UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : qu'est-ce que le Système

  • Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray (20)

    lfar bleu.jpgNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000. 

    Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener.

    Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFAR

    Le Collège de France

     

     

    2235704335.jpg2ème partie : Une révolution copernicienne 

    UNE MACHINE à FABRIQUER DES CHÔMEURS

    Il existe néanmoins un ministère plus nuisible encore que celui de la culture. L'Education Nationale fournit aux pédagogues et aux réformateurs un superbe instrument de décervelage. Un pays qui manque d'enseignants trouverait là du beau monde, dont il est permis d'espérer qu'au contact du réel il récupèrerait les quelques grains d'ellébore nécessaires à son bon sens. Le ministère de l'éducation nationale fabrique des illettrés à la chaîne. Un sur quatre des élèves qui entrent en sixième ne maîtrise pas la lecture. Selon la nomenclature officielle, ce n'est pas un lecteur mais un déchiffreur. Il ânonne. Plus grave peut-être un étudiant en lettres sur deux, un étudiant en droit sur trois n'a aucun débouché. Des diplômés se présentent à des concours dont le niveau intellectuel est celui d'un élève de troisième. Des médecins s'inscrivent au chômage. Ce prodigieux gaspillage coûte cher en stages de formation qui, trop souvent ne mènent à rien. Un pays dont l'école, chaque année « produit » cent mille jeunes qui, non seulement ne possèdent aucune qualification mais ont pris le dégoût du travail, se condamne au déclin.

    Le collège de France, consulté par M. Mitterrand, a défini la première, la principale priorité de toute réforme de l'enseignement. Il faut « défonctionnariser » le métier d'enseignant. Déjà Condorcet, à la veille de la Révolution mettait en garde contre le danger d'une « corporation » universitaire, que François 1er, précisément, par la création du collège de France, avait tenté de réduire. L'avertissement ne fut pas entendu. Les républiques successives, d'ailleurs colonisées par les instituteurs et les professeurs, laissèrent se constituer une formidable féodalité, la Fédération de l'enseignement national, qui s'est placée, grâce à son réseau mutualiste, en situation de monopole. Le ministère qui devrait contrôler le corps enseignant s'est transformé en bras séculier des syndicats, seule la défense de ses privilèges mobilise une corporation qui dicte sa loi à l'Etat. Chacun reconnaît que les « grandes vacances » sont trop longues, qu'il vaudrait mieux des journées plus courtes. Qui oserait néanmoins aller contre les « droits acquis » ?

    Les écoles primaires, les collèges, les lycées doivent être gérés comme des entreprises. Les collectivités locales, les groupements de familles, les professions constitueraient des communautés éducatives, que l'Etat agréerait, en fonction d'un cahier des charges dont il contrôlerait le respect... Chaque communauté recevrait en location les locaux existants ou en construirait, grâce à des prêts à faible taux d'intérêt. Elle désignerait un directeur, qui embaucherait le personnel et le cas échéant le licencierait en fonction des règles fixées par le code du travail. Il n'y aurait plus d'écoles que libres.

    Il faut fixer un autre principe. L'enseignement doit être obligatoire. Il ne saurait être gratuit. Si l'on veut que les parents s'intéressent aux études de leurs enfants, ils doivent consentir un effort financier, au moins pour l'achat du matériel pédagogique. Certes chaque famille' recevrait un chèque scolaire qu'elle remettrait, en début d'année à la communauté éducative de son choix mais un complément serait demandé en fonction des ressources familiales. Bien sûr, les communautés éducatives les plus riches s'efforceraient, en offrant des salaires plus élevés, d'attirer les meilleurs maîtres. N'est-ce pas d'ores et déjà le cas ? De toute façon les agrégés recherchent et souvent obtiennent des postes dans les lycées les plus réputés, proches des grandes bibliothèques et des institutions culturelles. Ces lycées-là ne se trouvent que rarement dans les quartiers ouvriers. Les entreprises dont les besoins en techniciens sont rarement satisfaits ouvriraient des établissements techniques de haut niveau, si on leur laissait toute liberté d'en créer, en ajoutant aux sommes réunies grâce au chèque scolaire, une contribution volontaire.

    L'enseignement supérieur serait payant. Chaque étudiant verserait des droits d'inscription qui correspondraient aux frais réels de scolarité. Si sa famille n'avait pas les moyens d'assumer cette charge, il emprunterait à taux réduit, dans des conditions aussi favorables qui se puissent imaginer. Il est aberrant de donner de l'argent à des jeunes pour leur permettre d'obtenir, aux frais du contribuable, une situation qui lui fournira des revenus élevés, qui lui permettraient aisément de rembourser un prêt. Le résultat, on ne le connait que trop : de faux étudiants qui paressent aussi longtemps qu'ils le souhaitent sur les bancs de l'université afin de bénéficier de repas à prix réduits et d'avantages sociaux. L'université doit former des travailleurs capables de gérer leur existence, non des fainéants et des irresponsables. Il faut que la sélection se fasse aussi par, la volonté de réussir, la force de caractère, une exacte appréciation de ses moyens intellectuels.

    Le Collège de France insiste, à juste titre, sur les dangers de la course aux diplômes. Désormais, il semble que l'échec scolaire (ou universitaire) condamne l'individu, le transforme en victime. Certes, la société de demain sera brutalement sélective. Elle ne laissera aucune chance aux paresseux et aux incapables. Cependant Taine dénonçait déjà « cet emploi erroné, cette dépense outrée, cette usure précoce de l'énergie mentale » qu'impose un système qui lie la réussite sociale à l'acquisition d'un diplôme. L'apprentissage apporterait beaucoup plus à certains jeunes qu'une scolarité continuée jusqu'à dix-huit ans. Un artisan d'art vaut bien un ingénieur. De même, le Collège de France s'inquiète de la sélection par les mathématiques. La société de demain aura besoin d'hommes capables de s'adapter rapidement à des changements dont tout indique qu'ils s'accélèreront encore. Ce qui suppose une forte culture générale et la faculté, pour opérer les choix qu'imposera la conduite d'une carrière, de raisonner juste en tenant compte de la multiplicité des paramètres. Il ne sert de rien de surcharger les jeunes de connaissances scientifiques dont tout le monde sait qu'elles seront périmées avant qu'ils aient l'occasion de s'en servir. Ils ont besoin d'une méthode. C'est le rôle de l'enseignement secondaire que de la fournir comme c'est celui du primaire d'inculquer le rudiment. De ce point de vue, les expériences tentées au niveau du technique, pour lier l'enseignement à la recherche sont intéressantes.

    Nous entrons dans un monde où la matière grise devient la principale matière première. Il est plus important pour un pays d'avoir des chercheurs que du pétrole.

    La recherche scientifique n'est pas seulement une affaire d'argent. Certes des efforts financiers s'imposent. A quoi serviront ils si on continue à la gérer bureaucratiquement ? On ne fait pas un chercheur avec un fonctionnaire. Le rapport de la cour des comptes sûr le C.N.R.S. est édifiant. Nous entretenons des gens qui ne trouvent jamais rien et pour cause, certains « chercheurs » se contentant de passer une fois par mois pour « chercher » leurs émoluments. Assurément des changements sont intervenus, surtout depuis 1981. Les liaisons universités - entreprises se sont multipliées. Néanmoins, il conviendrait d'aller beaucoup plus loin et d'adopter la méthode américaine. Une équipe présente un projet. S'il est adopté, son maître d'œuvre reçoit une subvention et des moyens matériels. Si, au bout d'un certain temps, aucun résultat n'est obtenu, l'équipe est dissoute. L'on ne verrait pas, comme chez nous, des laborantins se mettre en grève, au risque de faire échouer une manipulation, si chacun était conscient que de la réussite dépend son avenir.

    Qu'il s'agisse de culture, d'enseignement ou de recherche, l'obstacle est finalement politique. Un peuple fainéant, protégé par son statut, défendu par des syndicats puissants, s'oppose à toute réforme, Il serait injuste de soutenir que tous nos enseignants ou tous nos chercheurs sont des paresseux mais ceux qui veulent travailler en sont parfois empêchés, par les grèves ou les séances de bavardage auxquels ils sont astreints. Certains se découragent, d'autres sombrent dans la dépression. Ce ne sont pas les hommes qu'il faut mettre en cause mais le système. Un exemple suffira : le ministère de l’Education nationale a imposé des « pédagogies d’éveil », qui insistent à promener les enfants pour leur faire visiter, une boulangerie ou un musée. Il est évident que cela est beaucoup coins fatiguant et plus agréable que l'apprentissage de la culture, tâche, reconnaissons-le, extrêmement lourde pour un instituteur, qui exige de la patience, de la persévérance, un [fort soutenu de concentration. Il s'est trouvé des instituteurs pour considérer que les pédagogies d'éveil leur faisaient perdre leur temps et celui des élèves mais il est évident que rien ne pouvait plaire davantage à des garçons et des filles qui n'ont choisi ce métier qu'en raison des vacances qu'il procure. Le ministère a encouragé la paresse en la camouflant sous un vocable flatteur. « Pédagogie d’éveil », cela sonne bien. On connaît les résultats, le pullulement des illettrés. M. Chevènement a fait une petite révolution, en déclarant que la vocation de l'école était d'enseigner, non de distraire. Cette révolution restera toute verbale. Son seul résultat sera de rassurer les parents qui commençaient à s'inquiéter. Rien ne sera changé. Le système est plus fort que tous les ministres, fussent-ils socialistes.

    Il faudrait une volonté politique. Mettre au travail le prolétariat intellectuel est une tâche surhumaine qui dépasse les capacités de M. Chevènement. Ce fils d'instituteurs croit sans-doute, que les maîtres d'école de sa jeunesse existent encore. On n'arrivera à rien aussi longtemps que le métier d'enseignant ne sera pas revalorisé, moralement et matériellement. Cela suppose que les Français, conscients que leur avenir dépend de la quantité et surtout de la qualité de la matière grise produite par la nation, admettent qu'un bon instituteur doit être aussi bien payé qu'un bon médecin de quartier, mieux en tout cas qu'un agrégé incapable de transmettre son savoir. Cela suppose que le métier d'enseignant devienne une profession libérale et que les familles choisissent leur école comme leur médecin.

    Les réformes qui s'imposent, dans tous les domaines, n'ont rien de révolutionnaire. Dans le privé, nos hommes oolitiques admettent volontiers leur bien fondé. Elles se heurtent néanmoins à la formidable résistance des syndicats, du prolétariat intellectuel et de la plèbe moderne, sournoisement encouragée par l'Etablissement et la haute finance internationale. Or nous n'avons plus beaucoup de temps. Le déclin économique de la France et de l'Europe s’accompagne, en effet, d'un déclin démographique, plus rapide encore. En l'an 2000, demain, au train où vont les doses, Marseille sera une ville majoritairement islamique. La France se libanise, avec à terme deux conséquences obligées : les conflits ethniques et religieux, le sous-développement.  • 

     A suivre  (A venir : Les nouvelles invasions barbares).

     

    Lire les articles précédents ...

    Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray     

    (1)     (2)     (3)     (4)     (5)     (6)     (7)     (8)    (9)     (10)    (11)     (12)     (13)     (14)     (15)     (16)     (17)    (18)     (19)

    lafautearousseau

  • Société & Actualité • Guillaume Bigot : L'idéologie droit-de-l'hommiste, un obstacle à la lutte contre le terrorisme

    Des fleurs déposées devant l'État-major de la gendarmerie de l'Aude en hommage à Arnaud Beltrame.

     

    Entretien par Alexandre Devecchio

    Cet entretien d'Alexandre Devecchio avec Guillaume Bigot [Figarovox, 29.03] est une réflexion de fond en soi fort intéressante. L'on pourrait en discuter tel ou tel aspect. Le lecteur découvrira lesquels. Nous sommes toutefois bien d'accord sur l'essentiel de ces propos réalistes et lucides. LFAR 

     

    Bigot-Guillaume-Ipag.jpgAprès les attentats de Carcassonne et de Trèbes, l'islamisme armé est de retour. Comment analysez-vous la réaction des autorités ? 

    Une réaction pavlovienne de la classe politique et des pseudo-experts consiste à s'indigner de ce que les djihadistes qui passent à l'acte sont déjà connus. Une telle indignation relève d'un pur contre-sens.

    Si les auteurs d'attaques sont fichés, c'est que le renseignement est efficace et non l'inverse. Le système de remontée et de classement d'informations est déjà perfectionné : on classe les individus de 1 à 16, en fonction de leur dangerosité, les proches peuvent être fichés et on fait tout pour éviter l'engorgement de la base. Ce système ne cesse de s'améliorer. Ainsi lorsque Yassin Sahli, par exemple, l'islamiste qui avait égorgé son patron à Saint-Quentin-Fallavier, dans la banlieue de Lyon, était sorti des fiches S (il avait été fiché une première fois en 2006), un nouveau fichier dit FSPRT (Fichier de signalement pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste) a été créé afin d'y verser les noms retirés du fichier principal. Nous gardons une avance indispensable sur l'ennemi. Contrairement à certaines allégations, les forces de l'ordre sont très bien renseignées de l'intérieur par nos compatriotes musulmans, fort heureusement d'ailleurs.

    Ce formidable travail de l'ombre réalisé par des informateurs de confession musulmane, par des fonctionnaires infiltrés et par les services permet d'éviter l'essentiel des actes qui, sans cela, ensanglanteraient la France. Chaque année, depuis 2015, ce sont entre 15 et 20 tentatives d'attentats qui sont en moyenne déjouées. Certaines de ces attaques auraient été dévastatrices.

    Donc, les attentats qui surviennent doivent être considérés comme inévitables ? Si l'on vous suit, tout ce qui peut l'être serait donc entrepris pour protéger nos compatriotes ?

    Loin s'en faut. Mais en critiquant le renseignement on se trompe de cible.

    Par ailleurs, on a beau redécouvrir la menace à chaque attentat, il faudra bien un jour admettre qu'éradiquer le djihadisme en France sera l'affaire d'une guerre de trente ans. L'islamisme est enraciné, avec un risque de séparatisme à la clé comme nous l'écrivions dès 2005, avec Stéphane Berthomet. Le risque zéro relève donc de l'illusion. Le reconnaître ne revient cependant pas à dire que l'on se protège aussi efficacement qu'on le devrait.

    Les services travaillent aussi bien qu'ils le peuvent, mais nous sommes confrontés à trois obstacles.

    Le premier est de taille si j'ose dire : le phénomène revêt des proportions telles qu'il ne peut plus être appréhendé à l'aune des moyens actuellement mis en œuvre.

    20 000 islamistes radicalisés dans le fichier « S » dont 7 000 très dangereux... pour moins de 8000 fonctionnaires chargés de circonscrire la menace qu'ils représentent (4300 de la DGSI, 2500 fonctionnaires du Service central du renseignement territorial, plus des enquêteurs de la SDAT et des gendarmes de la sous-direction de l'anticipation opérationnelle).

    Surveiller une seule cible, 24h/24, même en ayant intensément recours à l'intelligence artificielle, mobilise toute une équipe d'agents. Il faut donc recruter et former.

    Le second obstacle qui nous empêche de lutter plus efficacement contre le terrorisme islamique, ce sont les magistrats eux-mêmes qui le dressent. À côté de juges d'élite tels que Jean-Louis Bruguière, Gilbert Thiel ou Marc Trévidic et d'autres encore moins médiatisés mais tout aussi remarquables, certains magistrats restent très imprégnés de ce que Jean-Pierre Le Goff appelle le gauchisme culturel. La magistrature a souvent les yeux de Chimène pour les caïds des cités qui forment la base du recrutement des futurs terroristes. Pourquoi ? Un substrat de préjugés se mêle et explique cette coupable indulgence: culture de l'excuse, culte de la repentance néocoloniale, admiration pour un islamisme anticapitaliste. On n'est parfois pas très loin de la France rance et vichyste des porteurs de valise de Ramadan qui font semblant de ne pas entendre les délinquants de banlieues aduler Radouane Lakdim.

    Le troisième obstacle est donc idéologique. Ce qui paralyse les dirigeants français, c'est ce qu'il est convenu d'appeler le droit de l'hommisme. Ce dernier n'a rien à voir avec la défense concrète des droits de l'homme, ni même avec un attachement sincère aux valeurs qui forment le socle de notre pacte social. Le droit-de-l'hommisme est un culte des formes juridiques, sacralisées et placées au-dessus de la souveraineté populaire. L'apologie des droits de l'individu considérés comme l'alpha et l'oméga des valeurs morales cadenasse juridiquement la volonté de la majorité et fait le jeu de nos ennemis qui s'abritent derrière des procédures.

    En quoi ce que vous appelez le droit-de-l'hommisme empêche-t-il de lutter contre l'islamisme radical ?

    L'expulsion des étrangers fichés S, l'éloignement des Français radicalisés ou le rétablissement des frontières forment trois mesures-clé qui feraient reculer l'ennemi. Mais en l'état actuel du droit, qui inclut les traités et l'interprétation du bloc de constitutionnalité par le Conseil d'État, par le Conseil Constitutionnel, par la Cour de Cassation et par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, de telles mesures sont inenvisageables. On serait tenté de répondre : mais alors que l'on change le droit ! À ce stade, les choses se corsent car notre système juridique installe ces juridictions suprêmes et ces traités au-dessus de la loi, c'est-à-dire de l'expression de la volonté générale. Il faudrait agir par référendum pour défaire ce que le peuple a fait sous la forme de traités ratifiés ou d'articles de la constitution autorisant des recours devant la Cour constitutionnelle par exemple.

    La main de l'État est donc paralysée par deux facteurs : un facteur dur, juridique, la règle de droit (expulser un étranger, c'est s'exposer à un recours que l'on anticipe comme perdu d'avance) et un facteur mou, symbolique et culturel (les résidus de l'idéologie soixante-huitarde qui placent l'État de droit au-dessus de la démocratie). L'anticipation de la règle de droit et cette mentalité qui considère comme sacrilège de vouloir la changer se combinent pour forger cet état d'esprit capitulard face à l'islamisme. Nous sommes face à des gouvernants qui croient faire leur devoir en résistant au populisme, c'est-à-dire à la demande d'une majorité de l'opinion qui attend des mesures énergiques pour neutraliser les apôtres de la guerre sainte.

    Le gouvernement se trompe dans sa communication à l'égard des attentats ?

    La communication officielle verse dans le contre-sens absolu et fait le jeu de l'ennemi. Cette communication se décline suivant trois axes : premièrement, chercher à édulcorer les actes (mais à l'ère des réseaux sociaux, les informations finissent par sortir). On a vu ce mécanisme à l'œuvre : ce fut le cas avec certaines attaques à la voiture bélier ou avec l'égorgement du colonel Beltrame.

    Le deuxième axe de communication consiste à dédouaner préventivement l'Islam. C'est le grand mantra du « pasdamalgame ». Il s'agit de parler à la place des musulmans pour les désolidariser à leur place d'avec l'islamisme. Nos compatriotes musulmans n'en demandent pas tant ! Et puis, un tel empressement à affirmer que les attentats islamistes n'ont rien à voir avec la religion mahométane est un peu louche. Les Français savent faire la différence entre leurs compatriotes d'origine musulmane qui veulent qu'on leur fiche la paix avec cette religion qu'ils ne pratiquent ni ne revendiquent, des concitoyens qui ont une pratique paisible de leur culte compatible avec les valeurs de la République. L'opinion ne confond pas ces deux catégories avec des islamistes provocateurs et vindicatifs qui placent la charia au-dessus des lois françaises ni avec les djihadistes assassins. Mais les Français, y compris de confession musulmane, sont exaspérés par ce qu'ils considèrent comme une manifestation de malaise de la part des autorités.

    Le troisième axe de communication, c'est de viser l'effet compassionnel. C'est la séquence « émotion ». Les officiels se rendent sur place. On sort alors les bougies, on observe une minute de silence et on verse une larme.

    Or, ces trois réflexes sont totalement inappropriés.

    L'Islam, pas seulement le djihadisme mais toute la culture arabo-musulmane, est traversé par un culte de la virilité et de l'esprit chevaleresque. Montrer sa force, c'est gagner le respect. Passer pour une victime, c'est attiser la haine et le mépris.

