Il y a treize jours, dans l’année, pendant lesquels il ne s’est pas passé grand-chose, ou bien pour lesquels les rares événements de ces journées ont été traités à une autre occasion (et plusieurs fois pour certains), à d'autres dates, sous une autre "entrée".
Nous en profiterons donc, dans notre évocation politico/historico/culturelle de notre Histoire, de nos Racines, pour donner un tour plus civilisationnel à notre balade dans le temps; et nous évoquerons, ces jours-là, des faits plus généraux, qui ne se sont pas produits sur un seul jour (comme une naissance ou une bataille) mais qui recouvrent une période plus longue.
Ces jours creux seront donc prétexte à autant d'Evocations :
• 1. Essai de bilan des Capétiens, par Michel Mourre (2 février)
• 2. Splendeur et décadence : Les diamants de la Couronne... Ou : comment la Troisième République naissante, par haine du passé national, juste après avoir fait démolir les Tuileries (1883) dispersa les Joyaux de la Couronne (1887), amputant ainsi volontairement la France de deux pans majeurs de son Histoire (12 février)
• 3. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. I : La cathédrale de Reims et la cérémonie du sacre du roi de France (15 février)
• 4. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. II : La basilique de Saint-Denis, nécropole royale (19 février)
• 5. Quand Le Nôtre envoyait à la France et au monde le message grandiose du Jardin à la Française (13 mars)
• 6. Quand Massalia, la plus ancienne ville de France, rayonnait sur toute la Gaule et, préparant la voie à Rome, inventait avec les Celtes, les bases de ce qui deviendrait, un jour, la France (11 avril)
• 7. Quand Louis XIV a fait de Versailles un triple poème : humaniste, politique et chrétien (28 avril)
• 8. Les Chambiges, père et fils (Martin et Pierre), constructeurs de cathédrales, élèvent à Beauvais (cathédrale Saint-Pierre) le choeur ogival le plus haut du monde : 46 mètres 77 ! (4 mai)
• 9. Quand la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais a reçu, au XIIIème siècle, son extraordinaire vitrail du Miracle de Théophile (28 mai)
• 10. Quand Chenonceau, le Château des Dames, à reçu la visite de Louis XIV, âgé de douze ans, le 14 Juillet 1650 (26 juillet)
• 11. Le Mont Saint Michel (11 août)
• 12. Quand François premier a lancé le chantier de Chambord (29 septembre)
• 13. Quand Léonard de Vinci s'est installé au Clos Lucé (27 octobre)
Aujourd'hui : Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale.
II : La basilique de Saint-Denis, nécropole royale (précédent : Reims, la cathédrale du Sacre, Éphéméride du 15 février)
Pour en savoir plus :
• notre album (49 photos) : La Basilique de Saint Denis, nécropole royale.
I : Des origines... au génial Suger
Comme on s'en rendra vite compte, les quatre liens suivants, traitant du même édifice, se recoupent forcément, en partie; ils ont pourtant chacun leur originalité, et chacun apporte un quelque chose que les autres n'ont pas... :
• http://www.tourisme93.com/basilique/abbaye-saint-denis.html
• http://architecture.relig.free.fr/denis.htm
•http://www.saint-denis.culture.fr/fr/index.html
• http://www.tourisme93.com/document.php?pagendx=73
Martyrium, Abbaye royale, Nécropole royale... : l'histoire de Saint-Denis commence vers 250, avec le martyre, précisément, de Saint Denis, l'évangélisateur et premier Évêque de Lutèce.
Décapité à Montmartre, il aurait pris sa tête dans ses mains et se serait rendu dans la cité romaine de Catulliacus, au nord de Lutèce, où il aurait été enterré (voir l'Éphéméride du 9 octobre).
Vers 475, sainte Geneviève fait édifier une première église, but d'un pèlerinage immédiatement très populaire, dont Dagobert, en 630, se fait le protecteur, transformant cette simple église en une abbaye royale, où il installe des moines bénédictins.
Il est le premier souverain à s'y faire enterrer.
Pépin le Bref s'y fait sacrer roi par le pape en 754 : il est le premier roi sacré de l'histoire de France (voir l'Éphéméride du 27 juillet) et c'est lui qui aménage, sous le choeur, le martyrium où l'on vient vénérer les reliques de saint Denis et de ses compagnons, Éleuthère et Rustique. Plusieurs Carolingiens s'y font enterrer.
Devenu roi, Hugues Capet, dans la volonté affichée de prendre la suite de la dynastie carolingienne, s'y fait inhumer, et l'abbaye devient ainsi officiellement la nécropole royale.
Tous les rois de France y furent enterrés, sauf cinq :
• Philippe 1er, inhumé en 1108 au monastère de Saint-Benoît-sur-Loire.
• Louis VII, inhumé en 1180 à l’abbaye royale Saint-Port de Barbeau près de Fontainebleau. En 1817, Louis XVIII fit transférer ses restes à Saint-Denis.
• Louis XI, inhumé à Notre-Dame de Cléry, près d'Orléans.
• Charles X, inhumé à Kostanjevica (Nova Gorica) en Slovénie.
• Louis-Philippe, inhumé à Dreux.
Le rayonnement, l'importance et l'influence de la l'abbaye devinrent considérables : ainsi, par exemple, elle créa en 1109 la Foire du Lendit : 1.200 loges de bois y accueillaient les marchands, venus de toute l'Europe .
