux du visiteur. Si ce n’est pas la maison bleue, ça y ressemble un peu : « Ici, tout le monde vient comme il est. L’Action française a toujours refusé le port de l’uniforme, alors que dans les années 1930, tous les mouvements politiques, y compris la SFIO, imposaient leur tenue réglementaire », s’amuse Arnaud Pâris, secrétaire général adjoint de l’AF. Lucien, chef de l’Action française étudiante, renchérit : « Chez nous, il n’y a pas de catéchisme. On a toujours eu à la fois une tendance libérale incarnée par Bainville, le chroniqueur diplomatique et économique de L’AF qui s’opposait en tout point aux positions socialisantes d’un Valois. Cette diversité ne me pose aucun problème car notre but commun est de faire sacrer le roi avant de nous effacer. » Partisans d’une monarchie décentralisée au gouvernement autoritaire, sans Parlement élu mais nantie d’assemblées locales, les membres de l’Action pourfendent le « pays légal » jacobin et en appellent toujours au « pays réel », à l’image de Jérémy, jeune vendeur marseillais de fruits et légumes : « Nos us et coutumes ne sont pas du tout les mêmes que celles des gens du Nord. Il est anormal que la République impose les mêmes normes partout ! »

    Génération Maurras et manif pour tous

    À Paris comme en province, dans chaque cercle d’AF, se reproduit en tout cas le même rituel** : « Chaque vendredi, on vend le journal L’Action française puis on organise des conférences et on mange ensemble entre camelots », raconte Jeanne, 16 ans, lycéenne lyonnaise tombée dans le maurrassisme comme Obélix dans la marmite, c’est-à-dire dès sa plus tendre enfance du fait de ses racines familiales roycos-cathos.

    L’« Inaction française » dont se gaussait l’écrivain fasciste Lucien Rebatet dans les années 1940 serait-elle rajeunie et ragaillardie ? Minute papillon. Il est loin le temps où Jacques Lacan écrivait une lettre enthousiaste à Maurras, et où des personnalités telles que Pierre Messmer, Michel Déon ou Claude Roy usaient leurs fonds de culottes sur ses bancs. La dernière portée d’intellectuels et de pamphlétaires d’AF s’en est allée loin de la maison mère, comme le rappellent les affiches-reliques de la « Génération Maurras » – qui s’autobaptisa ainsi par opposition à la « Génération Mitterrand » – aujourd’hui composée de quadras souvent en délicatesse avec leurs premières amours. Ainsi le journaliste et écrivain Sébastien Lapaque, brillant exégète de Bernanos qu’on peut lire dans Marianne et Le Figaro, figure-t-il désormais au nombre des amis officiels de l’économiste martyr de Charlie, Bernard Maris. Le bougre a même droit à son rond de serviette cathodique depuis qu’il a donné des gages à la gauche institutionnelle. « On le savait antilibéral comme nous, mais il va trop loin », se désole-t-on à l’état-major du mouvement. Si on l’avait congelé puis ressuscité tel Hibernatus, un camelot des années 1990 ne reconnaîtrait plus ses camarades de la Génération Maurras que les années ont dispersée.

    Afin de m’aider à y voir plus clair, un intellectuel revenu du maurrassisme me souffle : « Depuis des décennies, l’Action française est tiraillée entre le poids des glorieux devanciers (Maurras, Daudet, Bernanos, Boutang) et la nécessité de se réinventer. Résultat : les militants veulent tuer le père mais restent prisonniers de l’idéologie maurrassienne. Cette contradiction engendre des crises chroniques qui débouchent sur des scissions tous les quinze ou vingt ans. » Régulièrement, des jeunes d’AF tentent de sortir du carcan maurrassien en élargissant leurs références et leur public, à l’image des fondateurs des revues Réaction (début des années 1990) et Immédiatement (de 1997 à 2003), qui n’hésitaient pas à citer Debord, Baudrillard ou Orwell. Rétrospectivement, l’expérience éditoriale de la Génération Maurras n’a pas profité au développement de l’AF, laquelle a connu une série de bisbilles, entraînant scissions et départs en série dans les années 1990 et 2000. « Tous les quinze ans, des tocards prétendent faire du neuf, se prennent pour Maurras ou Daudet, scissionnent, le tout en se revendiquant du canal historique ! », s’agace Pierre-Charles, 25 ans.

    Malgré les querelles d’egos, l’Action française semble, sinon renaître de ses cendres, du moins connaître un certain frémissement à la suite de la Manif pour tous, dans laquelle les militants d’AF s’engagèrent corps et âme. Ana, jeune juriste transfuge du villiérisme, a par exemple découvert l’AF en 2013, « pendant les parties de cache-cache entre jeunes qui restaient après les ordres de dispersion des manifs ». Une adhésion d’abord motivée « par l’affect » avant que la jeune fille se forme, lise et assiste à des conférences. Ce genre de parcours est monnaie courante chez les roycos : on commence par suivre son instinct, puis l’on rationalise ses convictions en suivant une solide formation doctrinale.

    Signe des temps, Louis l’anarcho-royaliste éloigné de l’Église, Sami le musulman vegan franco-vietnamo-marocain et Gabriel le maçon normand ont tous trois fréquenté les cortèges de la Manif pour tous. Véritable OVNI rue Croix-des-Petits-Champs, Sami, 26 ans, docteur en informatique, accumule les paradoxes : né d’un père vietnamien et d’une mère marocaine, il pratique l’islam mais critique la tendance des musulmans « à pleurnicher en se plaignant de l’islamophobie » et rejette la démocratie tout en dénonçant le piétinement de la vox populi après le 29 mai 2005. En bon maurrassien, ce zélote d’Allah reconnaît la nature catholique de la France. Ses parents « faiblement politisés » lui ont inculqué le culte de l’ordre, notamment à travers le confucianisme, une doctrine fondée sur le principe de hiérarchie. « Comme dans la pensée de Maurras, chacun doit être à sa place, la famille, l’individu et la corporation. » Parisien d’adoption né de parents catholiques plutôt de droite, son camarade Louis loue à son tour la « politique naturelle » maurrassienne avant de rêver d’un roi « qui permettrait la réappropriation populaire des moyens de production et de la propriété ». De Marx à Maurras en passant par Proudhon, son panthéon est décidément « 0 % hipster » !

    L’AF, ce n’est pas seulement de jeunes étudiants intellectuellement bien formés. Aux quatre coins de la France, on y croise également des ouvriers, employés et commerçants. Au fin fond du Perche, Gabriel a créé un cercle dans son village de 600 habitants. Ce trentenaire ancien scout d’Europe, catholique convaincu, « brosse un rayon de 50 kilomètres autour de chez lui », où affluent « agriculteurs, un prêtre, un militaire, un prof, un polytechnicien retraité ». Bref, « pas de notables qui se la pètent » plastronne-t-il avant de pester contre la République née du sang des victimes de la Terreur. Grâce à l’Action, il a acquis une « structure de pensée » catho-royaliste cohérente, sauf à considérer la religion du Christ comme celle de l’amour universel. « Ici, tout le monde vote FN, on ne veut pas de n… et de b… », profère-t-il sans craindre la sortie de route raciste.

    D’un militant l’autre, on passe d’une culture de haut vol à des réflexions d’une indigence crasse. L’Action française ne serait-elle qu’un mouvement d’extrême droite ripoliné par une érudition bon teint ? La vérité est complexe. Pour avoir fréquenté toutes les familles politiques de la droite, le franco-polonais Lucien m’assure : « Par rapport au milieu faf (NDLR : France aux Français), on a un pied dehors, un pied dedans. » Pour être précis, la grande majorité des camelots cultive une approbation teintée de méfiance à l’égard du Front national. Il n’y a guère que les anarcho-royalistes de stricte obédience comme Louis pour trembler devant la société de surveillance « avec des caméras, la police et l’armée partout » qu’instaurerait Marine Le Pen sitôt parvenue à l’Élysée… et opter pour l’abstention. Quant à la politique d’immigration, Louis se contenterait volontiers d’une simple application de la loi,

    Électeur frontiste critique, Pierre-Charles me certifie au contraire que le Front national regorge de militants « maurrassiens, consciemment ou non ». À en croire ce petit-fils de camelot dont la langue châtiée n’a d’égale que les manières aristocratiques, il y aurait d’un côté la ligne « rad-soc marxisante » de Marine Le Pen et Philippot, de l’autre le courant catholique « royaliste de cœur, républicain de raison » des Bruno Gollnisch et Marion Le Pen. À rebours de nos élites politiques, la jeunesse d’AF juge le Front trop républicain et démocrate pour être honnête ! « Le système républicain fait que même s’ils tiennent leurs promesses, les élus du Front resteront un nombre d’années limitées au pouvoir. L’opposition va les calomnier, contrarier leur action et on reviendra à la lutte des partis », prédit Sami, résumant le sentiment prédominant chez ses frères d’armes.

    Mon ami François-Marin Fleutot, dissident de longue date de l’Action française – qu’il a quittée dès 1971 pour fonder la Nouvelle Action française – me livre son explication du rapport ambivalent des maurrassiens à l’extrême droite. Pour ce royaliste de gauche, l’AF a toujours été travaillée par un dilemme : « soit garder l’héritage, soit ramener l’héritier. La première option l’ancre à droite du côté d’un conservatisme absolu, tant et si bien que Maurras a choisi l’union nationale en 1914… et en 1940 derrière Pétain. Le second choix l’aurait amenée sur le terrain risqué de l’aventure révolutionnaire. François-Marin aurait rêvé que, le 6 février 1934 ou sur les barricades de 1968, le mouvement rompe avec la société existante et rappelle l’héritier du trône de France. Or, plutôt que de se risquer au coup de force, l’Action française marine dans l’agitation estudiantine, une partie de ses membres se fantasmant en champions de l’extrême droite folklo (esthétique futuriste, marche aux flambeaux), d’autres, minoritaires, flirtant carrément avec une idéologie völkisch (ethniciste) étrangère au credo maurrassien : « Aucune origine n’est belle. La beauté véritable est au terme des choses. »***

    Un temps séduit par les idées de la Nouvelle droite identitaire et païenne auxquelles il a renoncé car il ne sentait pas « obnubilé par la race », Lucien a « découvert l’islam et l’immigration dans le RER » en passant de sa banlieue chic à la fac porte de Clignancourt. Doté d’une culture politique impressionnante, le jeune homme de 24 ans descendant d’une victime du Goulag entend aujourd’hui « conjuguer ordre et justice pour contrecarrer les idées abstraites de gauche qui ont conduit à des charniers ». Mi-sérieux mi-rigolard, il annonce le coup de poing monarchiste pour demain. Nous voilà mis au jus : il n’aura pas de pitié pour les tièdes : « Pour rétablir une société monarchique, on ne peut plus se permettre d’être conservateur comme à l’époque de Maurras. De Nabilla à Youporn, le pays réel n’existe plus… » Polémique d’abord ! 

     

    Neuf dates qui ont fait l’AF

    1898-1899 : création de l’Action française par Henri Vaugeois, Maurice Pujo et des antidreyfusards rejoints par l’écrivain provençal Charles Maurras. D’abord nationalistes républicains, le mouvement et sa revue éponyme se convertissent au monarchisme.

    1914 : Maurras et l’AF appellent leurs sympathisants à soutenir l’union sacrée contre l’Allemagne autour du gouvernement.

  • Bioéthique : La France confrontée à une culture de mort (19), par François Schwerer. Annexes (1/6)...

    L'étude de notre ami François Schwerer s'est donc achevée hier.

    Cet ensemble constitue une véritable somme, aussi bien par son importance que par son intérêt.

    Nous en avons commencé la publication le vendredi 10 janvier, et l'avons poursuivie du lundi au vendredi inclus, comme nous l'avons fait, par exemple, pour l'étude de Pierre Debray, Une politique pour l'an 2000.

    Pour suivre et retrouver ces textes plus commodément, nous avons regroupé la totalité de cette étude, vu son importance, dans une nouvelle Catégorie : François Schwerer - Bioéthique : culture de mort : vous pourrez donc retrouver donc l'ensemble de cette chronique en cliquant sur le lien suivant :

    François Schwerer - Bioéthique : culture de mort...

    Nous avons redonné chaque jour le plan de l'étude, afin que le lecteur puisse correctement "situer" sa lecture dans cet ensemble; voici maintenant le plan des Annexes et textes divers, que nous publierons jusqu'à vendredi prochain, inclus, date finale de la publication de cette importante contribution :

    Annexe 1 : Les lois de bioéthique.

    Annexe 2 : Le projet de loi bioéthique : une horreur peut en cacher une autre.

    Annexe 3 : La loi de bioéthique est essentiellement une loi discriminatoire.

    Annexe 4 : Bioéthique : on a ouvert la boîte de Pandore...

    Annexe 5 : La loi de tous les dangers.

    Annexe 6 : Sondage IFOP pour les AFC / Prière de Jean-Paul II /Quelques statistiques / Lettre pastorale de l'évêque de Bayonne.

    Schwerer.jpgANNEXES

     

    1. les lois de bioéthique (1)

    Dans son encyclique Centesimus annus (2), saint Jean-Paul II expliquait que l’écologie dans son intégralité ne s’arrête pas aux considérations environnementales ni aux questions relatives à l’organisation sociale mais inclue aussi l’écologie humaine. En effet, cette écologie intégrale est tendue non pas exclusivement vers l’accroissement de l’avoir mais d’abord vers le développement de l’être. Pour lui, c’est toute la création qui est l’objet des soins de l’écologie et au sommet de celle-ci se trouve l’homme. Poursuivant dans la même ligne, le pape François a expliqué dans son encyclique Laudato si’ que « tout est lié » (3). Comment peut-on donc défendre les bébés phoques et empêcher d’arriver à la vie autonome les enfants des hommes ? Comment respecter la nature et chercher à déshumaniser l’homme ?

    Le pape Benoît XVI, dans Caritas in veritate aborde la raison profonde qui conduit l’homme d’aujourd’hui à dissocier l’écologie environnementale de l’écologie intégrale et à adopter, in fine, une culture de mort : « Dépourvu de vérité, l’amour bascule dans le sentimentalisme. L’amour devient une coque vide susceptible d’être arbitrairement remplie. C’est le risque mortifère qu’affronte l’amour dans une culture sans vérité. Il est la proie des émotions et de l’opinion contingente des êtres humains ; il devient un terme galvaudé et déformé, jusqu’à signifier son contraire. La vérité libère l’amour des étroitesses de l’émotivité qui le prive de contenus relationnels et sociaux, et d’un fidéisme qui le prive d’un souffle humain et universel » (3).

    Si l’on y réfléchit bien, c’est ce processus qui est sous-jacent dans toutes les « avancées sociétales » portées en France par les lois dites de bioéthique. Leur enchaînement illustre bien la méthode mise en œuvre pour imposer à la France une véritable culture de mort.

     

    (1) : Cette annexe reprend l’essentiel de l’article publié dans le numéro 57 de la Nouvelle Revue Universelle.

    Le terme bioéthique mérite quelques explications. Il est formé de deux mots grecs bio qui signifie la vie et éthique que l’on a pris l’habitude distinguer du mot morale. Or, nous fait remarquer Sylvianne Agacinski, dans « L’homme désincarné », p. 18, « l’éthique n’est pas autre chose que la morale. L’une désignait pour les Grecs la recherche d’une sagesse pratique, soucieuse du bien et du juste ; l’autre était pour les Latins l’étude des mœurs, c’est-à-dire des bonnes façons d’agir les uns avec les autres ».

    (3) : Cf n° 37 et 38.

    (3) : Dans son homélie à Saint-Germain l’Auxerrois, le 1er septembre 2019, Monseigneur Aupetit a rappelé que « la Création a été confiée à l’homme pour qu’il en prenne soin et l’embellisse. Si elle est abîmée, c’est en raison de la cupidité et de l’orgueil de l’homme qui l’a conduit à se « faire comme Dieu ». L’humanité a confondu l’autorité qui fait grandir avec le pouvoir qui écrase et qui exploite tout à son profit. Ce désastre ne concerne pas seulement les plantes vertes et les animaux dans leur biodiversité, elle concerne de plus en plus l’humanité elle-même dans son désir de toute-puissance, par exemple lorsque l’on fabrique un hybride homme-animal ou que l’on vote des lois pour combler les frustrations sans tenir compte de la dignité de l’enfant qui a le droit de naître de l’acte d’amour de son père et de sa mère. Tout cela relève d’un manque d’humilité et d’amour ». Et, il a ajouté : « De la même façon que l’amour génère l’humilité, la véritable humilité ne peut naître que de l’amour ».

     

    C’est ce qu’a reconnu Monseigneur de Moulins-Beaufort lorsque, le 25 juillet 2019, juste après la présentation en Conseil des ministres du projet de loi appelé à être voté en septembre/octobre, il a tristement fait remarquer : « A chaque révision des lois de bioéthique, les encadrements sautent ». Cette fois-ci, cependant, l’évolution prend une nouvelle allure car, comme l’a expliqué Jean-François Delfraissy devant la Commission spéciale de l’Assemblée nationale le 28 août 2019, cette loi de bioéthique est une loi « d’ouverture et de confiance (sic) alors que les dernières lois de bioéthique étaient des lois qui interdisaient (1)».

    (1) : Il s’agit donc d’une loi liberticide comme l’expliquait Pierre Debray en 1998 : « Dans le récit de la Genèse Yahvé donne à Adam et Eve une loi, gage de l’alliance conclue avec eux. Cette loi est symbolisée par le fruit défendu. Pour que l’homme puisse exercer sa liberté il faut effectivement une loi, ou, si vous préférez, en référence au fruit défendu, des interdits » (« Lettre à un jeune européen sur le suicide de l’occident », Cahiers de Pierre Debay, n° 1.

    Il aurait été plus juste de dire des lois qui posaient des limites. La nouvelle loi pose donc en principe qu’il n’y a, du point de vue éthique, aucune limite. Elle reconnaît implicitement que tout ce qui  est techniquement possible est faisable. Cela a amené Jean-Marie Le Méné à considérer qu’« il ne s’agit pas d’une loi de bioéthique mais d’une loi de financement de la technoscience et de ses lucratives applications. En effet, on ne voit pas ce qu’il y a d’éthique ni de scientifique dans le détournement des lois de l’engendrement. En revanche, on voit très bien ce qu’il y a d’économiquement intéressant dans l’appropriation de gamètes et d’embryons destinés à devenir des matières premières exploitables ». Deux jours plus tard, comme pour lui donner raison, la commission spéciale bioéthique de l’Assemblée nationale approuvait un amendement pour ouvrir le marché de la conservation des gamètes aux établissements privés.

    Poursuivant son analyse dans La Croix, le président de la Conférence des évêques de France a expliqué cette évolution politique : « A mes yeux, [ce projet de loi] confirme l’impuissance des politiques à résister à une espèce de pression qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer : depuis des années, ils font croire que les solutions techniques, médicales et juridiques permettront de soulager toutes les souffrances et les désirs non réalisés au fur et à mesure qu’ils seront identifiés. En affirmant cela, nos politiques nous trompent car inévitablement, les causes des souffrances se déplaceront. On ne fera que créer d’autres frustrations ». Il aurait pu ajouter que ces nouvelles frustrations serviraient alors de prétexte pour de nouveaux abandons. Il a simplement ajouté, montrant ainsi qu’il est bien conscient de la méthode utilisée : « nous sommes très doués pour habiller nos actes de mots édulcorants et nous donner bonne conscience à bon compte ».

     

    Une politique des petits pas

     

    La première loi française qualifiée de bioéthique remonte au 1er juillet 1994.

    Elle avait pour but d’encadrer le traitement des données nominatives dont le but est la recherche dans le domaine de la santé. Cette première loi portait, sans le dire, atteinte aux fondements même du droit français puisqu’elle conduisait à évaluer le caractère éthique des pratiques de la recherche à l’aune de l’utilité que la collectivité pouvait en retirer. Le droit prenait ainsi une dimension essentiellement utilitariste.

    Elle fut suivie, le 29 juillet de la même année, par deux autres lois relatives au respect du corps humain, au don et à l’utilisation des « produits » du corps humain. Il s’agissait alors de déclarer l’impossibilité pour le corps humain de faire l’objet d’un droit patrimonial, ce que tout le monde considérait comme naturel, sans qu’il fût nécessaire de le préciser. Cependant le vers était déjà largement dans le fruit puisque ce texte appréhendait le corps humain comme quelque chose en soi, préparant implicitement les esprits à une rupture dans la personne humaine (1).

    La deuxième loi du 29 juillet prévoyait aussi l’encadrement de l’aide médicale à la procréation et celui du diagnostic prénatal. Or, cet encadrement reposait essentiellement sur les notions de désir et de « consentement » préalable. Autrement dit, l’encadrement de ces nouvelles pratiques reposait désormais sur des notions purement subjectives. Si les apparences étaient sauves, puisque les pratiques antérieures n’étaient pas bouleversées, le fondement ontologique des lois de bioéthique – et avec elle de tous les types de lois – s’était écroulé (2).

    Puisqu’elle est la suite logique des précédentes, passons rapidement sur la loi de 2004 qui interdisait le clonage d’être humain mais qui étendait l’encadrement des dons de « produits » du corps humain aux importations et exportations. Elle créait « un crime contre l’espèce humaine » dont on n’a jamais vu l’application concrète devant un tribunal, mais ouvrait, « de façon limitée », la recherche sur les embryons. Avec ce nouveau texte, l’embryon pouvait donc, dans certains cas, être réduit à l’état d’objet. En fait, elle permettait ainsi l’utilisation des embryons « surnuméraires » résultant de la fécondation in vitro.

    La loi du 7 juillet 2011 a, pour sa part, autorisé la congélation ultra rapide des ovocytes. Puis la loi du 6 août 2013 a fait passer la recherche sur les embryons du régime d’interdiction avec dérogations à celui d’« autorisation encadrée ».

    La loi de 2019 ne sera donc que la septième loi dite de bioéthique dont se dote la France depuis moins de vingt-cinq ans. Et, comme personne n’imagine que l’on sera arrivé au bout de l’évolution éthique, l’article 32 du projet de loi « renouvelle la clause de réexamen périodique de la présente loi dans un délai de sept ans, afin de s’assurer que le cadre législatif demeure pertinent pour répondre aux enjeux éthiques posés par l’avancée rapide du savoir scientifique ». L’exposé des motifs est donc clair : en France désormais l’éthique est subordonnée à l’avancée du « savoir scientifique ». Elle n’a plus aucun fondement transcendant. Cette loi ouvre non seulement le recours à l’insémination artificielle avec donneur anonyme (pudiquement appelée PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules, mais encore la possibilité de recherches sur les embryons humains (par le biais des « cellules souches embryonnaires) et la création de chimères (en introduisant des cellules humaines dans des embryons d’animaux) (3).