    La fameuse taqîya, l'art de la dissimulation tactique prôné par le Coran consiste à tenir compte du rapport de forces pour s'adapter à un environnement non musulman. En nous montrant intraitables sur le respect de la laïcité, nous n'allons nullement encourager la révolte ou nourrir le sentiment d'injustice. Au contraire: nous obtiendrons que l'Islam s'adapte à la France et non l'inverse.

    Ainsi, le gouvernement devrait, au contraire, convoquer des caméras et mettre en scène l'expulsion de 300 imams salafistes. Il aura alors gagné sur tous les tableaux: sa cote de popularité bondira, les gamins qui hurlent de joie après des attentats ou certains sympathisants du djihad rentreront la tête dans leurs épaules.  

    Membre des Orwelliens, chroniqueur sur France Libre TV et sur BFMbusiness, Guillaume Bigot est essayiste. Il a notamment coécrit avec Stéphane Berthomet Le Jour où la France Tremblera, Terrorisme islamique : les vrais risques pour l'Heaxgone (Ramsay, 2006).

     

    1630167502.jpgXVM8d8b71a4-8f2b-11e7-b660-ef712dd9935a-150x200.jpgAlexandre Devecchio est journaliste au Figaro, en charge du FigaroVox. Il vient de publier Les Nouveaux enfants du siècle, enquête sur une génération fracturée (éd. du Cerf, 2016) et est coauteur de Bienvenue dans le pire des mondes (éd. Plon, 2016).

    Alexandre Devecchio

  • Défense : Retour au réel national

     

    Par Mathieu Épinay*

     

    Florence Parly, à l’imitation de son maître, ne parle que d’Europe et de défense européenne, expose en longs discours la lettre d’intention qui est censée lancer l’Initiative européenne d’intervention (IEI) souhaitée par Emmanuel Macron, s’étend sur la Coopération structurée permanente (CSP), ressort tous les « trucs » à discours officiels et à conférences inutiles… L’essentiel n’est pas là. 

    Alors que Macron a tout misé sur une relance de l’Union européenne dont il se verrait bien un jour l’empereur élu, voici que le bateau européen prend l’eau de toutes parts. Le Brexit creuse imperturbablement son sillon, sans exode des Français de Londres ni cataclysme économique. L’Italie prend le contrepied de tous les dogmes européistes qu’ils soient monétaires, sociétaux, immigrationistes et renvoie sans scrupules un bateau négrier armé par des ONG allemandes vers l’Espagne. Et elle continuera !

    Le monde tel qu’il est

    La révolte contre Bruxelles gronde aux « Marches » de l’Est ; les nations du groupe de Visegrad refusent la submersion migratoire islamique. Elles ne veulent pas se laisser déchristianiser et déraciner par l’islam. Elles ont compris le plan qui cherche à leur imposer l’« open society » du milliardaire Soros, synthèse des mondes infernaux imaginés par Orwell et Huxley. À ce jeu dangereux du prétendu mixage, on risque plutôt la charia. Soros a dû quitter Budapest où, comme à Varsovie et à Vienne, l’esprit de Jean Sobieski, vainqueur des Turcs en 1683, est bien présent.

    Et voici que l’Amérique ne s’occupe plus que de ses intérêts de nation ; Trump déroute, surprend, exaspère mais avance et atteint ses objectifs, même les plus improbables avec la Corée du Nord : au diable le village global et l’équité des tarifs douaniers, c’est la loi du plus fort ! Désemparé, le trio Macron, Junker, Merkel, libéral-libertaire, socialo-immigrationiste, a du mal à sauver ses meubles. L’Allemande, contestée au sein de sa coalition, pourrait bientôt être débarquée. Dans des circonstances où la chimère de l’Europe-puissance apparaît bien comme telle, notre loi de programmation militaire pour 2019-2025 prend une importance particulière. S’alignera-t-elle sur les vieux poncifs de l’Union ou sur les réalités présentes ?

    Cela ne semble pas intéresser « la » ministre Florence Parly qui poursuit sa quête névrotique de l’égalité et de la diversité : la féminisation à outrance ! Devant les députés, elle ne cache pas son excitation à mettre cette année des femmes dans nos sous-marins, avec cette jouissance malsaine d’y avoir violé le dernier bastion de virilité martiale. Elle fait diffuser dans les armées des fiches de propagande sur la théorie du genre. Elle se félicite encore d’avoir 38 femmes Générales, ce qui n’a aucune importance pour les Français et surtout les Françaises qui ne veulent rien d’autre qu’une armée crédible qui les protège, elles et leurs enfants ; elles n’ont que faire du nombre de généraux féminins. Et elle fait topo sur topo sur une Europe de la Défense dont les Allemands ne veulent pas et dont les Français sont chargés de faire croire qu’elle existe.

    La loi de programmation

    Plus sérieusement, les auditions sur le projet de loi de programmation sont assez rassurantes; les états-majors, la Direction générale pour l’armement et les industriels nationaux font, eux, un travail de qualité. Mais les belles promesses budgétaires sur lesquelles il s’appuie seront-elles seulement tenues jusqu’en 2025 ? On observera que le mandat du président expire en 2022 et que le pic budgétaire est situé après, en particulier pour la Marine.

    La modernisation de notre flotte, qui patrouille des Kerguelen jusqu’aux Spartleys où elle va taquiner la marine chinoise, est urgente. Il faut lui donner les moyens d’assumer notre deuxième rang mondial en termes de zone économique exclusive, d’y pourchasser les braconniers de la mer et les trafiquants de drogue, de sécuriser nos voies de communication. Après la mise en service des deux nouvelles frégates antiaériennes et des 4 premières FREMM (frégates multimissions), redoutables chasseurs de sous-marins, la marine en attend 4 autres qui seront ensuite complétées par cinq frégates de taille intermédiaire (FTI) plus exportables que les FREMM trop sophistiquées pour certains clients. Ces 15 frégates de premier rang constitueront le fer de lance de notre marine de surface. Le Suffren, premier des 6 nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), sera mis en service en 2020. Le remplacement des vieux « Rubis » est vital. Ces sous-marins permettent seuls d’établir une véritable suprématie navale. Le deuxième porte-avions viendra plus tard (2035 ?), pour remplacer le Charles de Gaulle qui sort de deux années de grand carénage.

    L’Armée de l’air continue à batailler avec les budgets et processus de maintenance. De plus, la mise en service laborieuse de l’Airbus de transport militaire A400M lui impose l’achat de Hercules américains supplémentaires. Elle paie ici une coopération européenne trop élargie par idéologie. La multiplication des partenaires industriels et politiques a affaibli la maitrise d’ouvrage et pénalisé la conduite du programme. Le « Commandement européen du transport aérien » ne résoudra rien comme l’indique le chef d’état-major de l’Armée de l’Air : « Les droits des uns et des autres sont équilibrés en fonction des prestations qu’ils ont mises à disposition de ce commandement. Il n’est pas rare, ainsi, que nos forces bénéficient de l’appui d’appareils italiens, belges, espagnols ou néerlandais. Cela étant précisé, une somme de lacunes ne résout en général pas une lacune globale. Je veux dire par là que ce type de mutualisation capacitaire ne peut constituer à elle seule une réponse face à une insuffisance assez largement partagée au sein des nations européennes. »

    Avec le départ progressif des Mirage, l’aviation de combat devrait rejoindre dans dix ans un format à 185 Rafale, ce qui, vu leurs performances, leur polyvalence et l’appui des 40 Rafale « Marine » est raisonnable. On parle encore d’une coopération pour la suite : un « système de combat aérien futur », mais tout cela est très politique et les militaires qui n’en ont pas besoin maintenant, essaient de tempérer. Les accords de Lancaster House signés par Sarkozy lançaient cette coopération ; elle a fait long feu. Maintenant Macron veut entraîner Merkel sur un projet franco-allemand où nous aurions tout à perdre. Heureusement, les déclarations récentes sont timides et la menace reste lointaine. Dans l’immédiat, la Luftwaffe fait de l’acharnement thérapeutique sur ses vieux Tornado plutôt que de nous acheter des Rafale, ce qui, outre-Rhin, reste inconcevable pour des raisons « culturelles ».

    L’Armée de terre, quant à elle, a rétabli sa force opérationnelle terrestre à 11000 hommes grâce à un vigoureux effort de recrutement et de formation. Le programme Scorpion de modernisation de ses véhicules de combat se poursuit avec une velléité politique de coopération franco-allemande sur un nouveau char de combat.

    S’agissant du « service militaire Macron », le général Bosser rappelle à bon entendeur qu’une armée de terre professionnalisée depuis bientôt 20 ans avec 80 000 hommes, est incapable d’absorber 800 000 jeunes conscrits, garçons et filles, même pour une semaine…

    Indépendance nationale

    Le projet de loi de programmation militaire reste finalement assez cohérent avec la nouvelle donne géostratégique : implosion du projet européen, protectionnisme américain décomplexé, risques de prolifération nucléaire non maîtrisés, submersion migratoire et pénétration islamique de l’Europe qui suggère une remontée en puissance de l’armée de terre en prévision du pire.

    Deux piliers de notre indépendance y sont préservés :

     La volonté de maintenir notre système de dissuasion au plus haut niveau est clairement affichée. Comme ses prédécesseurs, Jupiter a vite compris le poids que lui donnait la foudre nucléaire sur la scène internationale.

     La préservation d’une industrie de défense forte ne fait pas débat. Au-delà de son intérêt politique et stratégique évident, elle représente un chiffre d’affaires de 20 milliard d’euros et un excédent commercial de 3 milliards. En sus, la Défense lui affecte près d’un milliard d’études en amont; ces budgets essentiels pour préparer l’avenir ont permis à Dassault de développer un prototype de drone de combat « Neuron » pour quelques centaines de millions d’euros, probablement le dixième de ce qu’il aurait coûté aux USA, cela grâce à des bureaux d’étude maintenus au meilleur niveau. Pour mémoire, le développement du Rafale a coûté sur 15 ans 9 milliards, celui de son concurrent européen 18 et notre « Éducation nationale » coûte 100 milliards par an.

    En terme d’indépendance encore, la mise en service opérationnelle cet été du GPS européen « Galileo » opère, au seuil de cette nouvelle loi de programmation militaire, une véritable révolution pour nos armées encore tributaires du GPS américain pour la navigation et, plus grave, pour le guidage des armes. Reste à débarrasser notre aviation de combat, en particulier les Rafale air et marine, de la « liaison16 ». Ce système américain de communication de la guerre froide est inadapté, périmé et coûteux. Pire, sa cryptographie est verrouillée par le Pentagone. Un scandale d’un demi-milliard d’euros qui avait été discrètement étouffé sous Sarkozy. On prévoit maintenant une liaison française par satellite sur nos Rafale, c’est plus sérieux.

    Encore une fois, le projet de loi de programmation militaire « tient la route » ; et, encore une fois, la vraie question est celle de sa soutenabilité budgétaire dans le temps. La réalité politico-économique nous prépare des années difficiles avec des arbitrages cruels ; il faudra préserver l’essentiel sur des critères nationaux.

    Récemment un patron d’industrie parmi les plus incontestables, directeur général de Dassault et président du Conseil des industries de défense, répondait à un parlementaire sur notre aptitude à faire seuls le futur drone d’observation européen : « Dassault sait le faire seul, avec ses collègues traditionnels que sont Thales et Safran, mais c’est une question politique, bien qu’également budgétaire. »

    Oui, c’est bien d’abord une question politique, ce qui ne laisse pas de nous inquiéter : nous avons les compétences nationales, mais ce gouvernement peut encore compromettre nos programmes d’équipement et galvauder nos expertises en imposant par idéologie des coopérations inutiles, coûteuses et nuisibles.     

    Actu-7.jpg

    Le lancement par la DCNS, à Lorient, de la frégate FREMM (multi-mission) Normandie.

    Mathieu Épinay

    * Collectif de spécialistes des questions de Défense
  • Retraites ...

    Par Yves Morel 

    Retraite-800x360.jpgLes leçons de la réforme des retraites par Macron 

    Édouard Philippe a annoncé le gel de la revalorisation des pensions de retraite en 2019. Celles-ci ne seront plus indexées sur l’inflation ; les retraités verront leur pension augmenter de 0,3% seulement, alors que la hausse des prix atteint déjà 2,3%. Leur revenu, déjà rogné par la hausse de la CSG, va donc encore diminuer. Or, on sait que, dans l’immense majorité des cas, il frôle la pauvreté, quand il n’est pas carrément dedans.

    Une réforme des retraites entreprise au détriment des retraités

    Par ailleurs, la réforme des retraites va être mise en chantier. Elle va constituer en l’institution d’une retraite par points de type unique, qui se substituera à tous les systèmes existants et qui fera que chaque euro cotisé « donnera droit » à un point de retraite. Fini, donc le calcul de la retraite sur les six derniers mois de carrière (pour les fonctionnaires) ou les vingt-cinq meilleures années de travail (pour les salariés du privé). Résultat prévisible, selon de nombreux économistes : 90% des salariés atteindront l’âge de la retraite sans pouvoir prétendre à un niveau décent de pension. Un recul social sans précédent. On estime qu’un retraité touchant une pension de 1300 euros va perdre 578 euros annuels, du fait de l’augmentation de la CSG (qui est certainement appelée à se poursuivre) et de la non-indexation des pensions sur la hausse des prix. A cela, il convient d’ajouter les amputations découlant de la suppression de l’abattement fiscal de 10% sur le calcul des revenus imposables, et la suppression de l’avantage accordé à ceux qui ont élevé trois enfants ou plus. Enfin, les pensions complémentaires de retraite risquent bien de diminuer, elles aussi, puisque le système fusionné AGIRC-ARRCO aura la faculté de moduler le niveau des pensions en fonction de la conjoncture.

    Décidément, les retraités ne vont pas connaître des lendemains qui chantent.

    Le choix des forts contre les faibles

    Mais Macron et Philippe assument résolument leur choix, celui – à les en croire – des actifs contre les inactifs (même si les retraités ont travaillé dur pendant plus de quarante ans), du travail productif, de l’investissement « créateur de richesses ». Philippe a déclaré au JDD :

    « Nous assumons une politique de transformation et de maîtrise des dépenses qui privilégie, je le redis, la rémunération de l’activité et qui rompt avec l’augmentation indifférenciée des allocations. C’est par le retour à l’activité et une meilleure rémunération du travail que notre pays sera plus prospère». Donc, tout pour le business, dans le respect de l’orthodoxie budgétaire de Bruxelles. Encourageons les forts et les nantis, pour aller de l’avant, et laissons tomber les passifs, les poussifs, ceux qui se contentent de faire honnêtement leur travail, ceux qui ont le malheur de le perdre (chômeurs) et ceux qui ne peuvent plus travailler (retraités). Vive les winners, à bas les loosers ! »

    Macron est le président des forts, des malins, des délurés, des débrouillards, des futés, des combinards et des bobos, et l’ennemi des inhabiles, des faibles, des fragiles, des distraits, des rêveurs, de ceux qui n’ont pas d’autre ambition que de mener une vie honnête de travail régulier, qui n’ont pas un tempérament d’entrepreneur, qui ne savent pas nager dans le marigot social, qui ne savent pas « s’y prendre », ni « y faire », et qui ont donc besoin d’un filet de sécurité pour ne pas se perdre et connaître la déchéance.

    L’aboutissement social logique d’un monde déshumanisé et individualiste

    Voilà où mène un monde individualiste, déchristianisé, déshumanisé, sans charité, où chacun est seul face aux autres, dans une société qui n’est plus une 590608b6c36188e6718b4615.jpgcommunauté, mais une jungle, dont la seule valeur est l’argent et dont les bourses et les banques sont les temples. Voilà l’aboutissement du grand vent libérateur des sixties et de ce mai 1968, dont Macron s’est fait le laudateur. Il est d’ailleurs révélateur que Daniel Cohn-Bendit, le vieux leader de mai 1968 se sente comme un poisson dans l’eau dans le monde néolibéral d’aujourd’hui, et soit un partisan convaincu de Macron.

    Bientôt, les retraités devront chercher un emploi pour compléter leur maigre pension. Puis, on expliquera qu’il appartient à tout un chacun de se créer lui-même sa propre protection sociale.

    Il y a peu, Macron exprimait son dédain à l’égard d’ « un modèle social qui ne sale plus… et où le summum de la lutte des classes était l’obtention d’une somme modique d’APL ». Son modèle social, à lui, se résume de la façon suivante. On dit aux chômeurs : « créez votre start up ». Vous n’avez pas d’argent : persuadez un banquier de vous accorder un prêt. Vous n’avez pas la fibre d’un chef d’entreprise, ou votre conseiller financier vous refuse un prêt ? Tant pis pour vous. Votre pension de retraite est insuffisante ? Remettez-vous au travail. Laissons tomber ceux qui, n’ayant pas une mentalité d’entrepreneur, se contentent de vouloir un travail et une situation sociale stable. Et préférons les actifs et les « créateurs de richesses » aux retraités.

    L’erreur révolutionnaire et jacobine

    Certes, il convient, ici, d’incriminer le néolibéralisme mondialiste actuel, ce que nous faisons présentement, mais également notre modèle républicain.

    Sous l’Ancien Régime, des corps intermédiaires politiques (municipalités), judiciaires (parlements) et professionnels (corporations) donnaient consistance, souplesse et capacité d’adaptation aux communautés naturelles du royaume, créaient une symbiose entre le pouvoir et la société, et permettait à l’État de remplir ses fonctions régaliennes sans se charger de la responsabilité écrasante de toutes les composantes de la nation. Garant du droit, l’État faisait respecter (définissait, au besoin) les règles de la vie économique et sociale sans se substituer aux agents de celle-ci dans la conduite de leurs affaires. Il existait ainsi un espace social autonome régi par un droit plus coutumier que positif.

    maxresdefault.jpgOr, cet espace disparut sous la Révolution. L’application dogmatique des principes de la souveraineté nationale et de l’égalité de tous devant la loi conduisit à la suppression de ces corps, et institua un face-à-face de l’individu et de l’État. La loi Le Chapelier (14-17 juin 1791) prohiba toutes les formes d’associations que les travailleurs et les employeurs eussent pu créer en vue de défendre « leurs prétendus intérêts communs ». D’une manière générale, la loi ne reconnut que des individus égaux contractant en toute indépendance et seuls responsables de leurs intérêts propres. A ses yeux, les intérêts économiques et professionnels ne pouvaient être que des intérêts individuels. Le champ social se dissolvait dans les deux pôles de l’individu et de l’État. Certes, la situation a bien évolué depuis ce temps. Mais il en est resté quelque chose, une tradition rédhibitoire qui accorde à l’État un rôle essentiel dans le règlement des rapports entre employeurs et salariés, et qui légitime à l’avance son intervention constante et les sollicitations innombrables qui lui sont adressées. Dans son Rapport fait au nom de la commission chargée d’examiner le projet de loi relatif aux coalitions (1864)Emile Ollivier déclare, à propos de la conception que Le Chapelier fit prévaloir 73 ans plus tôt « Nous saisissons à son origine, dans cette théorie exposée par Le Chapelier, l’erreur fondamentale de la Révolution française. De là sont sortis tous les excès de la centralisation, l’extension démesurée des droits sociaux, les exagérations des réformateurs socialistes ; de là procèdent Babeuf, la conception de l’État-providence, le despotisme révolutionnaire sous toutes ses formes ».

    En vain, certains républicains, tels Ferry, puis Gambetta, préconisèrent le règlement ponctuel et pragmatique des problèmes professionnels et sociaux par la libre activité associative et syndicale plutôt que par l’intervention systématique de l’État. Leur conception ne prévalut pas. Les radicaux (Clemenceau) firent ressortir au domaine de compétence des pouvoirs publics le règlement des problèmes sociaux. Grâce à l’adoption, par voie parlementaire, de réformes faisant l’objet d’un programme soumis aux électeurs, les hommes politiques devaient élever la condition matérielle et morale du peuple et engendrer une société égalitaire tenant les promesses de l’idéal de la Révolution. Il est à noter que, dans le camp socialiste, Jaurès fit prévaloir des vues analogues à partir de 1906. Et ce sont elles qui finirent par prévaloir à gauche et chez une majorité de Français.

