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  • Impressions sur le colloque « Je suis royaliste, pourquoi pas vous ? » [Paris, Forum de Grenelle samedi 7 mai].

     

    Eugénie Bastié - dont nous avons souvent cité ici les articles et les travaux - a signé dans Le Figaro [8.05], un article d'impressions sur le colloque « Je suis royaliste, pourquoi pas vous ? » [Paris, Forum de Grenelle samedi 7 mai].

    Impressions sur le vif, à l'écoute des intervenants et des participants  venus pour débattre de la question objet du colloque, posée clairement dans son titre.

    Et impressions diverses, voire hétéroclites, nécessairement marquées par la participation vedette de Marion Maréchal-Le Pen, mais pas seulement car, malgré la sympathie qu'elle a rencontrée de la part des participants, elle a été, de tous les représentants du camp républicain au débat, celle qui a le plus nettement affirmé son attachement à la République, même si elle semble limiter cet attachement à la seule Ve République et si, de toute façon elle entend, à fort juste titre, relativiser la République comme simple régime politique et plus encore les partis, par rapport à la France elle-même, transcendante et pérenne.

    D'autres impressions encore, par le dialogue avec les participants à ce colloque et en particulier avec François Bel-Ker récusant, légitimement que l'Action Française puisse être classée à l'extrême-droite, procédé courant des médias, devenu, en effet, si mécaniquement pavlovien, et si systématiquement utilisé qu'il ne conserve plus guère d'impact et de crédibilité.

    Bref, cette sorte de compte-rendu constitué d'impressions sur le vif d'un spectateur hors des cercles royalistes traditionnels, éclairera sans-doute utilement les lecteurs de Lafautearousseau éventuellement présents, eux aussi, à ce colloque, sur place ou via la retransmission vidéo pour ceux qui l'auront regardée en temps et heure ... mais, nous dit-on, avec difficulté. LFAR

     

    2258380137.pngLe mouvement royaliste et nationaliste de l'Action française tenait un colloque samedi à Paris. Y sont intervenus la député du Vaucluse Marion Maréchal-Le Pen et le maire de Béziers Robert Ménard.

    Rue de la Croix-Nivert, dans le XVe arrondissement de Paris, la salle est pleine pour le colloque de l'Action française (AF) intitulé «Je suis royaliste, pourquoi pas vous?» Les jeunes hommes aux cravates fleur-de-lysées se bousculent. Dans les stands, on vends des t-shirt avec une photo de poilu de 14 et la mention «0% hipster», des briquets « Vive le roi », des CD de Jean-Pax Méfret et des oeuvres de Maurras et de Daudet. On trouve aussi des autocollants que ne renieraient pas les militants de Nuit debout : « A bas la dictature de la finance » ou « Coucou c'est la démocratie » avec un avion lâchant des bombes, et « nike la République ».

    « Nous avions invité le ministre Emmanuel Macron, mais il a la meilleure excuse, il est à Orléans pour célébrer Jeanne d'Arc », expliquent les organisateurs. Faute d'Emmanuel Macron et de Jean-Luc Mélenchon, qui a lui aussi refusé l'invitation, c'est Marion Maréchal-Le Pen qui était la grande invitée politique. Elle arrive en baskets, ce qui à le don « d'agacer » certains militants plutôt vieille France. Interrogée par les royalistes, elle s'est dite « relativement sceptique quant à la capacité de rétablir la monarchie héréditaire de droit divin » mais favorable « au régime de la Ve République » tout en louant le « miracle capétien ». La benjamine du Front national est revenue sur ces propos où elle disait être « saoulée » par les « valeurs de la République ». « La France, c'est mon pays, la République est un régime, ce n'est pas à mettre sur le même plan. Je suis lasse, pour le subir systématiquement, de l'invocation des valeurs républicaines comme un réflexe pavlovien qui est une forme de paresse intellectuelle. » « Je dérape régulièrement sur le sol glissant du politiquement correct, ce ne sera pas mon premier, ni mon dernier bleu républicain », a-t-elle ironisé. « La révolution française fait partie de notre histoire. Je prends la France comme un bloc. De Clovis à François Hollande, même si ce n'est pas facile, il faut tout assumer ». Elle a tout de même concédé que « l'essentiel de l'histoire de France s'est fait sous la monarchie ». Elle a évoqué son rapport aux partis politiques, conspués par l'Action française : « Je n'ai pas un attachement total au système des partis, leur dogmatisme en premier lieu. Un parti politique, ce n'est pas une fin en soi, c'est un moyen, je n'ai pas un attachement dynastique à un parti politique ». « Hélas, ça ne sert pas à grand chose d'être élue au Parlement français » dit-elle dans un tonnerre d'applaudissements.

    « Le Front national est peut être le plus monarchiste des partis français, en ce sens où il est le dernier à défendre les fonctions régaliennes de l'Etat » a-t-elle conclu. Les militants l'ont chaleureusement applaudie.

    De Villiers, Chevènement ou Debray comme références

    Avant elle, Robert Ménard, en duplex depuis Béziers avec une connexion Skype chaotique était invité à débattre de la « crise de civilisation », en compagnie du rédacteur en chef du service politique de Valeurs actuelles Geoffroy Lejeune. « Quand je vois un musulman élu à la tête de Londres, peut-être qu'il est très sympathique, je n'ai rien contre lui, mais symboliquement c'est une gifle terrible à la civilisation européenne et chrétienne », a osé le maire de Béziers. Sa critique des médias dominants reçoit un franc succès. « Mon rapport aux médias est un rapport de combat. Je n'ai pas pire ennemie dans ma ville que la presse locale, régionale et nationale. Si j'avais le pouvoir, la première mesure que je prends, j'arrête toutes les subventions aux médias. Ils n'auront plus un sou.»

    Entre 400 et 600 personnes étaient présentes à cette après-midi de débats. Si le courant attire quelques partisans du FN et du Parti Chrétien-démocrate, ici, on vomit la droite traditionnelle. Samuel a sa carte à l'UMP, mais il l'a rendue lorsque le parti a décidé de s'appeler « Les Républicains ». « J'ai fait des études de droit, j'ai compris que le système le plus efficace est le système monarchique », explique-t-il.

    Quand on leur demande qui sont leurs références actuelles, les militants citent pêle-mêle Philippe de Villiers, Jean-Pierre Chevènement, ou encore Régis Debray, qui incarnent selon eux le lien entre l'Etat et la nation.

    L'Action française, pour son passé antisémite et son nationalisme est classée à l'extrême droite, étiquette que récuse François Bel-Ker, le secrétaire général de l'AF: « Les gens qui pensent que l'AF est d'extrême droite n'ont pas une bonne grille de lecture idéologique. Tous les débats que nous abordons (écologie, souveraineté, nation) sont transversaux aux partis politiques. » 

  • Société postmoderne • Génération Bataclan ou l'identité malheureuse

     

    Par Alexandre Devecchio

    Les tragédies du Stade de France et du Bataclan ont bien révélé une génération en rupture avec les précédentes, mais Alexandre Devecchio la décrit [Figarovox du 12.11] comme « miroir des fractures françaises » et comme syndrome de cette « identité malheureuse » où tout un Système idéologique, politique et sociétal a plongé le pays. Face à ce Système déconstructionniste une révolution s'impose. Et, sans-doute, se met en marche. Une révolution ? Oui, mais pour restaurer l'ordre légitime et profond. Ou s'il l'on veut la Tradition. Ce qui suffit à définir notre famille de pensée et d'action.  Lafautearousseau

     

    XVM5eede49e-9cf6-11e6-a606-bf1a3ab457d6.jpg« C'est pour la jeunesse de notre pays que je veux présider la France. Si je reçois le mandat du pays d'être le prochain président, je ne veux être jugé que sur un seul objectif (…) : est-ce que les jeunes vivront mieux en 2017 qu'en 2012 ? », avait déclaré le candidat Hollande lors de son discours du Bourget. Sans doute n'imaginait-il pas l'effroyable scénario qui allait suivre. Les cris et les larmes, le sang répandu sur les trottoirs de Paris, les destins brisés dans la fleur de l'âge. Le grand Vendredi prédit par Hegel est advenu, mais en lieu et place du couronnement dialectique annoncé, il a consisté en cet infernal 13 novembre 2015 qui a marqué, comme l'a écrit Alain Finkielkraut, « la fin de la fin de l'Histoire ». Le délire meurtrier des djihadistes n'a pas seulement emporté sur son passage des vies, des corps et des âmes, mais également le monde d'hier. Le Bataclan restera comme le tragique tombeau de la génération soixante-huitarde en même tant que celui de l' « antiracisme » institutionnel. Daniel Cohn-Bendit et ses camarades rêvaient d'une société où il serait interdit d'interdire et où l'on jouirait sans entraves. Julien Dray et ses potes de « SOS », de diversité heureuse et de métissage universel. Leurs enfants ont payé du prix de leur vie la facture de leur utopie. « Le multiculturalisme est une blague, une blague sanglante », résumera de manière cinglante Jacques Julliard.

