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Bioéthique : La France confrontée à une culture de mort (8), par François Schwerer

Le sénat va connaître dans les jours à venir le projet de loi de bioéthique. Notre ami François Schwerer nous a adressé - avec un message de sympathie - l'ensemble des textes qu'il été amené à écrire sur cette question.

Cet ensemble constitue une véritable somme, aussi bien par son importance que par son intérêt.

Nous en avons commencé la publication le vendredi 10 janvier, et nous la poursuivrons du lundi au vendredi inclus, comme nous l'avons fait, par exemple, pour l'étude de Pierre Debray, Une politique pour l'an 2000.

Et, pour suivre et retrouver ces textes plus commodément, nous regrouperons la totalité de cette étude, vu son importance, dans une nouvelle Catégorie : François Schwerer - Bioéthique : culture de mort : vous pourrez donc retrouver donc l'ensemble de cette chronique en cliquant sur le lien suivant :

François Schwerer - Bioéthique : culture de mort...

Voici le plan de l'étude (hors Annexes et textes divers, qui viendront ensuite); nous le redonnons chaque jour, afin que le lecteur puisse correctement "situer" sa lecture dans cet ensemble :

 

  1. Les étapes de la décadence
  • Un processus téléologique

1/. « Qui n’avance pas recule »

2/. De la pilule à la GPA : l’asservissement des femmes

3/. La révolte des femmes et les mouvements féministes

4/. Le transhumanisme, stade ultime de la destruction

  • La stratégie progressiste

1/. La campagne médiatique préalable

2/. La modification de la loi

3/. Le recours à une novlangue

4/. Le discrédit de l’adversaire

5/. La politique des petits pas

6/. Le viol de la conscience des enfants

  1. « Pour une nouvelle croisade »

A - Une faible résistance

1/. Des hommes politiques sans conviction

2/. Des manifestations apparemment inefficaces

3/. Un refus de mettre en danger son propre confort

4/. Un faux respect de l’apparente liberté d’autrui

5/. Si le Seigneur ne bâtit pas, c’est en vain que s’agitent les bâtisseurs

B – Un combat dont l’enjeu dépasse le fonctionnement de la vie sociale

1/. Il est plus facile de descendre une pente que de la remonter

2/. Un combat ayant une dimension eschatologique

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Schwerer.jpg3/. Le recours à une novlangue

 

La terminologie aussi est adaptée pour masquer les réalités. Il y a deux façons de procéder qui ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Soit on commence par déformer le sens d’un mot pour le connoter de façon négative avant d’en affubler constamment l’adversaire à abattre, sans avoir le moindre souci de discuter le bien-fondé de sa position, soit on applique à une réalité un mot qui n’a rien à voir mais qui permet de nier la chose qu’il représente. Dans la première catégorie on trouve le mot « phobie », dans le second « interruption » ou, depuis peu, « traitement ».

Le mot phobie signifiait, jusqu’à ce que les médias l’utilisent pour stigmatiser celui qui n’adhère pas à la pensée unique, une peur confinant à la panique. Comme, en grec, homo signifie semblable, l’homophobie (1) n’est que la peur panique de son semblable. On en a fait la haine de l’homosexuel. De plus, le mot phobie renvoie à un univers médical. Dès lors le « phobe » doit être soigné et non pas convaincu, soigné et non pas raisonné, soigné au point d’être écarté, mis au ban de la société, à cause du danger de contagion qu’il présente. Si le « phobe » persiste alors il devient criminel et doit être traité comme tel. A quelque stade qu’en soit sa phobie, le « phobe » doit donc être isolé. C’est le pestiféré des temps modernes. Autrefois le pestiféré était mis au ban de la société, aujourd’hui le « phobe » est exclu du monde virtuel et des « réseaux sociaux » par la loi Avia.

L’islamophobe est une personne qui, jusqu’à ces dernières années, avait peur de l’islam ; aujourd’hui c’est quelqu’un qui est réputé avoir la haine des islamistes. Notons, au passage, l’usage abusif du concept de haine qui permet de discréditer l’adversaire et de ne pas discuter ses raisons.

Jusqu’à un passé récent, le mot traitement était réservé, en médecine, pour désigner une technique particulière de lutte contre la maladie ; avec la loi Leonetti-Cleys, le mot recouvre aussi tout ce qui relève des soins les plus élémentaires, c’est-à-dire de tout ce qui conduit à se soucier de l’autre. En transformant le soin en traitement, on évacue la dimension de solidarité entre les personnes pour ne plus considérer que de la technique individuelle. Si c’est l’autre qui est la raison première des soins du prochain, c’est le technicien qui est seul responsable du traitement qu’il applique. Le soin, par nature, résulte de la relation désintéressée ; le traitement n’est qu’une technique marchandable. Le bon Samaritain de l’Evangile n’a pas administré un traitement à l’homme tombé entre les mains des brigands, il en a pris soin.