    Ainsi naquit ce terrible mal français qu’est l’idéologisation et la politisation des questions sociales, et, par voie de conséquence, l’institution d’un pseudo État-providence jacobin, aujourd’hui incapable de remplir sa mission. Et, du coup, toute réforme de notre législation sociale se présente comme un démantèlement de ce dernier et une entreprise de destruction de toute protection des travailleurs, en l’absence de l’existence d’une longue habitude de la pratique de la négociation sociale entre organisations syndicales et patronales dans un esprit dénué d’idées de lutte de classes ou de revanche sociale, et permettant à chacun des partenaires de faire des concessions à l’autre en un souci de défense de l’intérêt commun (celui de l’entreprise et celui de la nation). C’est pourquoi la France échoue, en la matière, là où réussissent (certes difficilement et imparfaitement) des pays où un tel esprit existe, comme les pays scandinaves ou l’Allemagne. Elle échoue parce qu’en 51M2n5qLLML._SX299_BO1,204,203,200_.jpgFrance, la société, c’est l’État, et l’État, c’est la République jacobine avec sa vieille promesse révolutionnaire d’égalité sociale. Cette conception maléfique de l’ordre politique et de la société et de la fusion de l’un et de l’autre a pour conséquence que l’État républicain doit continuer à gérer un système de protection social qui n’en peut plus, qu’il ne peut le réformer qu’en le mutilant ou en le détruisant, et que s’il le fait, il devient, par là même, un pouvoir instaurant délibérément une société inégalitaire, et privilégiant les uns au détriment des autres. Il ne peut se réformer qu’en se niant, en faisant seppuku.

    Voilà à quelle impasse politique et éthique nous a amené notre République, étayée sur le souvenir et les principes de notre grande Révolution, dont nous nous montrons si fiers encore.

    La nécessité de renouer avec l’humain

    La réalisation de la justice sociale dans un esprit communautaire et fraternel compatible avec l’intérêt national ne résidait ni dans un Etat providence jacobin appelé à être condamné par l’ouverture des frontières et la crise économique, ni dans les prétendus effets bénéfiques à long terme d’une politique néolibérale et mondialiste qui favorise les forts et écrase tous les autres (dans le soi-disant intérêt des générations futures, censées tirer parti de ce sacrifice). Elle siégeait dans les corps de métier, les corporations, les associations d’aide et d’entraide, et la pratique d’une négociation inspirée par la solidarité nationale et chrétienne. Cela, nous l’avions sous l’Ancien Régime, et nous l’avons bêtement détruit en 1791. Si nous avions l’intelligence de le retrouver, nous pourrions édifier enfin une politique sociale juste et humaine.   

    Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de la Nouvelle Revue universelle 
  • Esclavage : ”La complicité de monarques africains est une donnée objective”, selon l’anthropologue sénégalais Tidiane N’

    Document d'archives montrant une capture d'esclaves. ©DR
    abolition de l'esclavage du 10 mai

    Source : https://la1ere.francetvinfo.fr/

    Les traites et les esclavages occidental et arabo-musulman n’auraient pas été possibles sans la collaboration active des Africains. Décryptage avec l’historien et anthropologue sénégalais Tidiane N’Diaye.

    5.jpgC’est une réalité sur laquelle historiens, journalistes et militants ont souvent jeté un voile, par lâcheté intellectuelle ou opportunisme idéologique. Mais les faits sont têtus, et il existe assez d’archives pour l’attester. Durant les longs siècles de traite et d’esclavage arabo-musulman puis occidental, des Etats négriers d’Afrique ont participé et se sont enrichis grâce à ce commerce, comme les royaumes d’Ashanti ou d’Abomey (actuels Ghana et Bénin) par exemple (voir cartes ci-dessous).
     
    Auteur d’un ouvrage remarqué sur l’esclavage arabo-musulman, « Le génocide voilé » (éditions Gallimard, 2008), l’anthropologue et économiste sénégalais Tidiane N’Diaye explique à propos de la traite que « la complicité de certains monarques et leurs auxiliaires africains dans ce commerce criminel est une donnée objective ». Interview sans langue de bois.
     
    Ce sont des faits historiques souvent négligés ou occultés par les chercheurs, mais des Africains ont aidé à alimenter la traite transatlantique et le système esclavagiste durant des siècles. Comment cela se passait-il ? Qui étaient les principaux protagonistes ?


    Tidiane N’Diaye :
    Vous savez, dans cette tragédie les prédateurs, d’abords arabes puis occidentaux ont excité la cupidité et la rapacité de nombreux chefs locaux. Les razzias étaient légalement organisées par des chefs ou sultans, pour approvisionner les négociants qui travaillaient pour l’exportation de captifs africains. Par exemple les princes des États voisins de celui du sultan du Bornou (Kanem, Wadaï, Baguirmi et Sokoto) dans l’actuel Nigéria, se livraient au trafic de captifs. Tous, loin de vouloir supprimer une traite dont  ils profitaient, ne songeaient qu’à imposer des taxes de passage lorsqu’ils ne « rackettaient » pas directement les caravanes. Au pays des Fellatas, les chasses à l’homme y étaient dirigées par Ahmadou, fils et digne héritier de El Hadji Omar Seydou Tall, sur le sentier du Jihad. A l’intérieur du continent, l’entreprise était encore plus répugnante avec les monarques dahoméens, dont le plus grand des fournisseurs d’esclaves fut Béhanzin. Car ici l’islamisation n’explique pas leur complicité, ils étaient animistes pour la plupart. Ces usurpateurs sanguinaires crispés sur leurs privilèges, étaient surtout préoccupés par la puissance et le prestige, que seul le verdict des armes pouvait assurer en ces lieux. Ils entrèrent en « collaboration », d’abord avec les Arabo-musulmans, avant l’arrivée des négriers européens. Ils ont vécu du sang, de la sueur et de l’agonie de leurs peuples. Pour gagner en efficacité, tous eurent de plus en plus besoin de moyens aussi sophistiqués que meurtriers. Pour disposer de plus d'armement et de chevaux, gage de leur puissance, ils furent obligés de vendre davantage de captifs en engageant des guerres contre les royaumes voisins pour se fournir. Tout en se faisant des guerres au service des négriers, ces chefs africains furent progressivement piégés par les mécanismes d’échange de la traite. Aussi, beaucoup « d’exportés » étaient le produit de guerres intestines, encore accrues par l’appât des débouchés qu’offrait d’abord cette ignominie. Puis l'arrivée des navigateurs fut providentielle pour le commerce de ces États trop éloignés du Sahara, pour qu'ils y écoulent leur surplus de captifs.

    6.jpg

    ©Hatier-Aupelf/Atlas des esclavages

    Certaines royautés ou nations africaines de l’époque se sont-elles vraiment enrichies grâce à la traite, et dans quelle mesure ?


    Il y avait une offre massive de captifs, moyennant armes, chevaux, textiles ou Cauris  (coquilles de gastéropodes qui servaient de monnaies dans cette partie de l’Afrique précoloniale.) Ce dernier comme on sait, sera progressivement remplacé par l’argent, qui se révélera être le plus pernicieux des instruments de corruption jamais introduits en Afrique. D’autres chefs faisaient aussi des razzias et vendaient des hommes pour avoir des bœufs, des armes, des étoffes ou tout autre bénéfice. La responsabilité de ces roitelets et autres renégats cupides, ne souffre aucun doute. Dans cette tragédie, force est donc, de reconnaître qu’il y eut la collaboration de potentats autochtones qui, pour tirer profit de ce mal, se souciaient peu de la destination ou de la mort de leurs compatriotes. Il n’y eut pas seulement que les négriers berbères, égyptiens, européens et autres ramassis et écume des nations. La complicité de certains monarques et leurs auxiliaires africains dans ce commerce criminel est une donnée objective.

    7.jpg

    ©J. Fakambi, "Route des esclaves au Bénin"/Atlas des esclavages

    L’ex-président du Sénégal Abdoulaye Wade a rappelé récemment, de manière peu élégante il est vrai, l’existence d’un esclavage interne à l’Afrique subsaharienne quand il a traité son successeur Macky Sall de « descendant d’esclaves ». Qu’en est-il exactement sur le plan de l’histoire ?


    En fait, il faut dire qu’isolée du monde méditerranéen pendant des millénaires, l'Afrique noire a ignoré jusqu'à l'ère contemporaine la propriété foncière. La propriété privée n’existait pas dans nombre de pays ou alors de façon très limitée. L’environnement étant propriété commune, beaucoup de familles choisissaient de mettre toutes leurs terres en coopérative, pour les exploiter. L’argent n’existait pas au sens où nous le connaissons aujourd’hui. Mais progressivement l'enrichissement et l'élévation sociale, viendront à dépendre de la possibilité de cultiver un maximum de surface. D'où la nécessité de disposer d'une importante main-d’œuvre. Ainsi dans les sociétés africaines plus un homme possédait de serfs pour cultiver ses terres et de femmes, plus il était riche. Et plus il était riche, plus il était en situation d'accroître son « patrimoine » de femmes et de serfs. C’est ainsi que la voie fut ouverte vers les conflits, pour se procurer de la main-d’œuvre. Des guerres tribales se firent donc plus violentes. Les chefs de clans victorieux, au lieu de se contenter des terres conquises et d’une reconnaissance, obligeaient les vaincus à accepter une position de subordination. Également de vieilles rancunes de familles et des rivalités de tribus provoquaient souvent des conflits tout aussi dévastateurs. Les vaincus devenaient captifs des vainqueurs.

    8.jpg

    L'anthropologue sénégalais Tidiane N’Diaye.

    (Photo à gauche : Tidiane N'Diaye) : Le résultat de ces affrontements était que des famines et des disettes devenaient fréquentes et parfois si dramatiques, que des hommes libres n'hésitaient pas à se vendre eux-mêmes comme captifs ou à vendre leurs propres enfants. Les coupables de certains crimes comme les sorciers, pouvaient être réduits en servage et éloignés de leur région d'origine. Il arrivait aussi que des individus se vendent eux-mêmes à un maître, pour éteindre une dette qu'ils ne pouvaient rembourser. D’autres qui avaient perdu leurs proches, pouvaient aussi par le servage, être socialement réintégrés. Ils abandonnaient leur patronyme pour adopter celui d’un maître. Une constante dans les sociétés négro-africaines, est aussi le système des castes qui a abusivement fourni de nombreux asservis. Du portugais casto (pur), ce système symbole de classes strictement hiérarchisées dans beaucoup de civilisations, est appliqué depuis des milliers d’années en Afrique. Cette hiérarchisation sociale se traduit par exemple au Sénégal, par une division comprenant au sommet, des nobles de sang royal, appelés Bours, Guélawars, Faama, Mwené, Damel, Almamy, Linguers etc. Durant des siècles, les sociétés africaines fonctionnaient suivant cette féodalité souvent d’épée ou de robe. Ce qui a engendré une classe de seigneurs, qui ont toujours dominé et souvent soumis au servage, des hommes appartenant aux autres classes sociales. Ces populations ou le gros de la plèbe, étaient composées de non-castés dits Guers et les autres membres de castes inférieures qui sont appelés Nyénios (Rabb, Mabbo, Woudé, Teug, Laobé, Guéwel, Dions etc.) En fait ces catégories sociales, regroupaient souvent des corporations artisanales longtemps méprisées comme les cordonniers, les forgerons, les tisserands etc. Sachant que l’esclavage ou servage africain relevait de rapports de force très aléatoires et que les « castés » avaient tout aussi absurdement été relégués à ce rang du fait de leurs professions, j’ai trouvé ridicule et irrévérencieuse l’attitude de Wade envers Macky Sall.

    9.jpg

    Pensez-vous que l’Afrique subsaharienne (ou du moins certaines nations, car le continent est immense) devrait reconnaître officiellement sa responsabilité dans la traite et la déportation de millions d’esclaves, comme l’ont fait certains Etats occidentaux ?


    Bien évidemment cette question demeure taboue et divise les intelligentsias africaines et afro-américaines. Mais le président Matthieu Kérékou du Bénin, avait été le premier  à se mettre à genoux devant une congrégation noire de Baltimore, pour demander pardon aux Africains-Américains et à toute la diaspora pour « le rôle honteux que les Africains ont joué durant la traite ». Le 27 avril 2015, pour la première fois un pays africain, le Sénégal, rendait hommage aux victimes de la traite négrière. La date de cette commémoration, qui se veut désormais annuelle, n’a pas été choisie au hasard : elle correspond à celle de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, le 27 avril 1848. Bien que les organisateurs de cette manifestation ne se soient pas étendus sur le rôle des Africains eux-mêmes dans cette tragédie, rappelons qu’en octobre 2003, les évêques africains réunis à Gorée avaient publié une déclaration dans laquelle ils demandaient « le pardon de l’Afrique à l’Afrique » en ces termes : « Commençons donc par avouer notre part de responsabilité dans la vente et l’achat de l’homme noir, hier et aujourd’hui… Nos pères ont pris part à l’histoire d’ignominie qu’a été celle de la traite et de l’esclavage noir. Ils ont été vendeurs dans l’ignoble traite atlantique et transsaharienne…» Ceci venait après la déclaration du pape Jean-Paul II qui, en 1985 à Yaoundé, au nom des Catholiques de l’Occident, avait demandé pardon à « nos frères africains qui ont tant souffert de la traite des Noirs ». Ce message sera repris dix ans plus tard à Rome, implorant encore : « le pardon du ciel pour le honteux commerce d’esclaves auquel participèrent de nombreux chrétiens ». Je pense que maintenant la messe est dite, nul ne peut plus ignorer les responsabilités des uns et des autres.  

  • La France périphérique et les oubliés de la politique : quel remède ? (partie 3), par Fabrice VALLET (Juriste).

    OPINION. La France des oubliés identifiée par le géographe Christophe Guilluy a explosé à la figure d’un système médiatique aveugle à travers les Gilets jaunes. Comment ce phénomène de déclassement géographique a-t-il été enclenché ? Cette France des gens ordinaires parviendra-t-elle à se faire entendre en 2022 ? Éléments de réponse dans cette analyse en trois volets.

    L’enfermement d’une élite dans son arrogance technocratique ou clanique revient à culpabiliser les laissés-pour-compte de la mondialisation néolibérale, sans solution de rechange depuis 40 ans. Cet autisme venu d’en haut implique une reformulation des propositions citoyennes, notamment celles des Gilets jaunes, pour leur donner une légitimation institutionnelle, mais aussi dans les actes de la vie quotidienne, qui puisse répondre au besoin actuel, d’équité sociale et de défense du bien commun. Si la croissance est nécessaire à la survie du capitalisme, elle apparaît de plus en plus contradictoire avec la survie de l’humanité.

    Il est primordial que se réalise, à l’échelle internationale, une réappropriation du capital, en renationalisant tout ou partie du crédit. La maîtrise du crédit constitue l’un des leviers les plus efficaces dont dispose une collectivité autonome pour orienter la production des biens fondamentaux à travers un cahier des charges lié aux prêts (dans le sens de l’intérêt collectif). Notre société doit offrir aux PME tous les moyens de s’intégrer au marché, par le biais d’un système de crédit populaire destiné à favoriser les investissements les plus bénéfiques pour la collectivité, c’est-à-dire les investissements privilégiant la valeur d’usage réelle et la qualité finale du produit.

    Quelles solutions aux défis de la France périphérique

    D’ores et déjà, dans la formation aux métiers recherchés, il est nécessaire de créer des universités des métiers et arts de vivre, croisant les savoirs et techniques, pour revaloriser la restauration, l’habitat, l’ameublement en transmettant l’histoire de l’art aux jeunes générations. Dans cet esprit, il est temps d’investir dans la rénovation externe, interne et énergétique du bâti ancien en cours d’abandon. La transmission des savoir-faire et expérimentations est à encourager dans le BTP dans le cadre d’un vaste plan de restauration du patrimoine architectural de notre pays. En matière de construction, la rénovation du bâti ancien pourrait s’opérer selon des normes techniques allégées qui prendraient en compte la durabilité des bâtiments, leur esthétique et leur adaptation à des normes écologiques intégrées aux paysages. Une industrie du bâtiment pourrait susciter un plan de mise en valeur des carrières ce qui permettrait de relancer les métiers de la pierre, en lien avec la restauration du patrimoine et d’éventuelles techniques mixtes de construction. De même, reconstruire une filière bois qui soutienne le bâtiment dans toutes ses exigences n’est pas utopique, comme dans la ferronnerie. De plus, on pourrait affecter, de plus, aux opérateurs touristiques des villages anciens et des hôtels à rénover et subventionner les réalisations de maisons végétalisées et de bâtiments à énergie positive.

    Dans les périphéries urbaines et dans les campagnes, un nettoyage et un démontage des installations commerciales ou industrielles pourraient donner lieu à une reconversion de ce tissu économique révolu, en des zones de services de proximité. On pourrait, dans le même sens, réallouer à des entreprises commerciales des pâtés de maisons pour relocaliser des activités de banlieue en centre-ville. En effet, l’installation de populations pauvres au sein des centres des villes moyennes accentue la répulsion touristique, surtout dans les pays, à l’écart des grands flux.

    Dans la filière agricole, il faut défiscaliser la production jusqu’à un certain chiffre d’affaires pour maintenir une agriculture paysanne. Mais aussi favoriser la reconquête des champs et pâturages par le bétail, tout comme favoriser l’abattage local des animaux. Dans ce sens, la recréation d’une filière viande de gibier, comme d’une pêche et d’un élevage fluvial est parfaitement envisageable. En outre, il faut associer les agriculteurs, en réorientant les primes européennes sur la production des paysages, la diversité biologique, la qualité ou la protection des patrimoines ruraux. Bien entendu, il est nécessaire de mettre un moratoire sur les nouvelles destructions de terres agricoles afin de lutter contre l’artificialisation des sols. Dans le domaine de l’aménagement du territoire, il doit revenir aux structures intercommunales de planifier localement les investissements et la répartition des activités économiques en plafonnant les mètres carrés commerciaux de banlieue par un ratio raisonnable relatif au nombre d’habitants des communes.

    Il serait utile, face au modèle économique de la métropolisation, de façonner un autre paysage, en délocalisant plusieurs centaines de milliers d’emplois et d’activités publics au profit des petites villes et moyennes (universités, casernes, hôpitaux, services techniques, prisons, maisons de retraite et centres sociaux). D’ailleurs, l’État pourrait inciter fiscalement les entreprises non exposées à la concurrence internationale à (re)créer des milliers d’emplois de services à la personne, comme des concierges, des gardiens, des pompistes, des contrôleurs, des surveillants, des manœuvres, des transporteurs. Enfin, l’État pourrait soutenir une réindustrialisation sectorielle et régionale dans une douzaine de secteurs prioritaires (matériaux, agroalimentaire de qualité, machines, électronique).

    La pandémie internationale du Covid-19 nous incite à redoubler de vigilance concernant les expérimentations médicales et les manipulations génétiques qui induisent une foultitude d’intérêts étatiques, privés et de groupes d’influence. C’est pourquoi il est absolument essentiel que la recherche sur laquelle se fonde la légitimité alléguée des laboratoires pharmaceutiques soit nationalisée et que les produits médicaux soient contrôlés par la sécurité sociale qui contrôle de bout en bout la validité de la production médicale, son efficacité, son innocuité, et son prix de vente.

    Revenu d’une classe politique gestionnaire de droit divin, autosatisfaite & sourde au malaise populaire, un nouveau comportement politique doit apparaître. Cette nouvelle attitude, faite d’attention, de dialogue, de sympathie et de main tendue, permettra, seule, qu’une alliance de la France entreprenante et du tiers état composé des exclus ou de la France smicardisée advienne lors des prochaines élections présidentielles en France. Concilier « fin de mois » et « fin du monde » est la condition sine qua non pour créer les conditions de la croissance et de la compétitivité au regard des limites des ressources planétaires et des risques écologiques afin de redonner l’espoir qu’un ordre plus juste est possible.