    Le 13 novembre, les Xe et XIe arrondissements, terre promise d'une jeunesse libertaire, ont été touchés en plein cœur. Face aux kalachnikovs des djihadistes, les habitués de La Bonne Bière, de La Belle Équipe, du Carillon ou du Petit Cambodge étaient armés de leur bienveillance et de leur art de vivre. Après les attentats de janvier, nous avions voulu croire que badges, slogans et marches blanches suffiraient à conjurer le mal. Moins d'un an plus tard, lors de cette nuit d'épouvante, cette jeunesse a découvert de la plus cruelle des façons la violence du siècle en marche. Le surlendemain, Libération titrait « Génération Bataclan ». Le quotidien exaltait une jeunesse « festive », « ouverte », « cosmopolite » et voulaient croire en la naissance d'une nouvelle « génération morale » qui résisterait à l'islamisme en proclamant « je suis terrasse » un verre de mojito à la main.

    Une volonté d'exorcisme qui éludait le fait que les bourreaux des attentats de Paris avaient le même âge que leurs victimes et qu'ils formaient ensemble une même génération. De surcroît, les nouveaux barbares ne venaient pas d'un lointain pays étranger, mais des territoires perdus de la République situés à seulement quelques kilomètres à vol d'oiseau des quartiers branchés de la capitale. Les assassins n'étaient pas Charlie. Ils n'avaient pas marché dans Paris le 11 janvier. Une jeunesse épanouie dans l'individualisme occidental est tombée sous les balles d'une jeunesse enfiévrée par l'islamisme. Cette dernière est en partie le produit de l'antiracisme différentialiste des années 1980. En troquant le modèle traditionnel d'assimilation contre le système multiculturaliste anglo-saxon, l'égalité contre la diversité et la laïcité contre l'identité, cette idéologie a fait le lit du communautarisme et de l'islamisme. Déculturée, déracinée, désintégrée, une partie des jeunes de banlieue fait sécession et se cherche une identité de substitution dans une oumma fantasmée. L'enquête de l'Institut Montaigne sur les musulmans de France, publiée en septembre 2016 et basée sur un sondage de l'Ifop, révèle que près de la moitié des 15-25 ans sont partisans de la charia et se placent en rupture totale de la République. Tandis que la jeunesse issue de l'immigration se réislamise, les « petits Blancs » et même « les petits juifs », victimes de l'insécurité au quotidien à l'école ou dans les transports en commun, n'ont aucun complexe à reprendre le slogan des soirées électorales du FN, « on est chez nous ! ». Ils quittent les métropoles pour des raisons économiques, mais fuient également de plus en plus la proche banlieue où ils se font traiter de « sales Français » et se sentent en exil dans leur propre pays.

    Les tragédies du Stade de France et du Bataclan ont bien révélé une génération, mais celle-ci n'a rien à voir avec ce qu'était la « génération morale » des années 1980. La vérité est que les nouveaux enfants du siècle sont le miroir des fractures françaises. Notre jeunesse a perdu son insouciance et s'attend à chaque instant à voir revenir le cauchemar du 13 novembre. S'il y a bien une génération Bataclan, elle est celle de l'identité malheureuse. 

    Alexandre Devecchio

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    Journaliste au Figaro, en charge du FigaroVox. Il est l'auteur des Nouveaux enfants du siècle, enquête sur une génération fracturée [éditions du Cerf].

    Alain Finkielkraut, « la fin de la fin de l'Histoire »

    L'enquête de l'Institut Montaigne sur les musulmans de France

    « Le multiculturalisme est une blague, une blague sanglante », résume Jacques Julliard.

  • Avec Jacques Bainville, déconstruire le premier et le plus sordide des pseudo ”mythes fondateurs” de la Révolution et du

     

    2464260466.jpg"Les ridicules légendes de la Bastille", les "canailles... et les plus sinistres gredins... de mauvaises gens, des criminels capables de tout ", disait Bainville... Ridicules et tragiques légendes, oui, mais annonciatrices et créatrices de la Terreur.

    Il n'y a a jamais eu de "prise" de la Bastille, mais la perfidie d'une poignée d'émeutiers sanguinaires, brutes avinées, assassins et terroristes dans l'âme, lesquels, après avoir promis liberté et vie sauve aux quelques dizaines d'hommes présents dans le lieu n'eurent rien de plus pressé que de les massacrer, de couper leurs têtes et de les promener dans les rues au bout de piques ! Toutes proportions gardées, c'est un peu ce qu'a fait Yassin Salhi avec son patron, à Saint Quentin Fallavier : le décapiter et planter sa tête sur les grilles de l'usine !

    Pourquoi ce rapprochement avec Daech ? Tout simplement parce que, même s'il peut surprendre de prime abord, il n'est nullement hors de propos : comme Daech, qui fait commencer l'Histoire avec Mahomet et détruit tout ce qui précède, la Révolution, et notre actuel Système qui en est l'héritier et la "pratique" au quotidien, fait commencer la France en 1789; et la Révolution a  allègrement détruit entre le quart et le tiers du patrimoine français, crime contre la France mais aussi contre l'Art et l'Humanité, dont on sait qu'ils sont imprescriptibles...

    Et tout cela a commencé avec, et par, la pseudo "prise" de la Bastille, vocabulaire bidon employé pour masquer une horreur et une monstruosité, matrice de la Terreur, comme l'a fort bien montré François Furet, historien véritable et honnête, qui avait pourtant commencé sa trop courte carrière... à l'extrême extrême-gauche ! : Furet écrit que, dès cet épisode du 14 juillet 89, la Terreur est en gestation, "la culture politique qui peut conduire à la Terreur est présente dans la révolution française dès l'été 1789", et la prise de la Bastille inaugure "le spectacle de sang, qui va être inséparable de tous les grands épisodes révolutionnaires"...

    Certes, officiellement, c'est la Fête de la Fédération que l'on célèbre, le 14 juillet, mais l'ambigüité persiste : ce matin, à 7h15 (rubrique "Expliquez-nous", sur France info) Elise Delève l'a bien dit : c'est "la prise de la Bastille" que l'on célèbre. En voilà une, le jour où l'on créera la Légion des Ignares, qui devra être, directement, "Grand-Croix" ! Une ambigüité, donc, malsaine et savamment entretenue par le Système, qui persiste à parler des "valeurs républicaines", alors que Les valeurs républicaines, ça n'existe pas ! : ce court passage, c'est Denis Tillinac qui l'a écrit, mais Chantal Delsol, Eric Zemmour et bien d'autres - et de plus en plus d'autres... - le disent...

    Liberté ? Mais la France est étouffée dans un carcan de plus de 420.000 Lois et règlements, qui font que la fertilité du peuple est étouffée par la stérilité des "gouvernants" (?)...

    Egalité ? Mais l'augmentation des inégalités s'accroit à une vitesse vertigineuse, l'écart des salaires a atteint des records difficilement imaginables il y a seulement quelques décennies, et  - par la démolition de l'Ecole - le Savoir est maintenant réservé à une "élite" du fric, qui peut payer de vraies études à ses enfants, alors que la masse ne reçoit plus qu'un très léger vernis, très largement dévalorisé...

    Fraternité ? Mais comment parler de Fraternité dans un Système héritier de la Révolution qui a perpétré le premier Génocide des Temps modernes - le Génocide vendéen - et qui se dilue aujourd'hui dans le communautarisme ?...

    Les seules "valeurs républicaines" que nous rapporte ce monstrueux "14 juillet 1789", c'est la Terreur, le Totalitarisme, le Génocide...

    Voici le texte de Jacques Bainville (Journal, Tome III, note du 15 juillet 1929) :

    Supposons qu'on apprenne ce soir qu'une bande de communistes, grossie des éléments louches de la population, a donné l'assaut à la prison de la Santé, massacré le directeur et les gardiens, délivré les détenus politiques et les autres. Supposons que cette journée reste dépourvue de sanctions, que, loin de là, on la glorifie et que les pierres de la prison emportée d'assaut soient vendues sur les places publiques comme un joyeux souvenir. Que dirait-on ? Que se passerait-il ?

    D'abord les citoyens prudents commenceraient à penser qu'il ne serait pas maladroit de mettre en sûreté leurs personnes et leurs biens. Tel fut, après 1789, le principe de l'émigration. Mais peut-être y aurait-il aujourd'hui plus de français qu'en 1789 pour accuser l'imprévoyance et la faiblesse du gouvernement et pour les sommer de résister à l'émeute.

    TERREUR GUILLOTINE 1.jpgAujourd'hui le sens primitif du 14 juillet devenu fête nationale est un peu oublié et l'on danse parce que c'est le seul jour de l'année où des bals sont permis dans les rues. Mais reportons-nous au 14 juillet 1789 comme si nous en lisions le récit pour la première fois. Il nous apparaîtra qu'il s'agissait d'un très grave désordre, dont l'équivalent ne saurait être toléré sans péril pour la société, qui a conduit tout droit en effet à la Terreur et au règne de la guillotine, accompagnée des assignats. Et le gouvernement qui a laissé s'accomplir sans résister ces choses déplorables serait digne des plus durs reproches.