    Cette loi n’est pas la dernière. Pour justifier le fait qu’elle ne se penche pas sur la question de la Gestation pour autrui (la GPA), le ministre de la santé, Agnès Buzyn a expliqué devant la commission spéciale de l’Assemblée nationale : « une loi de bioéthique n’est pas une loi d’égalité. Il ne s’agit pas de comparer l’égalité de tous nos concitoyens à l’égard de telle ou telle pratique ». Cela signifie, en clair, qu’une prochaine loi devra s’occuper de cette question de l’égalité… une fois que la loi adoptée aura créé cette nouvelle inégalité !

     

    (1) : En 1995, saint Jean-Paul II remarquait dans son encyclique Evangelium vitae : « le corps n'est plus perçu comme une réalité spécifiquement personnelle, signe et lieu de la relation avec les autres, avec Dieu et avec le monde. Il est réduit à sa pure matérialité, il n'est rien d'autre qu'un ensemble d'organes, de fonctions et d'énergies à employer suivant les seuls critères du plaisir et de l'efficacité » (23).

    (2) : Dès lors, il n’y a plus aucune raison que le projet de loi de 2019 s’oppose au diagnostic préimplantatoire dans le cadre d’une PMA. Devant la commission spéciale de l’Assemblée nationale chargée d’examiner la nouvelle loi, Agnès Buzyn a déclaré le 11 septembre 2019 : « Autant quand on porte un enfant et qu’on est sensible à l’idée du handicap et d’une société inclusive (sic), on peut faire le choix de garder un enfant [atteint d’une maladie chromosomique], autant quand on a le choix entre différents embryons dont un est atteint d’une maladie génétique, il est évident qu’un couple ne choisira de prendre le risque d’être réimplanté » avec un embryon à risque.  Si cela n’est pas de l’eugénisme, on se demande ce que c’est.

    (3) : Cf. notre présentation de la loi dans Politique Magazine (septembre 2019).

     

    Des fuites orchestrées

     

    Le projet de loi a officiellement été présenté en Conseil des ministres le 24 juillet et jusqu’à cette date il n’était normalement pas accessible au public. Mais le 27 juin il faisait déjà l’objet d’une présentation dans Libération qui s’était « procuré » le texte avant même que le Conseil d’Etat n’ait donné son avis. Et le journal Libération commentait alors les propos de Madame Buzyn, ministre de la Santé, publiés deux jours auparavant dans le Journal du Dimanche (JDD). Cela permettait déjà de préparer l’opinion au contenu du texte et de faire indirectement pression sur le législateur en lui suggérant des « améliorations » pour répondre aux attentes de certaines. « Que reste-t-il du rapport du député Jean-Louis Touraine (LREM) destiné à servir de support au projet de loi bioéthique ? Le souffle de décrassage et de levée des interdits n’est plus franchement là ! » précisait le journal. On comprend pourquoi ce député a été choisi parmi les rapporteurs du projet de loi et ce que l’on attend de lui.

    Mais, en même temps, le journal voulait rassurer les opposants. Certes, le projet de loi bouscule totalement les règles de la filiation mais il le fait de façon intelligente puisqu’à côté de la filiation naturelle, il créera un nouveau type de filiation « entre les parents qui ont eu recours à un don (sic) et leurs enfants ainsi nés ». Il sera « inutile ainsi de toucher au code civil ». Ces fuites permettent aussi d’orienter les futurs débats qui ne s’annoncent pas aussi « apaisés » que ne le souhaiterait le gouvernement.

    Cette nouvelle « filiation », reconnaît le journal, est incohérente. Mais ne s’agit-il pas « d’une tactique destinée à apaiser la

  • Ordonnances Macron, qu’en dire pour l’instant, par Frédéric Winkler.

    « La fin de la politique est le bien humain » Père de Pascal. Devant la cadence antisociale d'un système destructeur de notre économie au profit des banques dont le président fut un des loyaux serviteurs, alertons inlassablement nos frères dans la promiscuité des lendemains qui ne seront pas enchanteurs. Un monde Orwellien est en marche, depuis quelques temps déjà, il était question de réformer le Code du travail devenu effectivement incompréhensible dans ses inextricables articles.

    frédéric winkler.jpgLe président Macron avait annoncé qu’il gouvernerait par « Ordonnances », voilà qui est fait et tant pis pour les incrédules imaginant une justice dans un système qui depuis bien longtemps est antisocial (« Code du travail : Ce que contiennent les cinq ordonnances, Alexia Eychenne, 31 août 2017, « Libération », http://www.liberation.fr/…/ce-que-contiennent-les-cinq-ordo…). Il est plutôt question de faciliter les solutions expéditives concernant les salariés comme leurs instances représentatives. D’ailleurs un formulaire type sera fait pour les licenciements, plus pratique pour se débarrasser des salariés en entreprise (« Bientôt un formulaire pour se faire licencier ? », Cécile Crouzel Publié le 30/06/2017, le Figaro économie, http://www.lefigaro.fr…/09005-20170630ARTFIG00002-bientot-…) : « Cela va rassurer les PME, désormais on va pouvoir maîtriser le risque du licenciement » (François Asselin, président de la CPME, « Confédération des petites et moyennes entreprises »). Concernant l’ancienneté : « Avec deux ans d’ancienneté, le plafond sera de trois mois de salaire, augmenté à raison d’un mois par année d’ancienneté, jusqu’à 10 ans. Puis en hausse d’un demi-mois par an, pour atteindre 20 mois maximum pour 30 années dans la même entreprise. Les salariés avec peu d’ancienneté sont pénalisés, car la loi accorde aujourd’hui au moins six mois de salaire après deux ans de maison dans des entreprises de plus de 10 salariés. Le juge ne gardera sa liberté d’appréciation qu’en cas d’atteinte aux libertés fondamentales (harcèlement, discrimination, dénonciation de crimes et délits…) » (« Code du travail : Ce que contiennent les cinq ordonnances, Alexia Eychenne, 31 août 2017, « Libération », http://www.liberation.fr/…/ce-que-contiennent-les-cinq-ordo…). Voilà en guise de remerciement pour bons et loyaux services ! Lorsque l’on voit qu’en Allemagne il y a de plus en plus de travailleurs pauvres et que l’on nous présente ce pays en exemple ! Beaucoup s’imagine que les licenciés le sont parce qu’ils ne sont pas bons ou inutiles, certains même pensent que cela n’arrive qu’aux autres. Pour les vraies petites sociétés, cela pourrait être salvateur. Mais ce que l’on sait aussi c’est que les grosses structures feront de petites entités, les dommages intérêts seront plafonnés à 20 mois, par contre pour les petits… Le XIXe siècle n’est pas si loin. Pour avoir 20 mois il faut avoir 29 ans d’ancienneté ! Qui l’a ! Pour avoir 12 mois, ce qui n’est pas extraordinaire, il faut 14 ans d’ancienneté ! Et personne ne dit rien… en général les gens ont cinq à six ans d’ancienneté, ils auront alors 6 mois ! Le salarié à tout de même un droit majeur, celui de demander « pourquoi on le licencie », si malgré cela la réponse ne satisfait pas celui-ci, et que l’on se rend compte qu’il n’y a pas de motif sérieux, la loi prévoit d’office que c’est une simple irrégularité de procédure, cela ne coûte rien, le salarié gagnera 1 mois…
    Etre une femme en ce moment est encore plus dure, celles qui travaillent à temps partiel, y-a-t-on pensé ? Les femmes de ménage, les caissières qui n’arrivent jamais à faire 35 heures en une semaine, quand elles arrivent à en faire 15 ou 20, en s’affairant partout, sans parler des soucis de garde pour les enfants. Elles se retrouvent avec 500 euros par mois, plafonné à 20 mois, je vous laisse imaginer !
    On considère encore qu’il est moins grave pour une femme de perdre son travail qu’un mari ! C’est la double peine car elle a souvent déjà un salaire inférieur ! Et je ne parle pas des responsabilités et divers métiers qu’en tant que femme ou mère, elle doit honorer pour servir ceux qui l’entourent. N’est-on pas dans un processus de licenciement abusif protégé par la loi ? Et pas une ligne dans la presse comme le silence des officines syndicales ! Concertation ou complicité !
    Les sociétés étrangères vont jubiler ! Tout est fait pour le Medef, comme quoi les « naïfs », disons plutôt les « cocus » qui votent pour ce système antisocial aiment bien « se faire avoir ! ». Cela me rappelle une phrase de Garnier : « L'homme qui va voter pour obtenir de bonnes lois est semblable à l'enfant qui va au bois cueillir de bonnes verges pour se faire fouetter. Les votards demandent la lune au candidat qui s'empresse de la leur promettre. Quand il est élu, il ne peut tenir sa promesse qu'en leur montrant son cul » (Garnier - de la bande à Bonnot). Entre les salariés en limite de dépression (« burnout ») environ 25% de la masse salariale (La Dépêche, publié le 16/02/2017 : « Burn-out : 3,2 millions de Français exposés à l'épuisement professionnel », Actu Santé, http://www.ladepeche.fr/…/2518399-burn-out-3-2-millions-fra…), ceux qui prennent des calmants, des antidépresseurs, comme les taux de suicide alarmant des petites professions et des jeunes. La loi ne prévoit rien pour les familles et ce n’est qu’un maximum, le juge faisant ce qu’il veut ! Il n’y a pas de plancher. Si vous êtes une femme, les statistiques le prouvent, au prudhomme elle aura moins qu’un homme…Bref les financiers mènent l’Etat et font les lois, voilà ce qu’il faut comprendre depuis fort longtemps. Combien de gens avant d’être licenciés sont mis à l’écart, déconsidérés tel des lépreux d’hier ! On les diminue en les qualifiants de non « proactifs », manque d’imagination… faudrait-il parler des évaluations dont certaines parlent de courage, considérant les salariés comme des guerriers ! Les critères subjectifs dans lesquels on y met tout et rien… Mais de qui se moque-t-on ? Et ces pressions sur les lieux de travail ne sont-ils pas apparentés à du harcèlement. Avant pour avoir 3 ans de chômage, il fallait avoir plus de 50 ans désormais ce sera 55 ans. Par une supercherie toute relative, on parle de CDI (Contrat à durée indéterminée) pour la durée d’un chantier ou d’une mission, au lieu de l’ancien CDD (Contrat à durée déterminée). C’est une manière de se moquer du monde en maintenant une masse salariale dans la promiscuité et l’instabilité professionnelle. Les entreprises pourront négocier ce qu’elles veulent : diminution de salaire, 13e mois, primes, pouvant être diminuées. Celles-ci pourront aussi augmenter le temps de travail comme diminuer les salaires, imposer des mobilités selon le critère de compétitivité. Les instances quant à elles, seront réduites à une structure (+ de 50 salariés) nommée « Comité social et économique », comprenant les anciennes « Délégations du personnel, Comité d’Entreprise et Comité d’hygiène et de sécurité » (DP, CE, CHSCT). Il sera par ce biais facile à la Direction des entreprises d’agir les mains libres, je vous laisse imaginer l’opportunité pour les DRH ! La cerise sur le gâteau demeure que toute action en justice, comme les expertises, demandera 20% des frais engagés à cette nouvelle structure. La législation sociale devient une peau de chagrin…
    Les méthodes de travail dites « améliorations continuent » aussi subjectives que castratrices des réalités humaines avoisinent une robotisation plus que de raison. Prenons la secrétaire qui lorsqu’elle va faire quelques mètres pour une photocopie, fait de la relation sociale en parlant avec ses voisins, en échangeant sur divers sujets dont certains d’ailleurs permettent d’arranger des problèmes organisationnels comme des informations diverses ou tout simplement, peut être le besoin de parler d’autre choses, parce qu’elle est aussi humaine ! Mais des réactions parfaitement « débiles » vont imaginer visser cette photocopieuse près d’elle, pour gagner du temps et de l’argent parce que c’est toujours le mobile, le gain comme la réduction du personnel. Mais voilà qu’elle va être dérangée par du passage parce que cette imprimante n’est pas que pour elle et que le bruit va la perturber infiniment. Elle deviendra peut-être dépressive, ne trouvant plus le temps, car il est compté, de discuter avec ses voisins ou voisines, l’ambiance du service se dégradera, mais l’amélioration continue, fruit de la pensée d’intellectuelles en mal d’inventions aura fait un grand pas. Bref la pénibilité en prend aussi un coup, sont supprimés des critères d’attentions : la manutention de charges lourdes, les vibrations mécaniques comme les risques chimiques et les postures pénibles : « Le bon sens a prévalu » (Alexandre Saubot, vice-président du Medef)… Nous parlerons bientôt aussi des retraites …
    Ceci n’est qu’une économie jalonnée de combats sociaux, tous plus destructeurs les uns que les autres, résultat d’un libéralisme essaimant la guerre et la domination, par le choix de toujours plus de gains financiers. Le bon sens naturel quant à lui, est axé, sur l’entente en vue de créations de qualité, au service des consommateurs, en protégeant les travailleurs, patrons, cadres et employés comme ouvriers par des structures et lois qu’eux-mêmes auraient décidées, sans que l’Etat n’ait à intervenir, sauf en cas d’abus : « Le capital n’est pas… l’unique forme de propriété dont un homme puisse tirer légitimement avantage en vertu d’un droit propre. La possession d’une carrière, d’un métier peut aussi revêtir le caractère d’une propriété quand elle est garantie par la loi, c’est-à-dire quand elle constitue un droit propre à qui l’a acquise, qu’elle lui ouvre un privilège, et qu’elle ne peut lui être enlevée que par jugement » (La Tour du Pin, Jalons, II Economie sociale). C’est cela que nous dicte l’histoire empirique et c’est d’une étonnante actualité, seule la guerre sociale comme le profit d’une minorité sur la souffrance du plus grand nombre est rétrograde. On nous parle de population vieillissante mais où se trouve la politique familiale qui, hardie, pourrait multiplier les naissances, et donner cette richesse à notre pays, par une forte jeunesse acquise…
    Où se trouve l’égalité pour les femmes si nous ne pouvons lui offrir, car donneuse de vie, cette faculté de choisir sa vie et ses lendemains, en tant que mère. Au XXIe siècle nous ne sommes toujours pas capables de lui reconnaître ce droit essentiel d’être libre, de choisir sa vie professionnelle, là serait la révolution ! Combien le chômage serait réduit d’autant si nous proposions à toute femme, de choisir de travailler comme de rester chez elle, où pourtant 20 métiers l’y attendent, avec le salaire maternel et la retraite qui en découle. Elle pourrait ainsi choisir de 10, 20, 50 à 100%, le temps au travail, comme celui de la « maison », c’est un droit essentiel comme la juste reconnaissance de son état de femme. Tout le monde y trouverait son compte : moins de chômeurs, moins de personnes vieillissantes abandonnées, plus d’enfants, une présence accentuée auprès des jeunes souvent laissées seuls, un retour de la vie dans les communes… C’est aux femmes de choisir et non aux hommes qui l’obligent, sous prétexte d’une fausse liberté, de courir chaque jour, près des crèches et gardes diverses, de faire une carrière professionnelle, des formations et recyclages, en plus du ménage, de la cuisine, des devoirs d’école, lavages comme repassages, rangements, courses… Tout cela en courant, chaque jour, stressées par la route et les transports dans l’optique de tout bien faire et l’angoisse d’être en retard pour son ou ses enfants. J’ai peur de lister les angoisses de l’homme qui en comparaison seraient bien moindre mais taisons nous, ne réveillons pas un peuple qui dort !
    D’ailleurs l’être humain est un numéro et demain, un robot vivant, bienvenue dans le « Meilleur des mondes » d’Huxley. Nous savons, parce que nous sommes des héritiers, qu’il existe d’autres manières de gérer le travail et que celui-ci doit être le fruit de concertations entre les différents acteurs de chaque branche professionnelles : « ... on ne saurait faire reposer un régime corporatif un peu général sur des fondations qui sont l’exception ; mais il est très aisé d’y suppléer par des Conseils mixtes que nous appellerons Conseils corporatifs, composés de délégués fournis par les associations professionnelles d’ouvriers ou de patrons à nombre égal des uns et des autres, comme cela se pratique déjà pour les Conseils de prud’hommes. Leurs attributions seraient beaucoup plus étendues que celles de ces derniers conseils, puisqu’elles consisteraient à prévenir les conflits entre leurs membres, en place de les résoudre seulement. Et ces conseils seraient en effet beaucoup plus en état de le faire, parce que leurs membres seraient des mandataires d’associations aptes à se former un sentiment et à établir des cahiers » (La Tour du Pin, Jalons II, Economie sociale). Qu’un programme sain d’économie doit reposer sur la justice sociale où tous doivent participer dans ses conseils respectifs afin de construire pour demain. Nous vous invitons à consulter nos travaux tant historiques qu’actuels qui proposent un chemin empirique détourné du libéralisme financier fossoyeur des peuples. Il existe la vie, que celle-ci est tournée vers la lumière de la création et qu’au-delà des lois ou systèmes de gouvernement antinaturels comme antisocial, notre jour viendra ! « …La productivité du capital est une de ces expressions qu’il ne faut pas prendre à la lettre, mais traduire par cette périphrase : la productivité du travail au moyen du capital. Ce n’est pas la charrue qui travaille, c’est le laboureur : donc c’est lui qui produit, et non pas elle, bien qu’il ne pourrait produire sans elle. Il est donc inexact de dire qu’il y ait deux facteurs du produit ou agents de la production, il n’y en a qu’un, le travail, qui produit à l’aide des agents naturels qu’il rencontre ou des agents artificiels qu’il a lui-même créés. Autrement dit, le produit est du travail multiplié par du travail… Le capital est le produit d’un travail antérieur à celui que l’on considère sous sa forme de main-d’œuvre, voilà tout. Il n’est pas « du travail accumulé ». Il n’est pas de la force vive, mais de la matière inerte » (La Tour du Pin, Jalons II, Economie sociale).
    FW (Projet de société, à suivre...)

  • Bioéthique : La France confrontée à une culture de mort (20), par François Schwerer. Annexes (2/6)...

    L'étude de notre ami François Schwerer s'est donc achevée ce vendredi dernier, 3 février .

    Cet ensemble constitue une véritable somme, aussi bien par son importance que par son intérêt.

    Nous en avons commencé la publication le vendredi 10 janvier, et l'avons poursuivie du lundi au vendredi inclus, comme nous l'avons fait, par exemple, pour l'étude de Pierre Debray, Une politique pour l'an 2000.

    Pour suivre et retrouver ces textes plus commodément, nous avons regroupé la totalité de cette étude, vu son importance, dans une nouvelle Catégorie : François Schwerer - Bioéthique : culture de mort : vous pourrez donc retrouver donc l'ensemble de cette chronique en cliquant sur le lien suivant :

    François Schwerer - Bioéthique : culture de mort...

    Nous avons redonné chaque jour le plan de l'étude, afin que le lecteur puisse correctement "situer" sa lecture dans cet ensemble; voici maintenant le plan des Annexes et textes divers, que nous publierons jusqu'à vendredi prochain, inclus, date finale de la publication de cet importante contribution :

    Annexe 1 : Les lois de bioéthique.

    Annexe 2 : Le projet de loi bioéthique : une horreur peut en cacher une autre.

    Annexe 3 : La loi de bioéthique est essentiellement une loi discriminatoire.

    Annexe 4 : Bioéthique : on a ouvert la boîte de Pandore...

    Annexe 5 : La loi de tous les dangers.

    Annexe 6 : Sondage IFOP pour les AFC / Prière de Jean-Paul II /Quelques statistiques / Lettre pastorale de l'évêque de Bayonne.

    Schwerer.jpg2. Le projet de loi Bioéthique : une horreur peut en cacher une autre (1)

     

    « La future loi de bioéthique, actuellement en préparation, s’oriente vers une rupture radicale avec le sens des limites objectives, inscrites dans la nature, qui fondait jusqu’alors les grands principes du droit. Si la filiation repose sur la volonté, c’est la toute-puissance du désir individuel qui tiendra lieu désormais de principe, ouvrant à toutes les dérives ». (2)

    Le projet de loi bioéthique qui doit être discuté au Parlement à partir du mois de septembre, doit être qualifié de prométhéen puisque le Comité national d’éthique a estimé qu’une grande partie de cette nouvelle loi doit « avoir une influence sur le futur de l’humanité » ! Il « résulte d’une vision totalitaire de la société selon laquelle le Parlement pet, par la loi, tout faire – y compris toucher à la nature même de l’homme » (3). Mais, il est vrai que « le myhe de Prométhée, dans lequel les Grecs voyaient l’expression d’une dangereuse démesure, est devenu un symbole de la dignité humaine » (4).

    De ce texte d’une grande complexité et qui noircit 72 pages, il faut essayer de dégager l’essentiel : la médecine n’a plus pour objet de soigner les personnes, les enfants ne sont plus que des objets pour le plaisir d’adultes irresponsables et les chimères deviennent une réalité. Réduire la discussion de ce texte au seul sujet de la PMA c’est « passer à côté de 80 % de l’intérêt de cette loi », comme l’a expliqué le président du CCNE, Jean-François Delfraissy, devant la Commission spéciale de l’Assemblée nationale, le 28 août 2019.

     

    La dénaturation de l’acte médical

     

    Jusqu’à présent, un acte médical avait officiellement pour but de soigner une pathologie et de soulager une souffrance non voulue. Avec l’article 1er de cette nouvelle loi, ceci vole en éclats. En effet, l’accès à la procréation médicalement assistée qui était jusqu’à présent conditionnée à un critère pathologique d’infertilité est supprimé. Toute femme, en âge de procréer (5), peut y avoir recours, qu’elle vive avec un homme, une autre femme ou seule. La PMA est ouverte à toutes. Comme l’a écrit François-Xavier Bellamy dans le Journal du Dimanche du 15 septembre 2019 : il ne s’agit plus « de réparer nos corps mais de les vaincre ». Acte médical (le M de PMA signifiant « médical »), la PMA n’est plus subordonnée à une cause médicale. Il peut donc désormais y avoir en droit français des actes médicaux sans cause médicale.

     

    (1) : Cette annexe reprend l’article publié dans Politique Magazine de septembre 2019.

    (2) : Père Jacques de Longeaux, www.aleteia.org, 3 septembre 2019.

    (3) : Guillaume de Thieulloy, La Nef, septembre 2019, p. 28.

    (5) : Sylviane Agacinski, « L’homme désincarné », Tracts Gallimard, 2019, p. 4.

    (5) : Mais le 19 septembre 2019, on apprenait qu’en Inde une femme âgé de 74 ans (son mari en ayant 78) venait d’accoucher de deux jumelles… et que les deux époux en avaient fait une crise cardiaque. Le seul commentaire du médecin qui les avait accompagnait : la femme m’a trompé sur son âge ; elle m’avait dit qu’elle n’avait que 60 ans !

     

    Subsidiairement, si l’on peut dire, comme il s’agit d’un acte médical, il sera remboursé par la Sécurité sociale. Quand on sait que l’insémination artificielle des femmes ne réussit pas à tous les coups, le critère d’efficacité retenu pour le remboursement des autres actes médicaux n’a plus lieu d’être.