    Les réformes institutionnelles nécessaires à notre temps

    La religion du transhumanisme qui infuse dans nos sociétés nous incite à revenir à la base même de la démocratie. Ainsi, nous devons instituer des assemblées populaires permanentes dans les quartiers, les villages et les entreprises pour surveiller l’activité des élus du peuple, avec droit de révocabilité. La reconnaissance du vote blanc et de l’abstention au moyen d’un quota minimum de votants en deçà duquel l’élection est invalidée, est une proposition valable. Tout comme l’institutionnalisation pour les questions d’organisation des pouvoirs publics, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire, les libertés fondamentales, la protection sociale et le droit du travail, d’un Référendum d’initiative citoyenne. Assurer une représentation élue sur une base territoriale et une représentation proportionnelle, sur une base programmatique nationale à tous les niveaux de décision, trace un autre chemin. Convoquer une chambre représentative des mouvements associatifs et syndicaux en lieu et place du Sénat est une nécessité participative. Il existe, enfin, dans nos sociétés, une multitude de fonctions collectives où le recours au tirage au sort parmi les volontaires permettrait de redonner au peuple le sentiment qu’il peut participer au gouvernement de la cité.

    De nouvelles méthodes de gestion des services publics doivent se développer pour faire face à la sclérose d’une administration aux mains d’une féodalité notabiliaire ou de technocrates coupés de la réalité. La logique de projet consiste à construire un champ de forces autour d’un problème et autour d’un individu porteur de projets. Cela permet une gestion de la demande sociale et un partage des risques afin de réduire les coûts. Cela permet de construire un dispositif ad hoc labellisé a posteriori par l’obtention de financements publics. Une autre voie est de traiter les problèmes sociaux au cas par cas. Le système du case manager présente une double caractéristique : d’une part, l’individualisme du cas ou des besoins et d’autre part l’ouverture au privé. Cela permet non seulement d’ouvrir des droits qui tiennent compte des situations personnelles, mais aussi de minimiser les coûts pour la collectivité en instaurant une concurrence entre producteurs de services. Ces deux méthodes de gestion permettent in fine de concevoir des objectifs et de dégager des moyens propres à les atteindre. Il est enfin temps d’établir une corrélation des moyens mis à disposition des services aux résultats escomptés pour satisfaire les besoins du public. Cette prise en considération des personnes avant celle des biens correspond à une exigence fonctionnelle : disposer d’autorités jouissant à la fois de la confiance des populations et de la connaissance précise de leurs territoires d’application, pour établir un nouveau contrat social.

    Retrouver l’appartenance à la collectivité

    Après avoir voulu changer la vie, la politique nationale a changé d’avis, naviguant au gré des vents contraires de la globalisation libérale entre vouloir combattre la finance ou « karcheriser » les racailles, sans que ni l’un ni l’autre ne produise de résultats. Aujourd’hui, après avoir remplacé la solidarité sociale par la charité, en installant un nouveau peuple de damnés dans le chômage à perpétuité, la nouvelle oligarchie tend à substituer, à la question sociale, la question ethnique, par une lutte des races. Revenus de dirigeants dont les promesses n’engagent que ceux à qui elles sont faites, les citoyens entendent faire confiance à une véritable élite qui pense la société et agit, au-delà de ses intérêts immédiats. C’est l’inégalité considérable face au risque qui provoque le ressentiment à l’égard d’autres groupes et de leurs représentants politiques qui tirent les bénéfices du changement en se désintéressant du sort des perdants.

    Depuis 40 ans, les citoyens ont l’impression de se sentir étrangers dans leur propre pays par une perte d’appartenance à la collectivité et la blessure de se trouver sur le marché du non-travail comme des articles en solde, ni repris ni échangé. Dès lors, un leader courageux, simple, audible, accessible, proche des gens, un véritable contrepoids aux puissants, peut devenir le recours. Comprendre la nature véritable d’une société donnée est plus aisé lorsqu’on est contraint de l’observer d’en bas. Sans nul doute, l’année prochaine, la reconstruction en profondeur de la vie politique française passera par des personnalités n’ayant pas exercé de responsabilités politiques, économiques ou administratives. C’est la condition sine qua non pour combler le déficit démocratique et réduire le gouffre entre ceux qui vivent dans le même pays, deux existences distinctes, à l’école, dans la rue, dans le train, dans le hall d’immeuble, derrière la porte de l’appartement.

    Il est temps que chacun soit l’enseignant de son prochain en lui apprenant le secret de ce qu’il est, différent, unique, irremplaçable, et enfin, une culture révélant à chacun comment accueillir la force de résister à la tentation de la haine, le courage du geste fraternel et le pouvoir libérateur de l’amour.

     

    Fabrice VALLET
    Juriste
    Juriste de formation et doté de cinq diplômes d’enseignement supérieur, il dirige actuellement une association d’insertion dans les quartiers prioritaires de Clermont-Ferrand. Il a travaillé pour le Ministère de la Cohésion sociale, de la Justice et pour la Présidence de la République.Il est l’auteur de plusieurs articles, notamment « Sauver notre modèle social aujourd’hui » et « L’Euro : croissance ou chômage ? ». Il a participé à Nuit debout et aux Gilets Jaunes.

    Source : https://frontpopulaire.fr/

  • Une querelle vitale, par André Posokhow.

    Les désaccords au sein de la « coopération franco-allemande » ne sont pas un chipotage. Le couple stratégique franco-allemand n’existe plus, pour autant qu’il ait jamais existé.

    Il est loin d’être certain que l’Allemagne et la France soient d’accord pour promouvoir une défense européenne, même en paroles. Il existe un fossé béant dans le domaine politique et stratégique entre les deux pays.

    D’une part la France subit l’idéologie européiste et fédéraliste de son président mal élu en 2017, qui appelle à créer la défense d’une hypothétique Europe puissance en dehors de l’OTAN. D’autre part l’Allemagne refuse une telle conception : sa vision géopolitique se borne à une diplomatie aux visées strictement économiques et à un nationalisme industriel et mercantiliste. Il y a incompatibilité.

    En réalité, l’idée d’un couple franco-allemand est au mieux une triste farce. Depuis que les États-Unis ont relevé en 1948 l’Allemagne du précipice où elle était tombée, poussée par son hubris, celle-ci n’a eu qu’un seul objectif : une fois réalisée son unité, retrouver sa puissance en profitant de la jobardise de la classe politique française et l’imposer à une Europe dominée.

    C’est d’ailleurs ce que montre un article de Politique magazine de mars 2021. L’armée allemande est appelée à devenir une sorte de « partenaire d’appui » et de « plaque tournante » au sein de l’Alliance atlantique et de l’UE par une série d’accords bilatéraux avec des pays voisins ce qui permettrait de préserver les relations commerciales avec la Russie et la Chine. Nous retrouvons là les syndromes du Saint Empire romain germanique qu’a déjà dénoncés Jean-Louis Harouel et des visées pangermanistes du siècle dernier.

    Du point de vue stratégique, les Allemands ne conçoivent pas une défense européenne en dehors du giron américain et de son instrument, l’OTAN. Au concept d’autonomie stratégique défendu par Macron, la ministre de la défense allemande au nom imprononçable, A2K, rétorque que l’idée d’une autonomie stratégique indépendante des États-Unis est fausse !

    La différence fondamentale concerne l’arme nucléaire. La France demeure attachée à la doctrine de dissuasion fondée sur une capacité de frappe nucléaire indépendante comme l’a rappelé Macron devant l’École de guerre en février 2020. De son côté l’Allemagne, même si elle jouait un rôle nucléaire, ne l’exercerait que dans le cadre de l’OTAN, donc en pleine dépendance des États-Unis. De plus ce rôle nucléaire est contesté en Allemagne du fait des courants antinucléaires du SPD et des Verts. Ces positions sont inconciliables.

    Une rivalité industrielle et commerciale féroce

    Au plan industriel et commercial, les rivalités sont féroces. C’est notamment le cas dans le domaine de la défense navale. Paris et Berlin se livrent une bataille commerciale implacable dans les submersibles conventionnels où tous les coups sont permis. Les intérêts nationaux sont résolument divergents. Les objectifs européens passent largement derrière eux.

    Rappelons la capacité prédatrice de notre voisin dans un domaine qui n’est pas celui de la défense mais celui de l’énergie. La pression allemande s’exerce au travers de la commission de Bruxelles en faveur de la dislocation d’EDF et du système énergétique français. Il s’agit de placer les capacités industrielles des groupes allemands qui n’ont plus de débouchés dans leur propre pays dans le domaine de l’énergie renouvelable et notamment de l’éolien. Notre sol est devenu un déversoir de capacités industrielles allemandes sans emploi chez elles. Concrètement, ce qui est appelé pompeusement la coopération franco-allemande dans le domaine de la défense a creusé des désaccords profonds, voire une réelle animosité.

     

    L’Allemagne n’a jamais été notre partenaire loyal au sein de l’UE. Elle est aujourd’hui une rivale et trop souvent une adversaire.

     

    Le premier sujet de dissentiment concerne le projet SCAF de système de combat aérien du futur. C’est un projet considérable où la France, avec Dassault, dispose d’une grande compétence et d’une avance considérable sur l’Allemagne. De surcroît les deux pays n’ont pas les mêmes besoins : la France souhaite disposer d’un avion compatible avec le nouveau porte-avions qui sera construit, apte à effectuer des frappes aériennes à longue distance mais surtout en capacité de porter les bombes de notre arsenal nucléaire. C’est très loin des ambitions allemandes. Or si le futur avion ne peut pas jouer son rôle de vecteur nucléaire, notre capacité de dissuasion est menacée. Derrière il y a la supériorité géostratégique de la France sur l’Allemagne, que celle-ci souhaite voir disparaître, et notre siège au conseil de sécurité de l’ONU.

    Au plan technique, les Allemands, par tous les moyens de leur duplicité commerciale, cherchent à gagner sur la répartition convenue, 50/50, de la fabrication de ce système d’armes. C’est ainsi qu’ils ont exigé d’avoir la responsabilité du moteur qui échapperait ainsi à Safran. Ce qu’ils veulent, c’est récupérer la technologie de Dassault et pouvoir l’utiliser dans leurs propres intérêts. Rappelons-nous la triste histoire d’Airbus. Initialement la France disposait de 70 % des compétences et des capacités industrielles. Grâce au socialiste puritain Jospin et au dépravé socialiste Strauss-Kahn, Airbus a été partagé à 50/50. Aujourd’hui, Airbus dépend largement de l’Allemagne.

    Dans le domaine des blindés, où Nexter se trouve à hauteur de 50 % d’un consortium franco-allemand, l’arrivée du concurrent Rhein Métal peut conduire à la marginalisation de l’entreprise française. Les Allemands utilisent tous les procédés décrits par Éric Zemmour dans Face à l’info pour en demander toujours plus. Face à cette cupidité technologique, nos gouvernants idéologues et jobards disent généralement oui pour développer l’inexistant « couple franco-allemand » quitte à sacrifier les intérêts nationaux.

    L’autre difficulté provient de concepts d’emploi très différents. Quand les Français souhaitent pour l’avenir un char mobile, souple, capable de faire du combat urbain, les Allemands continuent à penser à des matériels lourds adaptés à un combat contre une invasion dans les grandes plaines du nord de l’Europe.

    Le retrait allemand de cette « coopération »

    Depuis quelques années l’Allemagne s’est retirée morceau par morceau de cette pseudo-coopération. Berlin a déchiré fin novembre 2017 les accords de Schwerin signés avec la France en 2002 en passant une commande de 400 millions d’euros à un constructeur de satellites allemand pour la réalisation de deux satellites d’observation optique. C’est la rupture de la coopération spatiale à vocation militaire.

    Dans le domaine des drones, la RFA n’a pas voulu d’une version armée. Pour des raisons industrielles, la coopération industrielle semble s’être arrêtée là. En avril 2020, A2K a annoncé que, pour remplacer les vieux Tornado, Berlin achèterait des Eurofighter aux capacités pourtant inférieures, semble-t-il, à celles du Rafale, et des F 18 américains. Aucune mention du Rafale. Soumission aux États-Unis.

    Concernant le remplacement des hélicoptères Tigre, l’Allemagne lorgne sans pudeur du côté de Boeing, c’est-à-dire des hélicoptères Apache américains. Pour ce qui est du missile MAST-F, les Allemands ont fait faux bond et notre ministre des Armées a décidé de lancer sa réalisation au sein d’un programme strictement français.

    Le comble a été l’annonce récente de l’achat par les Allemands de 5 avions de patrouille maritime Poséidon américains, bien entendu sans avertir les Français, en rupture complète avec la coopération envisagée entre nos deux pays qui avaient annoncé leur intention de créer un avion de patrouille maritime franco-allemand à travers le programme MAWS (Maritime Airborne Warfare System).

    En fait, l’Allemagne, probablement motivée par les États-Unis, surtout après le départ de Trump, a visiblement décidé de détricoter la coopération franco-allemande en matière de défense tout en tâchant de piller la technologie française qui lui manque, notamment dans le domaine de l’aviation. Comment la France pourrait-elle rester dans cette coopération qui n’est qu’une tromperie dans des conditions aussi humiliantes et dangereuses pour sa souveraineté ?

    Notre souveraineté est bafouée

    Cette question de souveraineté est cruciale et d’un triple point de vue. En ce qui concerne les exportations d’armement, l’expérience a montré que les Allemands ont bloqué des exportations françaises, notamment en direction de l’Arabie Saoudite (comme par exemple dans le passé un marché de châssis Mercédès à destination de Nexter et Lohr qui concernaient 350 blindés pour des centaines de millions d’euros). En leur qualité de sous-traitants de fabrications françaises, ils s’étaient arrogé un droit de surveillance et d’interdiction de matériels au détriment de la réputation commerciale de notre industrie d’armement. Bien évidemment nos voisins, dans leur délire hypocrite, mettent souvent en avant des raisons moralisatrices. Les bons apôtres ! Il semble que des accords ont été conclus pour limiter de tels procédés. La duplicité allemande fait que le risque demeure.

    D’une manière générale, l’industrie de l’armement en Allemagne et surtout les exportations de ces matériels dépendent du bon vouloir du SPD, des Verts et du Bundestag, C’est ainsi que dans un article de La Tribune du 19 février 2020 sont exposées les sept exigences de cette assemblée pour surveiller le programme franco-allemand du SCAF. La lecture de ce document est insupportable. À terme, c’est la mainmise de gens qui ne sont pas nos amis sur une industrie de l’aviation militaire où la France se trouve au premier rang.

    Enfin, il y a le ton arrogant, brutal comme celui de la ministre de la défense A2K qui fait tout son charme. Sans revenir au point Godwin, l’attitude de ce qu’on ne peut plus appeler des partenaires rappelle la morgue ancestrale de l’« Allemagne éternelle ». Désormais nous avons affaire à un mépris cynique de la France, malheureusement explicable par la faiblesse, face à ces exigences, d’une classe politique française prosternée.

    Mathieu Épinay, dans un remarquable article de Politique magazine de juillet 2019, a tout résumé : « l’exportation d’armement est un acte économique certes, mais éminemment stratégique et diplomatique où il convient d’être indépendant ». C’est bien une question de souveraineté.

    En définitive, il ne s’agit pas d’un chipotage au sein d’un pseudo-couple stratégique franco-allemand qui n’a jamais existé. En réalité, cette affaire d’industrie et d’exportation de l’armement, comme celle de l’énergie, apparaît vitale pour notre industrie ou plutôt pour ce qu’il en reste après 40 ans de brillante gestion de notre économie par notre classe politique largement issue d’une école de fonctionnaires et incompétente, au vu des résultats. Notre avenir en tant que nation en dépend pour une grande partie à moins que nous y ayons renoncé.

    Nous assistons, loin des aspirations à l’union européenne intégrée, à la résurgence d’un nationalisme agressif de Berlin du point de vue économique et industriel qui a pour objectif d’asseoir encore plus la prédominance allemande sur l’Europe continentale. On comprend mieux la volonté des Anglais de sortir de ce piège. Gageons que ceux-ci – ils en ont vu d’autres – seront en mesure de maintenir leur influence dans le monde et leur fierté en gardant leur indépendance, leur souveraineté, leur démocratie et leur identité.

    L’Allemagne n’a jamais été notre partenaire sincère et loyal au sein de l’UE. Elle est aujourd’hui une rivale et trop souvent une adversaire comme dans le cas de l’affrontement gréco-turc. Son égoïsme, stimulé par un hubris hors norme, est devenu phénoménal. Il n’est pas certain que demain, avec une armée rénovée, elle ne redevienne pas notre ennemi.

     

    Illustration : Florence Parly, ministre des Armées, et A2K, ministre de la Défense, se sont déplacées sur la BA 105 pour y poser la première pierre du futur escadron franco-allemand C-130J.

    3.jpg

    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Marion Maréchal : « Nous assistons à un glissement vers une forme d’ “autoritarisme doux” exercé par un Etat qui voudrai

    Passe sanitaire, fracture de la société française, numérisation des données, complotisme, dictature, immigration, élection présidentielle… Marion Maréchal répond aux questions de Boulevard Voltaire en exclusivité !

    La société française est plus fracturée que jamais. On fait beaucoup d’analogies entre les gilets jaunes et les opposants au passe sanitaire. Est-ce le cas et que révèle-t-elle ?

    Tout ne se recoupe pas parfaitement sur le plan territorial ou sociologique, mais à la manière des gilets jaunes, ce qui s’exprime ici est une profonde défiance nourrie par des mois, voire des années de mensonges.

    Il est probable que ces mobilisations aient pour origine commune une perte de confiance profonde vis-à-vis des institutions et des autorités quelles qu’elles soient. Depuis longtemps, déjà (et pas toujours sans raison !), les élus sont considérés comme des traîtres, les journalistes comme des menteurs, les professeurs comme les acteurs de l’effondrement de l’école et les magistrats comme des laxistes. L’une des rares autorités à faire encore consensus, jusque-là, était le monde médical et scientifique. Cette confiance a explosé en vol avec la crise du Covid, les scientifiques et médecins ayant révélé au grand jour de vives oppositions entre eux, des contradictions dans les analyses, des revirements ou encore des liens d’intérêt douteux avec des laboratoires pharmaceutiques qui remettent en cause l’impartialité de leurs positions. Un vrai traumatisme au pays de Descartes.

    Cette crise de confiance contribue à freiner l’adhésion tant aux restrictions qu’à la vaccination. Elle pousse également au doute, à la remise en cause du discours officiel et médiatique, à la recherche d’informations alternatives, le tout encouragé par le foisonnement d’informations disponibles sur Internet.

     

    Vous voulez parler des « complotistes » ?

    Cette posture vis-à-vis de l’autorité crée une véritable différence entre des citoyens qui suivent les injonctions gouvernementales sans se poser de question et ceux qui les remettent en cause par principe, ces derniers étant volontiers qualifiés, en effet, de « complotistes » dans la presse et dans la bouche des ministres.

    Attardons-nous un peu sur ce terme. Toute l’histoire de la politique n’est qu’une lutte permanente entre le bien commun, l’intérêt général et des intérêts privés. Parfois, le bien commun gagne et parfois les intérêts d’argent et de pouvoir l’emportent au détriment du collectif. Cette injustice est souvent le moteur qui conduit beaucoup d’entre nous à nous engager dans les élections. Il n’y a rien de « complotiste » à imaginer que les décisions prises par les gouvernements ne soient pas toujours animées par la recherche de l’intérêt général. Il est, au contraire, tout à fait réaliste qu’elles puissent être parfois influencées par des calculs politiciens, des logiques de réseaux, des puissances privées, des lobbys d’argent, quelquefois à l’insu même des gouvernants qui se laissent intoxiquer par des informations partiales ou partielles.

    Il est donc sain que le citoyen passe la décision publique à la moulinette de son esprit critique, d’autant plus quand celle-ci s’est révélée maintes fois incohérente, comme c’est le cas depuis de nombreux mois, en France.