    Nous avons connu un vieux légitimiste qui disait, en manière de paradoxe, que Louis XVI était la seule victime de la Révolution dont le sort fût justifié. Quel avait donc été le tort de Louis XVI ? Quand on lit les Mémoires de Saint-Priest, on s'aperçoit que l'erreur du gouvernement de 1789 n' a pas été d'être tyrannique (il n'était même pas autoritaire) ni d'être hésitant, ni d'être fermé aux aspirations du siècle. Son erreur, énorme et funeste, a été de ne pas croire au mal. Elle a été de ne pas croire qu'il y eût de mauvaises gens, des criminels capables de tout le jour où ils ne rencontrent plus d'obstacle.

    Saint-Priest montre Louis XVI dans toutes les circonstances, et jusqu'au 10 août, ou peu s'en faut, convaincu que tout cela s'arrangerait et que ni les émeutiers de la Bastille ni les révolutionnaires n'étaient si méchants qu'on le disait, et d'ailleurs, au moins au début, bien peu de personnes le lui disaient. A la Convention, pendant son procès, Louis XVI répondait encore poliment, comme à des juges impartiaux et intègres. D'ailleurs on peut voir dans les Mémoires de Broussilof, qui viennent d'être présentés au public français par le général Niessel, que Nicolas II avait sur l'espèce humaine exactement les mêmes illusions, les mêmes illusions mortelles.

    Malheur aux peuples dont les chefs ne veulent pas savoir qu'il existe des canailles et restent incrédules quand on leur dit qu'il suffit d'un jour de faiblesse pour lâcher à travers un pays ses plus sinistres gredins !

  • Livres • Louis de Bonald, l’antimoderne oublié, le retour du Vicomte

     

    Par Bernard Quiriny

    Une utile et intéressante recension à propos d'un des maîtres de la contre-révolution. [Causeur, 9.07]

     

    Louis de Bonald ! Voici un nom qu’on n’a plus l’habitude de lire, à part dans les manuels d’histoire des idées où les auteurs lui consacrent quelques lignes, à la rubrique des contre-révolutionnaires. Le plus souvent, on associe Bonald à son contemporain Joseph de Maistre, l’autre héraut francophone de la critique des Lumières et de la Révolution. Hélas, aussi bien Maistre a la réputation d’écrire merveilleusement, aussi bien Bonald a celle d’écrire laborieusement, sans éclat ni génie. C’est pourquoi l’un continue d’être lu et figure toujours dans les librairies (Pierre Glaudes a réuni ses principaux textes dans un volume de la collection « Bouquins », en 2007), tandis que l’autre n’intéresse plus que les spécialistes et n’a quasiment pas été réédité.

    Une douloureuse réputation littéraire

    De fait, qui serait assez courageux pour se plonger aujourd’hui dans des volumes engageants comme Essai analytique sur les lois naturelles de l’ordre social (1800), Théorie du pouvoir politique et religieux (1796) ou Démonstration philosophique du principe constitutif de la société (1830), tous longs de plusieurs centaines de pages ?

    Et pourtant, ces textes austères sont la source majeure de la pensée traditionaliste du XIXe siècle. « Ce n’est pas Joseph de Maistre, ni, encore moins, Châteaubriand ou Lamennais, qui ont été les vrais inspirateurs de la pensée antidémocratique du siècle dernier, mais bien Louis de Bonald », dit Koyré dans ses Etudes d’histoire de la pensée philosophique. Taine, Comte, La Tour du Pin, Maurras, tout ce pan de la culture politique vient en ligne droite du Vicomte de Millau, dont la douloureuse réputation littéraire a fait oublier l’importance. Bien conscients de sa place majeure dans l’histoire, les savants continuent de lui consacrer des recherches, en France comme en Europe, ainsi qu’en témoigne le Bonald de l’historien piémontais Giorgio Barberis. Clair, bien conçu, ce livre est peut-être la meilleure introduction disponible à la pensée de Bonald. Barberis y montre bien comment le rejet bonaldien de la Révolution, loin d’être une réaction éruptive de barbon d’Ancien Régime, est la conséquence d’un système intellectuel solide où s’articulent une métaphysique, une anthropologie, une théologie, une conception de l’histoire.

    De Bonald à Rivarol

    Evidemment, vu de 2016, la pensée politique de Bonald – un ordre instauré d’en haut, appuyé sur la religion, organiciste et antilibéral – a quelque chose d’extraterrestre. Mais justement : c’est cette distance avec nous qui lui donne son actualité, le point de vue le plus éloigné de nos façons de penser étant le meilleur pour bien les comprendre. Sur ce plan, cette belle traduction (où on ne déplore que deux ou trois fautes de syntaxe – « la théorie dont il avait fait allusion », « une conception à laquelle s’ensuit »...) n’a pas qu’une utilité historique ou documentaire, elle permet aussi de mettre en perspective des notions comme le progrès, l’individualisme, le pouvoir, la légitimité, etc. Quant au procès fait à Bonald sur son style, les nombreux extraits cités par l’auteur indiquent qu’il est peut-être abusif et que le vieux Vicomte, pour n’avoir pas la plume facile, n’en était pas moins capable parfois de bonnes formules.

    Je profite de cet article pour dire aussi un mot d’un contemporain de Bonald (à un an près), Antoine de Rivarol : Maxence Caron réédite en effet ses Œuvres complètes dans un épais volume de la collection « Bouquins » où, par souci sans doute de le rendre plus digeste et plus attrayant, il l’associe aux aphorismes de Chamfort et à ceux Vauvenargues (je dis « réédite », il faudrait dire « édite » : la plupart des tentatives précédentes d’éditer Rivarol ont apparemment comporté des lacunes). D’une certaine façon, au plan du style, Rivarol est l’anti-Bonald : ce dernier compose des traités pesants, laborieux, répétitifs, alors que Rivarol virevolte et sautille sans jamais finir un livre, disséminant ses réflexions dans des textes courts, légers, ironiques. Bonald est besogneux et grave, Rivarol, facile et drôle ; cette différence des tempéraments se retrouve au plan des idées politiques. Tous deux critiquent en effet la Révolution, mais pas de la même manière ; à l’idéologie révolutionnaire, Bonald oppose l’idéologie théocratique – système contre système ; Rivarol, lui, y oppose un rejet de l’idéologie, une méfiance à la Burke pour les délires abstraits. Chantal Delsol explique tout cela dans une préface lumineuse de 40 pages, qui justifie à elle seule l’acquisition de ce superbe volume. 

     

    Louis de Bonald, ordre et pouvoir entre subversion et providence, Giorgio Barberis, traduit de l’italien par Astrée Questiaux, Desclée de Brouwer, 2016.

    L’art de l’insolence, Rivarol, Chamfort, Vauvenargues, Robert Laffont, « Bouquins », 2016.

    Bernard Quiriny

  • Pas de démocratie sans alternance !, par Christian Vanneste.

    L’alternance est le propre de la démocratie libérale, le signe indiscutable de son bon fonctionnement. Les Anglo-saxons, qui ont inventé ce système politique, le pratiquent depuis maintenant longtemps. Satisfaits de leurs gouvernants et de leurs élus, ils les reconduisent. Déçus, ils les virent, et les opposants arrivent au gouvernement avec de nouvelles propositions. Parfois, la continuité est plus forte que le changement.

    christian vanneste.jpgPlus un pays est capable de supporter des changements radicaux, plus il est proche de l’idéal démocratique qui permet à un peuple d’explorer les différentes possibilités et de retenir les meilleures. Ainsi, l’arrivée de Attlee et des travaillistes en 1945, malgré le rôle de Churchill dans la victoire des alliés, était un signe éminent de démocratie. La social-démocratie s’est installée au Royaume-Uni avec le modèle de l’Etat-Providence. Elle a perduré malgré une alternance régulière entre les travaillistes et les conservateurs jusqu’en 1979, où le peuple britannique a pris la mesure du déclin inexorable auquel le condamnait cette politique. Cette année-là eut lieu une véritable alternance, avec une majorité conservatrice décidée à réintroduire une politique résolument de droite fondée à la fois sur la primauté de la responsabilité individuelle et sur un patriotisme qui, dans la paix comme dans la guerre, ne cachait pas sa volonté de servir les intérêts britanniques. Cette ligne fut suivie pendant 18 ans, et laissa place à un nouveau changement de majorité lorsque les Britanniques eurent le sentiment que l’idéologie conservatrice allait trop loin et accentuait par trop les inégalités et la détérioration des services publics. Une monarchie symbolisant l’unité des « nations » qui composent le royaume, des élections uninominales à un tour par circonscription qui favorisent l’émergence de majorités de gouvernement claires et nettes, constituent les ingrédients d’une recette réussie, qui évite les révolutions, mais permet des évolutions importantes. Le système américain est plus complexe, d’abord en raison du fédéralisme étendu sur un large territoire et sur une vaste population qui créent des variations dans les orientations idéologiques des deux partis, ensuite par son souci primordial de l’équilibre des pouvoirs issus de processus démocratiques : l’exécutif, le législatif et le judiciaire. La limitation du pouvoir par le pouvoir, ce précepte cher à Montesquieu, est également un principe de la démocratie libérale, mais il modère les oscillations de la politique. Le fait que Trump, sur plusieurs points, change radicalement la politique des Etats-Unis est une excellente chose, mais c’est aussi la cause de l’opposition farouche qu’il rencontre.