Cette foire gardera toute son importance pendant six siècles (l'Université de Paris y venait, en corps, pour y acheter du parchemin...) jusqu'à ce que la Révolution la supprimât, en 1793.
Elle durait deux semaines (du 11 juin, jour de la Saint-Barnabé, jusqu'au 24 juin, jour de la Saint-Jean : voir l'Éphéméride du 9 juin).
II : Suger, qui a "fait" Saint Denis...
(Pour de plus amples informations sur Suger, voir l'Éphéméride du 13 janvier, jour de sa mort...)
Cependant, l'homme qui va marquer Saint-Denis - et l'histoire de l'Art - est l'abbé Suger, moine et homme d'état, aux dons exceptionnels, dans un grand nombre de domaine.
Né pauvre, Suger (1081-1151) intègre l'abbaye vers les dix ans; il prend vite une grande influence sur le futur Louis VI : c’est lorsque le prince accède au trône que la carrière de Suger prend une dimension autant religieuse que politique : il devient Conseiller du roi, et, après lui, de son successeur Louis VII, dont il a préparé le mariage avec Aliénor d'Aquitaine
C’est à lui que le roi confie la régence du royaume, lorsqu’il part en croisade en 1146 : Louis VII devait l'appeler "Père de la Patrie".....
Devenu Ambassadeur à Rome, il est élu Abbé de Saint-Denis en 1122. À partir de 1130, il fait reconstruire la basilique et impose des verrières qui donnent aux fidèles l’image de Dieu par la présence de la lumière : mais ceci demande quelques explications...
En réalité, Suger est l'homme qui, à Saint Denis et en construisant Saint Denis, a inventé l'Art ogival, ou Art français, dont Saint Denis est, précisément, à la fois le manifeste, le premier exemple, la première réalisation...
Les cathédrales qui viendront par la suite seront appelées dédaigneusement, à partir de la Renaissance, "gothiques", c'est-à-dire barbares, ce qui est surprenant de la part d'hommes aussi raffinés et cultivés que les humanistes de la Renaissance. Mais, dans leur amour bien compréhensible pour l'Antiquité, pour sa Sagesse, pour ses trésors, ils en étaient venus - d'une façon certainement un peu excessive...- à tenir pour rien l'âge intermédiaire qui s'était écoulé entre l'Empire romain et sa chute, et leur époque (en gros, 1500), à partir de laquelle on redécouvrait l'Antiquité.
D'où le double contresens de Moyen-Âge et de gothique, pour une époque de mille ans qui fut tout sauf infertile : sa fécondité s'étendit au contraire à tous les domaines de l'Art et de la pensée, mais c'est ainsi, aujourd'hui, l'habitude est prise, et l'on parle de "Moyen-Âge" et de cathédrales "gothiques"...
Ces précisons étant données, qu'est-elle donc, cette influence, cette action de Suger ? Et en quoi a-t-elle marquée non seulement leur époque mais aussi l'histoire de l'Art. Tout simplement, si l'on peut dire, Suger a illustré à sa façon l'image de l'oeuf de Colomb : et il l'a fait en trouvant, enfin, la façon de tirer toutes ses possibilités d'une technique de construction banale - la croisée d'ogives - que l'on connaissait depuis des siècles (les Romains la pratiquaient déjà...).
Mais les possibilités immenses qu'offraient la croisée d'ogives étaient impossibles à exploiter vraiment tant qu'on en restait au fonctionnement par muralité ou par mur porteur.
Dans ce type de schéma, c'est le mur qui supporte la totalité du poids des parties supérieures : charpentes, toits, tours etc...: les murs doivent donc être très épais, ne pas être percés de trop larges fenêtres, et ne pas monter trop haut; d'où l'ambiance intimiste, au demeurant fort belle et fort propre à la prière, des églises romanes...
Avec le nouveau style, et Suger, tout va changer : on va passer du mur porteur au pilier porteur, en faisant se croiser les ogives, comme depuis toujours, mais surtout et essentiellement en faisant reporter maintenant au maximum la poussée des parties supérieures sur des piliers énormes, qui vont soulager les murs.
Ceux-ci pourront, du coup, non seulement monter beaucoup plus haut mais, surtout, être percés de larges baies. Et la lumière pourra entrer à flot dans l'édifice, créant ainsi une ambiance radicalement différente de celle de l'Art roman : la cathédrale d'Amiens, littéralement baignée de lumière; ou bien la Sainte Chapelle, où les murs ont quasiment disparus dans la Chapelle haute le montrent assez...
Suger pourra ainsi, à partir de la pierre, exprimer une véritable théologie de la lumière : la lumière, menant vers "la" Lumière...
On a presque tout dit de Suger et sur Suger - en tout cas on a cerné l'essentiel de son être profond... - lorsqu'on a rappelé sa célèbre et magnifique devise De materialibus ad immaterialia...
Toute la vie, toute l'oeuvre de Suger tient en cela en effet : amener les hommes, par des choses matérielles et sensibles, vers les choses supérieures et immatérielles.
Le 11 Juin 1144, sera une date mémorable, et un triomphe personnel pour l'abbé Suger, qui en présence du Roi Louis VII, inaugure le nouveau chevet lumineux de l'Abbaye (voir l'Éphéméride du 11 juin).
Mais, pour en arriver là, il a fallu "3 ans, 3 mois et 3 jours" à cet homme qui "petit de corps et de famille, poussé par sa double petitesse, refusa dans sa petitesse d'être petit" (selon son épitaphe) !
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