    J’ai récemment lu l’article d’un auteur roumain, Radu Portocală, écrivain et journaliste exilé de son pays par le pouvoir communiste roumain, en 1977, qui faisait un parallèle entre certains mécanismes actuels et ceux à l’œuvre au sein de l’URSS. J’aime autant vous citer directement l’extrait : « La différence est minime avec le monde soviétique, où la vérité était édictée par le Parti – sans, pour autant, qu’elle fût constante : les intérêts politiques pouvaient, à tout moment, la faire changer. Les gens vivaient donc sous l’empire de la vérité du moment. Nul n’avait le droit de s’en abattre ni de la contester, sous peine de graves persécutions. Nul, non plus, ne pouvait demander pourquoi ce qui avait été vrai la veille cessait de l’être le lendemain. Ou pourquoi énoncer une chose tenue pour vraie une semaine plus tôt, mais tombée en désuétude depuis, faisait courir un risque insensé. Il fallait, sans arrêt, se tenir au courant des fluctuations de la vérité.

    Le propagandiste était l’équivalent de l’actuel vérificateur de vérité. Lui seul savait ce qu’il fallait croire à chaque moment. Celui qui contredisait ses propos ou, simplement, les nuançait tombait dans la catégorie pénale des « lanceurs de fausses rumeurs », devenait un « rumoriste ». Des peines de prison étaient prévues pour ces imprudents.

    Nous n’en sommes pas encore là. Ou, plutôt, nous n’y sommes pas de la même manière. Pour l’instant charitables, les progressistes se contentent de fustiger les complotistes, de les exposer à l’opprobre général et de les censurer, quand leurs devanciers, plus expéditifs, envoyaient en prison les rumoristes, ancêtres involontaires de nos complotistes. Cela viendra peut-être. »

     

    « Dictature », « autoritarisme », ce sont les mots qui reviennent le plus souvent pour qualifier la mise en place de ce passe sanitaire. Pensez-vous qu’ils traduisent une réalité ?

    Je pense, en effet, que nous assistons à un glissement vers une forme d’« autoritarisme doux » exercé par un État qui voudrait faire notre bien malgré nous, y compris par la contrainte s’il le juge nécessaire. Un État qui voudrait nous garder en bonne santé à tout prix, même si cela implique de restreindre nos libertés fondamentales sans notre consentement. Je trouve cette dérive très inquiétante.

    Il y a à peine quelques années, tout le monde était horrifié par la mise en place du crédit social chinois. Ce système qui attribue des points à chaque citoyen en fonction de ses bonnes ou mauvaises actions – un retard de paiement d’impôt entrant dans cette catégorie, notamment – et qui leur interdit certaines activités en fonction de leur crédit, par exemple de prendre l’avion.

    Selon moi, il n’y a pas de véritable différence de nature entre le crédit social chinois et le passe sanitaire, simplement une différence de degrés. Certains diront que j’exagère, mais la logique n’est pas très éloignée. Vous êtes un bon citoyen vacciné, alors vous avez le droit à une vie normale. Vous êtes un mauvais citoyen non vacciné, eh bien, vous serez privé de sport, de culture, de vie sociale au bar ou au restaurant et vous serez suspendu de votre emploi sans indemnités. Certains me rétorqueront que l’État français fait cela pour notre bien et la santé de tous ; le gouvernement chinois justifie aussi sa politique pour le bien du pays.

    Certains voient dans cette numérisation de la société et ce laissez-passer sanitaire sous forme de QR code les prémices de la mise en place d’une identité numérique qui, à moyen terme, fusionnerait les différentes données bancaires, fiscales, sociales, de santé, professionnelles, permis de conduire, etc., de chaque personne et donnerait accès à différents services gouvernementaux. Des données dont disposent déjà l’État mais qui, une fois, pourraient potentiellement permettre à l’État de sanctionner un individu en le privant d’accès aux autres services. Par exemple, une amende impayée pourrait entraîner le blocage de votre carte bancaire.

    Dans certaines régions des États-Unis, le déploiement des identités numériques est déjà en cours. La Floride lance le permis de conduire numérique et le Queensland, en Australie, a mis à l’essai une licence numérique de l’État. Cette année, l’Union européenne a fait un pas vers un projet d’identité numérique pour l’ensemble des citoyens, résidents et entreprises européennes, avec un objectif de 80 % en 2030. Cette ID permettrait, via le téléphone, d’avoir accès à de nombreux services gouvernementaux et de justifier l’identité des individus. Si cela facilitera certainement les démarches, il faudra être extrêmement vigilant à l’usage qui en sera fait, vu la piste glissante dans laquelle nous sommes engagés. Chacun se souvient quand nos gouvernants proclamaient que jamais ils ne mettraient en place le passe pour les activités du quotidien. Or, nous y sommes.

    Chaque citoyen doit avoir conscience des dangers que peut engendrer cette numérisation de la société. Cela implique d’avoir des exigences très fortes sur le plan de la souveraineté numérique, du cadre juridique et technique de protection des données et je dirais même de la moralité des gouvernants. En Afghanistan, une base de données biométriques, HIIDE, développée par les Américains, ainsi que les dizaines de milliers de caméras installées à cette fin sur le territoire sont aujourd’hui dans les mains des talibans. Tout cela pour dire que des technologies formidables tombées entre de mauvaises mains pourraient, demain, être le fossoyeur de nos libertés démocratiques si nous n’y prenons garde.

    Alors certes, contrairement à une dictature, les opposants politiques et les journalistes dissidents ne sont pas jetés en prison, mais l’autocensure et la peur de la mise au ban social suffisent souvent à faire taire les voix dissidentes. Le bannissement des opinions politiquement incorrectes sur les réseaux sociaux fait le reste.

    De même, il n’y a pas de « propagande officielle » proprement dite, dont la dénonciation entraînerait une condamnation, mais il y a néanmoins les prémices d’une vérité médicale d’État. Alors que le débat sanitaire a toujours été libre dans la société civile et la médecine indépendante, pour la première fois, l’État a établi une interdiction de prescrire un médicament pourtant autorisé. C’est le gouvernement qui décide de la liste (très limitée) des contre-indications au vaccin et non plus les médecins qui sont pourtant à même d’évaluer les risques courus par leurs patients au cas par cas. Les médecins qui émettent une opinion divergente sur la vaccination ou décident de soigner leurs patients atteints du Covid avec autre chose que Doliprane™ sont rappelés à l’ordre, voire interdit d’exercer par l’Ordre des médecins.

    Or, la plupart de ces médecins n’ont fait que poser une réflexion médicale sur le fait que l’injonction du « Faites-vous vacciner pour protéger les autres » est infondée, tout simplement parce que les vaccinés contaminent autant ou presque, comme l’affirme, par exemple, le CDC, l’agence de santé publique américaine. Ce qui rend, de fait, la justification du passe sanitaire caduque.

     

    Comment expliquer que, malgré l’existence de contre-pouvoirs (les deux chambres, le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel…), rien ne semble pouvoir contredire l’action de ce gouvernement ?

    La peur est un puissant anesthésiant politique. Sous la présidence d’Emmanuel Macron, l’exercice du pouvoir a été particulièrement solitaire. Cette situation politique doit nous conduire à interroger non seulement le fonctionnement de nos institutions, excessivement centrées autour de la présidence, mais aussi nos modes de scrutin. Nous vivons, aujourd’hui, dans un système de démocratie non représentative, de manière évidente, encore amplifié par l’abstention massive qui tend à devenir chronique. Le Conseil constitutionnel est un organe dont la composition est excessivement politique, cette situation ne peut que nuire à l’impartialité de cette juridiction suprême. Or, il est indéniable que le passe sanitaire, obligation vaccinale déguisée, viole non seulement plusieurs dispositions de notre droit, de notre Constitution mais aussi du droit international.

     

    Cette crise de confiance entre le politique et le citoyen peut-elle être résorbée par l’élection présidentielle à venir ? 

    Malheureusement, je crains que l’élection ne se joue pas sur les sujets essentiels, elle sera verrouillée autour de la question du Covid et du passe sanitaire. Le Premier ministre semble déjà vouloir prolonger le passe sanitaire après le 15 novembre. Chose invraisemblable : le gouvernement n’a donné aucune indication sur les conditions de sa levée ! L’état d’urgence qui devait durer trois mois dure depuis près d’un an et demi et suspend le fonctionnement normal de notre démocratie. L’immigration, sujet vital, l’Union européenne et la souveraineté, l’indépendance industrielle et militaire, même les réformes économiques resteront au second plan. Bref, on va sacrifier la discussion autour de l’avenir de la France, qui doit être le grand débat de chaque élection présidentielle, au profit d’une discussion cadenassée et hystérisée autour de l’actualité sanitaire.

     

    Voyez-vous une dynamique, un espoir quelconque se dessiner autour de n’importe lequel des candidats ou du camp que représentent les uns et les autres ?

    Ce qui est certain c’est que tous les candidats auront un immense défi : réussir à reconstruire un fait majoritaire dans un pays socialement, territorialement, culturellement, ethniquement et maintenant sanitairement fracturé. Une démocratie fonctionne sur la constitution d’une majorité. Or, la construction de cette majorité implique que le système soit adossé à un peuple possédant suffisamment de principes, références, attentes, expériences partagées pour pouvoir dégager un consensus. C’est, manifestement, de moins en moins le cas, en France, du fait des clivages métropole-périphérie, du fossé générationnel, de l’immigration, de l’écart de revenus, de la disparition d’une religion commune, du phénomène de l’individualisme consumériste, etc. La facilité restera donc de faire de la politique catégorielle par l’addition des groupes d’électeurs en les flattant sur leurs intérêts immédiats, comme le fait très bien Emmanuel Macron. Mais les intérêts catégoriels, les clientèles électorales, ça ne fait pas un peuple. Le véritable chef d’État sera celui capable de sortir de cette logique mortifère pour rassembler vers un horizon commun.

     

    Marion Maréchal

    Fondatrice de l'ISSEP
     
  • Pierre-André Taguieff : « Le pseudo ”nouvel antiracisme” n’est autre qu’une machine de guerre contre ”les Blancs” ».

    Gauchisme devenu fou

    Dans "L’Imposture décoloniale" (éditions de L'Observatoire), Pierre-André Taguieff dénonce les sectarismes qui menacent les valeurs républicaines au nom du "décolonialisme", cette idéologie "du tiers-mondisme dont les théoriciens ont remplacé la lutte des classes par la lutte des sexes et des races".

    8.jpgAtlantico : Vous publiez "L’Imposture décoloniale : science imaginaire et pseudo-antiracisme" aux Éditions de l’Observatoire. Les sectarismes menacent de plus en plus les approches scientifiques et les valeurs républicaines au nom du "décolonialisme". Comment en sommes-nous arrivés là ?

    Pierre-André Taguieff : Il s’agit, pour simplifier grossièrement, de la dernière mutation idéologique du tiers-mondisme et du gauchisme intellectuel, dont les théoriciens ont remplacé la lutte des classes par la lutte des sexes et des races, sous l’influence des néo-féministes misandres et des pseudo-antiracistes anti-Blancs étatsuniens. Pour ne pas paraître abandonner la classe, ils ont brandi le mot magique « intersectionnalité », qui tend à remplacer, dans le vocabulaire militant, la vieille « convergence des luttes ». Mais leur véritable ennemi a un double visage : le « système hétéro-patriarcal » et le « racisme systémique », qui se manifesterait par le « privilège blanc ».
        
    Les idéologues du postcolonialisme et du décolonialisme postulent que le racisme colonial est en quelque sorte une maladie héréditaire et contagieuse affectant les descendants des esclavagistes et des colonialistes, c’est-à-dire les « Blancs » qui vivent dans des sociétés dénoncées comme néo-esclavagistes et néo-colonialistes où les « dominés » seraient nécessairement « racisés ». Le racisme colonial serait donc une maladie qui s’hériterait et s’attraperait par simple contact, sur le mode d’une complicité, active ou passive, avec le « système » social raciste. Face à la supposée persistance du racisme colonial dans les sociétés postcoloniales, voire à l’extension indéfinie du racisme colonial qui s’appliquerait à de nouveaux groupes issus de l’immigration et formant de nouvelles « minorités racisées », un unique remède est prescrit : la dénonciation litanique, dans le jargon postcolonial respecté à la lettre (sous peine d’inefficacité), du racisme colonial. Discours « antiraciste » d’une pauvreté affligeante, pure expression de fantasmes victimaires diffusés par diverses minorités actives. C’est ce qu’il convenu d’appeler, dans ledit jargon, l’« antiracisme politique », instrument d’intimidation dont la principale fonction est de disqualifier toute critique du postcolonialisme/décolonialisme, en la réduisant à un indice de « racisme » ou à une expression du « privilège blanc ».

    Comment définissez-vous ce pseudo-antiracisme ?  

    Le prétendu « nouvel antiracisme », baptisé également « antiracisme politique » par les idéologues du décolonialisme, n’est autre qu’une machine de guerre contre « les Blancs » et la « société blanche ». Il dérive de la définition antiraciste du racisme fabriquée par des militants afro-américains révolutionnaires à la fin des années 1960, et connue sous diverses dénominations : « racisme institutionnel », « racisme structurel » ou « racisme systémique ». Il ne s’agit pas d’une conceptualisation du racisme, mais d’une arme symbolique qui consiste à réduire le racisme au racisme blanc censé être inhérent à la « société blanche » ou à la « domination blanche », celle-ci étant la seule forme de domination raciale reconnue et dénoncée par les néo-antiracistes. On en retient le message simpliste selon lequel la société blanche tout entière serait intrinsèquement raciste. Qu’ils le veuillent ou non, qu’ils en soient conscients ou non, « les Blancs » seraient des dominants et des « racisants », ce qui revient à nier les responsabilités individuelles non sans faire obstacle à l’identification des vrais coupables d’actions racistes.  

    Ce « nouvel antiracisme » recourt à des catégories raciales pour se définir dans ses fondements comme dans ses objectifs. D’où le paradoxe d’un antiracisme racialiste, voire raciste, dès lors qu’il puise, non sans violence verbale, à la thématique du racisme anti-Blancs. C’est pourquoi il serait plus adéquat de le caractériser comme un pseudo-antiracisme, et, plus précisément, comme un antiracisme anti-Blancs. Mais un antiracisme anti-Blancs, c’est un antiracisme raciste. Il faut arrêter de tourner autour du pot, et nommer clairement ce qui nous paraît intolérable.

    Sur quoi repose l’imposture des discours décoloniaux ?

    L’imposture tient d’abord à ce qu’il n’y a pas de « pensée postcoloniale » ni de « pensée décoloniale », ensuite à ce qu’il n’existe pas d’approches scientifiques se fondant sur un corps de concepts, de modèles d’intelligibilité et d’hypothèses qui constituerait la « théorie postcoloniale » ou la « théorie décoloniale ». On ne trouve pas de « chercheurs » dans ces domaines : ils ne cherchent pas puisqu’ils prétendent déjà tout savoir sur les questions qui les occupent, à savoir que les héritages de la traite atlantique et du colonialisme européen expliquent l’existence du « racisme systémique », c’est-à-dire du racisme « blanc », dans les sociétés occidentales contemporaines. Dans leurs écrits sur l’histoire de l’esclavage, on ne s’étonne pas de deux omissions significatives, portant l’une sur la traite intra-africaine, l’autre sur la traite arabo-musulmane. Ces angles morts trahissent leur parti pris idéologique.  

    Parmi les auteurs labellisés « postcolonialistes » ou « décolonialistes », on ne trouve que des écrivains et des universitaires d’extrême gauche politiquement engagés dans la critique, plus ou moins radicale, de l’histoire et de la pensée européennes avec des outils intellectuels empruntés à certains penseurs européens classés parmi les postmodernes ou les post-structuralistes, adeptes de la « déconstruction » des concepts philosophiques, à commencer par Jacques Derrida, le plus célèbre d’entre eux. Après la déconstruction du logocentrisme sous l’impulsion de Heidegger et celle du phallocentrisme sous la pression des féministes radicales, en passant par celle du phallogocentrisme, les déconstructeurs s’attaquent au « leucocentrisme » (de « leukós, « blanc »), en dénonçant le « privilège blanc ».

    Ces auteurs n’étudient pas sérieusement les thèmes et les questions qu’ils évoquent, ils les exploitent, et ce, à des fins autopromotionnelles – recherche de postes, d’une présence médiatique, etc. –, commerciales (création d’événements, de documentaires, d’expositions, etc.) ou politiques – faire pression sur les partis politiques pour qu’ils intègrent dans leurs programmes la lutte contre les discriminations visant les « minorités » et instaure un système légal de discrimination positive (affirmation action).

    L’imprégnation décoloniale a fait surgir un nouvel espace de l’extrémisme politique. Des groupuscules identitaires extrémistes s’érigent en tribunaux d’inquisition, censurent des œuvres et imposent des "déboulonnages". Quels sont les outils et les "armes" pour lutter intellectuellement et concrètement contre ce courant de pensée et ce mouvement ?

    La tâche des intellectuels est de soumettre le postcolonialisme et le décolonialisme à une double critique démystificatrice. Il faut montrer d’abord que ses idéologues ont produit une historiographie pseudo-scientifique, qui se réduit à un règlement de comptes avec le passé national prenant appui sur des sottisiers. Les véritables historiens du phénomène colonial ont pointé dans les écrits de ces activistes déguisés en historiens une somme d’inexactitudes flagrantes, d’erreurs plus ou moins volontaires, d’omissions, de falsifications des faits, d’amalgames (notamment avec le nazisme), de mensonges purs et simples, etc. Il faut analyser ensuite les exploitations politiques de ces dénonciations hyperboliques de l’héritage du colonialisme globalement criminalisé et érigé abusivement en clé ouvrant toutes les portes. Tout ne s’explique pas par les séquelles du racisme colonial, de l’impérialisme occidental, de la « domination blanche ». Et l’on ne saurait écrire l’histoire de la colonisation comme une histoire de l’extermination des peuples non européens. Cette historiographie mensongère, qui met l’Occident en accusation, alimente la pensée-slogan de ceux qui, extrémistes de gauche et islamistes, appellent à détruire la civilisation occidentale.

    Quelles menaces font peser le décolonialisme et ce que vous appelez le pseudo-antiracisme sur notre société et au cœur du débat d’idées ?

    Nous sommes bien en présence d’une nouvelle vision raciste du monde, qui a emprunté sa langue à l’antiracisme, non sans la déformer pour l’adapter à la guerre culturelle contre le « monde blanc ». En finir avec les discriminations raciales, c’est, pour les utopistes épurateurs qui veulent éliminer totalement le « racisme systémique », en finir avec la société crée par « les Blancs ». Un rêve inquiétant, aux accents génocidaires. Mais politiquement correct.

    En attendant le Grand Soir à la mode décoloniale, nous observons, dans l’espace intellectuel et culturel, une montée du soupçon et de l’intolérance, un sectarisme croissant, l’impossibilité de mener des débats fondés sur le respect de l’adversaire, le recours à la dénonciation criminalisante du contradicteur et à l’excommunication. Dans le corps social, l’offensive décoloniale suscite une accentuation de la fragmentation sociale, une aggravation de l’archipélisation de la France, le remplacement subreptice de la nation républicaine une et indivisible par une société multicommunautariste, une banalisation de la surdité intercommunautaire, une montée des violences entre minorités organisées, exclusives et rivales. La diabolisation et l’exclusion de l’autre, en tant que « raciste », devient la règle.
         
    Ces diverses mouvances constituées de délateurs et de justiciers paranoïaques trouvent leur cohérence profonde dans la désignation d’une cible unique, illustrant leur pensée essentialiste : « les Blancs » ou « le Blanc ». Leurs objectifs communs tiennent en trois mots : intimider, culpabiliser, épurer. Il faut à tout prix résister à l’intimidation, à la culpabilisation et à l’épuration.

    Résister jusqu’à défendre l’héritage occidental ?