    Le droit français avance ainsi dans deux directions dont il est difficile de prévoir l’avenir : il peut désormais y avoir des actes médicaux sans cause (ni symptôme) médical ; la Sécurité sociale (pourtant déjà déficitaire) va pouvoir rembourser des actes dont l’efficacité n’est pas garantie (1), en opposition avec le motif mis en avant par Madame Buzyn pour ne plus rembourser l’homéopathie. Le fait que l’acte ainsi remboursé par la Sécurité sociale ne soit pas un acte médical ne gêne pas non plus le ministre de la santé : « La Sécurité sociale rembourse d’autres actes non thérapeutiques nombreux. Je pense notamment à des actes de chirurgie esthétique sur un ressenti subjectif de mal-être ».

     

    L’enfant, « objet » d’un contrat entre adultes irresponsables

     

    Comme il fallait donner les mêmes « droits » aux enfants issus d’une PMA et les enfants nés de relations entre parents qui s’aiment, sans pour autant réécrire complètement le code civil, on a imaginé de dénaturer la filiation en créant une « double filiation maternelle ».  Et, pour préserver cette égalité entre les deux types de filiation, on écrit un nouvel article principiel dans le code civil, dont les conséquences pourront être étendues, en tant que de besoin, par la jurisprudence. Cet article rattache un enfant à la famille de chacun des parents légalement déclaré. La filiation biologique ne devient donc plus qu’un mode de filiation parmi d’autres.

    Pire encore, le projet de loi propose de modifier le code civil pour rendre cette nouvelle forme de filiation inattaquable. Ainsi le nouvel article 342-9 précise : « En cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de la procréation ». Et, plus loin, le nouvel article 349-10 prévoit à son tour : « le consentement à une assistance médicale à procréation interdit toute action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation ». Il en résulte en droit que la « parenté d’intention (2) » l’emporte sur le lien biologique. L’enfant est privé du droit fondamental de se faire reconnaître par son père, même si celui-ci l’acceptait.

    L’enfant, ainsi conçu, sera privé de père mais sera légalement le descendant de deux mères, dont il pourra porter les deux noms accolés. Désormais, en France, les femmes jouissent d’un droit à l’enfant, que ne manqueront pas de revendiquer les hommes (la GPA). A l’inverse, comme le veut le rapporteur Jean-Louis Touraine, « il n’y a pas de droit de l’enfant à avoir un père » (3). Pour en arriver là, les deux femmes qui auront un projet parental, devront, avant la naissance du bébé, passer un contrat devant notaire pour acter leur volonté commune. La copie de ce contrat figurera en marge de l’acte officiel d’état civil. Mais en inventant cette « déclaration anticipée de volonté », on met en place un système dans lequel la mère qui accouche n’a pas plus de droit (ni de devoir) vis-à-vis de l’enfant à naître que la compagne du moment. C’est bien ce qu’a confirmé la déléguée chargée de la famille de l’Inter-FGBT : les deux femmes du couple devront être reconnues comme mères, « sans distinction et sans hiérarchie ».

     

    (1) :  En 2016, en France, sur 300 000 embryons « fabriqués », seulement la moitié était « apte à être transférée » et seuls 16,5 % d’entre eux ont conduit à la naissance d’enfants vivants.

    (2) : Il est intéressant de noter que dans le langage orwellien utilisé pour faciliter cette évolution le mot « volonté » a été bani au profit du mot « intention ».

    (3) : Avec la GPA, demain, il n’y aura pas plus de droit de l’enfant à avoir une mère !

     

    Il apparaît aussi clairement que le législateur a conscience du fait que le système qu’il cherche à mettre en place n’a rien de naturel et que personne ne s’en montrera fier. Sinon il n’aurait pas prévu que « le couple ou la femme non mariée accueillant l’embryon et le couple ou la femme non mariée y ayant renoncé ne peuvent connaître leurs identités respectives ». Que se passera-t-il si l’enfant ainsi conçu, devenu adulte, demande à connaître l’identité de ses parents biologiques ? Faudra-t-il le lui refuser de peur que cela n’entraîne la révélation de l’identité des donateurs aux donataires ? Et s’il connaît leur identité faudra-t-il lui interdire de vouloir faire reconnaître sa filiation ?

    Quoi qu’il en soit, vouloir faire dépendre la naissance d’un enfant d’une simple intention de maternité (paternité ?) relève d’un système philosophique proprement inhumain. Monseigneur de Moulins-Beaufort fait remarquer à ce sujet : « On instille l’idée que l’enfant est porté par le projet, le désir et l’intention de ses parents. En ce qui me concerne, je veux bien être l’objet d’un dessein de Dieu, mais pas forcément d’un projet de mes parents, si bien intentionné soit-il. Les chrétiens savent qu’un être humain ne se résume pas à la rencontre des parents, mais qu’il est porteur d’une vocation, d’un appel de Dieu. Remplacer cela par un projet parental, je peine à y voir une promotion de l’humanité… Plus précisément, le projet des parents doit être dépassé par la vocation de chacun. Quand nous serons tous mesurés par les intentions de ceux qui nous ont engendrés, ce sera une grande violence parce que nous n’y répondrons pas totalement ou parce que nous serons déçus d’être prisonniers d’intentions qui ne correspondent pas à ce que nous voulons être » (1).

    (1) La Vie, 5 septembre 2019.

    Dans Famille Chrétienne du 16 septembre 2019, Monseigneur Aupetit a très clairement résumé la nocivité de ce texte. « Avec le projet de loi, on met en avant la seule volonté de ceux qui ont un projet d’enfant. L’enfant devient l’otage du bon vouloir tout-puissant de ceux qui se sont désignés comme ses parents. La différence avec les parents qui adoptent un enfant est que ces derniers n’ont pas voulu le priver de sa filiation charnelle. Priver volontairement un enfant de ses origines est un profond mépris du droit des enfants à connaître et à être élevés par leur père et leur mère comme le demande la Convention internationale des droits de l’enfant de l’ONU (article 7). De plus, il y a un détournement de la médecine et de sa raison d’être qui est de soigner. Il s’agit seulement de faire droit à des désirs particuliers de personnes qui ne sont pas malades ni infertiles. Le médecin devient un technicien du désir, un prestataire de service. Il est indécent que la Sécurité sociale rembourse ce qui n’est pas un soin, alors que, par ailleurs, on supprime le remboursement de médicaments indispensables ».

    Cette loi vient compléter une autre « avancée sociétale » récente. Après avoir considéré qu’une jeune fille de 13 ans pourrait être « consentante » dans des rapports sexuels avec un homme plus âgé, la nouvelle loi vient une fois de plus amputer la responsabilité des parents. En effet, l’article 21 précise que « si la femme mineure non émancipée désire garder le secret » d’une grossesse à laquelle elle désirerait mettre un terme, elle pourra le faire. Bien plus, si elle garde le secret, mais aussi si elle n’obtient pas le consentement de « l’une des personnes investie de l’exercice de l’autorité parentale », elle pourra se faire avorter. « L’interruption de grossesse pour motif médical ainsi que les actes médicaux et les soins qui lui sont liés peuvent être pratiqués à la demande de l’intéressée. Dans ce cas, la mineure se fait accompagner dans sa démarche par la personne majeure de son choix ». Gageons qu’elle trouvera sans difficulté des « personnes majeures » prêtes à l’accompagner dans les centres de planning familial. Mais que reste-t-il de la responsabilité des parents ? Il est intéressant de remarquer que Monique Pelletier, devant le Parlement en 1979 répondait déjà à un député qui voulait, par amendement, étendre l’avortement libre et gratuit pour les mineures sans le consentement de leurs parents : « les Français ne sont pas mûrs pour abdiquer cette parcelle de leur autorité ».

     

    Demain les chimères

     

    Le projet de loi fait aussi évoluer le champ de la recherche embryonnaire. Il commence par distinguer entre la recherche embryonnaire, toujours « encadrée » et la recherche sur les « cellules souches embryonnaires » qui ne feront plus l’objet que d’une simple déclaration. Il s’agit purement et simplement d’une horrible hypocrisie dans la mesure où les cellules souches embryonnaires sont bien issues d’un embryon qu’il a fallu commencer par tuer (1). Il est donc faux d’affirmer comme le fait l’exposé des motifs que la recherche sur les cellules souches embryonnaires ne conduit pas au « même questionnement éthique » que la recherche sur l’embryon. Outre son caractère fallacieux l’argument ne tient pas dans la mesure où tous les progrès qui ont été réalisés grâce à la recherche sur les cellules souches l’ont été à partir de cellules souches pluripotentes induites issues de la peau.

    Pire que tout – si cela est encore possible – le projet de loi vise à modifier hypocritement l’article L.2151-2 alinéa 2 du code de la santé publique. Celui-ci est clairement rédigé depuis la loi du 7 juillet 2011 : « la création d’embryons chimériques est interdite ». Le nouveau projet de loi propose de lui substituer la rédaction suivante : « La modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces est interdite ». Cette nouvelle rédaction autorise donc, sans l’avouer, la modification d’embryons animaux par des cellules humaines. Examinant le projet de loi, le Conseil d’Etat a lâchement fait remarquer que cela est pourtant susceptible de « soulever des questionnements éthiques ». Quant au CCNE, il n’a rien proposé d’autre que d’encadrer ces recherches, « en particulier si les embryons chimériques sont transférés chez des femelles et donnent naissance à des animaux chimériques ». Demain, n’en doutons pas, la France autorisera d’ajouter des cellules animales aux embryons humains. La Chine dit l’avoir déjà fait et le Japon l’a officiellement autorisé. Dans

  • Bioéthique : La France confrontée à une culture de mort (8), par François Schwerer

    Le sénat va connaître dans les jours à venir le projet de loi de bioéthique. Notre ami François Schwerer nous a adressé - avec un message de sympathie - l'ensemble des textes qu'il été amené à écrire sur cette question.

    Cet ensemble constitue une véritable somme, aussi bien par son importance que par son intérêt.

    Nous en avons commencé la publication le vendredi 10 janvier, et nous la poursuivrons du lundi au vendredi inclus, comme nous l'avons fait, par exemple, pour l'étude de Pierre Debray, Une politique pour l'an 2000.

    Et, pour suivre et retrouver ces textes plus commodément, nous regrouperons la totalité de cette étude, vu son importance, dans une nouvelle Catégorie : François Schwerer - Bioéthique : culture de mort : vous pourrez donc retrouver donc l'ensemble de cette chronique en cliquant sur le lien suivant :

    François Schwerer - Bioéthique : culture de mort...

    Voici le plan de l'étude (hors Annexes et textes divers, qui viendront ensuite); nous le redonnons chaque jour, afin que le lecteur puisse correctement "situer" sa lecture dans cet ensemble :

     

    1. Les étapes de la décadence
    • Un processus téléologique

    1/. « Qui n’avance pas recule »

    2/. De la pilule à la GPA : l’asservissement des femmes

    3/. La révolte des femmes et les mouvements féministes

    4/. Le transhumanisme, stade ultime de la destruction

    • La stratégie progressiste

    1/. La campagne médiatique préalable

    2/. La modification de la loi

    3/. Le recours à une novlangue

    4/. Le discrédit de l’adversaire

    5/. La politique des petits pas

    6/. Le viol de la conscience des enfants

    1. « Pour une nouvelle croisade »

    A - Une faible résistance

    1/. Des hommes politiques sans conviction

    2/. Des manifestations apparemment inefficaces

    3/. Un refus de mettre en danger son propre confort

    4/. Un faux respect de l’apparente liberté d’autrui

    5/. Si le Seigneur ne bâtit pas, c’est en vain que s’agitent les bâtisseurs

    B – Un combat dont l’enjeu dépasse le fonctionnement de la vie sociale

    1/. Il est plus facile de descendre une pente que de la remonter

    2/. Un combat ayant une dimension eschatologique

    lfar espace.jpg

     

    Schwerer.jpg3/. Le recours à une novlangue

     

    La terminologie aussi est adaptée pour masquer les réalités. Il y a deux façons de procéder qui ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Soit on commence par déformer le sens d’un mot pour le connoter de façon négative avant d’en affubler constamment l’adversaire à abattre, sans avoir le moindre souci de discuter le bien-fondé de sa position, soit on applique à une réalité un mot qui n’a rien à voir mais qui permet de nier la chose qu’il représente. Dans la première catégorie on trouve le mot « phobie », dans le second « interruption » ou, depuis peu, « traitement ».

    Le mot phobie signifiait, jusqu’à ce que les médias l’utilisent pour stigmatiser celui qui n’adhère pas à la pensée unique, une peur confinant à la panique. Comme, en grec, homo signifie semblable, l’homophobie (1) n’est que la peur panique de son semblable. On en a fait la haine de l’homosexuel. De plus, le mot phobie renvoie à un univers médical. Dès lors le « phobe » doit être soigné et non pas convaincu, soigné et non pas raisonné, soigné au point d’être écarté, mis au ban de la société, à cause du danger de contagion qu’il présente. Si le « phobe » persiste alors il devient criminel et doit être traité comme tel. A quelque stade qu’en soit sa phobie, le « phobe » doit donc être isolé. C’est le pestiféré des temps modernes. Autrefois le pestiféré était mis au ban de la société, aujourd’hui le « phobe » est exclu du monde virtuel et des « réseaux sociaux » par la loi Avia.

    L’islamophobe est une personne qui, jusqu’à ces dernières années, avait peur de l’islam ; aujourd’hui c’est quelqu’un qui est réputé avoir la haine des islamistes. Notons, au passage, l’usage abusif du concept de haine qui permet de discréditer l’adversaire et de ne pas discuter ses raisons.

    Jusqu’à un passé récent, le mot traitement était réservé, en médecine, pour désigner une technique particulière de lutte contre la maladie ; avec la loi Leonetti-Cleys, le mot recouvre aussi tout ce qui relève des soins les plus élémentaires, c’est-à-dire de tout ce qui conduit à se soucier de l’autre. En transformant le soin en traitement, on évacue la dimension de solidarité entre les personnes pour ne plus considérer que de la technique individuelle. Si c’est l’autre qui est la raison première des soins du prochain, c’est le technicien qui est seul responsable du traitement qu’il applique. Le soin, par nature, résulte de la relation désintéressée ; le traitement n’est qu’une technique marchandable. Le bon Samaritain de l’Evangile n’a pas administré un traitement à l’homme tombé entre les mains des brigands, il en a pris soin.

    Dans cette novlangue, comme disait Orwell, un avortement est rebaptisé – si l’on peut dire – interruption volontaire de grossesse. Le mot avortement, en effet, signifiant ne pas naître, renvoie inexorablement à une autre personne. En utilisant l’expression « interruption volontaire de grossesse », on supprime la référence à un autre d’une part et on présente l’opération comme étant un acte qui ne concerne que la femme seule et son apparence physique individuelle considérée à un moment donné d’autre part. En effet, une interruption n’est pas, en soi, un acte aux conséquences définitives puisque ce n’est qu’une suspension d’activité, une discontinuation. C’est aussi un trouble dans la jouissance d’un droit. Selon les canons de la mode, l’apparence physique de la femme n’est pas valorisée par la grossesse surtout lorsqu’elle veut se mettre en maillot de bain sur une plage ! Et l’expression elle-même coupe tout lien avec la vie en soi, niant d’autre part qu’il puisse avoir des conséquences ultérieures. Affaire exclusive de la femme en état de grossesse passagère, la porte était ouverte, dès l’origine à ce qui deviendra en 2017, au détour d’un amendement déposé en catimini au Parlement, le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse. Et comme l’expression était encore trop connotée par un usage antérieur, on ne désigne plus l’opération que par le sigle IVG. Cela devient donc un acte médical banal à traiter et rembourser au même titre que l’AVC.

    Le mot « mariage » à son tour a été dénaturé. Mais comme il conservait encore dans l’esprit des personnes une connotation positive et qu’il fallait dans un premier temps le préserver, on a procédé en deux étapes. Dans un premier temps on a créé pour les homosexuels un pacte civil de solidarité ou PACS qui ouvrait aux personnes de même sexe la possibilité de faire reconnaître par la société civile leur union avec les conséquences de droit qui en découlait. Puis, comme l’expression choisie et son sigle n’ont jamais été présentés comme portant la même valeur que le mot mariage, on a dénaturé le sens de celui-ci en l’affublant d’un qualificatif : « pour tous ». Comme si, auparavant certaines catégories de personnes n’avaient pas le droit de se marier ! Comme s’il fallait donc donner un nouveau droit à certaines personnes qui en auraient été privées ! En fait, le nouveau droit qu’on leur a donné a été celui de dénaturer complètement le sens du mot mariage.

    On a donc non seulement changé le sens du mot, mais aussi sa fin ultime. Le mariage n’est plus l’union complémentaire d’un homme et d’une femme qui fondent une famille stable – et perpétuent l’espèce –, il est devenu la reconnaissance par la société que deux individus s’aiment, à un instant donné. Le mariage n’emporte plus ni complémentarité ni stabilité. Aujourd’hui les deux individus qui se marient sont encore deux humains (qui peuvent déjà être du même sexe), mais demain il n’y aura aucune raison de ne pas accorder ce droit à des individus quel que soit leur âge, ou à deux mammifères d’espèces différentes (2) (au nom de quoi continuera-t-on à les discriminer ?), à deux hommes (ou femmes) « augmenté.e.s », à deux androïdes, etc.

    L’insémination artificielle d’une femme, avec « donneur » anonyme est appelée procréation médicalement assistée et dès avant sa banalisation n’est connue que par son sigle PMA, ce qui en fait, de facto, un acte médical au même titre que, demain, la GPA, cette gestation pour autrui qui, d’un point de vue économique, ne sera qu’une simple « location d’utérus ». Pas question de nommer la GPA « maternité par substitution », qui marquerait trop nettement qu’une mère est impliquée dans le processus. La femme, qui était déjà réduite au rang de simple objet de jouissance pourra donc aussi être considérée par d’autres comme un objet « utile », au même titre que le bidet, comme le voulaient déjà les philosophes dits des Lumières, à la suite de Diderot. Ainsi de suite.

    Les actes qui répondent à ces désirs d’un moment – caprices – à satisfaire toute affaire cessante, sont déclarés des actes médicaux ce qui permet d’en imposer le remboursement (3) rendant ainsi la totalité de la population complice de cette dérive. De banalisation en banalisation, ce qui est légal finit par être perçu comme moral. La moralité ne découle donc plus de la philosophie communément acceptée par l’ensemble de la société mais de la légalité imposée à cette société par la majorité relative du moment. Plus grave encore : insidieusement, les citoyens sont transformés en co-auteurs de ces actes de mort et de destruction de civilisation.

    Avec l’affaire Vincent Lambert, l’homme a ontologiquement perdu sa dignité (4) puisque désormais ce qui fait sa grandeur, ce qui fait qu’il est digne d’estime, ce n’est plus le fait qu’il soit un homme mais le regard que les autres portent sur lui. Il n’est plus un être éminent par lui-même ; il est perçu comme étant digne de vivre ou non en fonction des arrière-pensées des uns et des autres, arrière-pensées essentiellement dictée par une peur égoïste de souffrir. Là encore, on a fait d’une pierre deux coups. Car l’on n’a pas simplement dénaturée la notion de dignité humaine on a aussi préparé une étape suivante en amalgamant, dans l’esprit du public, l’état végétatif d’un « légume » avec un état pauci-relationnel (5).

    Quelle sera la prochaine avancée ? A quoi, cherche-t-on aujourd’hui à préparer nos esprits ? Certains « médecins » ou plus exactement manipulateurs génétiques, déclarent avoir réussi à « faire » un bébé à partir de trois parents. Dans un pays de l’Europe du Nord une jeune femme a déclaré avoir épousé son chien.

     

    (1) : Le 14 octobre 2019, alors que l’Assemblée nationale s’apprêtait à voter l’extension de la PMA, Marie-Agnès Verdier faisait, sur le site de Boulevard Voltaire, le constat suivant. « Les députés ont rejeté, le 9 septembre, la reconnaissance des enfants nés par GPA à l’étranger. Ne soyons pas dupes, toutefois, de la politique des petits pas de la jurisprudence. Dans son discours solennel à la Cour européenne des droits de l’homme, en 2015, le président Dean Spielmann affirmait que « la CEDH impos[ait] à l’Europe, progressivement, la GPA, selon un rythme voulu par la Cour : celui, polyrythmique, de la Danse sacrale de Stravinski ». Avec la reconnaissance, dernièrement, par la Cour de cassation, d’une GPA d’enfants nés à l’étranger, se réalise la prophétie « de réduire à néant non seulement la faculté pour les États d’interdire la GPA mais la légitimité d’un tel choix législatif ».

    Deux pas en avant, un pas en arrière. On lance la GPA, on se rétracte. La GPA est la « ligne rouge infranchissable » mais on n’a pas le droit de « punir les enfants ». On réaffirme la « doctrine » de ne pas « retranscrire automatiquement » les naissances d’enfants nés à l’étranger. On rappelle à l’envi l’hostilité du Président à la GPA. L’important est que la victoire des époux Menesson « du droit sur la morale » soit « emblématique ». Qu’elle « fasse jurisprudence ». Ainsi s’installe la casuistique dans les cours de justice. Madame le garde des Sceaux va veiller à l’harmonisation des cours. Pourquoi la circulaire Taubira du 25 janvier 2013 ne suffisait-elle pas ? Parce qu’une circulaire n’est pas une loi. On voit venir la chose : pas forcément facile. Mais les nouveaux jésuites, au toupet d’hermine, ont, pour leurs semblables, une charité de Samaritains… »

    (2) : L’homophobie est un mot qui a été forgé pour discréditer ceux qui n’acceptent pas le concept de « non-discrimination sexuelle ». Mais ce concept de non-discrimination sexuelle est lui-même constitutif d’un non-sens puisqu’il est formé à partir de mots qui signifient l’interdiction de séparer ce qui est séparé par nature.

    (3) : La commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) a considéré en 2019 que l’homéopathie ne doit plus être remboursée car son efficacité n’est pas prouvée. Pour autant, le gouvernement persiste à annoncer le remboursement à 100 % de la Procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes et les femmes seules, si elle était adoptée à l’occasion de la révision de la loi de bioéthique. Elles seraient alors exonérées du ticket modérateur comme si leur « opération » était rendue nécessaire par une maladie grave menaçant jusqu’à leur vie même. Pour pouvoir continuer à financer à 100 % ces œuvres de mort, le gouvernement a déjà sorti en 2011 de la liste des maladies graves ou « affection de longue durée » l’hypertension artérielle sévère puis décidé en 2018 de sortir de la liste des médicaments « irremplaçables » ceux destinés à lutter contre la maladie d’Alzheimer.