Dans cette novlangue, comme disait Orwell, un avortement est rebaptisé – si l’on peut dire – interruption volontaire de grossesse. Le mot avortement, en effet, signifiant ne pas naître, renvoie inexorablement à une autre personne. En utilisant l’expression « interruption volontaire de grossesse », on supprime la référence à un autre d’une part et on présente l’opération comme étant un acte qui ne concerne que la femme seule et son apparence physique individuelle considérée à un moment donné d’autre part. En effet, une interruption n’est pas, en soi, un acte aux conséquences définitives puisque ce n’est qu’une suspension d’activité, une discontinuation. C’est aussi un trouble dans la jouissance d’un droit. Selon les canons de la mode, l’apparence physique de la femme n’est pas valorisée par la grossesse surtout lorsqu’elle veut se mettre en maillot de bain sur une plage ! Et l’expression elle-même coupe tout lien avec la vie en soi, niant d’autre part qu’il puisse avoir des conséquences ultérieures. Affaire exclusive de la femme en état de grossesse passagère, la porte était ouverte, dès l’origine à ce qui deviendra en 2017, au détour d’un amendement déposé en catimini au Parlement, le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse. Et comme l’expression était encore trop connotée par un usage antérieur, on ne désigne plus l’opération que par le sigle IVG. Cela devient donc un acte médical banal à traiter et rembourser au même titre que l’AVC.

Le mot « mariage » à son tour a été dénaturé. Mais comme il conservait encore dans l’esprit des personnes une connotation positive et qu’il fallait dans un premier temps le préserver, on a procédé en deux étapes. Dans un premier temps on a créé pour les homosexuels un pacte civil de solidarité ou PACS qui ouvrait aux personnes de même sexe la possibilité de faire reconnaître par la société civile leur union avec les conséquences de droit qui en découlait. Puis, comme l’expression choisie et son sigle n’ont jamais été présentés comme portant la même valeur que le mot mariage, on a dénaturé le sens de celui-ci en l’affublant d’un qualificatif : « pour tous ». Comme si, auparavant certaines catégories de personnes n’avaient pas le droit de se marier ! Comme s’il fallait donc donner un nouveau droit à certaines personnes qui en auraient été privées ! En fait, le nouveau droit qu’on leur a donné a été celui de dénaturer complètement le sens du mot mariage.

On a donc non seulement changé le sens du mot, mais aussi sa fin ultime. Le mariage n’est plus l’union complémentaire d’un homme et d’une femme qui fondent une famille stable – et perpétuent l’espèce –, il est devenu la reconnaissance par la société que deux individus s’aiment, à un instant donné. Le mariage n’emporte plus ni complémentarité ni stabilité. Aujourd’hui les deux individus qui se marient sont encore deux humains (qui peuvent déjà être du même sexe), mais demain il n’y aura aucune raison de ne pas accorder ce droit à des individus quel que soit leur âge, ou à deux mammifères d’espèces différentes (2) (au nom de quoi continuera-t-on à les discriminer ?), à deux hommes (ou femmes) « augmenté.e.s », à deux androïdes, etc.

L’insémination artificielle d’une femme, avec « donneur » anonyme est appelée procréation médicalement assistée et dès avant sa banalisation n’est connue que par son sigle PMA, ce qui en fait, de facto, un acte médical au même titre que, demain, la GPA, cette gestation pour autrui qui, d’un point de vue économique, ne sera qu’une simple « location d’utérus ». Pas question de nommer la GPA « maternité par substitution », qui marquerait trop nettement qu’une mère est impliquée dans le processus. La femme, qui était déjà réduite au rang de simple objet de jouissance pourra donc aussi être considérée par d’autres comme un objet « utile », au même titre que le bidet, comme le voulaient déjà les philosophes dits des Lumières, à la suite de Diderot. Ainsi de suite.

Les actes qui répondent à ces désirs d’un moment – caprices – à satisfaire toute affaire cessante, sont déclarés des actes médicaux ce qui permet d’en imposer le remboursement (3) rendant ainsi la totalité de la population complice de cette dérive. De banalisation en banalisation, ce qui est légal finit par être perçu comme moral. La moralité ne découle donc plus de la philosophie communément acceptée par l’ensemble de la société mais de la légalité imposée à cette société par la majorité relative du moment. Plus grave encore : insidieusement, les citoyens sont transformés en co-auteurs de ces actes de mort et de destruction de civilisation.

Avec l’affaire Vincent Lambert, l’homme a ontologiquement perdu sa dignité (4) puisque désormais ce qui fait sa grandeur, ce qui fait qu’il est digne d’estime, ce n’est plus le fait qu’il soit un homme mais le regard que les autres portent sur lui. Il n’est plus un être éminent par lui-même ; il est perçu comme étant digne de vivre ou non en fonction des arrière-pensées des uns et des autres, arrière-pensées essentiellement dictée par une peur égoïste de souffrir. Là encore, on a fait d’une pierre deux coups. Car l’on n’a pas simplement dénaturée la notion de dignité humaine on a aussi préparé une étape suivante en amalgamant, dans l’esprit du public, l’état végétatif d’un « légume » avec un état pauci-relationnel (5).