    Face au ressentiment contre l’Occident et à l’hespérophobie désormais à la mode, il ne s’agit pas de donner dans l’autosatisfaction ni d’inverser la leucophobie en leucophilie.  Il faut sortir de ce jeu pathologique fondé sur la compétition des « contre » et des « pour ».  Les démocraties occidentales ne sont pas parfaites et elles doivent être critiquées pour leurs errements condamnables. Mais, loin d’être responsables de tous les malheurs du genre humain, elles ont au contraire barré la route aux tentations autoritaires et totalitaires. Quant à la civilisation européenne, qui a érigé la vérité et la liberté en valeurs suprêmes, on ne saurait sans mauvaise foi la condamner globalement comme criminelle. Les Européens (« les Blancs ») ont su procéder à la critique de leurs propres mythes en garantissant aux citoyens des États-nations démocratiques, à la suite de durs combats, la liberté de pensée, la liberté de conscience et la liberté d’expression. Ils ont su également apprendre de leurs erreurs, de leurs illusions et de leurs dérives criminelles. On doit reconnaître enfin, contre les inquisiteurs et les imprécateurs décoloniaux, que les divers apports positifs de la civilisation européenne ont fortement contribué à améliorer la condition humaine. Il n’y a pas à rougir de l’héritage européen, ni à s’excuser d’avoir la mauvaise couleur de peau.

    A lire aussi sur Atlantico, deux extraits de l'ouvrage :

    La menace de l’ethnicisation des problèmes sociaux et du séparatisme

    Les racines de l’imposture décoloniale

    Pierre-André Taguieff publie "L'imposture décoloniale : Science imaginaire et pseudo-antiracisme" aux Editions de l’Observatoire

    Lien vers la boutique, cliquez ICI et ICI

    9.jpg

    Source : https://www.atlantico.fr/

  • Moi, j’ai dit Pays légal ?, par Philippe Germain.

    Face à la menace prin­ci­pale d’Islamisation cultu­relle et démo­gra­phique, l’Action Fran­çaise a nom­mé l’ennemi prio­ri­taire. Il est poli­tique. C’est le « Pays légal ».

    L’expression est l’objet d’un para­doxe. Elle est par­fois assi­mi­lée au concept « d’Etats confé­dé­rés » (pour­tant Maur­ras n’a pas pour habi­tude de pra­ti­quer la syno­ny­mie) mais cette manœuvre dis­qua­li­fiante, n’empêche pour­tant pas son emploi tant par le gou­ver­ne­ment que par l’opposition.

    philippe germain.jpgDes exemples ? Oui en voi­là, et d’autant plus inté­res­sants car s’étant dérou­lés après « l’Affaire » de la com­mé­mo­ra­tion du 150 ème anni­ver­saire de la nais­sance de Maur­ras. Affaire qui fut un dur camou­flet pour la ministre de la Culture Fran­çoise Nys­sen, la qua­si tota­li­té des membres du Haut-Comi­té des com­mé­mo­ra­tions natio­nales ayant démis­sion­né en bloc, dénon­çant « la menace de la cen­sure ou de l’au­to­cen­sure ». Le tout se ter­mi­nant en beau­té, par l’entretien du pré­sident de la répu­blique en décembre 2020 au jour­nal l’Express, expli­quant qu’il ne faut pas faire comme si Charles Maur­ras n’avait pas exis­té… des exemples donc, du solide, du concret !

    • le gou­ver­ne­ment d’abord : Son porte-parole, Ben­ja­min Gri­veaux, loue les visites de ter­rain des ministres en 2018 : « C’est le pays légal qui ren­contre le pays réel ». A son tour, devant les dépu­tés de la majo­ri­té, réunis en 2020 dans le palais pré­si­den­tiel, Emma­nuel Macron illustre la décon­nexion entre les citoyens et les élites du pays en repre­nant, la dis­tinc­tion entre « pays légal » et « pays réel ».
    • l’opposition ensuite, et de droite et de gauche tant qu’on y est : « Le pays réel a par­lé », se féli­cite le pré­sident Laurent Wau­quiez lorsque deux can­di­dats Les Répu­bli­cains rem­portent des élec­tions légis­la­tives par­tielles, en 2018. Puis le dépu­té des Insou­mis, Clé­men­tine Autain, jus­ti­fie en 2020, le dépôt de 19.000 amen­de­ments contre le pro­jet de loi sur les retraites comme « Une méthode d’interpellation pour faire écho au pays réel ».

    Et oui, chas­sez le maur­ras­sisme par la porte du poli­ti­que­ment cor­rect et il revient par la fenêtre de la vraie vie.

    Ceci dit, d’autres dési­gna­tions cir­culent actuel­le­ment, comme « frac­ture sociale[1] », « Eta­blis­se­ment[2] », « France des métro­poles[3] », « bloc éli­taire[4] », « Oli­gar­chie[5] », « caste[6] », « anyw­here[7] ». Toutes insistent sur la rup­ture ou la dis­tance entre peuple et classe diri­geante et beau­coup tournent autour de l’appel à la démo­cra­tie directe, la « véri­table » démo­cra­tie. Nous sommes là, dans la VI ème répu­blique rêvée des « démo­lâtres », de  Jean-Marie Le Pen à Jean-Luc Mélen­chon. En fait, ces dési­gna­tions sont des mar­queurs de la déma­go­gie. Celle-ci étant, rap­pe­lons-le, l’exagération et l’abus de démo­cra­tie ou dit autre­ment, une sur­en­chère démo­cra­tiste. D’ailleurs on ignore trop qu’il n’y a pas de véri­table fron­tière entre déma­go­gie et démo­cra­tie et c’est pour­quoi il faut refu­ser l’idée d’une pseu­do « cor­rup­tion » de l’idée démocratique.

    Il en va dif­fé­rem­ment du « pays légal » contre-révo­lu­tion­naire. Concept évo­qué par Antoine Blanc de Saint-Bon­net dans La légi­ti­mi­té (1873), relan­cé par Charles Benoist, popu­la­ri­sé par Charles Maur­ras, pré­ci­sé socio­lo­gi­que­ment par Michel Michel, revi­si­té his­to­ri­que­ment par Pierre Debray. Le « pays légal » contre-révo­lu­tion­naire est une cri­tique démo­phile[8] de la démo­cra­tie. Lui ne dénonce pas une pseu­do confis­ca­tion de la démo­cra­tie, mais la domi­na­tion exer­cée sur le pays réel au titre de la sou­ve­rai­ne­té popu­laire. Il ne dénonce pas le prin­cipe des élites spon­ta­nées, mais le Sys­tème répu­bli­cain qui jus­te­ment n’étant pas leur expres­sion, ne se péren­nise qu’en asser­vis­sant les fac­tions natu­relles, au pro­fit de couches sociales qui tirent direc­te­ment leur sub­sis­tance et leur pou­voir de cette forme de régime. Pour cela le Sys­tème répu­bli­cain gèle la vita­li­té du pays réel, en le rédui­sant à l’é­tat de masse (le citoyen consom­ma­teur-élec­teur), face au géant (l’é­tat). Com­pre­nons bien : La des­truc­tion du code de dif­fé­rences et d’i­den­ti­tés du pays réel per­met la durée du Sys­tème répu­bli­cain. C’est une des clés majeures de la démons­tra­tion maurrassienne.

    Pour l’Action fran­çaise du XXIème siècle,  le « pays légal » désigne ceux qui par la mai­trise poli­tique de l’appareil d’État répu­bli­cain, exercent une domi­na­tion socié­tale (Manif pour Tous) et sociale (Gilets Jaunes), sans sou­ci du bien commun.

    Ger­main Phi­lippe (à suivre)

    Pour lire les pré­cé­dentes rubriques de la série «  L’Islam menace prin­ci­pale », cli­quer sur les liens.

    1. France,  mai­son de la guerre
    2. Mai­son de la trêve et ter­ri­toires per­dus de la République
    3. Impact sur la France de la révo­lu­tion isla­miste de 1979
    4. Les beurs et la kalachnikov
    5. Le plan d’islamisation cultu­relle de la France
    6. Islam radi­cal et bar­ba­rie terroriste
    7. Pas d’amalgame mais complémentarité
    8. Pôle idéo­lo­gique islamiste
    9. Pôle idéo­lo­gique des valeurs républicaines
    10. Face au dji­had cultu­rel : poli­tique d’abord !
    11. Prince chré­tien et immi­gra­tion islamisation
    12. Le Prince et la France chrétienne
    13. Le Prince chré­tien et la laïcité
    14. balayons le défai­tisme républicain
    15. Balayons le défai­tisme démocrate.
    16. Refe­ren­dum sur l’immigration

    [1] Jacques Chirac,

    [2] Jean-Marie Le Pen.

    [3] Chris­tophe Guilluy,

    [4] Jérôme Sainte-Marie,

    [5] Her­vé Kempf,

    [6] Laurent Mauduit,

    [7] David Goodhart,

    [8] Le terme, inven­té par Maur­ras en 1912 au sujet du pape Léon XIII, n’est tou­jours pas por­té au dic­tion­naire. Il fut repris par le Dau­phin Hen­ri VI, comte de Paris, dans son ouvrage Essai sur le gou­ver­ne­ment de demain.

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Régis de Castelnau : ”Le Parquet national financier, créé par François Hollande, s’est transformé en machine de guerre c

    Crédits Photo: Damien MEYER / AFP

    Acharnement

    Dans "Une Justice politique" (éditions de L’Artilleur), Régis de Castelnau retrace et dévoile les différents visages de la politisation de la justice.

    5.jpgAtlantico : Vous publiez « Une Justice politique: Des années Chirac au système Macron, histoire d'un dévoiement » aux éditions de L’Artilleur. De Michel Noir à Emmanuel Macron, en passant par Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy ou l’affaire Fillon, vous retracez et dévoilez les différents visages de la politisation de la justice. Comment expliquer ce phénomène ? Comment en sommes-nous arrivés là ?  

    Regis de Castelnau : Il est difficile de résumer un processus trentenaire en quelques phrases. Simplement il faut essayer d’identifier les ressorts qui ont enclenché une évolution aboutissant à une situation très problématique pour un pays comme la France. Où l’appareil judiciaire est en mesure de peser lourdement sur les processus politiques et démocratiques comme on l’a vu justement avec la disqualification judiciaire du favori de la présidentielles 2017 pour permettre l’arrivée au pouvoir d’un parfait inconnu choisi par les grands intérêts économiques et la haute fonction publique d’État.

    Pendant deux siècles, c’est-à-dire depuis le Premier Empire la justice française se caractérisait par une soumission au pouvoir politique qui permettait de considérer qu’elle était une courroie de transmission de celui-ci. Dans plusieurs pays d’Europe, à la fin des années 80 la situation politique a changé, et le système classique de démocratie représentative dans lequel les partis politiques de masse jouaient un rôle important est entré en crise. La disparition des grandes idéologies a entraîné la disparition des militants de ces partis qui ont eu alors recours pour leur financement à des expédients. C’est-à-dire à une corruption généralisée de la gestion publique, toutes les décisions favorables au entreprises privées devenant le support de contreparties en à base de commissions occultes. Cela ne fut pas supporté par l’opinion publique qui approuva et soutint l’offensive lancée par le pouvoir judiciaire allié à la presse contre la classe politique. La magistrature saisit alors l’opportunité qui lui était offerte de son émancipation et de l’accession à son indépendance. Le problème est que cette indépendance conquise par l’abaissement et la mise en accusation systématique du pouvoir politique se réalisa au profit non d’un renforcement de l’impartialité de la justice dont la fameuse indépendance est le levier, mais au contraire de l’instauration d’une partialité politique. Faute de véritables clivages idéologiques et politiques entre les grands partis, l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques est devenue une (mauvaise) habitude qui atteint certain paroxysme avec l’arrivée de Nicolas Sarkozy à la présidence de la république. C’est dans ces conditions qu’au printemps 2017 l’appareil judiciaire rallié à la candidature d’Emmanuel Macron est intervenu dans le processus électoral pour disqualifier judiciairement le favori de l’élection présidentielle.

    Suite à des révélations de Mediapart et selon des informations du Monde, le Parquet national financier a confirmé l’ouverture d’une enquête préliminaire visant Nicolas Sarkozy au sujet d’un contrat de 3 millions d’euros passé avec le groupe Reso-Garantia. Assiste-t-on à une nouvelle médiatisation et judiciarisation, voire un certain acharnement judiciaire, contre Nicolas Sarkozy alors que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a confirmé cette semaine l’illégalité de la publication d’enregistrements de Mme Bettencourt par Mediapart et que Ziad Takieddine a été entendu par des magistrats français le 14 janvier au Liban dans le cadre de l’affaire dite du financement libyen ?

    L’acharnement judiciaire contre Nicolas Sarkozy est une évidence et cette annonce d’une nouvelle enquête préliminaire n’en est qu’une nouvelle illustration. On notera que la nouvelle offensive part du Parquet National Financier, outil sur-mesure créé par François Hollande pendant sa présidence. Création destinée à compléter le pôle d’instruction financier composé de magistrats du siège pour beaucoup militants de gauche, et qui s’est transformé en machine de guerre contre la droite, et en outil de protection des amis d’Emmanuel Macron qui jusqu’à présent ont bénéficié de larges mansuétudes judiciaires. L’exemple de la publication des conversations entre Madame Bettencourt et son avocat, relevant du secret professionnel, et cependant publiées par Mediapart et particulièrement révélateur. En effet, cette énormité juridique a pourtant été validée par la Cour de cassation qui s’est ainsi trouvée une fois de plus en contradiction avec la CEDH sur une question de liberté fondamentale. L’on a pu malheureusement constater depuis quelques années que dès lors qu’il s’agissait de raids judiciaires contre les hommes politiques de droite la haute juridiction mettait beaucoup de souplesse à valider des initiatives dont on aurait pu penser qu’elles étaient grossièrement illégales. J’en ai cité quelques-unes dans mon livre, il y en a malheureusement d’autres. Quant à l’audition de Ziad Takieddine réalisé en urgence au Liban dans une affaire portant sur des faits intervenus en 2007 et pour lesquels aucune charge sérieuse n’a pu être établie, elle caractérise cet acharnement fébrile à l’encontre de celui dont on semble craindre chez certains, un éventuel retour politique.

    Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti est visé par une procédure de la Cour de la justice de la République pour « prise illégale d’intérêt ». Les magistrats sont-ils en train de faire une nouvelle victime ? Est-il possible de construire un contrepoids au pouvoir de plus en plus important des magistrats ?

    Emmanuel Macron aurait-il commis une erreur tactique avec la nomination d’Eric Dupond Moretti place Vendôme alors qu’à l’évidence celui-ci est haï par les magistrats ? En effet depuis l’arrivée de cet avocat tonitruant, le corps des magistrats dans son ensemble, fait tout pour obtenir son départ. Je dis le corps des magistrats dans son ensemble car différentes manifestations l’ont établi et surtout a première présidente de la Cour de cassation et le procureur général s’en sont faits les porte-paroles. La décision de la commission d’instruction de la Cour de Justice de la République (CJR) composée uniquement de magistrats professionnels de considérer comme recevables (!) les plaintes des syndicats de magistrats contre Dupond Moretti, en est une nouvelle preuve. Puisque cette décision va permettre la mise en examen du Garde des Sceaux créant ainsi une situation assez invraisemblable ou le pouvoir judiciaire qui devrait être séparé considère que comme pour le président de la république en 2017 c’est à lui qu’il appartient de dire qui peut être ministre de la justice !

    Emmanuel Macron est dans une situation délicate, car soit il cède et se débarrasse d’Éric Dupond Moretti et il perdra la face et se retrouvera dans une situation politique affaiblie. Soit il accepte l’épreuve de force et le conserve. Les magistrats disposent de tous les moyens pour le mettre en difficulté sur le plan judiciaire. Non pas directement puisqu’il est protégé par son immunité constitutionnelle, mais, de Richard Ferrand à François Bayrou en passant par Alexis Kolher, Gérard Darmanin et autres Benalla, il y a suffisamment de gens à inquiéter dans son entourage.

    La Cour de cassation a rejeté ce mardi les trois pourvois formés par l’ancienne présidente du Syndicat de la magistrature, Françoise Martres, après sa condamnation pour injure publique dans l’affaire du « Mur des cons », selon des informations du Monde. Quel regard portez-vous sur cette décision ? Faut-il y voir un signal ?  

    Il ne faut pas se laisser prendre à cette diversion. La décision de la Cour de cassation permet de prétendre que la magistrature est capable de faire la police dans ses propres rangs. Ce n’est pourtant pas ce qui s’est passé avec cette procédure. En effet l’existence de ce « Mur des cons » dans un local ouvert à tous les vents, constituait une revendication de partialité politique pour les magistrats. Revendication confirmée dans un article de justification de l’existence de ce panneau signé par d’anciens dirigeants des deux principales organisations syndicales ! La réponse à ce manquement gravissime n’était pas le lancement d’une procédure issue de la loi sur la presse, mais bien une procédure disciplinaire pour sanctionner cette atteinte majeure au devoir de réserve. Pour ma part je considère que ce « signal » est plutôt quelque chose de négatif.

    Que faut-il penser de la tentative de judiciarisation de la crise sanitaire et des menaces de poursuites judiciaires qui pèsent sur la classe politique et les médecins face à la pandémie de Covid-19 et face à la pression des citoyens ou de certaines associations et collectifs ? Le Premier ministre Edouard Philippe avait évoqué cette crainte lors de son audition devant la Commission de l’Assemblée nationale. Cette menace ne porte-t-elle pas atteinte à l’action politique et du gouvernement dans le cadre de la lutte contre la pandémie ?

    Il est clair que l’incompétence arrogante a caractérisé la gestion gouvernementale de la première vague du Covid 19. Et que des fautes très graves ont été commises dont certaines relevent de l’appréciation du juge en application du code pénal. Le problème est que beaucoup se sont dès ce moment-là précipité sur le judiciaire pour tenter de faire rendre gorge à un pouvoir qui se caractérise par la désinvolture et le mépris. Ne retenons que l’exemple du directeur général de la santé Jérôme Salomon dont les responsabilités écrasantes ont été pointées par les commissions parlementaires d’enquête. Personne dans la sphère gouvernementale n’a simplement envisagé qu’il puisse démissionner. L’irresponsabilité est ainsi institutionnalisée. Il n’y a donc pas à être surpris que face à la gabegie qui perdure dans la gestion de la deuxième vague, comme le démontre la stratégie vaccinale, beaucoup se précipitent vers le prétoire pour s’y exprimer. Parce que malheureusement ce qui porte atteinte « à l’action politique du gouvernement dans le cadre de la lutte contre la pandémie » c’est plutôt l’incompétence de celui-ci, qui est à l’origine de nos déboires, et non pas le risque pénal. Surtout que l’on sait très bien que si affairespénales il y a à la suite de la pandémie, les procédures seront longues et complexes et que les décisions n’interviendront que dans plusieurs années.

    Quelle solution préconisez-vous pour une justice apaisée et pour réduire l’influence de cette politisation de la justice ? Au regard des sommes et du temps investis dans toutes ces procédures qui aboutissent souvent à des non-lieux, l’administration judiciaire ne pourrait-elle pas se réinventer ? La campagne de 2022, marquée par la crise sanitaire, ne risque-t-elle pas d’être polluée par des affaires judiciaires comme lors du séisme médiatico-judiciaire de l’affaire Fillon ? 

    Nous courons effectivement un réel danger de voir la justice récidiver et intervenir, dans le processus électoral qui s’ouvre. Jusqu’à présent deux candidats se sont officiellement déclarés : Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Ils sont tous les deux concernés par des procédures judiciaires en cours, qu’il serait très simple de réactiver au bon moment. Je ne formule pas là une accusation, je pointe une hypothèse que le raid judiciaire contre François Fillon au printemps 2017 rend tout à fait plausible.

    Malheureusement, cette politisation dont je considère qu’elle est une réalité, est trop souvent considérée par le monde politique comme un atout. Beaucoup de ceux qui ont protesté contre le sort fait à François Fillon, , ne verraient peut-être pas d’inconvénient à ce que cela arrive de nouveau à un de leurs concurrents. On touche là une question essentielle qui est celle de la nécessité que ceux qui portés aux responsabilités par l’élection, réaffirment clairement et nettement qu’il n’est pas acceptable que la justice soit devenue un pouvoir politique. Et mettent en œuvre ou préconisent les mesures permettant de mettre fin à ce dévoiement. Il en existe un certain nombre, dont la restauration d’une discipline républicaine minimum devrait être la première.

    A lire aussi : Affaires Bettencourt, Paul Bismuth, Takieddine : la chasse au Sarkozy est ouverte

    A lire aussi : L’affaire Fillon, un coup d’Etat judiciaire ?