    (4) : Monseigneur d’Ornellas s’est interrogé : « Comment trouver un autre mot [que dignité] pour exprimer ce qu’il faut bien appeler un « mystère » ? Comme signifier que personne ne peut mettre la main sur un être humain, que ce dernier ne peut jamais être considéré comme un simple moyen mais toujours comme une fin, qu’il surgit dans l’existence d’une façon gratuite comme un don qui nous est effectivement donné et que nous avons à recevoir gratuitement, comme une promesse avec ses talents et sa liberté qui peuvent enrichir le « nous » qui nous rassemble, comme un être unique qui n’a jamais existé auparavant et qui ne ressemble à aucun autre. Dans le fond, employer le mot « dignité », c’est affirmer cette unicité absolue de chaque être humain qui, en définitive, ressemble à tous les autres par cette caractéristique particulière : chacun est unique, donné gratuitement à tous les autres » (« Bioéthique », Balland, 2019, p. 104).

    (5) : Selon le dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey, le préfixe pauci « est un élément servant à former quelques termes d’histoire naturelle, tiré du latin pauci « un petit nombre », par exemple dans PAUCI-FLORE adj. [1795] qui ne porte que peu de fleurs ». « Pauci-relationnel » signifie donc : qui a peu de rapports réciproques » et non pas, comme on le laisse entendre quand on parle de « légume », avec qui on ne peut pas entrer en rapport. Et, comme « petit nombre » est une notion subjective d’une part et que le terme relation peut servir à couvrir de nombreux types différents de rapports, gageons que demain on saura utiliser l’expression dans le sens qui servira à faire « avancer » les esprits.

  • Discrédit de l’élite politique, par Philippe Germain.

    La technocrature, maladie sénile de la démocratie  : 9/11

    Résumé  : En 2017 la technocrature  à pris le pouvoir  pour sauver la démocratie disqualifiée par son élite politique. Insatisfaite de l’explication par le complotisme d’ultragauche et celle du référentiel populiste, l’Action française  analyse la technocrature comme un phénomène de physique sociale. Utilisant la loi historique «  du développement d’oligarchies nouvelles  », elle découvre que Bonaparte a crée une nouvelle classe de privilégiés. Ce «  pays légal  » est un système oligarchique circulaire où trois élites financière, politique et médiatique se completent pour s’épanouir dans la République. Avec la V° République la Technocratie se constitue en quatrième élite. Avec dépérissement de la société industrielle sous Giscard et Mitterand, la technocratie surmonte son conflit avec l’élite politique et fait prendre le virage mondialiste au pays légal.

    philippe germain.jpgRépartition de l’élite politique

    Les grandes familles républicaines, l’Etablissement, préfèrent que la France soit gouvernée au centre. Le jeu de bascule entre un centre droit et un centre gauche leur permet d’imposer le pouvoir de l’argent. 

    L’observation historique de la nouvelle classe des privilégiés issue du Directoire, montre une élite politique effectivement  divisée : «  Disons pour simplifier que le centre-droit est composé d’anciens royalistes et de catholiques ralliés, le centre gauche de maçons. Certes, les cartes ont été brouillées. Il y a de nos jours, des maçons de centre-droit, ralliés à Giscard, et des chrétiens de gauche… Mais, en gros, la démocratie chrétienne.. est demeurée fidèle à Giscard tandis que la maçonnerie, par ses gros bataillons fournissait à Mitterand la victoire.  »

    Nul pacte secret entre ce centre-droit et ce centre-gauche. Ils se combattent durement, pour une basse mais simple raison. La faction victorieuse s’empare des postes les plus juteux, ne laissant à l’autre que les miettes du festin républicain.

    Depuis la présidentielle de 1974, la répartition droite-gauche de l’élite politique s’équilibrait. Giscard puis Mitterand ne l’emportèrent que d’une faible marge. Il suffisait de 1  % pour que la victoire change de camp avec tous ses avantages. 

    Elite politique et souci nationaliste 

    D’où l’idée de Mitterand d’introduire le gravier nationaliste dans le soulier de la droite, comme De Gaulle avait mis le caillou communiste dans la chaussure de la gauche. Il offre donc à  l’orateur Jean-Marie Le Pen le tremplin médiatique d’une émission de grande écoute, un peu avant les élections européennes de 1984. Le Front National y obtient un spectaculaire 10,95 % des voix. Succès pour Mitterand mais symptôme électoral d’une démocratie affaiblie.

    C’était jouer à l’apprenti sorcier. Le pseudo feu de paille d’un minuscule parti nationaliste ayant fait 0,44  % des voix aux législatives de 1973, va se transformer en une force populiste de 33,94  % à la présidentielle de 2017. Le virage mondialiste et européiste soutenu par la Technocratie n’est pas pour rien dans ce phénomène.

    C’est sous le pied de l’élite politique au complet et non de la seule droite que le caillou a été mis. Ce petit caillou est devenu grand, au point que le Front National va être le principal, sinon l’unique souci de l’élite politique pendant les vingt-deux années des mandats de Jacques Chirac (1995-2007), de Nicolas Sarkozy (2007-2012) et de François Hollande (2012-2017). Un souci pouvant d’ailleurs aussi être utilisé comme Joker «  plafond de verre  » pour gagner la présidentielle. Ce que fait Chirac en 2002 pour obtenir un score de 82,21 % et transformer la Ve République, de fausse république-monarchiste en véritable république bananière.

    La lutte contre le nationalisme devient l’objectif principal et le souci permanent de l’élite politique à partir de 1986. Année où le Front National obtient trente-cinq députés au Palais-Bourbon et un groupe parlementaire. Un simple exercice de physique sociale mené par Pierre Debray permet de comprendre que «  les exclus du Système  » sont la conjonction des victimes du mode de gestion technocratique, née de la rencontre des classes moyennes et des couches de la classe ouvrière qui se savent condamnées par les mutations technologiques. Ces exclus, justement qualifiés par Pierre-André Taguieff de nationaux-populistes, deviennent les empêcheurs d’oligarcher en rond. D’exclus du Système, ils en deviennent les ennemis objectifs. La situation se dégrade pour le pays légal, déjà perturbé par l’apparition de la Technocratie comme élite supplémentaire grippant la quadrature du cercle de l’oligarchie démocratique. 

    Dans la répartition des rôles, le règlement du problème populiste relève de l’élite politique soutenue par l’élite médiatique. En revanche, malgré la diversité des stratégies utilisées, légales, judiciaires, front républicain, découpage électoral, immunité parlementaire, diabolisation… l’élite politique prouve son incapacité chronique à régler le caillou nationaliste. Pour l’élite financière, l’élite politique échoue dans son rôle essentiel. Pire, le national-populisme est devenu une pièce majeure du grand échiquier de la révolte des peuples contre les élites mondialisées. Pendant ce temps, la Technocratie continue de servir les intérêts de l’Etablissement en s’appuyant sur le virage mondialiste pris sous Giscard et Mitterand. Tout comme les trois métastases de la démocratie continue de se développer  : la désindustrialisation, la société multiculturelle et la perte de souveraineté.

    Echec du centre-droit identitaire

    La plus sérieuse tentative de l’élite politique fut de relancer un clivage droite-gauche, par un bipartisme sachant digérer le populisme. Une élite politique alternant une Droite et une Gauche avec une politique économique proche mais bien séparées idéologiquement. C’était aller un peu dans le sens de la stratégie pour «  sauver la République  », préconisée par Pierre-André Taguieff à la place de la diabolisation.

    La tentative du centre-droit va échouer derrière un Sarkozy (2008-2012) tentant de revenir idéologiquement sur l’identité nationale, cornaqué par le «  sulfureux  » Patrick Buisson, connaisseur des travaux de Raoul Girardet et Philippe Ariès. Les électeurs lepénistes tentés à la présidentielle de 2007 par une droite sachant redevenir elle-même se sentent rapidement trompés par un Sarkozy qui s’aligne immédiatement sur la doxa du gauchisme culturel synthétisée par Jean-Pierre Legoff  : antiracisme de nouvelle génération à tendance ethnique et communautaire, histoire revisitée à l’aune pénitentielle, écologie punitive, féminisme et homosexualité transformés en ayants droit, sans oublier le pédagogisme libertaire, la provocation comme nouvelle marque de distinction, l’art contemporain devenu art officiel. 

    Echec du centre-gauche social

    En 2012 les populistes trompés retournent vers le lepénisme et les conservateurs, boudant leur tigre de papier, lâchent Sarkozy. C’est la chance d’un centre gauche qui derrière Hollande (2012-2017) veux tenter de revenir à la lutte contre les inégalités et s’exclame :  «  Mon adversaire, c’est le monde de la finance  ».

    Coupée depuis Mitterand de la classe ouvrière, la gauche n’a aucune chance de revenir au social. Il ne lui reste donc comme marqueur que le libéralisme sociétal. D’où l’importance démesurée prise par la libéralisation des mœurs  : mariage «  pour tous  », avortement, homosexualité, gender. Pour cela le gouvernement centre-gauche va «  mettre le paquet  » et revenir aux fondamentaux de la IIIe République. Il va même friser la caricature, tant sa capillarité avec la franc-maçonnerie s’affiche criante auprès de l’opinion et provocatrice vis-à-vis du monde catholique. Hollande se rend même au siège du Grand Orient de France, ce qu’aucun président de la République n’avait fait ni sous la Ve ni sous la IVe. Gouvernement de centre-gauche appuyé sur la franc-maconnerie ; gouvernement de clan, despotisme de coterie disait Maurras avant 1914. Gouvernement méprisé par Berlin et Washington humiliant la Ve République par la suspension de la livraison à la Russie des fleurons de notre industrie de défense navale, les bâtiments de classe Mistral (combien d’emplois ouvriers à la clé  ?). Déconfiture sociale total du centre-gauche masquant son échec par la guerre au Mali et la répression ahurissante des familles catholiques de La Manif Pour Tous.

    Alternance de façade ou Système  ?

    Oui, le double échec de l’élite politique à relancer un clivage droite-gauche met le système oligarchique circulaire à nu. L’opinion ne distingue plus de différence entre le centre-droit et centre-gauche. L’élite politique est discréditée par la prise de conscience du faux-semblant de l’alternance entre une Droite et une Gauche, pratiquant la même politique économique derrière la même doxa culturelle.

    L’alternance de façade fait écrire à Alain de Benoist : «  Le tarissement de l’offre électorale, le recentrage des programmes, la fin des clivages traditionnels, l’abandon du socialisme par la gauche, et l’abandon de la nation par la droite, la conversion de la social-démocratie à l’axiomatique du marché, le fait que les élections ne débouchent jamais sur une véritable alternative, mais seulement sur une alternance (avec de surcroît des gouvernements de droite qui font une politique de gauche et des gouvernements de gauche qui font une politique de droite), bref tout ce qui fait que le Système apparaît désormais nettement comme un système…  ». Ce Système malade c’est la démocratie  ; la démocratie réelle, pas la démocratie rêvée. Un système démocratique pourrissant par son élite politique, par sa tête comme le poisson.

    Le mensonge comme mentalité

    L’ampleur du discrédit de l’élite politique devient paroxysmique avec la succession des scandales ponctuant ces années-là. L’affaire Bettencourt de 2010  contraint le ministre du Travail Eric Woerth à quitter ses fonctions ; découverte en 2011 de la sordide réalité sexuelle de Dominique Strauss-Kahn, favori pour l’élection présidentielle, président du Fonds monétaire international, l’un des hommes les plus puissants au monde. Arrive 2012, avec les comptes cachés du ministre du Budget Jérôme Cahuzac, qui, lâché par les loges maçonniques, quitte le gouvernement en clamant son innocence mais finit par avouer ; exhumation de la liaison dangereuse Sarkozy-Kadhafi au tarif de 5 millions d’euros. En 2013, information judiciaire pour «  blanchiment de fraude fiscale » visant Patrick Balkany. Puis 2014 voit la vie médiatico-amoureuse de François Hollande étalée publiquement entre une actrice et une journaliste. La fraude aux fausses factures de l’affaire Bygmalion percute Sarkozy et Jean-François Copé démissionne de la tête du parti. 

    Est-ce le retour de la « République des copains et des coquins  » dénoncée par Michel Poniatowsky  ? C’est plutôt pour l’opinion la mise en évidence la culture du mensonge comme socle de la mentalité de l’élite politique démocratique.

    Désaffection au consentement démocratique

    Cette culture du mensonge sur laquelle repose l’élite politique, accentue le discrédit «  du dégoût  » se traduisant par la désaffection du pays réel vis-à-vis de la démocratie représentative. Cette désaffection est sensible électoralement depuis 1978, où la participation aux législatives était de 82  % et ne cesse de décliner pour passer maintenant sous la barre fatidique des 50  %. Cette sourde désaffection  inquiète l’élite financière. Elle demande aux technocrates de Sciences-Po la mise en place d’un  baromètre annuel de la confiance politique (CEVIPOF), reposant sur le consentement du gouverné. En votant, le citoyen ne choisit pas seulement un candidat, il soutient la démocratie. Cet indicateur reposant sur les inscrits des listes électorales, donc attachées à la démocratie, révèle le phénomène de «  fatigue démocratique  ».  L’abstention va atteindre la taux record de 57,3  %. Méfiance et dégoût concrétisent le rejet de l’élite politique dont les responsables sont perçus comme indifférents, éloignés et corrompus à 74 %. Le réel percute l’élite financière car  61  % des sondés ne font plus confiance aux politiques de  gauche comme de droite et c’est à l’égard de leurs élus, que les citoyens expriment le plus de doutes et de colère à 88  %. D’ailleurs 72  % d’entre eux considèrent les élus comme  plutôt corrompus.

    En 2016 l’inquiétude de l’élite financière est totale car le discrédit de l’élite politique commence à s’étendre aux deux autres élites historiques. Les Français ne font plus confiance aux médias à 73  % et 70  % ne font pas confiance aux banques. L’élite financière commence à induire une hypothèse sombre. Certes, l’élite politique est parvenue à maintenir hors du jeu les mouvements se voulant «  hors Système  » mais si le pays réel, après avoir essayé la Droite et la Gauche, se laissait tenter par le populisme… Une opinion totalement écœurée ne serait-elle pas prête à tout  ? 

    L’élite financière, ces dynasties républicaines envisagent alors de rompre le système circulaire d’origine en substituant l’élite technocratique à l’élite politique. 

    Germain Philippe

    (A suivre )

    Pour suivre les 8 précédentes rubriques de la  série «  La Technocratie, maladie sénile de la démocratie  »

    Hold-Up démocratique
    Complotisme d’ultra-gauche intéressant
    Comment analyser les élites du pays légal
    Intérêt du référentiel populiste
    Oligarchie-Nomenklatura-Pays légal
    Les élites du pays légal
    Origine de la Technocratie
    Mutation-mondialiste-du-pays-legal

  • La loi Avia est évidemment une atteinte gravissime à la liberté d’expression.

    Interview croisée donnée à Atlantico avec Anne-Sophie Chazaud et Régis de Castelnau à propos de la loi Avia et des conditions de son adoption.

    Sources : https://www.vududroit.com/

    https://www.atlantico.fr/

    Atlantico.fr : La loi Avia intervient dans un contexte où les débats d’opinion  semblent de plus en plus tendus, antagonistes, violents, avec notamment une génération rompue aux échanges vifs sur les réseaux sociaux. Pourquoi cependant cette loi n’est-elle pas adaptée au contexte actuel ?

    5.jpgAnne-Sophie Chazaud : S’il est vrai que les réseaux sociaux sont un lieu où s’échangent parfois des propos agressifs voire violents et s’il semble exister un relatif consensus pour dénoncer ces excès, la volonté de mettre cet espace de libre parole en coupe réglée et sous contrôle inquisitorial ne fait absolument pas l’unanimité.

    Les grandes plateformes internet peuvent effectivement servir de déversoir sans filtre aux propos les plus débridés. Chacun de nous en a fait l’expérience : il n’est qu’à lire parfois certains commentaires que peuvent laisser des internautes sous les articles publiés en ligne, sur les publications Youtube, ou encore les noms d’oiseaux qui peuvent s’échanger sur Twitter ou Facebook, avec parfois l’onction de l’anonymat et l’active agitation des trolls (où la Macronie n’est pas en reste), pour admettre qu’on peut à l’occasion avoir le sentiment de visiter des égouts peu ragoutants où s’épand l’absence de capacité à argumenter selon les règles du respect, de la courtoisie, de l’humanisme et du débat contradictoire.

    Pourtant, résumer les réseaux sociaux à cette vision caricaturale (dont, du reste, il est facile de se protéger soit en ne les lisant pas, soit en pratiquant des blocages, soit enfin en portant en justice les cas caractérisés de cyber-harcèlement) est une manière bien pratique pour le pouvoir et la pensée dominante de jeter le bébé de la liberté d’expression avec le bain de ses inévitables excès.

    Rappelons que les réseaux sociaux sont aussi ce lieu merveilleux de liberté, unique, grâce auquel la pensée non consensuelle peut circuler en dehors des vérités officielles et se confronter au dissensus. Ils sont une véritable agora contemporaine où s’exerce le débat public. Cette liberté a démontré son impérieuse utilité en matière démocratique par exemple lors de l’affaire Benalla, lors de la répression violente des mouvements de Gilets Jaunes, permettant de mettre en lumière sans conteste de nombreuses violences policières dont le peuple français a été l’objet ou encore lors des manifestations hostiles à la réforme des retraites. Sans les réseaux sociaux, la fausse information officielle et propagandiste de la fausse attaque de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, opportunément exploitée par le gouvernement, n’aurait pas pu être démontrée, étant entendu que de nombreux médias mainstream étaient prompts à relayer sans scrupules le discours officiel. Sans les réseaux sociaux, les manigances et l’impéritie des pouvoirs publics français concernant la gestion calamiteuse de la crise sanitaire du Covid-19 n’auraient pas pu être mises en lumière. Songeons notamment à la tragi-comédie des masques, de l’absence de tests, des manipulations d’opinion autour de la question des traitements. Sans les réseaux sociaux, les innombrables scandales de verbalisations zélées lors du confinement n’auraient pas pu éclater au grand jour, comme l’affaire honteuse de cette femme mise à l’amende pour avoir communiqué avec son mari, résident en Ehpad, au travers d’une vitre à l’aide de quelques mots griffonnés tendrement sur une ardoise, ou encore cet homme empêché par la gendarmerie de se rendre au chevet de son père mourant. Les exemples furent innombrables.

    Les réseaux sociaux sont à l’heure actuelle un véritable contre-pouvoir et c’est bien ce qui dérange. Prendre le prétexte des excès qui s’y déroulent est donc le moyen commode d’un pouvoir liberticide et autoritaire pour mettre le couvercle sur cette libre agora au moment même où la société française, au bord de l’implosion, en a le plus besoin. Mettre le couvercle sur une marmite n’a jamais fait ses preuves en matière de thermodynamique, non plus qu’au plan de l’intelligence politique. Il est arrivé que cela se termine à la Bastille…

    4.jpgRégis de Castelnau : Une première observation s’impose, la conflictualité est inhérente au politique et elle s’exprime et se résout dans l’espace public. Le propre d’un cadre normatif dans un système démocratique est justement de permettre le débat et l’affrontement des opinions, le juge de paix étant l’élection. De ce point de vue, il ne faut pas se tromper, les débats et les échanges de la période actuelle sont plutôt moins violents que par le passé. J’invite sur ce point à la lecture des débats parlementaires ou de la presse pendant la première guerre mondiale pourtant époque « d’union sacrée », c’est assez impressionnant. Le problème que pourrait poser l’exercice de la liberté d’expression aujourd’hui est celui de l’existence des réseaux numériques réalisant une véritable révolution en donnant une parole en temps réel au plus grand nombre ce qui est quand même qu’on le veuille ou non un progrès démocratique. Cette parole charrie comme toujours le pire et le meilleur, et il est quand même inquiétant que le pouvoir d’État réagisse comme il le fait avec cette succession de lois liberticides. Le texte « proposé » par Madame Avia n’étant qu’un avatar d’une entreprise d’encadrement mise en œuvre depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir et visant à limiter drastiquement la liberté d’expression avec deux objectifs : contrôler l’information, et empêcher la parole dissidente. Il est quand même curieux d’être contraint de rappeler que la démocratie est fondée sur l’égalité de n’importe qui avec n’importe qui. Et que l’accès à l’expression et au débat du plus grand nombre ne devrait pas être considéré comme un danger. Lorsque la IIIe République fut suffisamment solide, et afin de garantir le respect de la déclaration de l’Homme et du citoyen fut adoptée une loi de protection de la liberté d’expression. Parmi ses principes figurait celui que cette liberté fondamentale pouvait être limitée si nécessaire par la loi, mais dès lors que les restrictions étaient strictement proportionnées à l’objectif d’intérêt général poursuivi et que le contrôle de ce nécessaire équilibre n’appartenait qu’au Juge. La loi sur la presse de 1881 fonctionne depuis presque 140 ans et jusqu’à présent on pouvait considérer que la liberté d’expression existait dans notre pays. Malheureusement, depuis le mandat de François Hollande et maintenant d’Emmanuel Macron, la France a dégringolé dans les classements internationaux de la liberté de la presse, « la patrie des droits de l’homme » se trouvant aujourd’hui à la 34e place sur 180 pays… l’inadaptation de la loi Avia au « contexte actuel » est d’abord due à son caractère liberticide.

     

    Laetitia Avia se retrouve elle-même accusée d’avoir tenu des propos discriminatoires à l’encontre de certains de ses anciens collaborateurs, propos qui pourraient parfaitement correspondre à l’appellation de « contenus haineux » que sa loi souhaite interdire. Comment une loi pourrait-elle appréhender le flou de ces notions ? Est-ce souhaitable ?

    Anne-Sophie Chazaud : Les propos reprochés à Laetitia Avia, comme le rapporte Mediapart, qu’elle aurait tenus envers nombre de ses ex-collaborateurs, empreints de connotations racistes, méprisantes, de l’esprit de discrimination, de sexisme, mais aussi les pratiques de travail peu respectueuses qu’elle aurait fait régner, démontrent à l’évidence l’éternelle tartufferie des moralistes. Car la loi Avia cherche à réfréner la liberté d’expression sous les motifs les plus vertueux et au prétexte des luttes sociétales minoritaristes et victimaires. Se retrouver mis en accusation, du côté des bourreaux, pris la main dans le pot de confiture, lorsqu’on s’époumone dans de curieuses diatribes à vouloir contrôler la saine morale et la parole d’autrui (songeons à sa grotesque harangue à la tribune de l’Assemblée contre les « trolls, les haters et les têtes d’œuf » (sic), est toujours assez savoureux.