    En dehors de ces deux exemples qui brillent par leur durée exceptionnelle, il y a d’autres solutions moins nettes. La Suisse compense la continuité du pouvoir fédéral, consensuel, par le poids des pouvoirs locaux et par l’usage constant du référendum. Les démocraties sans alternance de pays asiatiques comme le Japon correspondent à des mentalités « holistes » où le groupe l’emporte toujours largement sur l’individu. La démocratie libérale n’est pas un modèle universel. Elle a besoin d’un terreau mental, sociologique, historique, religieux. La France, pays catholique tenté par le protestantisme, est à mi-chemin des vieilles démocraties du nord et de celles plus récentes du sud. La Ve République l’a clairement orienté au nord, avec l’intention de consolider l’exécutif, de donner au législatif la clarté et la continuité que procurent les élections uninominales. Le bouleversement de 1981, s’il a été catastrophique pour le pays, a été la preuve que la France était devenue une démocratie libérale adulte. Malheureusement, depuis des modifications institutionnelles inutiles et dangereuses, ont enrayé la bonne marche du système. En 1986, le passage à la proportionnelle voulu par les socialistes a empêché l’alternance de porter ses fruits. Il a fallu attendre 1995 pour que Mitterrand quitte l’Elysée, et deux ans plus tard, les socialistes reprenaient le pouvoir à Matignon. On a cru mettre fin à cette incohérence des « cohabitations » avec le quinquennat, c’est-à-dire l’élection « conjointe » du Président et de l’Assemblée. C’était passer de Charybde en Scylla : on a instauré un régime, non pas présidentiel, mais personnel. Celui-ci était tempéré parce que la majorité gouvernementale était marquée idéologiquement et pesait sur les choix de l’exécutif. Avec l’arrivée de Macron et d’une majorité hétéroclite de rescapés du socialisme, de carriéristes qu’on croyait « de droite » et sans doute aussi de « yaka-fauquon » pleins de bonne volonté venus de la société civile, qui n’ont été élus que par l’adhésion à sa personne, la France a glissé sans s’en rendre compte dans une autocratie, un pouvoir personnel, qui n’est plus du tout une démocratie libérale.

    D’abord, il n’y a pas eu d’alternance en 2017, alors que le pouvoir en place était totalement discrédité. C’est une partie de ses membres qui a organisé la succession à travers le coup d’Etat médiatico-judiciaire qui a évincé le représentant de l’opposition, François Fillon, porteur d’une véritable alternative. Depuis, c’est la politique social-démocrate inspirée par Macron, au secrétariat général de l’Elysée puis au ministère de l’économie, sous Hollande, qui est poursuivie avec des dépenses publiques en augmentation et des prélèvements fiscaux excessifs freinés heureusement par la révolte des gilets jaunes. Des mesures techniques en faveur des entreprises et de l’investissement mobilier ainsi que des opérations de redistribution, dans les deux cas défavorables aux classes moyennes, ne sont en rien « libérales ». Par ailleurs, sur tous les autres sujets, c’est la gauche qui l’emporte : une politique de sécurité en berne avec une explosion de la délinquance, une poursuite du soutien à l’immigration, un progressisme sociétal qui introduit la PMA pour les lesbiennes comme Hollande avait instauré le « mariage gay ». Si on ajoute à cela une restriction de la liberté d’expression par la loi, une surprenante coïncidence des exigences des parquets avec les intérêts du pouvoir, une surexposition médiatique du président soutenue par des médias courtisans, on se rend bien compte que notre pays n’est plus une démocratie. Est-il normal que notre président se mêle des élections municipales parisiennes ? Est-il tolérable que la réponse de la majorité au naufrage de Griveaux soit de réduire la liberté des réseaux sociaux ? Est-il digne d’une démocratie que des « journalistes » se fassent les complices d’une telle politique ? Evidemment, non !

  • Liberté individuelle et indépendance nationale, par l'ASAF.

    La pandémie du coronavirus fait prendre conscience aux Français de la dépendance de leur pays dans de nombreux secteurs. La « mondialisation heureuse » n’était, jusqu’à présent, remise en question que pour des raisons de réchauffement climatique.

    Depuis des années, les entreprises délocalisaient pour rester compétitives et maintenir leurs profits. Mais depuis quelques semaines, elles prennent conscience des risques d’une trop grande dépendance de l’étranger.

    Dans la même logique, les Français, dits individualistes, pressent le gouvernement de donner des directives pour les rassurer, les protéger et anticiper les risques à venir. Ils découvrent que l’homme, seul, ne peut rien. La liberté individuelle ne peut exister qu’au sein d’une communauté organisée et puissante, c'est-à-dire soudée.

    2.jpgLa Nation et les Français

    Deux millions de Français vivent hors de l’Hexagone sans parler des touristes qui partent en vacances à l’étranger. Nous avons tous en mémoire ces deux compatriotes « en vadrouille » au Bénin pour la liberté desquels deux membres des forces spéciales sont récemment morts. De nombreuses interventions militaires ont été lancées en Afrique pour « extraire » des Français menacés. L’exemple le plus emblématique reste l’opération Léopard sur Kolwezi, en 1978, qui a permis de sauver près de 2 000 Européens et plusieurs centaines d’Africains pris en otage et dont le massacre avait commencé. Ces « miraculés » ont mesuré très concrètement ce que représentait la France.

    Aujourd’hui, notre pays a rapatrié plusieurs centaines de ses ressortissants vivant en Chine. Ils ont été accueillis et ont bénéficié d’un suivi médical bien supérieur à celui dont ils auraient pu bénéficier dans les « hôpitaux 10 jours » de Wuhan. Ainsi, quand nos expatriés sont en danger, ils mesurent très vite la chance qu’ils ont d’être les ressortissants d’un pays indépendant et puissant qui accepte de risquer la vie de ses soldats et de ses médecins pour les sauver.

    L’État et les entreprises

    Cette crise du coronavirus illustre aussi notre dépendance à l’égard de nombre de produits stratégiques. Elle nous a ainsi révélé que plus de 80 % des molécules importantes nécessaires à l’industrie pharmaceutique conçues en Occident et, en particulier en France, sont fabriquées en Chine et en Inde.

    Dans le domaine militaire, cette dépendance technologique est d’autant plus inquiétante qu’elle est de nature à remettre en question les capacités de dissuasion et d’action de nos systèmes d’armes les plus puissants. Nous connaissions déjà celle vis-à-vis des États-Unis pour le maintien en condition des catapultes du porte-avions Charles de Gaulle, pour le recueil des renseignements au Sahel à partir des drones Reaper, qui nous appartiennent mais dont la mise en œuvre complète nous échappe, et aussi, depuis la vente d’Alstom Énergie, pour les turbines des réacteurs des sous-marins à propulsion nucléaire, qu’ils soient lanceurs d’engins ou d’attaque ! Chaque jour, dans ce domaine, des pépites françaises sont menacées de rachat conduisant notre pays à risquer de perdre la maîtrise de la chaîne de production d’équipements de haute technologie, au point d’être vulnérable aux chantages et embargos, ou interdit d’exportation de matériels y compris par des pays alliés.

    Notons que, déjà, toutes les armes individuelles de nos soldats - fusils d’assaut et de précision, pistolets - sont d’origine étrangère : allemande, belge et autrichienne. Aussi nos armées doivent reconstituer leurs capacités et notre industrie doit renforcer la maîtrise de la fabrication de nos armes. Cela concerne en priorité les matériels majeurs : sous-marins et frégates, avions de chasse et drones, missiles et blindés avec leurs milliers de sous-ensembles et de composants, sans oublier les nombreux moyens de renseignement et de transmission.

    Fragilités et cohésion

    Nos sociétés sont devenues plus fragiles et présentent des vulnérabilités accrues en raison de l’urbanisation. Ces concentrations humaines, devenues les poumons économiques des nations, sont très dépendantes des réseaux d’eau, d’énergie, de transport, faciles à neutraliser. De plus, les points d’entrée sur le territoire sont nombreux. Outre les frontières terrestres et maritimes, ce sont les ports et aéroports dont le volume de trafic ne cesse de croître.

    Des mouvements de relocalisation d’usines s’opèrent car le coût de la main-d’œuvre comme celui du transport (générateur de carbone taxable) augmentent vite dans les pays en développement et l’impératif de réactivité et de qualité rend la sous-traitance moins attrayante dans certains secteurs. Il faut aller au-delà et retrouver la notion de communauté nationale fondée sur une prise de conscience d’un bien commun supérieur. La liberté individuelle n’est pas l’individualisme. La solidarité dans l’épreuve ne peut s’exercer qu’au profit de ceux qui acceptent de partager et servir la communauté à laquelle ils veulent appartenir. Elle seule est en mesure de leur procurer la sécurité et la protection.

    Face à cette situation, la France veut-elle recouvrer son indépendance ?