    Régis de Castelnau publie « Une Justice politique : Des années Chirac au système Macron, histoire d'un dévoiement » aux éditions L’Artilleur

    Lien vers la boutique : cliquez ICI et ICI

    3.jpg

    Source : https://atlantico.fr/

  • Pour un état indépendant s’inscrivant dans le temps long, par Phi­lippe SCHNEIDER.

    Édi­to­rial de la Lor­raine Royaliste

    Pauvre année que nous venons de vivre ! La France a été tou­chée, comme beau­coup d’autres pays, par une épi­dé­mie venue de Chine et dont les causes sont encore incon­nues. Il faut dire que les Chi­nois ne font pas grand-chose pour nous éclai­rer. Il semble même que de nom­breux témoins du début de l’épidémie aient « dis­pa­rus » ! 

    Cette épi­dé­mie a entraî­né un peu par­tout des morts, moins, beau­coup moins, que lors des grandes pan­dé­mies du pas­sé mais suf­fi­sam­ment pour que nous devions en tenir compte sur­tout que ce virus était (est encore) pra­ti­que­ment inconnu.

    Les réac­tions furent dif­fé­rentes d’un pays à l’autre : fer­me­ture totale des fron­tières ou, comme la France, les lais­ser ouvertes. Confi­ne­ment total, par­tiel de la popu­la­tion ou non…

    Cette crise, qui n’est pas finie, aura mon­tré aus­si beau­coup de fai­blesses dans notre pays :

    - Notre sys­tème de san­té n’est pas au point, il s’est même lar­ge­ment dégra­dé au fil des années à la suite de mesure « d’économies ». Cela est par­ti­cu­liè­re­ment criant concer­nant les places dis­po­nibles dans le sys­tème hos­pi­ta­lier (hôpi­taux et cli­niques ras­sem­blés). Et pour­tant, nous sommes un des pays qui dépense le plus pour sa san­té ! En fait, notre sys­tème est beau­coup trop cen­tra­li­sé et bureau­cra­tique engen­drant des dépenses folles (plus du double en moyenne que les autres pays de l’OCDE) en per­son­nel admi­nis­tra­tif pour rien sinon rem­plir des for­mu­laires, des fiches admi­nis­tra­tives… mais pas soigner !

    - Notre indus­trie phar­ma­ceu­tique qui dépend main­te­nant lar­ge­ment de l’étranger pour la four­ni­ture des pro­duits per­met­tant la fabri­ca­tion des médi­ca­ments. Cer­tains sont même  tota­le­ment impor­tés. Ce n’était pas le cas avant la « mon­dia­li­sa­tion » ! Et ceci se véri­fie pour nombre d’autres indus­tries. Nous ris­quons de ne plus pou­voir soi­gner nos malades en cas de vrai grave crise mon­diale et qu’arriverait-il si les voies de com­mu­ni­ca­tion étaient cou­pées ? Et c’est aus­si le cas pour de nom­breux autres pro­duits. La France a beau­coup per­du sur le plan indus­triel au nom d’une poli­tique à courte vue du « moindre coût » dans le cadre du « libre échange ».

    - Par res­pect des « accords » de l’Union Euro­péenne, la France n’a pas fer­mé ses fron­tières, se conten­tant de deman­der que les fron­tières euro­péennes le soient. Pour­tant, nous remar­quons que beau­coup de pays, l’Allemagne en par­ti­cu­lier, les ont fermées.

    Fai­blesse du gou­ver­ne­ment Fran­çais inca­pable réflé­chir avant d’agir, mais « frap­pant » très fort pour mon­trer qu’il existe sans pen­ser aux consé­quences de ses actions désor­don­nées. Cen­tra­li­sa­teur, il empê­cha toute ini­tia­tive locale. Fai­blesse éga­le­ment de l’Europe qui a mon­tré toute son inef­fi­ca­ci­té pen­dant long­temps. Sans comp­ter les choix des médi­ca­ments ou vac­cins sans doute plus liés aux « pres­sions » des indus­tries phar­ma­ceu­tiques que de leurs valeurs !

    Si nous avons tous subit cette épi­dé­mie comme il y en eu beau­coup dans notre his­toire et de bien plus graves, cer­tains en pro­fite pour assoir leurs puis­sances. C’est Jacques Atta­li qui, il y a quelques années déjà, sou­hai­tait une grande pan­dé­mie tou­chant le monde entier pour per­mettre d’imposer un « gou­ver­ne­ment mon­dial ». Et il est cer­tain que beau­coup d’idéologues et de finan­ciers en pro­fitent pour pous­ser dans cette direc­tion pour en finir avec les Nations. Et nous le voyons déjà en Europe avec ces « emprunts euro­péens » – en fait de la mon­naie fabri­quée par la banque cen­trale euro­péenne – qui sont redis­tri­bués aux divers pays. Notre indé­pen­dance finan­cière n’existait déjà pra­ti­que­ment plus, mais c’est encore pire car nous serons tous tenus à la mer­ci du plus puis­sant finan­ciè­re­ment et éco­no­mi­que­ment des États euro­péens, l’Allemagne. Cette der­nière étant à la remorque des États-Unis d’Amérique.  Il faut aus­si se poser la ques­tion des consé­quences de ce déver­se­ment jamais vu de sommes pha­ra­mi­neuses dans l’économie ne repo­sant sur rien. Cet argent arti­fi­ciel per­met certes à cer­tains qui ne peuvent plus tra­vailler de sur­vivre mais essen­tiel­le­ment se retrouve dans le monde finan­cier, ce qui explique que les bourses ne cessent de pro­gres­ser alors même que l’économie est en grande par­tie à l’arrêt. Ceci pro­voque la créa­tion de « bulles » finan­cières qui, imman­qua­ble­ment, « écla­te­ront » un jour pro­vo­quant faillites et catas­trophes en série. Seuls les plus solides éco­no­mi­que­ment, finan­ciè­re­ment et – j’ajouterai – poli­ti­que­ment s’en sor­ti­ront. Et ce n’est pas le cas de la France pri­son­nière de l’Union Euro­péenne, finan­ciè­re­ment exsangue et éco­no­mi­que­ment malade.

    Notre éco­no­mie, déjà mal en point il y a un an, va-t-elle pou­voir se remettre  de plu­sieurs mois d’arrêt presque total dans cer­tains sec­teurs ? Ne reve­nons pas sur les divers confi­ne­ments, couvre-feux et autres limi­ta­tions à mon avis en grand par­tie injus­ti­fiés mais il faut main­te­nant son­ger à l’avenir : com­ment recons­truire ? Il est déjà cer­tain que cela ne pour­ra se faire si nous res­tons dans l’Union Européenne.

    Recons­ti­tuer notre indus­trie natio­nale pour nous per­mettre de retrou­ver une cer­taine indé­pen­dance tout en nous pro­je­tant dans les nou­velles indus­tries inno­vantes. Ceci sans dépendre de l’étranger pour les com­po­sants en par­ti­cu­lier pour l’industrie phar­ma­ceu­tique mais aus­si dans l’électronique. Mais com­ment faire confiance en notre répu­blique qui, nous l’avons vu entre autres avec Alstom et Laté­coère, brade nos entre­prises per­for­mantes à des socié­tés étran­gères ? Cela néces­si­te­rait aus­si de retrou­ver notre indé­pen­dance finan­cière en ne dépen­dant plus de la banque cen­trale euro­péenne pour nos opérations.

    Nous le voyons, tout ceci néces­si­te­rait une volon­té farouche de l’État de recons­ti­tuer une France forte et indé­pen­dante. Pour cela, outre la volon­té, il fau­drait un État et donc un chef de l’État qui ait le temps devant lui, car rien ne peut se faire à court terme. Autant dire que cela est impos­sible dans notre régime où le pré­sident est élu pour 5 ans. Il faut à la France un chef de l’État qui ne s’occupe pas – comme Macron – des affaires quo­ti­diennes mais qui ait une vue à long terme, conduise les grands pro­jets mais sans entrer dans les détails, rôle des ministres, voire des entre­prises, des pou­voirs locaux… Seul un per­son­nage indé­pen­dant des fac­tions, donc non élu, mais ayant une légi­ti­mi­té his­to­rique peut le faire. En France, c’est notre Roi. Tra­vaillons à son instauration.

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • La guerre sans la guerre, drôle de guerre !

     

    Par Mathieu Épinay*

     

    Moyen-orient. Le président Macron a déclaré que le fait d’envoyer des missiles frapper des sites en Syrie n’était pas un acte de guerre, mais juste des « représailles ». Dans cette affaire, tout n’aura été que postures. 

    Stupéfiant dans l’art consommé qu’il a de prendre les Français pour des imbéciles, le talentueux Macron, après avoir abordé les questions religieuses aux Bernardins, s’est mis à traiter les questions stratégiques avec la même sophistique. Toujours avec le même brio ! Dans l’entretien télévisé incongru du 16 avril, il a expliqué au journaliste Plenel de Mediapart que, grâce à nos frappes en Syrie, nous avons « réacquis de la crédibilité à l’égard des Russes ». Pas de chance, le lendemain le ministre russe des Affaires étrangères faisait savoir, sans être démenti, que « la Russie et la coalition internationale dirigée par les USA ont été en contact au niveau du commandement peu avant les frappes contre la Syrie. Moscou a notamment mis en garde contre les frappes sur certaines régions syriennes qui signifieraient le franchissement de lignes rouges. » Il ajoutait que « le chef d’état-major des armées russes avait averti la coalition internationale, bien avant qu’elle ne réalise ses frappes contre la Syrie, que si les activités militaires quelconques de la soi-disant coalition touchaient des militaires russes, la partie russe répondra d’une manière dure et claire. » Pour Macron, une opération négociée avec les Russes et encadrée par leurs lignes rouges – ils ont aussi les leurs –, nous aurait donc rendus crédibles et dissuasifs à leur égard.

    Un dispositif sans motif valable

    Et voici ce qu’il a déclaré juste après ces bombardements, avec l’assurance de l’homme qui ne se trompe pas : « Le samedi 7 avril 2018, à Douma, des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants ont été massacrés à l’arme chimique, en totale violation du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Les faits et la responsabilité du régime syrien ne font aucun doute … J’ai donc ordonné aux forces armées … »

    Or, les faits ne sont pas établis, loin s’en faut, et l’enquête n’a même pas commencé. Le document produit le lendemain par Macron pour prouver une attaque chimique et justifier sa décision n’a malheureusement que l’apparence d’une compilation d’éléments ramassés sur les réseaux sociaux. À quoi sert d’inventer une loi « anti-fake news », si c’est pour se livrer soi-même à un genre d’exercice comparable. Il convient de soupeser les termes de ce texte officiel : « L’analyse des vidéos et des images (…) a permis de conclure avec un haut degré de confiance que la grande majorité est de facture récente et ne relève pas d’une fabrication. » Extraordinaire, n’est-ce pas ? En outre, « la nature spontanée de la mise en circulation des images sur l’ensemble des réseaux sociaux confirme (!) qu’il ne s’agit pas d’un montage vidéo ou d’images recyclées ». Enfin, « une partie des entités ayant publié ces informations est reconnue comme habituellement fiable » ! C’est ubuesque, mais surtout un peu léger pour engager nos marins et aviateurs dans une opération risquée, désastreuse pour notre réputation et, comme il le dit si bien lui-même « en totale violation du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. »

    Cette attaque, lancée sans le moindre accord international, telle que fut naguère l’aventure libyenne de Sarkozy, inscrit donc clairement la République française dans le clan des États qui prétendent régenter le monde en traitant les autres États de voyous, ce qui permet précisément de s’éviter les normes habituelles du droit et de se comporter soi-même… en voyou. Les éléments de langage macroniens sur « les dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants massacrés à l’arme chimique par Bachar » rappellent d’ailleurs ceux de Sarkozy sur « les fleuves de sang promis par Khadafi ». On connaît la réalité et la suite.

    Beaucoup de désinformations

    Il a fallu entendre beaucoup d’âneries sur cette affaire : ainsi un proche de l’Élysée explique que, grâce à Macron, les Américains ont limité les frappes ; eh oui ! Un expert militaire patenté raconte qu’un système russe permet de « ralentir la vitesse de nos missiles de croisière pour en faire une proie facile pour la défense », et ainsi de suite !

    Restons sérieux et contentons-nous de quelques commentaires sur le plan militaire, puis sur le plan politique.

    monde-5.jpg

    Telles sont les images que le Département de la Défense a présentées le 14 avril après les frappes de missiles américains sur le site syrien d’Him Shinshar de stockage d’armes chimiques.

    Le premier bobard, et c’est de bonne guerre, viendra des Russes qui annoncent que 71 missiles de croisière sur les 105 déclarés par la coalition ont été abattus par la DCA syrienne.

    Quatre jours plus tard, ils ajoutent qu’ils en ont récupéré deux intacts, dont l’examen permettrait de modifier leur système de défense pour être capables de les intercepter ! Ils ne l’étaient donc pas, contrairement à la DCA syrienne ! Tout cela n’est pas cohérent !

    De fait, il est très probable qu’aucun missile n’ait été intercepté et pour cause ! Les Tomahawk américains, les Scalp/Storm Shadow franco-britanniques et les missiles de croisière navals (MDCN) français sont des armements stratégiques, des missiles furtifs à faible signature infrarouge et radar, qui foncent, en haut subsonique, près du sol, sur plusieurs centaines de kilomètres selon une trajectoire programmée pour éviter les zones dangereuses, exploiter au mieux les masques du relief et leurrer les systèmes d’alerte. Très discrets, parfaitement autonomes, ils suivent exactement l’itinéraire qu’on leur a assigné en comparant la carte en relief qu’ils ont en mémoire avec le profil du terrain survolé. Si cela ne suffit pas, le missile se raccroche au GPS américain, au prix de la souveraineté, bien sûr. En phase d’attaque, c’est l’image thermique de l’autodirecteur corrélée avec l’image satellite de la cible chargée en mémoire qui génère les algorithmes de pilotage, ajustant la trajectoire au mètre près. De plus, le vol des différents missiles est synchronisé pour saturer les défenses. Bref, les artilleurs syriens n’ont pas les moyens d’arrêter un tel tir à trois heures du matin.

    Le fait qu’un des 10 missiles Scalp portés par nos 5 Rafale ne soit pas parti relève d’un aléa technique qui sera identifié et corrigé ; c’est ennuyeux, ce n’est pas un drame. En revanche, les pannes qui ont bloqué le départ de missiles MDCN sur plusieurs de nos frégates (FREMM) sont préoccupantes pour notre crédibilité. Le silence assourdissant du ministre sur ce point était maladroit ; il fallait juste souligner d’emblée l’excellent comportement des 3 MDCN pour leur baptême du feu, sans occulter des difficultés de mise au point inévitables à ce stade final du développement, avec des risques identifiés et acceptés. Tout le monde aurait alors compris qu’on n’en ait pas tiré plus. Mais sur une opération aussi contestable, la communication gouvernementale était un peu crispée.

    Le MDCN, qui sera bientôt intégré sur nos nouveaux sous-marins d’attaque de classe Suffren, marque une révolution majeure dans la stratégie navale. Il n’a d’ailleurs échappé à personne que les porte-avions, américains, français ou britanniques ont disparu de la scène, et que nos Rafale en Jordanie et aux Émirats, cloués au sol pour d’évidentes raisons de bienséance diplomatique, ont été facilement remplacés par d’autres, partis de France.

    Monde-6.jpg

    Le 24 avril, le président Macron, à côté de la First Lady Melania, enserre dans ses bras le président Trump, lors de la réception à la Maison Blanche. 

    Politique de Trump : politique de Macron ?

    Venons-en aux objectifs : les photos-satellite des résultats publiées par les Américains sont cohérentes ; ils n’ont pas de raison de les trafiquer. Les trois immeubles du prétendu centre de recherche chimique de Brazeh, près de Damas, sont rasés et il y faut bien 76 missiles, équivalents à autant de bombes de 500 kg. Certes Trump, qui ne pouvait ignorer que l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) n’y avait rien trouvé lors d’une récente inspection, a un peu forcé la dose. Était-ce une provocation adressée aux faucons, néo-conservateurs ou démocrates, de son État profond ? Les deux autres objectifs près d’Homs, des bunkers probablement vides, ont été atteints, sans surprise et aussi sans victimes ; les Russes, après avoir « proposé » les objectifs, auront prévenu le gouvernement syrien qui n’avait d’ailleurs rien à y faire garder. Tout le monde est donc allé dormir ailleurs !

    Que cherche donc Trump en envoyant des salves de missiles de croisière sur des objectifs désaffectés : une base aérienne en 2017, des immeubles et des bunkers vides en 2018 ? Cette politique de la canonnière est en tout cas démonstrative de sa capacité à frapper partout à tout moment et sans risques d’enlisement. Et maintenant on apprend qu’il entend désengager les forces américaines du Moyen-Orient. Cependant, les enjeux de pouvoir à Washington rendent la politique étrangère américaine plus opaque. S’agit-il de maintenir le chaos en Syrie ou de l’abandonner aux Russes pour se tourner vers le Pacifique ? Quelle est la part de théâtre dans les postures de Trump ? Sont-elles destinées au public oriental, à l’Iran, au congrès américain, aux Russes, aux Européens ? À Macron en particulier à qui il vient d’offrir une visite d’État et qui pense infléchir les décisions de l’imprévisible Trump. À tort ?

    Comment fonctionne notre chef des armées pour se laisser entraîner aussi vite dans un jeu qu’il ne maîtrise pas ? Le comprend-t-il seulement ?

    Dans une situation aussi confuse, il est urgent que la France prenne ses distances et définisse une ligne stratégique et politique qui lui soit propre au Moyen-Orient. Y a-t-il encore des personnes qui pensent au sommet de l’État ? Ou ceux qui pensent ne sont-ils chargés que d’exécuter les ordres de chefs qui ne connaissent que leur caprice ?   

    Mathieu Épinay

    * Collectif de spécialistes des questions de Défense
  • La Fabrique du crétin, clap de fin, par Jean-Paul Brighelli.

    Image d'illustration Unsplash

    Jean-Paul Brighelli partage avec nous l'introduction de son prochain livre

    Chers lecteurs, je profite de ces vacances pour écrire mon dernier livre sur l’état de l’Ecole, à paraître en janvier prochain. L’idée m’est venue de vous en soumettre les chapitres essentiels, afin de tenir compte de vos critiques et de vos suggestions. Aujourd’hui, l’introduction. Bonne lecture et n’hésitez pas à commenter, même avec férocité, cette analyse dernière, après 45 années passées dans un système éducatif désormais exsangue.

    4.jpgDepuis la sortie de la Fabrique du crétin, en 2005, j’ai participé à maints débats où revenait sans cesse la même question : « Pourquoi l’Éducation nationale a-t-elle autorisé les dérives successives qui ont amené à la présente apocalypse scolaire ? » Ce livre tente de répondre de façon cohérente à cette question.

    Frappés par un titre qui claquait fort, les lecteurs ont souvent oublié le sous-titre de l’essai : «  La mort programmée de l’Ecole ». Peut-être parce que le crime était si grand que l’on n’a pas voulu en étudier froidement les tenants et aboutissants, ni se demander à qui ou à quoi il profitait. Chacun a des enfants, des petits-enfants, dont il constate, année après année, le très faible niveau de connaissances. Chacun a entendu ces mêmes enfants répondre, à la question « Qu’as-tu appris en classe aujourd’hui ? », un « Rien » pas même étonné. Comme si aller à l’école était désormais une obligation déconnectée de toute obligation de résultats. Une nécessité formelle, imposée par la loi, mais vidée de toute substance.

    Question subsidiaire, souvent posée elle aussi : « À quel moment l’Ecole a-t-elle commencé à dysfonctionner ? » Les lecteurs ont une mémoire longue, qui leur permet de comparer l’enseignement qu’ils ont reçu, il y a parfois soixante ans, et celui que reçoivent aujourd’hui leurs gamins. Ils ont entendu les pédagogues proclamer doctement que « les situations ne sont pas comparables », et que « l’enseignement de masse actuel ne peut fonctionner selon les méthodes élitistes d’autrefois ». Oui — mais autrefois, les élèves quittant le CP savaient lire, écrire, et maîtrisaient les quatre opérations de base, alors que la division s’apprend aujourd’hui, avec une méthode complexe et aberrante, en CM1-CM2. Et qu’elle est rarement maîtrisée à l’entrée en Sixième. Pas plus d’ailleurs que la lecture et l’écriture.