    Selon le principe de l’arroseur arrosé, Laetitia Avia fait par ailleurs l’expérience de l’inanité des dispositifs liberticides visant à interdire les « contenus haineux ». Car, en l’occurrence, et au-delà de l’absence de savoir-vivre, d’éducation et de respect d’autrui, les propos qui lui sont reprochés correspondent à des expressions « vulgaires » certes mais qui appartiennent parfois au langage courant. Si l’on ne peut qu’en regretter la bêtise, vouloir à tout prix légiférer sur ce champ relève de l’ineptie intrusive. Invoquer l’aspect privé de ces commentaires peu amènes est du reste impossible puisque, dans sa grande passion liberticide, le pouvoir macronien s’est empressé en août 2017 de prendre un décret permettant la pénalisation de propos discriminatoires et d’injures tenus dans un cadre non public. L’extension du domaine de la pénalisation de l’expression se retourne donc contre son créateur, ce qui en la circonstance est plutôt amusant.

    La propension du macronisme à vouloir régenter la parole, y compris la parole « vulgaire » est assez caractéristique de ce côté « maîtresse d’école » typique de la pensée post-socialiste, puritaine, vertueuse et elle-même dénuée de scrupules. On se souvient de la mascarade de la ministre des sports Roxana Maracineanu tentant de faire interdire les chansons paillardes dans les stades de football au motif de leur prétendue homophobie (laquelle ministre moralisatrice était restée bien silencieuse lorsqu’il se serait agi de dénoncer le traitement réservé aux homosexuels en terre islamiste du Qatar lors des préparatifs de le Coupe du monde de football… Mais il semblerait que là où il y a de vrais enjeux et de vrais risques, il y ait subitement moins de passion inquisitoriale et moins de courage anti-haine)…

    Le fait que le Parti Socialiste qui avait d’abord soutenu le texte en première lecture, avec les zélateurs de l’extrême-centre –lequel fonctionne comme un trou noir antidémocratique en ce qu’il cherche à abolir la conflictualité propre au politique-, se soit cette fois assez lâchement abstenu, souligne la continuité naturelle existant entre le gauchisme culturel moribond, profondément liberticide et anti-libéral (au sens moral du terme) et le macronisme qui n’en est que le dernier avatar, l’ultime rejeton de l’ancien monde et qui est, rappelons-le, majoritairement issu de ses rangs.

    La réaction saine des autres partis d’opposition, de la France Insoumise au Rassemblement national en passant par Les Républicains, toutes tendances confondues, au secours de la liberté d’expression, est toutefois rassurante quant à l’avenir de cette loi qui sera portée devant le Conseil constitutionnel et qui ne manquera pas de rencontrer de nombreuses oppositions lorsqu’il s’agira de la faire appliquer.

    Lorsque l’on sort des propos de leur contexte, il est très difficile de comprendre leur nature et l’ambiguïté est de mise. Dans l’article de Mediapart, au sujet du comportement inopportun de Laetitia Avia avec ses collaborateurs, il n’y a pas assez d’éléments pour se faire une idée exacte des propos de la députée. Pourquoi l’ambiguïté de certains propos rend l’utilisation de la loi problématique ? 

    Régis de Castelnau : La séquence « arroseur arrosée » qui frappe Laetitia Avia au-delà de son côté savoureux, pose très exactement le problème de l’application du texte qu’elle a fait adopter. Des propos prononcés dans un cadre semble-t-il familier, sur l’ambiance duquel on ne dispose d’aucune information, sont présentés comme autant de « dérapages » homophobes et racistes. Il est impossible de savoir si ce qu’elle a dit ou écrit était du premier ou du second degré. Et les témoignages de son entourage sur son caractère et ces comportements ne peuvent pas nous renseigner, permettant seulement de savoir ce qui était déjà une évidence que ladite personne était un modèle de brutalité et d’arrogance. Quant à son discours à la tribune de l’Assemblée, avec sa petite litanie d’insultes elles-même haineuses démontrent à quel point cette soi-disant « lutte contre la haine » n’est qu’un prétexte. Alors ce ne sont pas l’ambiguïté de certains propos qui rend l’application de la loi problématique, c’est le fait que cette loi soit radicalement inconstitutionnelle.

    Le texte de 1881 posait un certain nombre de principes et en particulier l’intervention du juge impartial pour définir les limites légales de la liberté d’expression. Celle-ci est totale et ne peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire qu’a posteriori. C’est la raison pour laquelle par exemple l’interdiction a priori des spectacles de l’humoriste Dieudonné n’est pas possible. Le fait qu’il ait déjà été condamné ne permet pas de l’empêcher de parler par anticipation. 140 ans de jurisprudence ont permis utilement au juge d’adapter l’application du texte aux évolutions des modes de communication. La révolution numérique a été parfaitement intégrée et l’ordre juridique n’avait nul besoin d’être bouleversé. 

    Le texte adopté hier comporte un certain nombre d’horreurs et la première d’entre elles est celle relative au fait que c’est l’autorité administrative qui désormais décide de ce que l’on peut dire ou ne pas dire sur les réseaux. La police peut sommer n’importe quel site, quelle que soit sa taille, de supprimer dans les 24 heures des textes qu’elle juge contraire à la loi. La défaillance dans la suppression peut être sanctionnée, non pas par un juge mais par le CSA qui est une « Haute autorité administrative indépendante », c’est-à-dire une officine complètement contrôlée par le pouvoir exécutif. Le montant des amendes peut être vertigineux et dépasser le million d’euros ! Il est clair que les grandes plates-formes comme Facebook et Twitter, non seulement vont poursuivre leur censure a priori qui existe déjà, mais par précaution déférer à toutes les demandes de suppression émanant du pouvoir d’État. Le système d’intimidation ainsi adopté n’est pas destiné à « lutter contre la haine » mais bien à réprimer la liberté d’expression sur les réseaux. Et ce d’autant, que le pouvoir actuel nous a fait une très jolie démonstration à propos de l’expression de la haine dans la fameuse affaire « Mila ». On se rappelle cette jeune fille de 16 ans victime d’une agression raciste sexiste sur les réseaux et répondant vivement en critiquant vertement une religion, ce qui est une liberté fondamentale. Pour faire l’objet ensuite d’un incroyable déferlement d’insultes et de menaces de mort qui se sont comptés par dizaines de milliers. Le premier réflexe du parquet mandaté par Madame Belloubet fut de lancer une enquête préliminaire contre la jeune fille ! Piteuse reculade devant le tollé, mais depuis il ne s’est absolument rien passé sur le plan judiciaire. Les dizaines de milliers d’infractions n’ont eu aucune réponse. Pas une mise en cause, pas une garde à vue, pas de mise en examen et bien sûr pas de condamnation.

    Et ce n’est pas l’annonce de la création d’un parquet spécialisé ainsi que d’une juridiction également spécialisée qui vont changer quoi que ce soit en réintroduisant le juge dans le processus. La précédente création du Parquet National Financier a été une belle démonstration de l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques dont l’actuel pouvoir est un pratiquant assidu.

    L’accusation de haine contenue dans cette loi peut-elle servir à éliminer, sous un prétexte facile, les adversaires ? En quoi ce dispositif de censure partagé entre les pouvoirs publics et les grandes plateformes d’internet est-il dangereux ?

    Anne-Sophe Chazaud : L’argument de la « haine », utilisé ad nauseam par les moralistes contemporains, vise à psychiatriser la parole non consensuelle, à la disqualifier et, in fine, à la criminaliser. Il correspond à cette obsession victimaire décrite avec drôlerie par Philippe Muray comme étant une « cage aux phobes » propre à la post-modernité gémissante, prompte à dénicher de l’offense à tous les coins de rue et sous tous les travers de langage.

    Cet outil à la fois rhétorique et juridique, visant à étouffer la conflictualité, la dialectique, le contradictoire, tout en décrétant une censure a priori, exempte de toute décision judiciaire, laquelle était de toutes façons déjà préjudiciable à la liberté d’expression, ne fait que souligner un peu plus l’obsession liberticide de cet exécutif.

    Une ribambelle de dispositifs se sont succédé, dans un pays déjà sujet à l’inflation législative, visant à museler l’expression ; la loi présentée comme anti fake-news, permettant l’intervention du juge des référés en matière politique représente une véritable abomination antidémocratique. Elle n’a pourtant pas trouvé beaucoup d’opposants sur les bancs de l’Hémicycle. L’esprit propagandiste qui dirigeait l’esprit de cette loi a pourtant été mis en lumière lors des récentes manipulations d’opinion et d’intrusion dans la liberté d’information auxquelles s’est prêté l’exécutif avec sa tentative de déploiement d’un site de

  • Les royalistes, un état chiffré, par Frédéric de Natal.

    Source :http://www.monarchiesetdynastiesdumonde.com/

    Dans la suite du livre-enquête «Les Royalistes » de François-Marin Fleutot et Patrick Louis, publié en 1988 aux éditions Albin-Michel, l’organisation SYLM* (Support Your Local Monarch) a fait paraître un livre sur l’état actuel du royalisme. Plus de 1737 royalistes ont été sondés entre février et juin 2009 afin de donner une photo exacte du monarchisme français, loin des images caricaturales du vieux versaillais aux cheveux blancs sortant d’une église ternie par le temps et que nous vendent habituellement les journalistes. L’enquête mise en ligne, avec impossibilité de se faire enregistrer deux fois, avait d’ailleurs surpris plus d’un royaliste. Aujourd’hui épuisée, cette bible chiffrée reste une référence qui casse les mythes du genre.​

    frédéric de natal.jpgEt le premier (et pas des moindres à tomber) concerne les régions phares du royalisme. Ici ni la Bretagne, ni la Vendée ne remportent la palme des provinces où le royalisme seraiti le plus représenté dans l'imagerie populaire. Loin derrière Rhône-Alpes (avec ses 14%), les deux provinces historiques cumulées ne recueillent que 3% à elles toutes seules. La Chouannerie et les guerres de Vendée semblent désormais appartenir au passé de notre histoire de France, comrpises entre fantasmes et illusions d’un passé glorieux que l’on cultive encore allégrement dans le monarchisme français. Vient ensuite l’île de France (qui fait jeu égal avec la région Rhône Alpes qui compte un vivier important de royalistes et de catholiques proches de cette mouvance) et enfin la Provence-Alpes –Côte d’Azur avec 7%. Un Sud de la France surreprésenté donc par rapport au Nord dont les effectifs se font rares (de 1 à 4% pour respectivement l’Alsace, la Lorraine, la Normandie (Haute et basse) ou encore le Nord-Pas de calais [actuel Haut de France]) quand ils ne sont pas quasi inexistants ailleurs (la Corse étant plus prompte à crier « Vive l’Empereur »).

    Cette disparité entre le Nord et le sud s’expliquant notamment par un terreau royaliste plus dynamique dans le sud depuis la chute du Second Empire et le début de la IIIème république (mouvement des Jeunesses Royalistes puis celui de Charles Maurras) et qui traduit aussi «un basculement qui s’est doucement opéré dans cartographie royaliste depuis la fin du XIXème siècle». A noter que chez les français de l’étranger et DOM-TOM, l’idée d’un roi reste encore séduisante puisque on trouve chez nos amis expatriés, 2% d’entre eux qui se déclarent royalistes. Un chiffre qui reste cohérent quand on sait que lors de l’élection législatives de juin 2012, le prince Charles-Philippe d’Orléans qui s’était présenté dans 5e circonscription des Français établis hors de France (l'Andorre, l'Espagne, Monaco et le Portugal), avait obtenu 3% des suffrages exprimés.

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    Twitter, Instagram, Facebook, Ipad à la main, le royalisme est jeune, trans-générationnel et se décompose ainsi : 15% d’entre eux sont âgés de 16 à 25 ans, 13% de 26 à 35 ans , 34% de 36 à 45 ans, 16% de 46 à 55 ans , 12% de 56 à 65 ans et de 66 à 75 ans à peine 3%, au-delà le chiffre n’excédant pas les 1%. La participation à l’enquête a clairement mobilisé une jeunesse qui se veut donc ancrée dans son temps et en rupture avec une génération de cadets qui tend à reculer au fur et à mesure que l’on avance dans les années. A noter cependant que les hommes sont plus représentés avec 71% face à leurs alter-égos féminins, 29%.

    En 2017, LCI avaient outrageusement décidé de classer très bizarrement les royalistes dans la section extrême-droite à côté des …néo-nazis. Si on a pu rire-jaune de cette méconnaissance du «roycoland» par les journalistes, l’émission de David Pujadas aurait été bien inspirée de s’enquérir des véritables chiffres du royalisme avant de mettre à l’écran, une telle «fake news». En dépit des certitudes journalistiques, le royalisme n’est pas majoritairement acquis à l’extrême-droite mais n’en reste pas moins porté sur un certain conservatisme teinté de traditionalisme et soucieux de son environnement. 37% des sondés affirmant voter pour un parti de droite (soit 22% des royalistes se disant adhérents chez Les Républicains-Ex UMP) contre 12% en faveur d’un parti de Gauche [avec 4% de réels engagés] ou 1% pour l’extrême-gauche). 21% en faveur de l’extrême-droite (17% des royalistes affirmant être également engagés au sein du Rassemblement (ex-Front) ou 12% au Mouvement pour la France, 2% chez Debout la France) avec un petit vote en faveur des partis centristes (10% des royalistes se disent encartés ici). 7% étant encore attirés par les partis écologistes (et qui tend à augmenter). Un vote qui est donc loin des schémas habituels qui sont vendus sempiternellement par diverses émissions du PAF (paysage audiovisuel français). Quant à la question du nationalisme pur et dur, représenté par des organisations comme le GUD (actuel Bastion Social, sorte de Casa Pound bis, qui montre déjà des dissensions internes), il est loin de faire l’unanimité chez les royalistes. A peine 0.83% des sondés semblent être en adéquation avec ces idées très conservatrices. Et si on se déclare royaliste ou monarchiste (appellation plébiscitée par 71% des sondés), «royco» ou même avec beaucoup d’humour « roycotté », la répartition dynastique reste fidèle à l’histoire du royalisme. La Légitimité ne représentant pas plus de 6 à 10% (tenant compte aujourd’hui de sa récente évolution sur les dernières 5 années) sur l’ensemble des monarchistes, la composante Orléaniste restant donc encore majoritaire, loin devant les providentialistes avec 2% qui partent du principe que « Dieu finira par pourvoir au trône ».

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    Encore faut-il noter ce qui reste de la mouvance survivantistes (ou naundorffistes) qui ne dépassent pas le 0.63%. Cette dernière s’est réduite à une peau de chagrin depuis la fin du mystère Louis XVII en 2004 et faute d’un prétendant, peu préoccupé par le «dada» de son père, (Charles–Edmond de Bourbon, décédé en 2008 à 80 ans). Il connaît cependant depuis peu un regain d’activité. Sorti de son Canada profond, Charles-Louis de Bourbon a soudainement revendiqué la couronne de France (bien qu’il ne parle pas un mot de la langue de Voltaire) et s’est doté d’une chancellerie très active sur les réseaux sociaux, particulièrement virulente. Une famille qui puise son électorat essentiellement dans le Légitimisme et qui, même si elle arrivait à prouver qu’elle est la descendant du fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette n’est absolument pas dynaste.

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    Le royalisme est donc définitivement souverainiste de droite avec un tassement du côté des idées de gauche dans un certain rééquilibrage en faveur des partis parlementaires (on est donc loin du rejet de l’anti-parlementarisme qui ne trouve que peu ou plus d’échos chez les royalistes avec à peine 1,40% qui souhaite la fin de ce système (énième idée cassée). Le coup de force ne recueillant que 10% des votes exprimés face à 13% qui souhaitent un retour du roi par les urnes ou 21% par référendum. Seuls 0.88% des sondés ont demandé réellement l’abolition totale du parlementarisme. Traditionnellement, le prince Louis –Alphonse de Bourbon (comme son père avant lui), se refuse de donner la moindre consigne de vote lors des élections présidentielles, refusant de les cautionner à contrario des deux comtes de Paris plus engagés politiquement. Ainsi (par exemple) en 1981 et 1988 aux côtés de la Nouvelle action royaliste (NAR), feu Henri d’Orléans avait accordé son vote à François Mitterrand. Son fils homonyme (se situant plus à droite), avait soutenu ouvertement le candidat Nicolas Sarkozy en 2007 et 2012 (élu président, il l'avait remercié en lui octroyant la légion d'honneur et en abrogeant en 2011 les deux derniers articles de la loi d'exil encore en vigueur). L’actuel comte de Paris, Jean d’Orléans, se situe sur une ligne plus traditionnaliste et de type François Fillon, du nom de l’ancien candidat malheureux à l’élection de 2017. Depuis le décès inattendu de son père le 21 janvier 2019, le prince s’est mué de dauphin à prétendant au trône bénéficiant d’une surprenante couverture médiatique.

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    Avec le déclenchement de l’Affaire Franco (2018), le prince Louis-Alphonse de Bourbon s’est quasiment engagé en politique en prenant position publiquement contre le gouvernement socialiste espagnol et en se rangeant publquement aux côtés du parti Vox. Il a également participé et intervenu à diverses reprises au Congrès des Familles qui rassemblent la fine fleur de l’ultra conservatisme international. Ses prises de positions en France sont assez rares mais reprises par la presse notamment en 2018 lors del crise des Gilets Jaunes où il a fait le « buzz ». Il bénéficie de quelques soutiens notables controversés et a été reçu au palais de l’Elysée en 2008. Des prises de positions qui ont profondément divisé les soutiens au duc d’Anjou.

    Surprise, le monarchisme est aussi syndicaliste. En effet, il est également intéressant de noter 24% des sondés se disent également membres d’une telle organisation (contre 17% en 1988) avec une forte adhésion à la CFTC (37%) et la CFDT (16%) … loin devant la CGT qui ne fait pas l’unanimité (4%) ou encore Sud-Solidaires (1%) , ces deux dernier étant à l’origine des récentes grèves déclenchées à la SNCF.

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    Sur le plan religieux, toutes tendances confondues, le catholicisme conserve encore de beaux jours devant lui avec cependant un bémol. Le catholicisme traditionaliste ne fait pas recette car à peine 11% d’adhésions loin derrière les catholiques pratiquants ou non qui recueillent 49%. Le tout cumulé faisant 60%. Ce qui place la religion catholique dans la classe dominante quoique le royalisme montre une nouvelle fois, sa capacité à attirer et à s’adapter dans ce début de siècle tumultueux. 21% des royalistes se déclarent tout de même agnostiques, 8% athées, 4% protestants ou 2% musulmans. A noter que 1% des monarchistes se déclarent proches de religions dite « new-age » comme le Wiccan ou celles venues des anciens royaumes nordiques. Le reste se partageant entre orthodoxes, juifs ou bouddhistes. Néanmoins, à comparer aux chiffres donnés en 1988, le catholicisme est en net recul de 20% alors que les agnostiques sont en net accroissement (11%).

    Faut-il y voir un signe des temps posait alors comme question SYLM dans une de ses conclusions avec «une omniprésence maurassienne par défaut qui tend à se méfier des religions » ? «Pour autant, il est fort à parier que la pratique religieuse est beaucoup plus prononcée chez les royalistes que dans le reste de la population dite «catholique » ajoutait également SYLM». La défense des valeurs traditionnelles ayant su les mobiliser lors des événements consacrés au débat «pour le mariage pour tous ou la PMA-GPA» lors des deux précédents quinquennats. Très contradictoirement, on trouve que 4% des royalistes qui entendraient remettre en cause la loi de 1905 en cas de retour d’un roi au pouvoir. Encore un énième mythe qui s’effondre.

    Enfin, la question militante où chacun tente plus ou moins de gonfler ses chiffres et s’ils ne tiennent pas de l’évolution récente de certains mouvements, la photo du militantisme royco lambda se traduirait ainsi : L’Action française et la Restauration nationale (qui ont récemment fusionné après de années de méfiance et incompréhhension commune) cumulent à elles-seules 17% des forces royalistes (avec une forte prédominance de l’AF). Suivis par l’Alliance royale avec 11% des sondés. Le chiffre n’est aujourd’hui d’ailleurs plus d’actualité puisque ce parti A-dynastique, créé en 2001, n’a cessé de pérécliter au fur et à mesure des années suite au départ de nombreux cadres (2012), des prises de positions jugées anachroniques, un programme inadapté, un militantisme inexistant et des alliances avec des mouvements d’extrême-droite qui ont fini par provoquer une hémorragie au sein de ses adhérents.

    Enfin vient la Nouvelle action royaliste avec 9% (avec un net rajeunissement de ses militants- 1/3 de ses membres en 2018) et un renouveau de son bureau politique qui occupe l’espace télévisuel médiatique notamment sur les sujets internationaux. Elle organise régulièrement des conférences avec des noms connus (Natacha Polony, Emmanuel Todd…) et conserve des liens avec divers mouvement royalistes internationaux. Elle est un des rares mouvements à avoir approché le pouvoir dans les années 80, avec une figure emblématique qui est Bertrand Renouvin. On citera encore le Groupe d'Action royaliste (GAR qui se distingue par un site haut en couleur et très fourni) avec 2%, l’Institut de la maison royale de France (IMRF) avec 4% et par Gens de France (6%), l’association du prince Jean d’Orléans (qui tendrait à supplanter progressivement et à court terme l’institut de son père, le comte de Paris).

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    Du côté du (néo-)Légitimisme (ou Alphonsisme), il est difficile de parler militantisme tant une certaine catégorie (plutôt située dans les 55-75 ans) refuse encore tout idée de parti ou mouvement politique qui défendrait et donnerait plus de visibilité au prince Louis-Alphonse de Bourbon. D’un point de vue militant, on trouve néanmoins 10% des Légitimistites adhérents à l’Institut de la Maison de Bourbon (IMB) ou 6% à l’Union des Cercles Légitimistes (un UCLF accusé ces dernières années par certains Légitimistes de «dérive sectaire versant dans l’ultra –catholicisme forcené»-je cite ce qui m’a été souvent répété ou écrit au gré de mes conversations avec eux-nldr ). Dernier né du Légitimisme, le Cercle d’Action légitimiste (CAL) qui s’est implanté timidement dans quelques régions (Ile de France ou Bretagne) et qui peine toutefois à convaincre hors réseaux sociaux ou à l’intérieur du Légitimisme (certains de ses membres gérant le webzine Vexilla Galliae). Si les Maurrassiens tiennent encore haut le pavé du royalisme, Le légitimisme n’est cependant pas en reste. Car tout cumulé, les chiffres de l’enquête montrent quand même que cette tendance (bien que minoritaire, versant plus dans le commémoratif ou le rédactionnel d'étude du monarchisme comme le site Vive Le Roy) avoisine les 18% du militantisme royaliste. Ceux-ci ne précisant pas si on les retrouve par exemple à l’Action française, école de pensée et de formation militante qui a développé un sens inédit de la communication. Une question pour laquelle les cadres dirigeants de l’AF préfèrent ne pas trop polémiquer, le reconnaissant tout au plus du bout des lèvres quand ils ne le démentent catégoriquement par pur esprit partisan. A noter la brève tentative d'indépendance du pince Louis-Alphonse de Bourbon qui a créé l'Institut du Duc d'Anjou (2010-2014) et qui faisait l'unanimité avant d'être ré-absorbé par l'IMB.