    Cela n’exclut pas les coopérations en priorité avec des pays européens. Le système satellitaire Galileo, réalisé à 27, qu’aucun pays n’aurait pu développer seul, permet au contraire à chacun d’entre eux de n’être plus dépendant du seul système GPS américain. Pour la France il est urgent de préserver et développer son excellence technologique, dans les grands projets européens particulièrement en matière de défense et dans le numérique. L’enjeu est le renforcement de notre autonomie stratégique tout en favorisant celle de l’Europe. Pour nos concitoyens, il convient de privilégier l’achat de produits conçus et fabriqués en France sous réserve qu’ils soient au meilleur niveau.

    Cela représente un coût, mais c’est le prix de notre souveraineté. Comme le rappelle Jacqueline de Romilly à propos des Grecs : « Être libre, était avant tout appartenir à une cité libre, c'est-à-dire indépendante» (extrait de La Grèce antique à la découverte de la liberté. Coll. Bouquins 2019).

     

     
    LA RÉDACTION de l’ASAF

    www.asafrance.fr

     

  • Un entretien avec Pierre Debray : « Construire l'arche qui permettrait aux Français de survivre au déluge des barbaries

    Discours de Pierre Debray aux Baux de Provence, en 1973

     

    2293089609.14.jpgNous avons achevé hier la publication de l'étude magistrale de Pierre Debray parue en novembre 1985, sous le titre Une politique pour l'an 2000. On s'y reportera avec profit en utilisant les vingt-six liens ci-dessous.

    A l'issue de la parution de cette étude, Pierre Debray nous avait encore donné un entretien complémentaire et conclusif.

    Nous l'avons publié en deux parties, c'est à dire hier mardi et aujourd'hui mercredi.  LFAR

     

    2235704335.jpg

    Vous êtes sévère pour les socialistes mais moins que pour l'actuelle opposition. Pourquoi ?

    Le socialisme debout a sur le socialisme rampant un avantage. Il se montre à découvert. Les Français perçoivent mieux le danger qu'il y a cinq ans.

    Vous annoncez, d'ailleurs, la disparition de la démocratie.

    La démocratie est fondée sur le quantitatif pur. Est élu qui réunit la plus grande Quantité de suffrages. Or notre société tend à restaurer l'élément qualitatif, et ce par nécessité. Il y a contradiction entre l'évolution sociale et le système politique. En politique nous vivons au XIXe siècle pour les institutions, au XVIIIe pour les idées. Cette contradiction est l'une des causes de la crise.

    Vous allez plus loin. Vous soutenez que la crise actuelle est du même ordre que celles qui ont détruit le monde antique au Ve siècle et le monde médiéval au XVe.

    Je ne fais qu'appliquer l'empirisme organisateur à l'histoire de la civilisation. Le monde moderne va céder la place à un autre monde aussi différent que le sont de lui le monde antique et surtout le monde médiéval. Que sera ce monde nouveau ? Certainement pas le paradis sur terre. Il serait imprudent de tenter de l'imaginer. Ce que l'on peut dire c'est qu'il se construira en réaction contre le monde que nous nommons moderne. Celui-ci avait pris pour modèle le monde antique. Saint-Just se prenait pour un spartiate. Je crois que cette fois le Moyen-Age fournira la référence.

    Un nouveau Moyen-Age ?

    Pas plus que la France de 1793 n'était la nouvelle Sparte mais considérez les écologistes. Leur utopie cherche un modèle de type médiéval, les énergies douces, la santé par les plantes. Le succès du thème «moins d'Etat» va dans le même sens. C'est d'ailleurs dangereux. Le passé nous fournit des leçons, pas des solutions toutes faites.

    Votre pensée est tournée vers l'avenir. On peut se demander pourquoi vous êtes également un « réactionnaire ». N'est-ce-pas, pour beaucoup, contradictoire ?

    C'est l'avenir qui est réactionnaire. Pas moi. Je me contente de constater.

    Vous posez pourtant des jugements de valeur. Ainsi vous condamnez la « massification » de la société, ce que vous nommez « l'homme-masse ».

    Je suis bien obligé de constater que l'humanité a acquis la capacité de s'auto-détruire.

    La bombe atomique ?

    Il y a plus grave. Les crises, quand elles mettent en cause la civilisation, ouvrent un temps de troubles. La barbarie revient, comme au VIe siècle, comme au XVe et au XVIe, qui furent terribles. La splendeur esthétique de la Renaissance en masque la cruauté. Sait-on que la population européenne n'a retrouvé qu'au milieu du XIXe siècle le niveau de vie qu'elle avait au XIIIe ?

    C'est donc une erreur de réduire la crise au seul domaine de l'économie ?

    Bien sûr, encore que j'ai, dans cet essai, surtout insisté sur le problème du chômage, qui inquiète, à juste titre, l'opinion. Il fallait prouver que, dans ce domaine aussi, nous pouvions présenter des solutions. J'aurais pu aussi bien étudier la crise de la culture. Le Tchèque Kundera, un romancier de talent, soutient que « la culture en Europe poursuit la parabole du déclin » et une intellectuelle de gauche, Madame Macciocchi, que « l'Europe, du point de vue culturel est aphasique ». L'art est tombé dans le formalisme, phénomène commun au début des temps barbares. Au VIe siècle le monde antique ne produisait plus que des rhéteurs. Le XVe siècle, l'un des plus noirs de l'Occident, voit triompher les « grands rhétoriqueurs ». Nous n'avons que des scoliastes. Il est significatif que l'on ait accordé le Nobel à M. Simon, un romancier qui n'ayant rien à dire pratique l'art du non-dit.

    Ce que Maurras annonçait dans « l'avenir de l'Intelligence ».

    Avec en plus l'apparition des «mass média», des moyens de communication de masse. La technique permet la massification de la culture.

    Il s'agit de perpétuer « l'homme masse ».

    Le rêve des démocrates c'est de constituer une élite de techniciens à haut niveau de vie, qui contrôlerait les ordinateurs, l'augmentation prodigieuse de la productivité permettant de nourrir à ne rien faire des millions d'assistés, qui passeraient leur journée devant la télé. Je pourrais vous citer vingt textes de « futurologues » qui vont dans ce sens. L'identité culturelle du peuple français leur importe peu. La télé diffuserait une « culture mondiale » à base de bandes dessinées, immédiatement assimilable par le Bantou, l'Indien, le Chinois ou l'Européen.

    C'est commencé.

    Un jeune Français sur quatre est actuellement promis au chômage définitif, chômeur à vie, en quelque sorte. Un homme tel que M. Barre serait favorable à un système de type soviétique mais amélioré par une forte dose de libéralisme économique, destinée à le rendre efficace. Grâce à la massification culturelle, la nomenklatura tiendrait en tutelle les travailleurs chassés par la machine des ateliers et des bureaux. On a connu un système analogue dans les derniers siècles de l'Empire romain.

    Panem et circenses.

    C'est compter sans l'apparition des « intégrismes religieux ». On songe à l'Islam mais l'hindouisme lui aussi se réveille. Il y a là une réaction de survie de cultures menacées par le projet mondialiste.

    Cette réaction se manifeste aussi au sein du catholicisme.

    Dans la mesure où le « modernisme » n'a pas totalement gangréné l'Eglise. Celle-ci, pendant trois siècles, avait résisté aux assauts du monde moderne, le sachant anti-chrétien par essence. Elle s'est livrée à lui au moment où il entrait en agonie. Il semble que de nombreux évêques rêvent d'intégrer leur religion, convenablement vidée de la substance, à la culture de masse. C'est le « supplément d'âme » de Bergson. Une vague teinture de religiosité... Il faut, bien sûr, combattre, à l'intérieur de l'Eglise, le modernisme mais dans la perspective d'une espérance surnaturelle. Au plan humain, je suis plus que jamais convaincu de la vérité du « politique d'abord ». Les prochaines décennies seront atroces. Il faut que nous bâtissions l'arche, qui permettrait aux Français de traverser, sans trop souffrir, le déluge des barbaries, l'américaine comme la soviétique ou l'islamique.   •  FIN 

     

    Lire les articles précédents ...

    Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray     

    (1)  (2)  (3)  (4)  (5)  (6)  (7)  (8)  (9)  (10)  (11)  (12)  (13) (14) (15)  (16)   (17)   (18)   (19)   (20)   (21)   (22)   (23)   (24)   (25)   (26)

    Un entretien avec Pierre Debray : « Construire l'arche qui permettrait aux Français de survivre au déluge des barbaries »

    lafautearousseau

  • Un entretien avec Pierre Debray : « Construire l'arche qui permettrait aux Français de survivre au déluge des barbaries

    Discours de Pierre Debray aux Baux de Provence, en 1973

     

    2293089609.14.jpgNous avons achevé hier la publication de l'étude magistrale de Pierre Debray parue en novembre 1985, sous le titre Une politique pour l'an 2000. On s'y reportera avec profit en utilisant les vingt-six liens ci-dessous.

    A l'issue de la parution de cette étude, Pierre Debray nous avait encore donné un entretien complémentaire et conclusif.

