Feuilleton : "Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu"... : Léon Daudet ! (78)
(retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)
Aujourd'hui : Les sièges du mouvement : 3, rue Chaussée d'Antin...
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ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...
1. De "Paris vécu", rive droite, pages 114/114/115 :
"...Par contre, je garde un bon souvenir au coin de la rue de la Chaussée d'Antin et du boulevard. Au 3 de cette voie sympathique, qui aboutit à la Trinité, se trouve le premier local habité tout en haut (deux étages) par l'Action française à ses débuts (21 mars 1908).
Nous avions exactement 287.000 francs entièrement versés, dont 100.000 par ma jeune femme. Mais nous étions riches d'entrain de bonne volonté, de décision, et d'une amitié réciproque qui ne s'est jamais démentie.
Henri Vaugeois était le directeur, plus exactement l'animateur; j'étais le rédacteur en chef, et assidu à ma besogne.
Mais c'était Maurras qui menait tout, voyait tout, travaillant dix-huit heures par jour, distribuant à chacun sa besogne, s'efforçant de secouer la pâte molle d'une opinion endormie, abrutie, avachie, claquée, gisante.
Boisfleury était secrétaire de la rédaction. Bainville faisait la Chambre. Vesins administrait. Léon de Montesquiou donnait, sur tout, d'excellents conseils, ainsi que notre cher Lucien Moreau, que j'appelais "le grand rectificateur".
Jamais hommes ne furent plus étroitement liés, plus complètement désintéressés de tout ce qui n'était pas le succès de leur entreprise. Tantae molis erat...
(ndlr : citation tirée de l'histoire des derniers Troyens fuyant leur cité détruite, pour aller fonder Rome : "Tantae molis erat romanam condere gentem", Tant il était difficile de fonder l'empire romain !").
Aucun confrère ne vint à notre aide. Tous firent la conspiration du silence. C'était mieux ainsi; ne devant rien à personne, nous avions notre franc parler.
Jules Lemaître, qui s'était joint courageusement à nous, en dépit d'objurgations imbéciles de plusieurs de ses amis, nous disait : "Nous crions dans une cave."
Cela dura dix-huit mois, au bout desquels le vent vint dans nos voiles, puis souffla de plus en plus fort.
Il y avait, dans cette vieille maison, un antique ascenseur, de type désuet et ficelard, qui bientôt plia sous le poids des Camelots du Roi.
Un peu interloqués d'abord, nos bons concierges prirent l'habitude de ces déambulations perpendiculaires.
Quand nous quittâmes l'immeuble pour le 17 rue Caumartin, à la veille de la guerre, trois cent personnes environ, chaque jour, se servaient de cette vieille caisse d'ascenseur à cordes laquelle, fidèle serviteur, ne rompit pas une seule fois.
Nos jeunes gens, Maxime del Sarte, Plateau, Lucien Lacour en tête, s'empilaient dans deux pièces, de telle sorte qu'il n'y avait plus la place d'une aiguille.
Cela désolait notre collaborateur Leroy-Fournier, venu de "La Libre Parole", organe mort à côté du nôtre en ce qu'il n'était appuyé d'aucune action..."
2. De "Vers le Roi", pages 33/34 :
"...Nous nous occupâmes aussitôt d'un local. Partagés en deux équipes, ou réunissant nos compétences, nous parcourûmes les boulevards et les rues adjacentes, Moreau, Delebecque, Boisfleury, Vaugeois, Vesins et moi.
Après avoir monté un grand nombre d'étages, et arpenté bien des enfilades de pièces vides et sans rideaux...nous découvrîmes enfin, 3 rue de la Chaussée-d'Antin, à côté du théâtre du Vaudeville, deux appartements libres au quatrième et au cinquième, sans communication intérieure.
Chacun d'eux se composait d'une demi-douzaine de chambres et salons, qui suffiraient à peu près à nos modestes services.
Au quatrième, l'administration avec Vesins.
Au cinquième, la rédaction, avec un cabinet pour Maurras, un pour Boisfleury, un pour Vaugeois, Bainville et Daudet.
Il y a ainsi douze ans que nous passons trois heures par jour, le maître de la politique étrangère et moi, assis en face l'un de l'autre, nous communiquant nos impressions sur des évènements d'une certaine importance, on en conviendra, et cela (bien que nous soyons de tempérament différents), sans nous manger le nez ni le moindre cartilage...
...Notre imprimerie se trouvait 19 rue du Croissant, dans la rue Montmartre..."
Lors de la terrible inondation de janvier/févrie 1910, c'est dans ce local, 3 rue Chaussée d'Antin, que se retrouvaient "les Camelots du roi sauveteurs", pour partir "au secours des sinistrés" (les deux expressions sont de Maurice Pujo)...
Retrouvez les vingt "Grandes "Une" de L'Action française" qui évoquent cette page glorieuse de notre mouvement...