    Disons tout de suite que l’on a voulu ce désastre, et qu’on l’a justifié a priori et a posteriori avec les meilleures intentions du monde. Non, l’Ecole de la République n’a pas du tout dysfonctionné : elle accomplit aujourd’hui de façon routinière ce pour quoi on l’a programmée dans les années 1960-1970.

    Parce que ce n’est pas la Gauche, chargée de tous les péchés pédagogiques, et qui les a assumés dès qu’elle a été au pouvoir, qui a voulu à l’origine cette Ecole déficiente. C’est la Droite, avec la bénédiction des autorités européennes.

    Pas n’importe quelle Droite. Disons la Droite giscardienne, qui s’est trouvée aux manettes, pour ce qui est de l’Ecole, dès les années 1960.

    De Gaulle ne s’intéressait guère à l’Éducation. Pour lui, ce qui se passait en classe était probablement dans le droit fil de ce qu’il avait connu enfant sur les bancs de l’École — privée ou publique. De la rigueur, de l’ambition, et une tolérance nulle aux écarts de conduite et d’apprentissage. On sait que la Troisième République s’était inspirée, pour définir son projet éducatif, de l’école mise en place en Prusse par Bismarck. C’est cette école, analysait Ferdinand Buisson, vrai maître d’œuvre des réformes de Jules Ferry, qui avait gagné la guerre de 1870. L’École française devait donc se métamorphoser, si elle voulait gagner la prochaine guerre — et elle l’a fait. La victoire de 14-18, avec ses souffrances inimaginables, la résistance des soldats, et leur abnégation, leur consentement au sacrifice, est sortie tout entière de l’École de Jules Ferry.

    Ce qui amène à penser que nos présents renoncements, la dégringolade à laquelle nous assistons stupéfaits, cette décivilisation où notre vieux monde passe peu à peu la main aux barbares, sortent eux aussi de l’École telle qu’elle s’est transformée depuis soixante ans. Et que la guerre de civilisations dans laquelle nous sommes aujourd’hui englués est d’ores et déjà perdue.

    Parce que le mal vient de loin. Nous avons pris l’habitude, modifiés en profondeur par les chaînes d’information en continue et le tac au tac de l’actualité et des réseaux sociaux, à ne plus penser en perspective, mais dans l’instant. Le renoncement à toute perspective chronologique, en Histoire, avait des motivations profondes — des motivations de marché. On attend de nous un réflexe de consommation immédiat qui défie toute analyse. Les jolies couleurs du produit fini (« la réussite de tous », clament les fossoyeurs de l’École) nous empêchent de voir qu’à l’intérieur de l’emballage, il n’y a rien.
    Et même moins que rien. Ce que l’on apprend à l’école, désormais, c’est l’extrême relativité de toute opinion et de tout savoir. « C’est votre avis, ce n’est pas le mien », clament des enfants qui ne savent orthographier correctement ni « c’est », ni « avis ». L’autorité du maître a été dissoute dans le chœur des opinions divergentes, l’atmosphère de débat perpétuel instaurée par des lois intelligemment perverses, et des réseaux sociaux où tout individu pourvu d’un clavier se pense tout-puissant.

    On ne m’entendra peut-être pas, mais je le dis d’emblée : l’École ne dysfonctionne pas. Au contraire. Elle fait ce pour quoi on l’a programmée : créer un vaste melting-pot, un bouillon d’inculture, où les élèves n’acquerront que de très faibles notions, peu sûres, entachées d’approximations, d’erreurs et d’a priori idéologiques. Une matrice dont tout l’effort vise à produire des consommateurs et des travailleurs instables, peu formés, et dotés d’un instinct critique d’huître, mais susceptibles d’accepter n’importe quelle tâche pourvu qu’elle leur permette de regarder la télévision le soir.

    L’« ubérisation » d’aujourd’hui a commencé dans les cervelles enfantines dès les années 1960. Elle s’est affermie après 1968, certes, mais faire porter aux événements de mai la responsabilité du délitement ultérieur est un prétexte commode pour ne pas scruter les vrais responsabilités.

    Le choc épistémologique final est intervenu en 1976, quand le duo Giscard / Haby (son ministre de l’Éducation) a décidé, de manière si rapprochée que les deux événements, concomitants, étaient forcément coordonnés, de deux mesures dont les effets combinés ont produit l’actuel désastre. À ceci près que pour ses concepteurs, ce n’est pas du tout un désastre, mais une brillante réussite.

    Ces deux mesures sont le collège unique (loi Haby du 11 juillet 1975) et le regroupement familial (29 avril 1976). Ce décret signé par Jacques Chirac, suspendu un temps par Raymond Barre (en novembre 1977) et finalement avalisé par le Conseil d’Etat le 8 décembre 1978, est la cause première des mutations imposées à l’École quelques mois auparavant. Il était bien sûr dans les tiroirs du gouvernement lorsque la loi Haby est votée. La combinaison de ces deux événements majeurs de notre Histoire récente a produit, par effet de ricochet, les effets secondaires dont le cumul est l’actuel désastre éducatif — ou, si l’on regarde le résultat sous le point de vue de ceux qui l’ont initié, sa totale réussite.

    Ce livre retrace les étapes du processus de déstructuration de l’Ecole, pierre de touche de notre présente débâcle. Nos présents renoncements, notre laïcité à géométrie variable, l’Histoire réécrite, la tolérance à l’intolérance religieuse, notre faiblesse face aux revendications de toutes origines, mais principalement religieuses, tout est relié à cette programmation initiale : on a voulu démanteler l’École, parce qu’elle était l’Ancien Monde, et que la modernité (un mot brandi comme une référence par les politiciens et les pédagogues, alors qu’il est synonyme de catastrophe) ne voulait surtout pas de citoyens pensants, informés, critiques et cultivés. Ce que nous appelons culture désormais est une macédoine d’idées toutes faites, de poncifs écœurants, d’affirmations hautaines et péremptoires, et de distance critique nulle. Notre obéissance actuelle à des diktats hygiénistes d’une rationalité suspecte, notre soumission à des décisions qui, si elles avaient été prises par d’autres, auraient mis des millions de personnes dans la rue, sortent de l’école de conformisme qu’est devenue le système éducatif français.

    Il faut comprendre quelle chaîne de décisions, chacune se greffant sur la précédente et l’amplifiant, a créé cette spirale descendante qui a entraîné l’Ecole dans les abysses. Une décision en soi n’est rien — on peut la révoquer à tut moment. Mais une série de décisions, dont chacune amplifie la précédente, crée un système dont il est bientôt impossible de se déprendre.

    C’est cet enchaînement fatal que j’entends ici décrire. Les décadences ne viennent pas par hasard.

    Quant à la perspective de se secouer de cette suie idéologique, elle s’éloigne chaque jour. Tout le malheur de Cassandre, on le sait, est qu’elle dit la vérité, mais que personne ne la croit. Ainsi meurent les civilisations — celle de Troie comme la nôtre.

     

    Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.
     
  • Motu proprio Traditionis Custodes : et maintenant ?, par Jean Bouër.

    La volonté pontificale de supprimer de facto la forme extraordinaire du rite romain a déclenché des réactions contrastées, qui dessinent sans doute la carte spirituelle et géographique de l'influence de François.

    Le motu proprio Traditionis Custodes du 16 juillet 2021 a fait l’effet d’un coup de massue dans le monde catholique traditionnel, et bien au-delà. Il soumet la célébration du missel tridentin, dont Benoît XVI avait libéralisé en 2007 la célébration, à l’autorisation de l’évêque, non sans conditions drastiques : pas de célébration dans les église paroissiales, interdiction de créer des paroisses personnelles et même autorisation de Rome quand le prêtre a été ordonné après la date du motu proprio (!)… D’aucuns dénoncent un système intentionnellement mesquin, qui ne vise qu’à éteindre l’usage du missel traditionnel. Cela semble le cas, car on doute que, suivi à la lettre, le motu proprio permette la survie du rite tridentin, surtout quand son auteur envisage le passage des fidèles de l’ancien rite au nouveau. Les deux versions antérieures au motu proprio étaient, paraît-il, encore plus restrictives… Cette fois-ci, on revient plutôt à un système de concession conformément à ce qui existait avant le motu proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007. Sa célébration est donc désormais subordonnée à l’autorisation de l’évêque diocésain. C’est le régime qui était en effet pratiqué sous Jean-Paul II avec l’indult Quattuor abhinc annos du 3 octobre 1984 et le motu proprio Ecclesia Dei du 2 juillet 1988, mais à la différence près que ce dernier texte recommandait encore une « application large et généreuse » de l’usage du rite traditionnel, alors que François envisage clairement sa disparition… Au-delà des intentions et des aléas – les papes passent, l’Église demeure –, la « balle » est surtout dans le camp des évêques. Appelés à régir la nouvelle situation liturgique dans leur diocèse, ce sont eux, avec les fidèles, qui contribueront à éteindre ou à maintenir le missel traditionnel. Leur réaction est représentative de la situation de l’Église. Si on examine les différentes attitudes, elles révèlent beaucoup de choses, explicites, mais aussi implicites, dans le jeu ecclésial actuel.

    Un maintien sans encombre : le cas des États-Unis d’Amérique

    Une réaction assez classique a été le maintien des célébrations tridentines actuelles. Munies de l’autorité que leur reconnaît Traditionis Custodes, un certain nombre d’évêques ont confirmé les célébrations prévues dans les diocèses. Le cas est patent dans plusieurs diocèses des États-Unis. Même le libéral cardinal Cupich, archevêque de Chicago, a clairement affirmé qu’il maintenait les célébrations dans son diocèse. A-t-il perçu le malaise chez des fidèles, mais aussi l’affaiblissement chronique du pontificat de François ? L’archevêque de San Francisco, Mgr Salvatore Cordileone, a montré son ardeur à garantir la pérennité du rite tridentin : il a non seulement maintenu le nombre des célébrations mais, symboliquement, il a confirmé une messe tridentine mensuelle à la cathédrale de l’Assomption. Il s’est surtout exprimé publiquement sans aucune acrimonie pour le rite tridentin qu’il salue positivement, tout en se déclarant désolé des attaques contre François. Une démarche habile qui permet de continuer les célébrations traditionnelles sans mettre de l’huile sur le feu. D’autres évêques sont allés jusqu’à une dispense de l’application du Motu proprio. Mgr Thomas Paprocki, évêque de Springfield (Illinois), a usé d’une faculté prévue par le Code de droit canon qui permet à l’évêque diocésain de « dispenser les fidèles des lois disciplinaires tant universelles que particulières portées par l’autorité suprême de l’Église pour son territoire ou ses sujets » (canon 87, al.1er). Mgr Donald Hying, évêque de Madison (Wisconsin) indique que les prêtres qui souhaitent célébrer la messe traditionnelle « peuvent présumer » son autorisation. Les autres évêques appliquent le texte en autorisant les célébrations mais ne se privent pas de termes élogieux à l’égard de l’usus antiquior. Ainsi, ils affirment « reconnaître les nombreuses et précieuses contributions apportées à la vie de l’Église par ces célébrations » (Mgr Edward Scharfenberger, évêque d’Albany) ou voient dans le rite tridentin « une source de bénédiction et de croissance » (Mgr Thimothy Broglio, évêque aux armées). Des propos positifs tristement absents de la plume de François… Seuls quelques évêques ont mis fin aux célébrations traditionnelles. Mais on notera qu’ils ne sont pas tous progressistes, à l’exception de Mgr Anthony Taylor (Little Rock, Arkansas) – nommé par Benoît XVI – ou de Mgr Steven Biegler (Cheyenne, Wyoming). Le plus intéressant est que les évêques qui ont suspendu les célébrations tridentines ne sont pas nécessairement ceux qui ne voulaient pas, en juin dernier, que l’épiscopat américain demande aux hommes publics de respecter la « cohérence eucharistique », c’est-à-dire l’obligation de ne pas communier quand on défend publiquement l’avortement ou les mesures « sociétales »… Quant au cardinal Wilton Gregory, l’actuel archevêque de Washington, il a interdit la messe du 15 août, prévue de longue date mais a quand même maintenu les célébrations régulières dans son diocèse. Les évêques français n’ont guère montré d’ardeur particulière à remettre sur le tapis une guerre liturgique qui peut fragiliser l’unité de leur diocèse… N’ont-ils pas préféré indiquer que tout continuerait ? En Allemagne, le cardinal Marx n’a pas non plus marqué le désir de supprimer les célébrations traditionnelles. Malgré sa participation au « chemin synodal », n’était-il pas en froid avec François ?

    Des restrictions qui peuvent confiner au grotesque…

    Il y a bien sûr des évêques qui ont supprimé les célébrations dans leurs diocèses. Mais encore faut-il reconnaître que le « mouvement » tridentin y était moins étendu ou que les célébrations avaient un caractère moins stable. Ou tout simplement qu’elles étaient plus récentes. D’où un ancrage plus précaire qui permet de mettre fin à une célébration. En Biélorussie, l’administrateur apostolique du diocèse de Moguilev a supprimé la messe traditionnelle mensuelle, mais celle-ci n’existait que depuis un an. Dans certains cas, les évêques ont tout simplement interdit la célébration des messes traditionnelles alors qu’elles n’avaient jamais été autorisées. Tout en prohibant des ornements, comme la chasuble « boite à violon », utilisés dans la liturgie tridentine (au passage, la chasuble gothique est aussi préconciliaire et avait, semble-t-il, les préférences de Pie XII…). C’est par exemple le cas au Costa Rica. Un évêque est même allé encore plus loin dans la surenchère : Mgr Bartolomé Buigues Oller, évêque d’Alujela, a non seulement interdit le missel tridentin, mais proscrit toute célébration du missel de Paul VI en latin, quitte à suspendre un prêtre qui suivait cette option « modérée »… Un évêque chilien est même allé jusqu’à interdire la retransmission sur internet (!) des célébrations tridentines. La régulation épiscopale devient un véritable concours dans la mesure la plus cocasse…

    Cartographie d’une explication

    La pratique des autorisations/interdictions est surtout une cartographie des attitudes épiscopales et ecclésiales actuelles à l’égard de la messe traditionnelle. Là où les célébrations avaient eu lieu sans trop de difficultés, quelquefois après de longs combats, les évêques n’ont pas jugé utile de les remettre en cause. Là où elles étaient précaires ou inexistantes, elles sont tout simplement interdites ou appelées à disparaître. Pour résumer, là où cela se passait bien, cela n’ira pas trop mal ; là où cela n’allait pas, cela ira encore plus mal… On pourra dire que les solutions apparues ces dernières semaines manifestent une cartographie de la situation liturgique tridentine. L’autre cartographie que ces attitudes révèlent, c’est la différence de formation religieuse, mais aussi de pratique dans la « gestion » ecclésiale, selon les pays et les continents. Les évêques d’Europe ou des États-Unis sont dans des pays où les conflits sont plus ancrés : ils connaissent les querelles liturgiques du passé et ne veulent plus les revivre. D’où leur étonnement face à un texte, qui semble même avoir gêné Mgr Olivier Leborgne, évêque d’Arras et vice-président de la Conférence des évêques de France (CEF), interrogé sur KTO. Les évêques français avaient trainé les pieds pour Summorum Pontificum mais, curieusement, la massue de Traditionis Custodes les a surpris, à part peut-être Mgr Roland Minnerath, l’archevêque bientôt émérite de Dijon, qui n’a pas hésité à déloger la Fraternité Saint-Pierre… Il aurait été au courant du fait que quelque chose se tramait à Rome. Mais en tout cas, la brutalité sans détour du motu proprio a peut-être dérouté des évêques habitués à des affrontements plus feutrés… On peut aussi subodorer une connaissance de la liturgie et de ses développements bien meilleure dans le monde occidental – mieux documenté – qu’ailleurs. Comment expliquer l’étonnement de Mgr Robert Mutsaerts, évêque auxiliaire de Bois-le-Duc (Pays-Bas), qui déplore « de nombreuses inexactitudes factuelles » dans le motu proprio ? L’évêque soulève l’existence d’un contresens flagrant dans la comparaison entre l’œuvre liturgique du concile de Trente et celle de Vatican II. Lisons ce qu’il écrit au sujet de ces « inexactitudes factuelles » : « L’une est l’affirmation que ce que Paul VI a fait après Vatican II serait la même chose que ce que Pie V a fait après Trente. C’est complètement loin de la vérité. N’oublions pas qu’avant cette époque divers manuscrits circulaient et que des liturgies locales avaient vu le jour ici et là […]. Trente voulait restaurer les liturgies, éliminer les inexactitudes et vérifier l’orthodoxie. Le Concile de Trente n’a pas demandé de réécrire la liturgie, ni de nouveaux ajouts, de nouvelles prières eucharistiques, un nouveau lectionnaire ni un nouveau calendrier. Il s’agissait de garantir une continuité organique ininterrompue. » On ne saurait mieux dire ! Or il semble que dans certains pays d’Amérique du Sud, l’épiscopat pâtisse de mauvaise formations liturgiques et théologiques : la messe, c’est ce que demande de faire le Pape, et obéissons-lui ! Et, à l’instar des caudillos sud-américains, il faut montrer que l’on obéit et surtout que l’on sait se faire obéir. D’où ces interdictions pittoresques et caricaturales.

    Quelles perspectives pour le rite tridentin ?

    Bien sûr, des questions restent posées, surtout quand le texte émane d’une fin de pontificat. Les conditions restrictives seront-elles suivies à la lettre ? Les évêques souhaiteront-ils être bridés ? Traditionis Custodes interdit les églises paroissiales. Mais la diminution de la pratique religieuse et la suppression de paroisses qui lui est corrélative aboutiront logiquement à augmenter les églises qui n’ont plus de caractère paroissial… On se demande aussi comment le système bureaucratique mis en place par le motu proprio pourrait ne pas être assoupli par le jeu empirique de la pratique… Des évêques auront-ils envie de saisir continuellement le pouvoir romain et les services de la curie ? Il se murmure à Rome que certains dicastères sont sérieusement à l’arrêt… Auront-ils envie de se pencher sur des dossiers à examiner pour savoir s’il faut autoriser un prêtre à célébrer selon le rite traditionnel ? On pourrait vaguement esquisser l’apparition de coutumes atténuantes. Enfin, Traditionis Custodes ne dit rien sur l’usage privé du rite traditionnel. Les prêtres pourront la célébrer en catimini et diffuser le missel traditionnel parmi leurs confrères. Ils pourront également dire la messe tridentine en privé, tout en étant, par exemple, à proximité de leurs fidèles… On peut aussi imaginer qu’elles n’apparaîtront plus dans les ordos diocésains tout en étant célébrées. Des sortes de messes publiques, mais clandestines ? On peut supposer que les astuces ne manqueront pas ! Car la question du motu proprio soulève surtout la dynamique de la diffusion du missel traditionnel. Si cette dynamique commencée en 1988 est ancrée depuis un moment, il sera difficile de l’arrêter et on peut prévoir une multiplication des contorsions au bon droit du Pape, si évêques et fidèles font preuve d’intelligence et de bon sens. Au pire, l’autorité suprême peut entraver – très momentanément – le développement du rite tridentin avant qu’il ne rebondisse davantage. Et les persécutions, si brutales soient-elles, n’empêcheront pas des réactions dans une Église bien moins disposée envers François qu’on ne le croit. En attendant le prochain pontificat ?

    Illustration : Mgr Thomas Paprocki, évêque de Springfield et marathonien confirmé, a publié un décret autorisant la célébration de la messe sous la forme extraordinaire. En 2019, il avait interdit d’eucharistie John Cullerton, le président Démocrate du sénat d’Illinois, à cause des lois pro-avortement qu’il avait fait voter.

    6.jpg

    Source : https://www.politiquemagazine.fr/