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    «La monarchie est un régime qui est beaucoup plus glamour que la république dans la mesure où il ne s’agit pas d’une institution (…) mais d’une famille au quelle on s’attache, on déteste (…). Les gens s’attachent à la monarchie car ils s’attachent aux personnes qui l’incarnent (…). La monarchie est le système qui fédère le mieux les peuples » avait déclaré l’essayiste Olivier Gracia lors d’un débat sur la question monarchique en France en 2018. Alors, le royalisme une solution ? Depuis des décennies, après avoir connu une légère hausse de l’adhésion à l’idée de restauration de la monarchie, 17% des français seraient donc prêts à soutenir le retour de la monarchie, 29% même  disposés à mettre un vote pour un candidat royaliste (sondage BVA/Alliance royale de 2016). Un sondage qui «note un clivage politique important : seuls 4% des sympathisants de la gauche seraient favorables à l’exercice du pouvoir par un Roi contre 22% des sympathisants de la droite et du centre et 37% des sympathisants du Front/Rassemblement National» et qui précise «qu’un sympathisant de la droite sur deux pense que la monarchie aurait des conséquences plutôt positives pour la stabilité du gouvernement (51%) et pour l’unité nationale (50%)». Des scores qui montent chez les sympathisants du RN, à 53% pour une meilleure stabilité du gouvernement et 55% quant aux bénéfices pour l’unité nationale. 37% des royalistes souhaiteraient même que la question de la monarchie soit posée par référendum.

     

    Mais pour devenir une force crédible, encore faut-il que les mouvements royalistes arrivent à s’entendre au-delà des querelles qui les divisent dynastiquement ou idéologiquement depuis 1883, date de la mort sans héritiers du comte de Chambord. Une fusion, des assises du royalisme français ? 31% des

  • Réponse à une candidature récente…, par Sr Sandra Bureau.

    Primatiale Saint-Jean, vue depuis la Saône.

    © Herbert Frank / CC by-sa

    Comme beaucoup, j’ai d’abord accueilli la publication de Madame Soupa, candidate à l’Archevêché de Lyon, comme un de ces pamphlets qui offrent si peu de sérieux qu’à peine lus on les jette à la poubelle... Pourtant, même chiffonnée, écartée de ma vue, cette publication laissait en moi une interrogation profonde : comment une femme, partageant la même foi que moi, se disant, comme moi, théologienne, pouvait-elle dire cela ? Comment pouvait-elle prétendre par-là défendre la place des femmes dans l’Église ? Mystère. C’est donc en femme, et en théologienne que je voudrais réagir.

    En théologienne d’abord. Il faut quand même avouer que l’argumentation de Madame Soupa présente des raccourcis saisissants, tant dans la forme (une ligne dans un tweet) que dans le fond. Et pour s’y laisser prendre il faut avoir plus de goût pour la polémique que pour la vérité et somme toute peu de culture chrétienne – il est d’ailleurs saisissant que Madame Soupa appelle des non-catholiques, voire des non chrétiens, à la soutenir. Qu’on me permette donc de faire droit à la pensée théologique ici réduite à l’insignifiance et à l’instrumentalisation. Madame Soupa affirme en effet : « Si ma candidature est interdite par le droit canon, c’est tout simplement parce que je suis une femme, que les femmes ne peuvent être prêtre et que seuls les prêtres, en devenant évêques, dirigent l’Église catholique. » C’est avoir une bien médiocre vision du droit canonique que d’affirmer cela. Car le droit de l’Église n’est pas au-dessus de l’Église et moins encore au-dessus de la Révélation, il est au service de l’une et de l’autre. Il n’y a pas de « tout simplement parce que je suis une femme » qui tienne. Il y a au contraire toute la cohérence de l’histoire sainte, de cette économie par laquelle Dieu a voulu nous rejoindre en son Fils Jésus Christ, se faire homme pour nous arracher au péché et à la mort. Si le droit affirme que seul un homme (vir) peut être ordonné, c’est parce que Jésus, en son Fils, s’est fait homme, parce qu’il a épousé une humanité singulière, masculine (vir). Ni l’Église, ni son droit, ne sont au-dessus de ce que Dieu veut et fait, et ce faisant de ce qu’il nous dit qu’il est et de ce qu’il nous dit que nous sommes. Si nous nous plaçons au-dessus du dessein de Dieu sur l’homme au lieu de nous placer sous son regard, sous sa main bienveillante, alors nous ne pouvons plus voir ce qu’il veut pour nous, et a fortiori nous ne pouvons plus voir la place qui est nôtre.

    Mais avant d’en venir à l’anthropologie, revenons à la théologie de l’Église. Si seuls les hommes peuvent être prêtres c’est précisément parce que notre religion est religion de l’Incarnation, c’est parce que nous prenons au sérieux ce qui s’est produit une fois pour toutes en Jésus-Christ ; dans sa chair, dans ses faits et gestes, dans ses paroles. Sans quoi d’ailleurs il n’y aurait pas de Nouveau Testament, d’Église, de Sacrements. Oui le Christ n’a appelé que des hommes à être Apôtre, que des hommes à « avoir part » avec lui : « Si je ne te lave pas les pieds, dit-il à Pierre, tu n’auras pas part avec moi » (Jn13,8). Cette « part » est précisément le sacerdoce, cette configuration à sa charge mais aussi à son être, elle est ce qui habilite les Apôtres, dans le mémorial de sa Passion, la messe, à dire, en lieu et place du Christ, « ceci est mon Corps, ceci est mon Sang ». Alors quand Madame Soupa affirme plus loin, pour défendre qu’une charge épiscopale peut être assumée par un laïc, que « les Douze compagnons de Jésus n’étaient pas prêtres. Pierre était même marié », elle omet pour le moins ce changement radical qui est intervenu à un moment de leur histoire et qui seul les a habilités à enseigner au nom du Christ, à sanctifier les fidèles et à diriger les communautés. Avec le sacerdoce de la Nouvelle Alliance, celui que confère le Christ, il ne s’agit plus comme dans le sacerdoce lévitique – dont effectivement ni les Apôtres, ni le Christ n’ont hérité – d’exercer simplement une charge mais de participer à la personne du Christ, de participer à celui-là seul qui est Prêtre, le Christ Jésus. Quant à dire que Pierre était marié, ou avait été marié, c’est indéniable puisqu’il avait une belle-mère ! Nous savons que le célibat sacerdotal est une grâce faite à l’Église latine, et que l’Église d’Orient admet des prêtres mariés. Mais jamais l’Orient n’a retenu cet argument pour un épiscopat marié, elle n’ordonne à l’épiscopat que des prêtres qui ont fait choix du célibat. Ne faisons pas fi de la Tradition.

    Si « les femmes ne peuvent être prêtre » ce n’est pas une déconsidération de la femme, c’est peut-être même sa considération la plus haute, en ne voulant pas faire des femmes ce qu’elles ne sont pas, des hommes – contrairement à notre civilisation occidentale que ne voit l’avènement de la femme que dans son égalité pour ne pas dire sa confusion avec l’homme. Jésus est libre, libre comme personne de nous ne le sera jamais, libre de manger avec les pécheurs et les publicains, libre de s’approcher des lépreux ou des samaritains, libre de dénoncer toute injustice, toute inégalité sociale... libre aussi d’appeler des femmes. S’il ne le fait pas c’est non seulement parce qu’il n’y a là aucune injustice à dénoncer, mais encore parce que la femme a sa vocation propre, sur laquelle nous reviendrons. Ceci dit il ne suffit pas d’être homme, vir, pour être ordonné, il faut encore être appelé par Dieu, « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis » (Jn15,16), et il faut que cet appel entendu au plus intime de la prière soit confirmé par l’Église, il faut, comme on dit, avoir « les aptitudes requises », être « jugé digne ». Dans le cas de l’épiscopat il faut avoir reçu du Pape un mandat apostolique. Telle est la logique de l’élection par laquelle Dieu choisit quelques-uns au profit de tous. Logique qui n’est pas d’exclusion mais d’inclusion. Dieu, en effet, en choisissant Israël n’a pas exclu les autres peuples, il est passé par le Peuple élu pour attirer à lui la multitude des nations. Dieu en choisissant quelques hommes (vir) pour soutenir son Église n’exclut pas le reste des fidèles, il se sert d’eux pour la sanctification de tous. Donc contrairement à ce que dit Madame Soupa cette logique divine d’élection « n’exclut » pas 50% de la population, elle « exclut » 98% de la population.

    Qu’on nous permette d’en venir à des considérations plus ecclésiales. Madame Soupa souligne avec regrets que « seuls les prêtres, en devenant évêques, dirigent l’Église ». Et son regret est d’autant plus grand que cette charge pourrait selon elle parfaitement incomber à un laïc puisque, étymologiquement, « l’évêque est un surveillant, un protecteur qui observe et veille sur la cohésion et la rectitude doctrinale, d’un ensemble de communautés ». Je n’ai pas grand-chose à dire sur la fonction, si du moins elle désigne la gouvernance, mais sur la manière de déconnecter les fonctions les unes des autres et plus encore la fonction de l’ordination. Rappelons d’abord que le sacrement de l’ordre présente trois degrés, le diaconat, le presbytérat (ou sacerdoce) et l’épiscopat. L’épiscopat est la plénitude du sacrement de l’ordre. C’est donc en effet à l’évêque que revient le droit de gouverner le peuple de Dieu qui lui est confié. Mais cette charge est liée, intrinsèquement, à l’ordination reçue. Elle n’est pas un à côté, elle n’est pas le choix d’une communauté de confier à un homme une responsabilité particulière, temporelle. Jésus dit à Pierre : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Mt16,18). Chaque évêque reçoit dans son ordination cette charge de gouvernance, et chaque prêtre reçoit, pour sa part, dans son ordination cette charge de gouvernance. D’ailleurs le prêtre est configuré au Christ Tête, au Christ qui est la Tête de l’Église qui est son Corps. Il en va de même pour les deux autres fonctions (munera). C’est en vertu de l’ordination reçue que l’évêque, ou le prêtre, peut sanctifier les fidèles, leur administrer les sacrements. Quelqu’un qui ne serait pas ordonné ne donnerait purement et simplement pas les sacrements, il ne donnerait purement et simplement pas le Corps du Christ, il ne donnerait purement et simplement pas l’absolution. Et c’est encore en vertu de l’ordination que l’évêque reçoit « le sûr charisme de la vérité » comme dit S. Irénée (AH, IV, 16,2) – ce qui n’enlève rien au travail des théologiens qui est une source d’enrichissement pour toute l’Église. C’est pourquoi c’est au Pasteur qu’il revient en premier lieu d’enseigner la communauté, d’annoncer l’Évangile. Déconnecter ces trois fonctions les unes des autres, et plus encore séparer la fonction de l’ordination, c’est perdre la nature de ces charismes. À l’évêque revient de plein droit de gouverner, enseigner et sanctifier le peuple de Dieu qui lui est confié, et cela lui revient en vertu de son ordination épiscopale. Celui qui n’est pas ordonné ne peut pas gouverner, celui qui n’enseigne pas la vérité ne peut gouverner, celui qui ne sanctifie pas ne peut gouverner.

    Alors, là encore, si le droit canonique dit qu’il faut être prêtre pour gouverner un diocèse, ce n’est pas une déconsidération des fidèles laïcs, hommes ou femmes, c’est une affirmation essentielle au fonctionnement de l’Église – l’histoire porte malheureusement son lot de dysfonctionnements. La charge n’est pas celle d’une institution humaine ou d’une multinationale, là tout le monde pourrait postuler, elle est celle d’un Corps vivant qui est l’Église, d’un Corps animé par l’Esprit Saint, traversé par l’Esprit Saint. Or l’Évêque en recevant la plénitude du sacrement de l’ordre reçoit aussi de transmettre l’Esprit Saint. Il reçoit celui qui en Personne dirige l’Église, l’impulse, la fait vivre. Si le prêtre est ordonné par imposition des mains de l’Évêque c’est bien pour que ce même Esprit l’habite, pour qu’il puisse à son tour sanctifier ses frères, les conduire vers les verts pâturages, leur donner une nourriture solide. Bien sûr cela ne garantit pas de ne pas faire d’erreur, ou de ne pas tomber, tout homme est faillible. Mais il y a dans le charisme ordonné (gratis data) l’aptitude à gouverner, comme l’aptitude à sanctifier, et à enseigner. Comme tout charisme il grandit en s’exerçant. Le jeune prêtre ne sera pas immédiatement (ni peut-être jamais) appelé à être curé, le curé à être évêque, l’évêque à être archevêque, l’archevêque à être Pape. Mais pour tous il est permis de dire que « Dieu donne ce qu’il demande », et précisément il le donne dans le sacrement conféré, le sacerdoce ou l’épiscopat.

    Dire que seuls les prêtres, devenus évêques, peuvent diriger l’Église, ne veut pas dire que les femmes n’aient pas de place dans l’Église, qu’elles n’aient pas de rôle à jouer, loin de là ! D’abord les évêques peuvent appeler, pour un temps, des laïcs, hommes ou femmes, à les aider dans la charge qui est la leur, ils peuvent nommer des « délégués épiscopaux » ou autres « responsables diocésains ». Et la réalité de nos diocèses, et particulièrement celle du diocèse de Lyon, démontre que nombre de femmes sont appelées à ces responsabilités – je parle d’expérience. Ces postes demandent non seulement des compétences techniques (administratives, juridiques, pastorales ou théologiques) mais aussi une vie dans l’Esprit qui est loin d’en faire des collaborateurs de « seconde zone ». Cette collaboration serait d’ailleurs impensable si les fidèles n’avaient eux-mêmes reçu, dans leur baptême, participation aux fonctions sacerdotale, prophétique et royale du Christ. Bien qu’une différence essentielle existe entre sacerdoce ministériel et sacerdoce commun il n’en demeure pas moins que, là encore, cette royauté coupée du baptême ou du caractère sacerdotal c’est-à-dire de l’offrande de soi qui se dit dans l’eucharistie ou du caractère prophétique d’annonce de la parole de Dieu n’aurait aucun sens. La royauté ne peut s’exercer que dans une vie profondément marquée par le Christ.

    En femme ensuite, bien que ces lignes portent déjà l’empreinte de ma féminité. L’Église des Apôtres sans Marie, et toutes les saintes femmes qui les entouraient, ne serait pas l’Église ! Non seulement parce que l’Église demande des fidèles mais encore parce qu’il y a dans l’Église quelque chose qui ne peut s’exprimer que dans un « ministère » féminin, que par la grâce féminine. Le dessein de Dieu n’est pas d’exclure les femmes, mais bien de leur donner leur place, leur part, peut-être même la « meilleure » comme disait Jésus à Marthe. En tout cas sans une Catherine de Sienne, une Thérèse d’Avila, une Mère Teresa, et toutes ces « réformatrices », l’Église ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. Sans ce vis-à-vis féminin exhortant à la foi, au don de soi, à la sainteté, l’Église ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. Et contrairement à Madame Soupa, qui pense que les femmes ne sont pas reconnues dans l’Église comme des « êtres humains à part entière » – pensée effrayante ! –, moi je pense que sans l’Église je n’aurais jamais réussi à toucher du doigt la féminité que je porte et encore moins à la vivre !

    Pour comprendre cela il faut consentir à une anthropologie, une vraie, sans caricature, ni mépris. Il faut se replonger dans l’Écriture, se laisser enseigner par elle. Le livre de la Genèse nous dit « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. » (Gn 1,27). La ressemblance de Dieu est plurielle, elle est homme et femme. Elle est dans une complémentarité de l’homme et de la femme, cette complémentarité que l’on ne cherche que trop à détruire, comme pour gommer plus encore toute ressemblance d’avec Dieu. Cela veut dire que l’homme ne peut se dire que dans ce vis-à-vis qui est la femme, et la femme que dans ce vis-à-vis qui est l’homme. Il y a une plénitude humaine, comme une plénitude ecclésiale, qui n’est donnée que dans la relation de l’homme et de la femme, de l’Église institution et de l’Église fidèle. Si nous n’entendons pas cette complémentarité de l’homme et de la femme, nous ne pouvons entendre non plus la complémentarité des époux, ni la complémentarité de l’Époux et de l’Épouse, du Christ et de l’Église. Le prêtre est ordonné au salut d’autrui, il est ordonné à quelque chose d’autre que lui-même. De là découle la grâce féminine, celle d’être fondamentalement le réceptacle de la grâce divine, celle aussi de rappeler aux hommes ce pour quoi ils sont faits, celles de rappeler aux prêtres leur vocation à sanctifier les âmes, d’exiger des évêques qu’ils donnent leur vie pour l’Église, comme le Christ a donné sa vie pour l’Église, cette Église qu’il voulait « sainte et immaculée dans l’amour » (Ep 5,27).

    C’est parce que j’ai en face de moi des prêtres qui donnent tout ce qu’ils ont reçu, et même plus, tout ce qu’ils sont, que je peux vivre ma vocation de femme, de consacrée, de façon belle, épanouie, et réciproquement c’est parce que j’attends de ces prêtres qu’ils me donnent le Christ, sa vie surabondante, qu’ils peuvent donner le meilleur d’eux-mêmes. Si la figure d’une sainte Catherine de Sienne est si frappante c’est bien précisément parce qu’elle va rappeler au Pape ce pour quoi il est fait. Elle ne va pas s’installer sur un siège « vacant », elle va chercher celui qui doit assumer sa charge de Pontife suprême. Non, je n’attends pas qu’une femme monte sur le siège de Lyon, mais heureusement cela n’arrivera pas, j’attends un évêque qui soit un successeur des Apôtres, là sur le siège de Pothin, d’Irénée, ... Philippe. Un évêque qui soit un Père pour ses prêtres, un Pasteur pour ses fidèles, un homme rempli d’Esprit Saint et de foi.

  • Le libéralisme contre les libertés (partie I), par Oli­vier Per­ce­val (col­loque du 8 mai).

    Avant-pro­pos : Il existe des « conser­va­teurs » qui se disent libé­raux, ils prônent une ges­tion de l’État en bons pères de famille. Ils se disent libé­raux, parce qu’ils défendent la libre entre­prise et consi­dèrent que l’État doit se concen­trer sur ses mis­sions réga­liennes.

    olivier perceval.jpgNous approu­vons, même s’il y a sujet à dis­cus­sion, ne serais que pour leur conser­va­tisme qui tend à vou­loir conser­ver tout le chaos ins­ti­tu­tion­nel qui s’accumule de répu­bliques en répu­bliques et dont nous n’avons que faire, mais cette sorte de « libé­raux » patriotes n’est pas pré­ci­sé­ment visée dans le pro­pos qui va suivre ou si peu. Du reste on sait que cer­tains d’entre eux lisent notre presse et sou­tiennent notre mou­ve­ment, il ne sau­rait y avoir confu­sion entre eux et le sys­tème libé­ral dont, sans le savoir, ils sont peut-être eux-mêmes vic­times, lequel sys­tème libé­ral est en expan­sion et emporte l’Occident depuis plus de deux siècles dans la déme­sure et l’abrutissement cultu­rel et social des peuples.

    Le roi Louis XV, raconte Per­ugia*, las­sé de se voir repro­cher par les pen­seurs des lumières de ne pas lais­ser libre cours à la pous­sée de la bour­geoi­sie dont l’activité res­tait enca­drée par les règles strictes du com­pa­gnon­nage et des cor­po­ra­tions, ren­for­cées par les dis­po­si­tions de Col­bert au règne pré­cé­dent, avait envoyé en Angle­terre des « obser­va­teurs » pour juger sur place des consé­quences sociales et humaines du sys­tème libé­ral qui s’y déve­lop­pait et qui était pré­sen­té , notam­ment par les lumières, comme un modèle à suivre.

    Les rap­ports des dits obser­va­teurs furent una­nimes, Le royaume de France n’était pas prêt à lais­ser réduire en qua­si escla­vage les deux tiers de la popu­la­tion, par un troi­sième tiers d’hommes « vision­naires et audacieux ».

    Ils rap­por­tèrent notam­ment cette anecdote :

    Marie Wot­ton, était ser­vante chez un riche indus­triel, les ser­vantes étaient sou­vent ache­tées dans des orphe­li­nats et logées ou plu­tôt entas­sées dans de sor­dides baraquements.

    Cette ser­vante affa­mée avait volé quelques schil­lings à ses maîtres, elle fut prise, jugée et pen­due. Elle avait neuf ans.

    Même si sou­vent l’État gra­ciait les enfants condam­nés à mort par la jus­tice, on lais­sa, ici ou là, quelques exé­cu­tions pas­ser pour bien mar­quer les ima­gi­na­tions. Sans comp­ter que ceux qui étaient gra­ciés, pas­saient quelques années dans des cel­lules infec­tées, attra­pant toutes sortes de mala­dies, où ils pour­ris­saient sans rece­voir de visites, (si ce n’est dans le meilleur cas des sœurs de congré­ga­tions reli­gieuses charitables).

    Ain­si l’aventure Crom­wel­lienne avait accou­ché d’une révo­lu­tion dite indus­trielle en Angle­terre un siècle avant notre révo­lu­tion fran­çaise, laquelle avec la loi Le Cha­pe­lier et d’Allarde, lais­se­rait la pos­si­bi­li­té à la bour­geoi­sie entre­pre­nante d’utiliser sans aucune entrave légale, la force de tra­vail de tout un peuple.

    Les ado­ra­teurs d’Adam Smith enfin au pou­voir croyaient peut-être à cette théo­rie du « ruis­sel­le­ment », et des équi­libres finan­ciers dû à la seule méca­nique des mar­chés gui­dés par la fameuse main invisible.

    Richesse en haut et par consé­quent, bien être en bas.

    Dickens, Zola, Ander­sen, par­mi de nom­breux écri­vains, n’ont pas man­qué de nous rendre compte que le bien être escomp­té, n’était en réa­li­té que misère du peuple en cette période du 19eme siècle du libé­ra­lisme triomphant.

    Les ban­quiers et bour­si­co­teurs arri­vés enfin au pou­voir, ils s’y atta­chèrent et ne le quit­tèrent plus.

    Ils réglèrent leur compte aux sup­plé­tifs qui les avaient ame­nés au som­met de l’Etat, comme le firent les giron­dins avec les mon­ta­gnards pen­dant la réac­tion ther­mi­do­rienne, et les ver­saillais en 71, le mur des fédé­rés à Paris est encore rouge du sang des communards.

    Les libé­raux sont des spé­cia­listes du dis­cours enflam­mé au nom de la liber­té avec des tré­mo­los dans la voix, ils mettent le peuple dans la rue pour faire sau­ter toutes les entraves à leurs ambi­tions, puis ils réta­blissent l’ordre, sans ména­ge­ment ni scru­pules avec une main de fer, bien visible celle-là, c’est ain­si que la troi­sième répu­blique a été ins­tal­lée par la poigne d’Adolphe Thiers.