    Nous l'avons publié en deux parties, c'est à dire hier mardi et aujourd'hui mercredi.  LFAR

     

     

    2235704335.jpg

    Vous êtes sévère pour les socialistes mais moins que pour l'actuelle opposition. Pourquoi ?

    Le socialisme debout a sur le socialisme rampant un avantage. Il se montre à découvert. Les Français perçoivent mieux le danger qu'il y a cinq ans.

    Vous annoncez, d'ailleurs, la disparition de la démocratie.

    La démocratie est fondée sur le quantitatif pur. Est élu qui réunit la plus grande Quantité de suffrages. Or notre société tend à restaurer l'élément qualitatif, et ce par nécessité. Il y a contradiction entre l'évolution sociale et le système politique. En politique nous vivons au XIXe siècle pour les institutions, au XVIIIe pour les idées. Cette contradiction est l'une des causes de la crise.

    Vous allez plus loin. Vous soutenez que la crise actuelle est du même ordre que celles qui ont détruit le monde antique au Ve siècle et le monde médiéval au XVe.

    Je ne fais qu'appliquer l'empirisme organisateur à l'histoire de la civilisation. Le monde moderne va céder la place à un autre monde aussi différent que le sont de lui le monde antique et surtout le monde médiéval. Que sera ce monde nouveau ? Certainement pas le paradis sur terre. Il serait imprudent de tenter de l'imaginer. Ce que l'on peut dire c'est qu'il se construira en réaction contre le monde que nous nommons moderne. Celui-ci avait pris pour modèle le monde antique. Saint-Just se prenait pour un spartiate. Je crois que cette fois le Moyen-Age fournira la référence.

    Un nouveau Moyen-Age ?

    Pas plus que la France de 1793 n'était la nouvelle Sparte mais considérez les écologistes. Leur utopie cherche un modèle de type médiéval, les énergies douces, la santé par les plantes. Le succès du thème «moins d'Etat» va dans le même sens. C'est d'ailleurs dangereux. Le passé nous fournit des leçons, pas des solutions toutes faites.

    Votre pensée est tournée vers l'avenir. On peut se demander pourquoi vous êtes également un « réactionnaire ». N'est-ce-pas, pour beaucoup, contradictoire ?

    C'est l'avenir qui est réactionnaire. Pas moi. Je me contente de constater.

    Vous posez pourtant des jugements de valeur. Ainsi vous condamnez la « massification » de la société, ce que vous nommez « l'homme-masse ».

    Je suis bien obligé de constater que l'humanité a acquis la capacité de s'auto-détruire.

    La bombe atomique ?

    Il y a plus grave. Les crises, quand elles mettent en cause la civilisation, ouvrent un temps de troubles. La barbarie revient, comme au VIe siècle, comme au XVe et au XVIe, qui furent terribles. La splendeur esthétique de la Renaissance en masque la cruauté. Sait-on que la population européenne n'a retrouvé qu'au milieu du XIXe siècle le niveau de vie qu'elle avait au XIIIe ?

    C'est donc une erreur de réduire la crise au seul domaine de l'économie ?

    Bien sûr, encore que j'ai, dans cet essai, surtout insisté sur le problème du chômage, qui inquiète, à juste titre, l'opinion. Il fallait prouver que, dans ce domaine aussi, nous pouvions présenter des solutions. J'aurais pu aussi bien étudier la crise de la culture. Le Tchèque Kundera, un romancier de talent, soutient que « la culture en Europe poursuit la parabole du déclin » et une intellectuelle de gauche, Madame Macciocchi, que « l'Europe, du point de vue culturel est aphasique ». L'art est tombé dans le formalisme, phénomène commun au début des temps barbares. Au VIe siècle le monde antique ne produisait plus que des rhéteurs. Le XVe siècle, l'un des plus noirs de l'Occident, voit triompher les « grands rhétoriqueurs ». Nous n'avons que des scoliastes. Il est significatif que l'on ait accordé le Nobel à M. Simon, un romancier qui n'ayant rien à dire pratique l'art du non-dit.

    Ce que Maurras annonçait dans « l'avenir de l'Intelligence ».

    Avec en plus l'apparition des «mass média», des moyens de communication de masse. La technique permet la massification de la culture.

    Il s'agit de perpétuer « l'homme masse ».

    Le rêve des démocrates c'est de constituer une élite de techniciens à haut niveau de vie, qui contrôlerait les ordinateurs, l'augmentation prodigieuse de la productivité permettant de nourrir à ne rien faire des millions d'assistés, qui passeraient leur journée devant la télé. Je pourrais vous citer vingt textes de « futurologues » qui vont dans ce sens. L'identité culturelle du peuple français leur importe peu. La télé diffuserait une « culture mondiale » à base de bandes dessinées, immédiatement assimilable par le Bantou, l'Indien, le Chinois ou l'Européen.

    C'est commencé.

    Un jeune Français sur quatre est actuellement promis au chômage définitif, chômeur à vie, en quelque sorte. Un homme tel que M. Barre serait favorable à un système de type soviétique mais amélioré par une forte dose de libéralisme économique, destinée à le rendre efficace. Grâce à la massification culturelle, la nomenklatura tiendrait en tutelle les travailleurs chassés par la machine des ateliers et des bureaux. On a connu un système analogue dans les derniers siècles de l'Empire romain.

    Panem et circenses.

    C'est compter sans l'apparition des « intégrismes religieux ». On songe à l'Islam mais l'hindouisme lui aussi se réveille. Il y a là une réaction de survie de cultures menacées par le projet mondialiste.

    Cette réaction se manifeste aussi au sein du catholicisme.

    Dans la mesure où le « modernisme » n'a pas totalement gangréné l'Eglise. Celle-ci, pendant trois siècles, avait résisté aux assauts du monde moderne, le sachant anti-chrétien par essence. Elle s'est livrée à lui au moment où il entrait en agonie. Il semble que de nombreux évêques rêvent d'intégrer leur religion, convenablement vidée de la substance, à la culture de masse. C'est le « supplément d'âme » de Bergson. Une vague teinture de religiosité... Il faut, bien sûr, combattre, à l'intérieur de l'Eglise, le modernisme mais dans la perspective d'une espérance surnaturelle. Au plan humain, je suis plus que jamais convaincu de la vérité du « politique d'abord ». Les prochaines décennies seront atroces. Il faut que nous bâtissions l'arche, qui permettrait aux Français de traverser, sans trop souffrir, le déluge des barbaries, l'américaine comme la soviétique ou l'islamique.   •  FIN 

     

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    Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray     

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    Un entretien avec Pierre Debray : « Construire l'arche qui permettrait aux Français de survivre au déluge des barbaries »

  • Bernanos........La Société des machines contre les hommes, par Frédéric Poretti-Winkler.

    Nous savons et nous voyons les dangers d’une robotisation poussée autour de nous. Le monde professionnel subit la loi des techniques qui, au service du profit, soumettent les êtres humains à leur rythme mécanique : « les régimes jadis opposés par l’idéologie sont maintenant étroitement unis par la technique ». Nous le constatons chaque jour et de futurs drames humains arriveront. C’est face à ces périls que Bernanos est un révolutionnaire « intégral » …