Quelle sera la prochaine avancée ? A quoi, cherche-t-on aujourd’hui à préparer nos esprits ? Certains « médecins » ou plus exactement manipulateurs génétiques, déclarent avoir réussi à « faire » un bébé à partir de trois parents. Dans un pays de l’Europe du Nord une jeune femme a déclaré avoir épousé son chien.

 

(1) : Le 14 octobre 2019, alors que l’Assemblée nationale s’apprêtait à voter l’extension de la PMA, Marie-Agnès Verdier faisait, sur le site de Boulevard Voltaire, le constat suivant. « Les députés ont rejeté, le 9 septembre, la reconnaissance des enfants nés par GPA à l’étranger. Ne soyons pas dupes, toutefois, de la politique des petits pas de la jurisprudence. Dans son discours solennel à la Cour européenne des droits de l’homme, en 2015, le président Dean Spielmann affirmait que « la CEDH impos[ait] à l’Europe, progressivement, la GPA, selon un rythme voulu par la Cour : celui, polyrythmique, de la Danse sacrale de Stravinski ». Avec la reconnaissance, dernièrement, par la Cour de cassation, d’une GPA d’enfants nés à l’étranger, se réalise la prophétie « de réduire à néant non seulement la faculté pour les États d’interdire la GPA mais la légitimité d’un tel choix législatif ».

Deux pas en avant, un pas en arrière. On lance la GPA, on se rétracte. La GPA est la « ligne rouge infranchissable » mais on n’a pas le droit de « punir les enfants ». On réaffirme la « doctrine » de ne pas « retranscrire automatiquement » les naissances d’enfants nés à l’étranger. On rappelle à l’envi l’hostilité du Président à la GPA. L’important est que la victoire des époux Menesson « du droit sur la morale » soit « emblématique ». Qu’elle « fasse jurisprudence ». Ainsi s’installe la casuistique dans les cours de justice. Madame le garde des Sceaux va veiller à l’harmonisation des cours. Pourquoi la circulaire Taubira du 25 janvier 2013 ne suffisait-elle pas ? Parce qu’une circulaire n’est pas une loi. On voit venir la chose : pas forcément facile. Mais les nouveaux jésuites, au toupet d’hermine, ont, pour leurs semblables, une charité de Samaritains… »

(2) : L’homophobie est un mot qui a été forgé pour discréditer ceux qui n’acceptent pas le concept de « non-discrimination sexuelle ». Mais ce concept de non-discrimination sexuelle est lui-même constitutif d’un non-sens puisqu’il est formé à partir de mots qui signifient l’interdiction de séparer ce qui est séparé par nature.

(3) : La commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) a considéré en 2019 que l’homéopathie ne doit plus être remboursée car son efficacité n’est pas prouvée. Pour autant, le gouvernement persiste à annoncer le remboursement à 100 % de la Procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes et les femmes seules, si elle était adoptée à l’occasion de la révision de la loi de bioéthique. Elles seraient alors exonérées du ticket modérateur comme si leur « opération » était rendue nécessaire par une maladie grave menaçant jusqu’à leur vie même. Pour pouvoir continuer à financer à 100 % ces œuvres de mort, le gouvernement a déjà sorti en 2011 de la liste des maladies graves ou « affection de longue durée » l’hypertension artérielle sévère puis décidé en 2018 de sortir de la liste des médicaments « irremplaçables » ceux destinés à lutter contre la maladie d’Alzheimer.

(4) : Monseigneur d’Ornellas s’est interrogé : « Comment trouver un autre mot [que dignité] pour exprimer ce qu’il faut bien appeler un « mystère » ? Comme signifier que personne ne peut mettre la main sur un être humain, que ce dernier ne peut jamais être considéré comme un simple moyen mais toujours comme une fin, qu’il surgit dans l’existence d’une façon gratuite comme un don qui nous est effectivement donné et que nous avons à recevoir gratuitement, comme une promesse avec ses talents et sa liberté qui peuvent enrichir le « nous » qui nous rassemble, comme un être unique qui n’a jamais existé auparavant et qui ne ressemble à aucun autre. Dans le fond, employer le mot « dignité », c’est affirmer cette unicité absolue de chaque être humain qui, en définitive, ressemble à tous les autres par cette caractéristique particulière : chacun est unique, donné gratuitement à tous les autres » (« Bioéthique », Balland, 2019, p. 104).

(5) : Selon le dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey, le préfixe pauci « est un élément servant à former quelques termes d’histoire naturelle, tiré du latin pauci « un petit nombre », par exemple dans PAUCI-FLORE adj. [1795] qui ne porte que peu de fleurs ». « Pauci-relationnel » signifie donc : qui a peu de rapports réciproques » et non pas, comme on le laisse entendre quand on parle de « légume », avec qui on ne peut pas entrer en rapport. Et, comme « petit nombre » est une notion subjective d’une part et que le terme relation peut servir à couvrir de nombreux types différents de rapports, gageons que demain on saura utiliser l’expression dans le sens qui servira à faire « avancer » les esprits.

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