    Cela ne veut pas dire qu’autour de la dépouille de notre pays, comme des cha­ro­gnards, ils ne s’entrent déchi­rèrent pas tout au long de la troi­sième Répu­blique émaillée de ban­que­routes, de scan­dales finan­ciers et d’abus de biens sociaux.

    Mais ils ont tou­jours eu leurs sup­plé­tifs, (voire leur chair à canon) pour enca­drer, et réorien­ter la colère du peuple quand ça les arran­geait, les sans culottes sous la révo­lu­tion, Les étu­diants idéa­listes et les tirs laines en 1830 et 1848 (cette der­nière qua­li­fiée de révo­lu­tion sans idées par Prou­dhon), les bandes de voyous pari­siens pour pro­vo­quer des exac­tions san­glantes et mieux répri­mer la com­munes par la suite, des FTP sor­tis d’on ne sait où, résis­tants de la der­nière heure qui ter­ro­ri­sèrent les fran­çais au moment de l’épuration et firent dis­pa­raître les témoins de la vraie col­la­bo­ra­tion, jusqu’aux anti­fas d’aujourd’hui, qui se sont mon­trés forts utiles au moment de la révolte des gilets jaunes.

    Je crois qu’il appar­tient à l’Action fran­çaise et aux came­lots du roi, de mon­trer du doigt et au besoin cor­ri­ger, ces éner­gu­mènes, enne­mis du peuple fran­çais et ser­vi­teurs zélés de l’internationale finan­cière, chaque fois qu’ils les croisent, par pure cha­ri­té, car ces mal­heu­reux ont besoin d’aide pour recou­vrer la lumière.

    Bien sûr, aujourd’hui, le libé­ra­lisme com­bat­tu fort intel­li­gem­ment par Joseph Prou­dhon, Georges Sorel,  mais aus­si par nos glo­rieux anciens, comme Fir­min Bacon­nier, Georges Valois, Hen­ri Lagrange, et tant d’autres a chan­gé de visage, il a pris des pro­por­tions gigan­tesque, on appelle ça l’hyper-libéralisme avec le désir pro­mé­théen du contrôle capi­ta­liste de tout le genre humain, pour le libé­rer bien sûr, car c’est tou­jours au nom de la libé­ra­tion de l’humanité que l’on donne un tour de vis sup­plé­men­taire à son asservissement.

    Ain­si, nous pré­sen­te­ra t’on les entraves insup­por­tables à l’exercice de la liber­té. Ce fut d’abord l’organisation ouvrière et arti­sa­nal avec le com­pa­gnon­nage et les cor­po­ra­tions, ce fut ensuite le pou­voir royal trop contrai­gnant, et c’est aujourd’hui le cadre natio­nal qu’i faut abattre.

    Or, on constate aujourd’hui que ces ins­ti­tu­tions construites tout au long des siècles, étaient en réa­li­té des pro­tec­tions puis­santes pour le peuple contre des pré­da­teurs ambi­tieux, qu’ils fussent bour­geois ou féo­daux, ten­tés d’asservir le peuple en se libé­rant eux-mêmes de toutes contraintes.

    C’est la for­mule usée jusqu’à la corde, mais tou­jours per­ti­nente, du « renard libre dans le pou­lailler libre ».

    L’égalitarisme reven­di­qué par la socié­té libé­ral vise à nier les dif­fé­rences réelles dis­tri­buées par la nature à chaque indi­vi­du, ce qui per­met, au nom du prin­cipe de la méri­to­cra­tie, d’estimer nor­mal que tel homme jugé en échec dans la com­pé­ti­tion de l’élévation sociale se fasse mar­cher des­sus par les copains avec la béné­dic­tion des agents du sys­tème éga­li­taire. La poli­tique du tous contre tous.

    Cela met­tait en rage Joseph Proudhon :

    « C’est, sous pré­texte d’u­ti­li­té publique, et au nom de l’in­té­rêt géné­ral, être mis à contri­bu­tion, exer­cé, ran­çon­né, exploi­té, mono­po­li­sé, concus­sion­né, pres­su­ré, mys­ti­fié, volé ; puis, à la moindre résis­tance, au pre­mier mot de plainte, répri­mé, amen­dé, vili­pen­dé, vexé, tra­qué, hous­pillé, assom­mé, désar­mé, gar­rot­té, empri­son­né, fusillé, mitraillé, jugé, condam­né, dépor­té, sacri­fié, ven­du, tra­hi, et pour comble, joué, ber­né, outra­gé, désho­no­ré. Voi­là le gou­ver­ne­ment, voi­là sa jus­tice, voi­là sa morale ! Et dire qu’il y a par­mi nous des démo­crates qui pré­tendent que le gou­ver­ne­ment a du bon ; des socia­listes qui sou­tiennent, au nom de la Liber­té, de l’É­ga­li­té et de la Fra­ter­ni­té, cette igno­mi­nie ; des pro­lé­taires, qui posent leur can­di­da­ture à la pré­si­dence de la répu­blique ! Hypo­cri­sie » (Pierre-Joseph Prou­dhonIdée géné­rale de la Révo­lu­tion au dix-neu­vième siècle,)

    L’inégalité pro­tec­trice défen­due par Maur­ras (la poli­tique natu­relle) invite au contraire à la soli­da­ri­té entre fran­çais : les plus puis­sants, les mieux nan­tis, pro­té­geant les plus déshé­ri­tés. C’est à a fois un pro­gramme poli­tique et une éthique sociale, qui consti­tue l’architecture du pou­voir royal.

    Mais que par­lons-nous de fran­çais à l’heure de la mon­dia­li­sa­tion « heureuse » ?

    Aujourd’hui, nous assis­tons à une vaste offen­sive des oli­gar­chies supra­na­tio­nales, qui vise à chan­ger la nature humaine pour l’adapter à un futur fan­tas­mé par les plus grandes for­tunes du monde se situant à des années lumières des pré­oc­cu­pa­tions des peuples de la terre.

    Au siècle pré­cé­dent, on repré­sen­tait la haute finance inter­na­tio­nale par l’image des patrons de banque notam­ment sous la forme d’un gros bon­homme  en haut de forme, bien nour­ri, « adi­peux et pel­li­cu­laire » comme disait un de nos grands anciens, Patrice Ber­tin, avec un gros cigare dans le bec, et main­te­nant ils ont l’apparence  d’ ado­les­cents attar­dés en  jean et chan­dail négli­gé, comme Steeve Job, Bill Gates, par exemple, (excep­té tou­te­fois Georges Sor­ros lequel est doté d’une  tête de vieillard libi­di­neux et  per­vers monomaniaque).

    Ces gens-là pensent pour nous et par consé­quent connaissent nos besoins.

    Pour cela ils dis­posent de plu­sieurs outils qu’ils maî­trisent par­fai­te­ment bien.

    D’abord les médias, dont la plus grande part sert doci­le­ment la soupe qu’on lui com­mande et désigne ce qu’il faut aimer et ce qu’il convient de détester.

    Ils maî­trisent aus­si les uni­ver­si­tés char­gées de décons­truire toute l’éthique sociale en cou­pant nos racines et en culpa­bi­li­sant toute vel­léi­té de se sen­tir héri­tier d’une longue histoire.

    Ils maî­trisent enfin la capa­ci­té, parce qu’ils financent les centres de recherche et les labo­ra­toires, de créer une peur lan­ci­nante à tra­vers la pla­nète, avec l’écologisme catas­tro­phiste, et aujourd’hui le virus qui cou­ronne des années de tra­vail sur la trouille sanitaire.

    Et les états, comme aux jeux olym­piques, de cou­rir uni­for­mé­ment avec tous le même spon­sor, big-phar­ma, (en réa­li­té, c’est une nou­velle forme de spon­so­ring, car ce sont les états qui paient) pour gagner le prix du pre­mier vac­cin mis sur le mar­ché, (ou, plu­tôt, thé­ra­pie génique).

    (A suivre)

    *Louis XV de Paul del Péru­gia édi­tion Rémy Perrin

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    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • OÙ EN EST LA FEMME DANS L’ISLAM ?, par Annie LAURENT.

    Annie_Laurent.jpg"Un taliban à visage humain, ça n’existe pas... Si l’on ne réagit pas, l’Afghanistan deviendra ce laboratoire de l’obscurantisme qui n’a pas vu le jour en Irak et en Syrie... Les femmes qui, depuis vingt ans, sans s’en plaindre, au contraire, ont appris à vivre à l’occidentale seront réduites à néant, renvoyées à l’âge de pierre...".

    Ces propos sont extraits d’une tribune publiée par Chékéba Hachemi dans Paris-Match juste après la reconquête de Kaboul par le mouvement islamiste, qui avait été chassé d’Afghanistan par les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN en 2001, en réaction aux attentats du 11 septembre (1).

    C. Hachemi sait de quoi elle parle. Réfugiée en France avec sa famille pour fuir l’occupation soviétique de son pays (1979-1989), elle assista de loin à l’instauration du premier régime des talibans (2) et eut connaissance du statut dégradant que ceux-ci imposèrent à ses compatriotes féminines : interdiction de sortie sans burqa, vêtement ample couvrant tout le corps, y compris le visage, et sans l’accompagnement d’un chaperon masculin (mahram) de sa famille ; prohibition de toute scolarisation, activité professionnelle ou sportive et de toute mixité en public. Dès ce moment, en 1996, C. Hachemi fonda l’ONG Afghanistan libre pour promouvoir l’accès des femmes à l’école et à l’enseignement supérieur, ainsi qu’à toutes les professions et à la politique, domaine où elle s’engagea elle-même à son retour à Kaboul suite à la défaite des talibans. Sous la République nouvellement instaurée (2001), et qui vient de s’effondrer, elle devint la première Afghane diplomate, en poste auprès de l’Union européenne (2002-2005), ce qui lui permit d’accroître l’efficacité de son action au profit des femmes qui recouvrèrent alors leurs libertés de citoyennes (3).

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    Chékéba Hachemi

     

    En entrant dans la capitale, le 15 août dernier, c’est d’une manière ambiguë que les talibans ont voulu rassurer l’opinion internationale. Leur porte-parole, Zabihullah Mujahid, a ainsi déclaré : « Nous nous engageons à laisser les femmes travailler dans le respect des principes de l’islam » (4). Au même moment, on effaçait à la peinture les portraits féminins sur les devantures de magasins, on enlevait des filles de plus de 10 ans pour les marier à des djihadistes et on traquait les femmes, surtout des journalistes ou des juristes, soupçonnées de connivence avec le système précédent. Le projet de l’Émirat islamique s’est précisé lors de la présentation du gouvernement dont le chef, le mollah Hassan Akhund, était vice-premier ministre sous le premier régime taliban. Le ministère dédié aux femmes est remplacé par celui de la Prévention du vice et la Promotion de la vertu. La mixité redevient interdite, sur les lieux de travail comme à l’Université. L’un des dirigeants a déclaré l’exclusion de toute démocratie, car l’unique système « c’est la charia, et c’est tout » (5).

    Des manifestantes bravent la répression, des résistances s’organisent (salons de beauté clandestins, par exemple) pour défendre la dignité de la femme. Arrêteront-elles cette marche vers la soumission forcée des Afghanes à un islam qui s’affirme fidèle à des principes réputés divins, donc immuables, fussent-ils inadaptés aux besoins du monde actuel, et auxquels une partie d’entre elles, militantes au sein du mouvement taliban, sont consentantes ? Ces dernières imitent leurs coreligionnaires arabes sunnites qui ont rejoint ces dernières années les djihadistes de Daech en Syrie et en Irak. Le revirement observé dans l’Iran chiite pourrait-il faire école ? Alors qu’en 1978, de nombreuses femmes, séduites par le projet révolutionnaire de Khomeyni, avaient volontairement revêtu le tchador, symbole du rejet de l’occidentalisation imposée par Reza Shah Pahlavi, celles de la jeune génération n’en veulent plus en dépit des sévères sanctions qui leur sont infligées par la police religieuse.

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    En fait, la condition de la femme agite de plus en plus le monde musulman. Elle a resurgi spectaculairement voici dix ans, à l’occasion des révoltes qui ont secoué une partie de l’espace arabo-musulman, sans entraîner d’améliorations notables, tout au moins au niveau du droit car la réalité vécue en certains lieux montre de réelles avancées, même si elles demeurent fragiles dans la mesure où elles ne remettent pas en cause l’islam dans ses fondements.

    Voyons d’abord où en sont aujourd’hui quelques pays qui, au siècle dernier, ont entamé des processus d’émancipation féminine. Au Maghreb, la Tunisie a joué un rôle pionnier en ce domaine. En 1956, sitôt l’indépendance obtenue, le président Habib Bourguiba promulguait un Code de statut personnel interdisant la polygamie, remplaçant la répudiation par le divorce judiciaire, octroyant à la mère la tutelle des enfants mineurs après le décès du père. Cependant, malgré la proclamation de « l’égalité de tous les citoyens et citoyennes en droits et en devoirs » figurant dans la Constitution post révolutionnaire (2014), deux règles, objets de prescriptions formelles dans le Coran, demeuraient en vigueur : l’impossibilité pour une Tunisienne d’épouser un non-musulman (2, 221) et l’inégalité successorale, la fille n’obtenant que la moitié de la part du garçon (4, 7). En 2017, le chef de l’État, Béji Caïd Essebsi, abrogea la circulaire de 1973 qui entérinait l’empêchement matrimonial ; deux ans après, il déposa au Parlement un projet de loi prévoyant l’égalité en matière d’héritage. Mais après sa mort, en 2020, son successeur, Kaïs Saïed, soumis aux pressions d’islamistes, l’a enterré en se présentant comme le défenseur du droit divin.

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    Razika Adnani

     

    « Plus le discours religieux avance, plus les droits des femmes reculent », a noté la philosophe franco-algérienne Razika Adnani (6). Ce constat s’est vérifié au Maroc. En 2018, les débats sur l’héritage, soutenus par les partis de gauche, ont tourné court, suite au refus des islamistes d’y participer. Dans ces domaines, l’Égypte conserve une législation traditionnelle, menacée de durcissement depuis l’annonce, en mai dernier, d’une réforme du Code de la famille. La femme ne pourra convoler sans l’accord d’un tuteur également habilité à annuler le contrat de mariage et toutes les décisions concernant un enfant incomberont au père. Selon Azza Soliman, directrice du Centre d’assistance juridique pour les Égyptiennes, celles-ci « sont traitées comme des génitrices dépourvues d’une citoyenneté entière » (7).

    En Turquie, l’héritage d’Atatürk s’étiole peu à peu au gré de la réislamisation promue par le président Recep Tayyip Erdogan qui œuvre en outre au rétablissement des valeurs patriarcales. Même si la permission polygamique, la répudiation et le tutorat masculin n’ont pas été rétablis, les femmes subissent les retombées douloureuses de l’évolution en cours. Le 20 mars 2021, le chef de l’État a, par décret, retiré son pays de la Convention d’Istamboul, traité international visant à endiguer le fléau des « féminicides » qu’il avait signé dix ans auparavant. Or, ces meurtres, souvent commis au sein des couples et des familles, constituent un mal endémique et ils sont en constante augmentation (121 en 2011, 474 en 2019). Ici aussi, la résistance s’organise. En 2018 a été créé un « Parlement des femmes », formé de centaines de militantes parmi lesquelles des survivantes.

    Les monarchies de la Péninsule Arabique seraient-elles aujourd’hui en avance sur les autres pays dans ce domaine sensible après que, provoquées par la révolution iranienne, elles ont tant œuvré à réislamiser les musulmans du monde entier ? Au fil de ses reportages en Arabie-Séoudite, la journaliste Chantal de Rudder a été témoin des évolutions survenues dans le berceau du wahhabisme, idéologie islamiste très rigoriste, à l’initiative du roi Abdallah et de l’héritier du trône, Mohamed Ben Salman (MBS). Elle en fournit des détails dans un livre récent, Un voile sur le monde (8), datant le virage à 2001. « Épouvanté par le spectaculaire attentat contre l’allié américain, le prince Abdallah [demi-frère du roi Fahd affaibli par la maladie] décide de financer, via la cassette royale, une profusion de bourses accordées à toute la génération en âge d’aller à l’université, filles comme garçons, afin qu’ils se frottent à une autre culture et s’ouvrent l’esprit » (9). De nombreux jeunes sont ainsi partis étudier en France, aux États-Unis et au Japon. En 2014, a été inauguré à Riyad un campus universitaire féminin, doté de douze facultés.

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    Chantal de Rudder

     

    Voulant « séoudiser l’emploi » pour faire passer le royaume d’une économie de rente à une économie productive, en 2017, MBS a expulsé cinq millions d’étrangers et ouvert les emplois aux femmes, mesures qui les ont encouragées à « s’engouffrer » dans le travail professionnel. Évoquant la présence de caissières dans les magasins, l’une d’elles a confié : « C’était la toute première fois qu’on mettait des femmes dans un endroit public. Au début, les religieux, scandalisés, refusaient d’être servis par ces employées en niqab. Maintenant c’est entré dans les mœurs » (10). Les autres réformes introduites par l’héritier du trône, à partir de 2016 dans le cadre de son projet Vision 2030, sont bien connues : les femmes sont autorisées à conduire, elles peuvent voyager à leur guise, déclarer elles-mêmes une naissance, un mariage ou un divorce et disposer de l’autorité parentale. Mais la permission d’un « tuteur » reste obligatoire pour se marier, signer un contrat ou subir une opération chirurgicale. Vision 2030 postule que dans 9 ans 30 % de Séoudiennes devront avoir accédé à des postes de pouvoir.

    L’enquête réalisée par Arnaud Lacheret, professeur associé à l’Arabian Gulf University de Bahreïn depuis 2017, et publiée sous le titre La femme est l’avenir du Golfe (11), ouvre les perspectives d’une « réforme à bas bruit ». Ses étudiantes, séoudiennes, koweïtiennes et bahreïnies, ont répondu à son questionnaire avec une liberté inattendue, sachant qu’elles étaient enregistrées. Sur les préceptes religieux, par exemple en matière de liens matrimoniaux, elles ont émis des opinions variées. En témoigne, parmi d’autres, cette acceptation de la pratique polygamique : « Vous voyez, c’est quelque chose de mentionné dans le Coran, et quand c’est mentionné dans le Coran, c’est qu’il y a une raison. Et donc, les hommes qui prennent une deuxième ou une troisième femme, ils doivent avoir une bonne raison » (12). Cependant, note Lacheret, « la polygamie est très largement vécue comme quelque chose de rétrograde, souvent liée à l’organisation tribale […] qui empêche les femmes de progresser professionnellement et socialement ». Certaines s’en arrangent néanmoins, considérant que le fait d’être une seconde épouse leur permet d’échapper à la domination constante de leur mari et d’avoir du temps pour s’accomplir elles-mêmes (13). Pour l’auteur, le combat des femmes n’est certes pas gagné mais les signes sont encourageants. « Ils le sont d’autant plus que les actrices de ce changement provoquent une évolution endogène et non importée de l’extérieur ». L’enquête ne montre pas une « occidentalisation de l’arabité » mais une « arabisation de la modernité » (14).

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    Asma Lamrabet

     

    Un obstacle majeur reste à franchir pour permettre aux musulmanes d’accéder à la pleine reconnaissance d’une dignité équivalente à celle des hommes : la prétendue irresponsabilité de l’islam. Comment des musulmans, hommes et femmes, attachés à leur religion, pourraient-ils remettre en cause cette approche qui repose sur la croyance en l’origine divine du Coran et en l’exemplarité de Mahomet ? Trois ouvrages récents écrits par des sunnites – une Marocaine, Asma Lamrabet (Islam et femmes, les questions qui fâchent) ; deux Libanaises, Nayla Tabbara (L’islam pensé par une femme) et Zeina el Tibi (La condition de la femme musulmane) (15) – montrent les limites des « relectures » et propositions de réformes, aussi érudites et séduisantes soient-elles. On y lit par exemple que l’islam a valorisé la femme plus que toute autre religion (la libération apportée par le Christ est pourtant bien antérieure à un Mahomet dont la polygamie est justifiée par le contexte historique) ; que son message spirituel a été dévoyé par le recours à des hadîths (actes et paroles du « Prophète ») à l’authenticité douteuse et par des traductions erronées, dues à des hommes attachés aux coutumes tribales et patriarcales en vigueur en Arabie au VIIème siècle, territoire où le christianisme s’était pourtant déployé ; que le Coran a été pris en otage par des idéologies politiques, etc.

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    Nayla Tabbara

     

    En l’absence d’une autorité habilitée à réviser le statut et le contenu des textes sacrés, les talibans et leurs semblables peuvent continuer de prétendre appliquer le « vrai islam ».

     

    Annie Laurent

    ____

    1. 19-25 août 2021.

    2. Taliban est le pluriel du mot arabe taleb qui signifie « étudiant » (en religion).

    3. Cf. Le Point du 19 août 2021.

    4. Le Monde, 19 août 2021.

    5. Le Figaro, 9 septembre 2021.

    6. Marianne, 21 août 2020.

    7. La Croix, 5 mai 2021.

    8. Éd de L’Observatoire, 2021, 302 p., 21 €.

    9. Id., p. 84.

    10. Id., p. 85.

    11. Éd. Le bord de l’eau, 2020, 215 p., 18 €.

    12. Id., p. 167.

    13. Id., p. 170-171.

    14. Id., p. 207.

    15. Gallimard, 2017 ; Bayard, 2018 ; Cerf, 2021, 265 p., 25 €.

     Article paru dans La Nef, n° 340 – Octobre 2021

  • Nouvelle Calédonie : la France confrontée à la question de la puissance, par Philippe Germain.

    A l’approche du der­nier réfé­ren­dum sur l’indépendance de la nou­velle Calé­do­nie , nous avons reçu du DIRCAS, cette contri­bu­tion ana­ly­tique de pre­mier plan de Phi­lippe Germain.(NDLR)

    philippe germain.jpgLe 12 décembre 2021 aura lieu le troi­sième et der­nier vote sur l’autodétermination de la Nou­velle-Calé­do­nie. Ce pro­ces­sus de paci­fi­ca­tion entre les indé­pen­dan­tistes kanaks et lescal­doches fina­li­se­ra les signa­tures des accords de Mati­gnon-Oudi­not de 1984 et de Nou­méa de 1998. Les ten­sions sont tou­jours vives et rien ne semble réel­le­ment apaisé.

    Entre fin 2020 et début 2021, les par­tis et syn­di­ca­listes indé­pen­dan­tistes se sont vio­lem­ment oppo­sés au pro­jet de rachat d’une usine de trans­for­ma­tion du nickel. Ces actions ont fait craindre la résur­gence « des évè­ne­ments » qui ont mar­qué la Nou­velle-Calé­do­nie de 1984 à 1988.