    frédéric winkler.jpg« La chose est à la fois plus simple et plus compliquée. Quand la société impose à l'homme des sacrifices supérieurs aux services qu'elle lui rend, on a le droit de dire qu'elle cesse d'être humaine, qu'elle n`est plus faite pour l'homme, mais contre l`homme. Dans ces conditions, s'il arrive qu'elle se maintienne, ce ne peut être qu`aux dépens des citoyens ou de leur liberté ! Imbéciles, ne voyez-vous pas que la civilisation des machines exige en effet de vous une discipline chaque jour plus stricte ? Elle l'exige au nom du Progrès, c'est-à-dire au nom d'une conception nouvelle de la vie, imposée aux esprits par son énorme machinerie de propagande et de publicité. Imbéciles ! comprenez donc que la civilisation des machines est elle-même une machine, dont tous les mouvements doivent être de plus en plus parfaitement synchronisés ! Une récolte exceptionnelle de café au Brésil influe aussitôt sur le cours d'une autre marchandise en Chine ou en Australie ; le temps n'est certainement pas loin où la plus légère augmentation de salaires au Japon déchaînera des grèves à Détroit ou à Chicago, et finalement mettra une fois encore le feu au monde. Imbéciles ! avez-vous jamais imaginé que dans une société où les dépendances naturelles ont pris le caractère rigoureux, implacable, des rapports mathématiques, vous pourrez aller et venir, acheter ou vendre, travailler ou ne pas travailler, avec la même tranquille bonhomie que vos ancêtres ? Politique d'abord ! disait Maurras. La Civilisation des Machines a aussi sa devise : « Technique d’abord ! technique partout ! » Imbéciles ! vous vous dites que la technique ne contrôlera, au pis-aller, que votre activité matérielle, et comme vous attendez pour demain la « semaine de cinq heures » et la foire aux attractions ouverte jour et nuit, cette hypothèse n'a pas de quoi troubler beaucoup votre quiétude. Prenez garde, imbéciles ! Parmi toutes les Techniques, il y a une technique de la discipline, et elle ne saurait se satisfaire de l'ancienne obéissance obtenue vaille que vaille par des procédés empiriques, et dont on aurait dû dire qu'elle était moins la discipline qu'une indiscipline modérée. La Technique prétendra tôt ou tard former des collaborateurs acquis corps et âme à son Principe, c'est-à-dire qui accepteront sans discussion inutile sa conception de l'ordre, de la vie, ses Raisons de Vivre. Dans un monde tout entier voué à l`Efficience, au Rendement, n'importe-t-il pas que chaque citoyen, dès sa naissance, soit consacré aux mêmes dieux ? La Technique ne peut être discutée, les solutions qu'elle impose étant par définition les plus pratiques. Une solution pratique n’est pas esthétique ou morale. Imbéciles ! La Technique ne se reconnaît-elle pas déjà le droit, par exemple, d'orienter les jeunes enfants vers telle ou telle profession ? N'attendez pas qu`elle se contente toujours de les orienter, elle les désignera. Ainsi, à l`idée morale, et même surnaturelle, de la vocation s’oppose peu à peu celle d'une simple disposition physique et mentale, facilement contrôlable par les Techniciens. Croyez-vous, imbéciles, qu'un tel système, et si rigoureux, puisse subsister par le simple consentement ? Pour l`accepter comme il veut qu'on l'accepte, il faut y croire, il faut y conformer entièrement non seulement ses actes mais sa conscience. Le système n'admet pas de mécontents… Il n'y a rien de plus mélancolique que d'entendre les imbéciles donner encore au mot de Démocratie son ancien sens. Imbéciles ! Comment diable pouvez-vous espérer que la Technique tolère un régime où le technicien serait désigné par le moyen du vote, c'est-à-dire non pas selon son expérience technique garantie par des diplômes, mais selon le degré de sympathie qu'il est capable d'inspirer à l`électeur ? La Société moderne est désormais un ensemble de problèmes techniques à résoudre……chaque progrès de la Technique vous éloigne un peu plus de la démocratie rêvée jadis par les ouvriers idéalistes du faubourg Saint-Antoine. Il ne faut vraiment pas comprendre grand-chose aux faits politiques de ces dernières années pour refuser encore d'admettre que le Monde moderne a déjà résolu, au seul avantage de la Technique, le problème de la Démocratie. Les Etats totalitaires, enfants terribles et trop précoces de la Civilisation des Machines, ont tenté de résoudre ce problème brutalement, d'un seul coup…On peut être sûr que c'est parmi leurs anciens adversaires, dont elles apprécient l'esprit de discipline, qu'elles recruteront bientôt leurs principaux collaborateurs; elles n'ont que faire des idéalistes, car l'Etat technique n'aura demain qu'un seul ennemi : « l'homme qui ne fait pas comme tout le monde » - ou encore : « l’homme qui a du temps à perdre » - ou plus simplement si vous voulez : « l'homme qui croit à autre chose qu'à la Technique » » (La France contre les robots). Librement consenti au départ, voir même encouragé, l’homme par négligence, par confort, va mettre en place les outils de son malheur, de son esclavage. Il va par ingéniosité, promouvoir des techniques qui, non seulement le remplaceront à terme, mais feront de lui, un être dégénéré, que l’inutilité de son savoir, perdu avec le temps, feront disparaître. C’est déjà ce que l’on constate au travers des supermarchés, des banques, des industries, l’intelligence artificielle, les robots ménagers, les drones et futures chiens-robots de combat ! Que deviendront les hommes devenus inutiles ? Quelle sera la part charitable, sociale pour une ménagère, aux fins de mois difficiles, face à un ordinateur chargé de lui réclamer un découvert ?
    « La Civilisation des Machines a-t-elle amélioré l’homme ? Ont-elles rendu l’homme plus humain ? Je pourrais me dispenser de répondre, mais il me semble cependant plus convenable de préciser ma pensée. Les machines n’ont, jusqu’ici du moins, probablement rien changé à la méchanceté foncière des hommes, mais elles ont exercé cette méchanceté, elles leur en ont révélé la puissance n’avait pour ainsi dire pas de bornes. Car les limites qu'on a pu lui donner au cours des siècles sont principalement imaginaires, elles sont moins dans la conscience que dans l’imagination de l'homme. C ‘est le dégout qui nous préserve souvent d'aller au-delà d'une certaine cruauté - la lassitude, le dégoût, la honte, le fléchissement du système nerveux – et il nous arrive plus souvent que nous le pensons de donner à ce dégoût le nom de pitié. L'entrainement permet de surmonter ce dégoût. Méfions-nous d'une pitié que dieu n'a pas bénie, et qui n‘est qu'un mouvement d'entrailles. Les nerfs de !'homme ont leur contradiction, leurs faiblesses, mais la logique du mal est stricte comme l’Enfer; le diable est le plus grand des Logiciens - ou peut-être, qui sait ? – la Logique même ? » (Georges Bernanos, La France contre les robots)
    F. PORETTI-Winkler (http://boutique-royaliste.fr/index.php…) à suivre..

  • Ce libéralisme sans frein qui écrase les pays et les producteurs.

     
    Par Jean-Philippe Chauvin
     

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    Le libéralisme mondialisé paraît aujourd'hui si dominateur que rien ne semble devoir l'ébranler, et la cinglante réplique de Margaret Thatcher aux partisans du keynésianisme, « There is no alternative », a désormais valeur d'idéologie officielle à la tête de l'Union européenne, si bien incarnée par la rigidité technocratique d'un Pierre Moscovici qui s'en prend aujourd'hui aux États espagnol et italien parce que ceux-ci, après des années d'austérité, souhaitent redistribuer plus justement (même si l'on peut discuter des aspects de cette redistribution) les fruits des efforts précédents : après tout, il n'est pas injuste de vouloir redonner un peu d'air à des populations « de base » sur lesquelles ont longtemps reposé les politiques de restriction budgétaires tandis que les grandes sociétés multinationales locales, elles, se sont avérées parfois fort généreuses avec leurs actionnaires... Mais la Commission européenne ne l'entend pas de cette oreille, arguant que les dettes publiques de ces deux États sont trop élevées pour se permettre de faire des « cadeaux » aux contribuables espagnols et italiens, et elle a même rejeté le budget de l'Italie ce mardi. La France pourrait bien, d'ailleurs, faire les frais de cette intransigeance européenne, au risque d'accentuer encore un mécontentement social et populaire qui ne se limite pas aux seuls retraités. La « promesse de l'Europe » semble bien s'être noyée dans les considérations comptables, celles-la mêmes que méprisait de Gaulle, non pour les nier mais pour les remettre à leur place qui ne doit pas être la première. 

    euro-ombre.jpgLe libéralisme actuel de la Commission européenne a, il y a quelques années et encore aujourd'hui, empêché les États de défendre efficacement leurs industries nationales, au nom des droits des consommateurs qui, en définitive, s'apparente plus à ce « devoir de consommation » qui s'impose en société de consommation au détriment, souvent, des producteurs comme de l'environnement. La mondialisation est souvent vantée comme le moyen d'avoir les prix les plus bas, au risque d'en oublier la justice sociale et l'intérêt national bien compris, ce que le royaliste social et corporatiste La Tour du Pin a, dès la fin XIXe siècle, dénoncé avec vigueur à travers articles et publications nombreux. Son monarchisme était « illibéral », non par idéologie mais par souci social, et il serait peut-être encore plus sévère avec un libéralisme contemporain qui, comme hier, veut absolument s'émanciper de toute contrainte et refuse toute notion de limites, au seul profit de l'égoïsme individuel et oublieux de toute réalité environnementale. 

    Bien avant que la mondialisation libérale soit devenue la « norme », La Tour du Pin avait discerné les risques de celle-ci pour les activités productives de notre pays et pour les conditions de travail comme de vie des exploités de ce système qui, en définitive, s'avère l'un des plus grands dangers pour l'équilibre des sociétés et la justice sociale, malheureusement si négligées désormais par les oligarques qui gouvernent l'Union européenne. 

    En quelques lignes, parues dans les années 1880, tout, ou presque, est dit et annoncé : « Le système de la liberté sans limites du capital a-t-il développé la production, comme on le prétend, aussi bien qu'il l'a avilie? Nullement. Il l'a laissée dépérir sur le sol national, en émigrant lui-même, là où il trouvait la main d’œuvre (...) à meilleur marché (...). Les conséquences du système lié à la multiplicité des voies de communication (...) seront de ne plus pourvoir le marché que par les produits des populations les plus misérables; le coolie chinois deviendra le meilleur ouvrier des deux mondes, parce qu'il n'aura d'autre besoin que ceux de la bête. Puis, comme l'ouvrier, l'ingénieur, l'agent commercial, le banquier lui-même seront pris au meilleur marché. (...) Voilà comment une décadence irrémédiable attend, dans l'ordre économique,la civilisation de l'Occident au bout de cette voie de la liberté du travail où elle s'est engagée avec la doctrine de ses philosophes pour flambeau, la science de ses économistes pour guide, et la puissance de ses capitalistes. » 

    la tour du pin gar.jpgExtrait du livre "Vers un ordre social chrétien", rédigé par René de La Tour du Pin, qui fût toute sa vie un ardent défenseur de la Cause monarchique sociale, et qui voyait loin, ce texte paraît aujourd'hui prémonitoire... Pour autant, il n'est pas un appel au fatalisme mais, au contraire, un appel à réagir en condamnant ce capitalisme libéral, règne d'une « fortune anonyme et vagabonde » : réagir, non par l'imposition d'un étatisme tout aussi, bien que de manière différente, dévastateur pour les libertés des producteurs ; réagir par la renaissance du politique qui doit imposer, de par sa présence tutélaire et de par son essence publique, le nécessaire esprit de « devoir social » aux forces économiques et financières de ce pays, et à celles qui prétendent y faire affaire...   