    D’autre part les rela­tions poli­tiques sont ten­dues et la posi­tion des indé­pen­dan­tistes n’a pas chan­gé dans son rap­port avec la France. Le 2 octobre 2020, Roch Wamy­tan, indé­pen­dan­tiste et pré­sident du Congrès de Nou­velle-Calé­do­nie décla­rait « Nous n’avons pas peur de la Chine. C’est la France, pas elle, qui nous a colo­ni­sés. Elle ne nous gêne pas outre-mesure…… Nous ne nous tour­nons pas que vers l’Europe, elle est loin d’ici, on ne va pas faire aujourd’hui comme si la Chine n’existait pas » (Le Monde, 2 octobre 2020).

    Toutes les conces­sions et com­pro­mis signés avec les accords de 1984 et 1988 prouvent la réelle volon­té de la France d’aboutir à l’établissement d’une cohé­sion entre tous et d’un rééqui­li­brage des richesses. La France n’intervient plus dans la gou­ver­nance de la Nou­velle-Calé­do­nie, sa posi­tion s’apparente davan­tage à une « poli­tique du ché­quier » par les aides directes qu’elle octroie pour déve­lop­per l’île et ne pré­sente plus une pos­ture colo­niale encore sou­te­nue par les indé­pen­dan­tistes calé­do­niens en 2021.

    Après 37 ans de poli­tique adap­tée à la Nou­velle-Calé­do­nie, la France est loin des résul­tats escomp­tés et est en dif­fi­cul­té dans cette région tant convoi­tée du Paci­fique. C’est un constat d’échec.  

    La ques­tion calédonienne

    Dans les années 1960, la Nou­velle-Calé­do­nie est deve­nue essen­tielle à la France pour ses res­sources minières en nickel (7 % des réserves mon­diales, p102) qui répondent à la demande indus­trielle hexa­go­nale des Trente Glo­rieuses. Les richesses appar­tiennent majo­ri­tai­re­ment aux cal­doches et l’émergence de mou­ve­ments com­mu­nistes se déve­loppe au sein de la popu­la­tion kanake.

    Les Accords d’Evian avec Algé­rie en 1962 actent l’arrêt des essais nucléaires dans le Saha­ra et imposent à la France de trou­ver de nou­velles solu­tions pour pour­suivre le déve­lop­pe­ment de l’arme ato­mique. La Nou­velle-Calé­do­nie faci­li­te­ra l’accès logis­tique à la Poly­né­sie Fran­çaise et en juillet 1966 le pre­mier tir nucléaire sera ordon­né. La Nou­velle-Calé­do­nie aura donc à par­tir de cette date un double rôle stra­té­gique pour la France : l’accès aux mine­rais et l’indépendance mili­taire nucléaire.

    Dans les années 1980, encore en pleine guerre froide, les pre­mières négo­cia­tions seront condi­tion­nées par ces enjeux pour l’État fran­çais et par des forces poli­tiques calé­do­niennes aux objec­tifs très diver­gents. Pour les cal­doches, il s’agit de pré­ser­ver leurs inté­rêts éco­no­miques, leur niveau de vie et pour les indé­pen­dan­tistes kanaks de béné­fi­cier de ces richesses en reven­di­quant le « droit de la terre ». Les négo­cia­tions à trois avec des inté­rêts aus­si diver­gents abou­tissent fata­le­ment à des déceptions.

    A par­tir de 1989, le monde sovié­tique se dis­loque et l’influence com­mu­niste sur les indé­pen­dan­tistes de Nou­velle-Calé­do­nie semblent ne plus repré­sen­ter un dan­ger pour l’occident.

    Les Forces en présence

    Les évè­ne­ments sociaux de 1968 en France apportent la pen­sée com­mu­niste en Nou­velle-Calé­do­nie. Ce mou­ve­ment trouve un écho favo­rable auprès de la popu­la­tion kanak. De 1970 à 1980, les reven­di­ca­tions prennent de l’ampleur et portent sur le fon­cier pour récu­pé­rer leurs terres, la recon­nais­sance de l’identité, la par­ti­ci­pa­tion à la vie poli­tique et éco­no­mique, l’accès à la for­ma­tion et sur une rela­tion d’autonomie-partenariat avec la France.

    Les indé­pen­dan­tistes

    Lea­der de l’UC – Union Calé­do­nienne, Jean-Marie Tji­baou fédè­re­ra autour de lui la plu­part des mou­ve­ments d’extrême gauche trots­kistes et mar­xistes (UMNCUPMPALIKA) pour don­ner nais­sance en 1984 au FLNKS – Front de Libé­ra­tion Natio­nale Kanak et Socia­liste. Cer­tains mou­ve­ments plus radi­caux feront séces­sion et sont encore actifs aujourd’hui. Le CPK – Congrès Popu­laire Kanak, dont la branche mère s’est rap­pro­chée en 1984 de la Libye pour y envoyer des « sta­giaires », prône la lutte armée. Les indé­pen­dan­tistes en 1984 seront affi­liés à l’extrême gauche de l’échiquier poli­tique français.

    En 2020, mal­gré le déve­lop­pe­ment de l’île et un reve­nu moyen par an et par habi­tant à 31 000 €, un des plus éle­vé de l’outre-mer fran­çais (celui de la métro­pole est de 35 000€), le taux de chô­mage de 30% dans la Pro­vince Nord et les Îles Loyau­té est encore éle­vé par rap­port à la Pro­vince Sud beau­coup plus développée.

    Le sen­ti­ment d’exclusion, le coût de la vie et l’endoctrinement poli­tique sont le préa­lable au main­tien de ce mou­ve­ment. 50 ans après son arri­vée en Nou­velle-Calé­do­nie, le com­mu­nisme est tou­jours le moteur de la pen­sée indé­pen­dan­tiste kanake aux posi­tions radicales.

    Les mou­ve­ments anti-indé­pen­dan­tistes – loyalistes 

    Ce mou­ve­ment ne peut pas être dis­so­cié de la famille Lafleur, emblé­ma­tique de la réus­site cal­doche en Nou­velle-Calé­do­nie. Hen­ri Lafleur fait for­tune dans l’activité minière du nickel et crée en 1969 la SMSP qui sera cédée à la Pro­vince Nord avec les Accords de Mati­gnon. Hen­ri Lafleur devient Séna­teur avec l’EDS – Entente démo­cra­tique et sociale et c’est son fils Jacques Lafleur qui est arti­san de la créa­tion en 1977 du RPCR – Ras­sem­ble­ment pour la Calé­do­nie dans la Répu­blique avec l’appui de Jacques Chi­rac en 1978. Le RPCR sera le fruit des forces his­to­riques poli­tiques loya­listes, auto­no­mistes non-indé­pen­dan­tistes (l’UD – Union démo­cra­tique, les mou­ve­ments gaul­listes et non gaul­listes). Ces mou­ve­ments sont majo­ri­tai­re­ment liés aux par­tis poli­tiques de la métro­pole. Les loya­listes en 1984 seront affi­liés à la droite de l’échiquier poli­tique français.

    Les retom­bées néga­tives de la poli­tique inté­rieure française

    L’élection de Fran­çois Mit­ter­rand à la pré­si­dence de la Répu­blique le 10 mai 1981 est favo­ri­sée par le sou­tien des com­mu­nistes et l’absence de consignes de report de voix de Jacques Chi­rac à son rival poli­tique Valé­ry Gis­card d’Estaing. La Nou­velle-Calé­do­nie s’est posi­tion­née à droite et le secré­taire d’État aux Dépar­te­ments et ter­ri­toires d’outre-mer Hen­ri Emma­nuel­li se rap­proche des indé­pen­dan­tistes calé­do­niens. Les kanaks voient dans ce chan­ge­ment de poli­tique majeur l’espoir que leurs reven­di­ca­tions seront entendues.

    Les vio­lences entre cal­doches et kanaks s’enchaînent sur l’île et en juillet 1983, le nou­veau secré­taire d’État char­gé des dépar­te­ments et ter­ri­toires d’outre-mer, Georges Lemoine, déclare que les kanaks ont un « droit inné et actif à l’indépendance ». En paral­lèle, des atten­tats sur­viennent en mai en Gua­de­loupe, en Mar­ti­nique, en Guyane et à Paris.

    La France reproche offi­ciel­le­ment aux indé­pen­dan­tistes de nouer des rela­tions avec l’Union Sovié­tique et la Libye de Kadha­fi. L’Australie et la Nou­velle-Zélande sou­tiennent éga­le­ment la cause indé­pen­dan­tiste kanake.

    La France est de plus en plus contes­tée dans ses ter­ri­toires et dépar­te­ments d’outre-mer. L’affaire du Rain­bow War­rior le 10 juillet 1985 finit de dis­cré­di­ter la France sur la scène inter­na­tio­nale et dans la Paci­fique. Les fuites orga­ni­sées dans les jour­naux fran­çais par le ministre de l’Intérieur Pierre Joxe contre son enne­mi poli­tique, Charles Her­nu alors ministre de la Défense, est le sym­bole fla­grant de la négli­gence et de l’abandon des inté­rêts supé­rieurs de l’État au béné­fice de manœuvres poli­tiques de la métro­pole. La cause indé­pen­dan­tiste calé­do­nienne et ses alliés sau­ront pro­fi­ter de cet affai­blis­se­ment. La zone du Paci­fique est décla­rée dénu­cléa­ri­sée par les états du Paci­fique mais les essais nucléaires fran­çai

  • La France peut-elle retrouver sa souveraineté sans Frexit ?, par Henri TEMPLE (Co-fondateur et précédent Directeur du Ce

    OPINION. La nécessité de sortir de l’Union européenne pour retrouver l’autonomie de notre compétence fait l’objet de beaucoup de débats au sein du camp souverainiste. Si pour beaucoup, le Frexit est indispensable, l’auteur défend une autre stratégie, selon lui, davantage pertinente politiquement.

    5.jpgLa Souveraineté d'une nation, c'est sa Liberté et son indépendance politique, militaire, économique, et culturelle. Périclès avait trouvé il y a 2500 ans une formulation remarquable pour souligner l’importance de la Liberté : « Il n'est pas de bonheur sans Liberté, ni de Liberté sans courage. » Peut-être serait-il nécessaire, désormais, d'adapter au temps présent, cette belle formule : « Il n'est pas de bonheur ni d’efficacité sans Liberté, ni de Liberté sans courage et intelligence. »

    L'importance politique de la Liberté-Souveraineté est posée dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 à l’article 3 : « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. » Cette formule vise aussi bien la souveraineté internationale (l'indépendance) que la souveraineté interne (la république).

    Or, ce qui fut la Communauté économique européenne des origines (Traité de Rome, 25 mars 1957) a changé de nature, en outrepassant sa finalité initiale par deux traités.

    D'abord par celui de Maastricht (1992) adopté par un référendum au score tendu (pour : 51 % des exprimés, et 49,8 % des votants) et après beaucoup de graves mensonges matraqués contre le peuple. Jean-Pierre Chevènement, dans Le Bêtisier de Maastricht (1997), cite les bêtises, parfois méprisantes ou agressives, et les mensonges notamment prononcés par Jacques Delors, Michel Rocard, Jack Lang, Michel Sapin, Julien Dray, Élisabeth Badinter, Martine Aubry, Alain-Gérard Slama, Françoise Giroud, Bernard-Henri Lévy, Simone Veil, Valéry Giscard d’Estaing, Alain Madelin, Bernard Kouchner…).

    Ensuite par le traité de Lisbonne (2007) qui, lui, non seulement ne fut pas adopté par référendum mais par le Congrès qui n'hésita pas à violer en 2008 la volonté de rejet par la nation, démocratiquement et nettement exprimée par référendum en 2005 (Rejet par 55 % des Français du projet de traité établissant une « constitution » (sic) pour l'Europe). Et cela en dépit d'une campagne médiatique honteusement orientée. Ce véritable coup d'État anti républicain est de nature à rendre nul et non avenu l'ordre juridique illégitime qui résulte de ce traité deux fois scélérat. À la suite de ces traités et de quelques décisions de la Cour de justice de l'Union européenne, le peuple français a été dépouillé malgré lui des prérogatives attachées à sa souveraineté et, notamment, du droit : faire ses lois ; battre monnaie ; maîtriser, aux frontières nationales, ou aux frontières externes de l'Europe, les flux de circulation des marchandises, des capitaux, des services, des personnes ; décider de sa politique migratoire ; voter une politique budgétaire et fiscale propre et sociale ; mener une politique industrielle et environnementale dans l'intérêt national ; avoir pour ses services publics une politique nationale ; conduire une politique étrangère ou de coopération qui ne soit pas sous tutelle. Or les Français ont désormais compris que ces asservissements, ces carcans anti-démocratiques, sont la cause de leurs malheurs personnels et des sombres échéances qu'ils sentent venir.

    Paradoxalement, bien qu'ayant voté « non » au référendum de 2005, et qu'étant d'accord sur le fait que l'euro a eu des résultats négatifs sur leur sort personnel — sondage TNS Sofres, 26/12 2006 : l'euro, « une mauvaise chose » pour plus d'un Français sur deux ; une écrasante majorité (94%) estime que le passage à l'euro a eu pour conséquence « une aggravation de la hausse des prix » —, les Français sont effrayés à l'évocation d'un sortie de l'euro ou de l'UE. Selon certains, cela serait impossible et selon d'autres ce serait dangereux. Pourtant, les nations d'Europe sont de plus en plus sceptiques sur les résultats de « l'usine à gaz bruxelloise » et elles savent bien que Bruxelles n'est pas l'Europe, mais une dérive non démocratique et inefficace usurpant le nom d'Europe.

    Une étude récente analyse les causes et la puissance de la montée de l'euroscepticisme (L. Djikstra, H. Poelman, A. Rodriguez-Pose, Géographie du mécontentement et du mal-être dans l’UE, Telos, 2 mars 2020). D’après cette étude effectuée en 2018, les votes pour les partis modérément opposés à l’intégration européenne au sein de l’UE ont connu un véritable essor, passant de 15% en 2000 à 26% en 2018. Le vote pour les partis radicalement opposés à l’UE a, quant à lui, connu un bond de 8%, de 10 à 18% sur la même période. Ainsi se séparent deux Europe : celle où les partis eurosceptiques progressent (Autriche, Danemark, Hongrie, Italie, France et désormais Espagne et Allemagne), et celle de petits pays, d'adhésion récente, ayant eu une histoire difficile, qui veulent y croire encore (Chypre, Pays Baltes, Irlande, Malte, Roumanie). Les Britanniques (qui pourtant étaient ceux qui souffraient le moins des « émanations toxiques de l'usine à gaz »), en ont déduit une conséquence radicale : le Brexit, qui ne leur a d'ailleurs attiré aucun des cataclysmes annoncés par les pythies bruxelloises.

    Pour les pays qui restent — et notamment la France —, l'enjeu hautement crucial est de savoir si, en tous domaines, les principes constitutionnels des nations sont subalternes et soumis aux règles bruxelloises (directives ou règlements, et arrêts de la CJUE). En droit la question est connue comme étant celle de la hiérarchie des normes. Selon une jurisprudence constante de la Cour de Luxembourg (CJCE puis CJUE), la primauté du droit communautaire doit revêtir un caractère « absolu » et aucune règle de droit interne des nations européennes, même incluse dans la Constitution (considérée pourtant comme étant le sommet de la hiérarchie juridique interne), ne saurait faire obstacle à l'application des règles de droit communautaire (Arrêt CJCE Costa, 15 juillet 1964, ensuite explicité, notamment par la jurisprudence Internationale Handelsgesellschaft CJCE 17 décembre 1970, Aff. 11/70.). Ces solutions prétoriennes de la Cour européenne, qui impose la suprématie du droit communautaire sur le droit national même constitutionnel, ne se fondent que sur une idéologie de juges placés à cet effet dans cette juridiction, mais pas sur des fondements juridiques tirés des Traités. Elles sont donc illégitimes et la résistance à la méthode fédéraliste bruxelloise autoritaire, provoque des spasmes juridiques de plus en plus forts des Cours constitutionnelles de plusieurs pays européens (Autriche, Hongrie, Pologne, et en Italie l'arrêt Pozzani : Cour constitutionnelle italienne, 27 décembre 1973, n° 183/73). Toutefois le cas plus digne d'attention est celui de l'Allemagne. Déjà en 1974, dans un série d'arrêts « SoLange » (Laurence Burgorgue-Larsen, Les résistances des États de droit, De la Communauté de droit vers l'Union de droit, J. Rideau (dir.), Colloque de Nice d'avril 1999, Paris, LGDJ, 2000, pp. 423-458.) le Tribunal constitutionnel fédéral (situé à Karlsruhe) avait émis des réserves de constitutionnalité sur certains points essentiels de textes de l'UE, tant qu'ils n'étaient pas compatibles avec les garanties de protection des droits fondamentaux offertes par la constitution allemande. Le Tribunal se reconnaissait en conséquence compétent pour contrôler la conformité des normes de droit communautaire avec la constitution fédérale.

    Or, voici que la Cour constitutionnelle allemande vient en 2020 rappeler sa résistance et de réitérer sa position (Arrêt du 05 mai 2020 ; Bundesverfassungsgericht [BVerfG], 5 mai 2020, 2 BvR 859/15, 2 BvR 1651/15, 2 BvR 2006/15, 2 BvR 980/16. Sur un sujet économique ultra sensible, la BVerfG a exigé que la Banque centrale européenne [BCE] justifie son programme d’achat d’actifs du secteur public sur les marchés secondaires, dit « PSPP » [Public Sector Purchase Programme] lancé en mars 2015. Elle a considéré que la BCE n’avait pas expliqué pourquoi la politique qu’elle menait était « proportionnelle » aux dangers économiques auxquels la zone euro était confrontée à l’époque. C’est la première fois que l’Allemagne refuse d’appliquer une décision de la Cour de justice de l’Union européenne, laquelle avait validé en 2018 le programme PSPP de la BCE à l’occasion d’une question préjudicielle — Jean Claude Zarka, L’arrêt du 5 mai 2020 de la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne…, in extenso, 03/07/2020 : « La Banque de Francfort (BCE) est sommée de justifier le bien-fondé de ses rachats de dette publique menés depuis 2015, qui, selon le BVerfG, ont eu des effets négatifs sur des pans entiers de l’économie —.

    La Commission Von der Leyen s’est sentie tenue d’enclencher (le 9 juin 2021) une action judiciaire en manquement contre l’Allemagne (Cécile Boutelet et Virginie Malingre, La Commission européenne accuse l’Allemagne de prendre le risque d’une « Europe à la carte », Le Monde 15 juin 2021 ; Anne-Marie Le Pourhiet et Jean-Eric Schoettl, Démocratie contre supranationalité : la guerre des juges aura bien lieu, Revue politique et parlementaire, 1er juillet 2021). Tant il est vrai qu’une seule maille rongée emporterait tout l’ouvrage comme l’assure La Fontaine.

    Le prochain et nouveau gouvernement français devra dès mai 2022 (dans neuf mois) mettre à profit son état de grâce pour annoncer son intention de consulter, par référendum, la Nation sur les réformes profondes de nature à enrayer le déclin rapide du pays, et donc de prévenir de graves troubles. Mais le référendum essentiel, s’il ne devait y en avoir qu’un seul, serait celui qui trancherait cette question de la « hiérarchie des normes » et permettrait ainsi à la Nation de reprendre sa Liberté dans les domaines les plus importants, consubstantiels de sa Souveraineté. Ce référendum (en octobre 2022 ?) devrait proposer au Peuple français une profonde réforme de la Constitution pour qu’il retrouve sa dignité et sa liberté républicaines. Ainsi les plus graves des atteintes à la souveraineté de la République seraient abrogées à jamais, et l’Union européenne sauvée d’elle-même.

    Le contenu possible du texte référendaire pourrait être :

    Un rappel fondamental du Préambule constitutionnel (déjà existant) : « Le Peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004. »

    La conséquence oubliée de ce préambule dans la question essentielle : « Voulez vous que, pour restituer sa pleine souveraineté à la République et à la France, soient introduits ou ajoutés dans la Constitution les principes suivants ? »(les ajouts et modifications sont en gras)  :

    Article 3 : La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum, selon les règles des articles 11, 53, 54, 55 bis, 88-1, 89. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. Quiconque, français ou étranger, tenterait de porter, ou porterait atteinte aux principes du préambule et du présent article se rendrait coupable de crime contre la Nation, trahison, ou autres crimes d'atteinte à la sécurité nationale. — notons que le code pénal évoque la trahison (art. 411-1 et s.) et le complot (art. 412-1 et s.). Le Code de justice militaire n'évoque pas expressément la haute trahison mais les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation en temps de guerre (art. 476-1 et s.) ce qui renvoie aux infractions du code pénal. Faudrait-il étendre ces incriminations, notamment la trahison, au temps de paix ?

    Article 53 : Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi. Ils ne prennent effet qu'après avoir été ratifiés ou approuvés. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable sans le consentement des populations intéressées.

    Lorsqu'un traité n'est pas applicable sans une modification ou une atteinte à la Constitution ou à ses principes fondamentaux, un référendum est organisé. Tout manquement à cette règle entraîne la nullité de plein droit de la ratification et de l'application de ce traité, la mise en cause pénale du chef de l'état, des membres du gouvernement, pour forfaiture ou haute trahison ainsi, s'il y a lieu, des juges, co-auteurs ou complices de cette forfaiture ou haute trahison.

    Article 54 : Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés et sénateurs (au lieu de soixante députés ou soixante sénateurs), a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution. Cette révision ne peut être adoptée que par référendum.

    Article 55 : Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. La constitution est la loi suprême du peuple français. Aucune règle même internationale ou européenne ne peut s'imposer à la constitution du peuple français.

    Tout manquement à cette règle entraîne la nullité ou l'inexistence de plein droit de tout acte contraire, la mise en cause pénale du chef de l'état, des membres du gouvernement, ainsi que toute autorité institutionnelle, y compris judiciaire, ou étrangère, pour forfaiture, haute trahison, ou atteinte à la souveraineté nationale.

    Article 55 bis : Les règles concernant l'immigration, la nationalité, sont établies par référendum, ont valeur constitutionnelle et ne peuvent être modifiées que par référendum. »

    Article 88-1 : La République participe à l'Union européenne constituée d’États « souverains » qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent des seuls traités ratifiés par référendum (à la place du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007).

    Voilà comment pensons-nous — comme d'ailleurs d'autres juristes — la meilleure façon de rétablir l’essentiel de la souveraineté internationale de la France, sa libération du carcan bruxellois sur les sujets majeurs, sans pour autant tenter l'aventure du Frexit qui serait fatale à la belle idée européenne.

    Il resterait à régler néanmoins deux autres questions de souveraineté : celle de la souveraineté interne du Peuple français, qui pourrait résulter d'une systématisation de référendum obligatoires sur les sujets majeurs, ainsi que de l'élargissement des référendums d’initiative, ainsi que celles, épineuses, de la dette et de l'euro. Nous y reviendrons prochainement.

    Source : https://frontpopulaire.fr/