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • Après le krach, réévaluation de l’or et « Gold Exchange Standard » multidevises

    Par Marc Rousset    

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    « En fait, on va tout droit vers la récession avec un krach à la clé. »

    Olivier Blanchard, l’ancien chef économiste du FMI, avec des propos toujours surprenants pour défendre le Système, a découvert l’eau chaude début janvier 2019, devant l’Association des économistes américains : puisque les taux d’intérêts sont bas, la dette publique de 250.000 milliards de $ dans le monde, soit 3 fois le PIB mondial de 80.000 milliards de $, et, selon le FMI, 103 % du PIB des pays riches au lieu de 71 %, il y a 10 ans, n’est peut-être qu’un problème accessoire ! Mais quid des « gros problèmes en cas de remontée des taux » ? selon Christine Lagarde, DG du FMI.

    Georges Ugeux, ancien VP du NewYork Stock Exchange, qui prédit « une descente aux enfers de la finance » vient de déclarer : « Je crois que nous sommes de nouveau dans une période de déni. » Villeroy de Galhau, ancien Président de BNP-Paribas, aujourd’hui président de la Banque de France, lui aussi défenseur du Système, ne trouve rien de mieux à nous dire que la politique monétaire doit rester laxiste avec un taux directeur de la BCE à 0 % qui ruine les épargnants et va installer durablement les taux publics d’emprunts allemands en territoire négatif tandis que les taux d’obligations des entreprises en zone euro s’élèvent en moyenne à 0,6 %, soit dix fois moins qu’un taux juste et normal.

    En fait, on va tout droit vers la récession avec un krach à la clé. L’indice PMI flash manufacturier en zone euro s’est contracté pour le deuxième mois consécutif en avril à 47,8, l’Allemagne se situant encore plus bas à 44,5. Le PIB allemand devrait progresser de seulement 0,5 % en 2019. Le sauvetage bancaire de la Deutsche Bank, avec un bilan de 48.000 milliards de $, soit 24 fois le montant de la dette publique allemande, ferait exploser la dette de 64,1 % à environ 90 % du PIB. Quant à la France, incapable avec Macron de faire des réformes structurelles, d’élever l’âge de départ à la retraite, elle doit s’inquiéter aussi de son endettement privé de 133 % du PIB (59,1 % pour les ménages et 74,1 % pour les entreprises. Selon le ministre russe des finances, Anto Silouanov, « le risque d’une récession mondiale est très élevé ».

    C’est peut-être dans une Chine qui soutient la croissance de 6 % en 2019, comme un pendu sur son tabouret, que tout va se jouer. Le marché automobile chinois a reculé pour la première fois en 2018 à 26,3 millions de véhicules, avec un taux d’utilisation des usines inférieur à 57 %. La pression fiscale et sociale sur les entreprises va être abaissée de 265 milliards d’euros tandis les banques chinoises ont prêté au premier trimestre la somme record de 766 milliards d’euros, soit davantage que le PIB de la Suisse, pour les infrastructures. Le surendettement des entreprises atteint déjà 150 % du PIB. La croissance chinoise est, en fait, gonflée artificiellement à coup de crédits garantis par l’État et l’on peut aussi avoir des doutes sur les statistiques officielles camouflant les fragilités structurelles.

    Pendant ce temps, les banques centrales (Chine, Russie, Kazakhstan, Turquie) continuent d’accumuler du métal jaune (90 tonnes durant les deux premiers mois de l’année 2019). Après le krach ou l’effondrement monétaire à venir, il est probable qu’un panier de plusieurs monnaies adossées à l’or réévalué remplacera l’étalon $. La révolution silencieuse Bâle III par les « gnomes de Zurich » a déjà commencé le 29 mars 2019 puisqu’il a été décidé de placer l’or de l’actif des banques centrale, non plus en troisième catégorie, à 50 % de sa valeur, mais en première position à 100 % de sa valeur, soit une première réévaluation comptable du métal jaune plaçant l’or avant le dollar. Et dès le 1er janvier 2022, les banques centrales auront le droit de garder jusqu’à 20 % de leurs actifs en or, argent ou platine. Le loup du système de change fixe avec l’or comme monnaie internationale est donc déjà bel et bien entré dans la bergerie dollar. Soyons certains que L’Amérique fera tout pour défendre bec et ongles le privilège de l’étalon $ mis en place à Bretton Woods en 1945.

    Un calcul simpliste démontre cependant que la crise de l’hyper-endettement public de 250.000 miliards de $ ne peut être résolue qu’en multipliant le prix de l’ensemble des réserves mondiales d’or, soit environ 6.500 Milliards $, par 40 ! Ce n’est pas pour rien que les Allemands (ménages 5.548 tonnes et Bundesbank 3.370 tonnes) possèdent aujourd’hui une quantité record de 8.918 tonnes d’or physique. N’oublions pas que l’or valait 35 $ l’once en 1971 et qu’il vaut aujourd’hui 1.300 $ l’once ! Si l’or devait être réévalué, la France et l’Italie seraient aussi grandement avantagées.   

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    Économiste
    Ancien haut dirigeant d'entreprise
  • Mathieu Bock-Côté : « L'occupation touristique planétaire est une dépossession »

    Le Mont Saint-Michel rongé par les masses de touristes

     

    soleil.jpgMathieu Bock-Côté s'alarme des méfaits du tourisme de masse qui produit une véritable dénaturation tant du voyage lui-même que des villes et des pays visités, en réalité à la manière d'un flot invasif. [Le Figaro, 10.08]. Peut-on « espérer que le tourisme se civilise après s'être démocratisé. » Force est de constater que nous n'en prenons pas le chemin. Il faudrait, nous semble-t-il, que l'ensemble de l'édifice social se recivilise après s'être démocratisé...  LFAR

     

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    D'une année à l'autre, la belle saison confirme le statut de la France comme première destination touristique mondiale. On a d'abord tendance à s'en réjouir: n'est-ce pas le plus beau compliment que le monde puisse lui adresser ? On se rue vers elle pour admirer l'incroyable travail des siècles sur un territoire modelé par l'homme, qui a su à la fois fonder villes et villages, élever des cathédrales et dessiner des paysages. Si l'Amérique fascine spontanément qui veut contempler la nature sauvage et les grands espaces, l'Europe attire ceux qui s'émeuvent à bon droit de l'empreinte humaine sur la planète. S'ajoutent à cela des considérations prosaïques élémentaires : le tourisme est une industrie extrêmement lucrative. Qui serait assez bête pour se désoler de son expansion et des milliards qui l'accompagnent ?

    Mais on se désenvoûte assez rapidement de ce beau récit pour peu qu'on pense le tourisme de masse non plus seulement comme une opportunité économique mais 9782081365452.jpgcomme un phénomène politique. D'ailleurs, dans La Carte et le territoire, Michel Houellebecq s'était déjà inquiété de ce qu'on pourrait appeler le devenir touristique de l'Europe, soit celui d'une civilisation s'offrant à l'humanité comme parc d'attractions, comme si elle n'avait plus que des vestiges monumentaux mais vidés de toute sève à présenter au monde. En se réinventant par sa promotion du tourisme de masse, elle consentirait à sa muséification définitive. Elle ne serait plus qu'un décor déshabité, témoignant d'une gloire passée qu'il ne viendrait à personne l'idée de restaurer. La gloire témoigne de temps tragiques et nous souhaitons plus que tout habiter une époque aseptisée.

    La logique du circuit touristique planétaire est facile à reconstruire. Lorsque le système du tourisme mondialisé happe un lieu, celui-ci est progressivement vidé de sa population, comme s'il fallait effacer une présence humaine résiduelle, datant de l'époque où la ville était d'abord habitée avant d'être visitée. Les derniers résidents sont de trop, sauf s'ils savent se plier à la nouvelle vocation du lieu.

    Globalement, les habitants seront remplacés par des employés convertis à la logique du capital mondialisé qui sont souvent d'ailleurs habitués à tourner dans son circuit. La population locale en vient même à reconnaître implicitement un statut d'extraterritorialité symbolique aux lieux sous occupation touristique. Elle devient elle-même touriste en son propre pays lorsqu'elle fréquente ces lieux.

    Sans surprise, ce sont les plus beaux quartiers qui sont ainsi arrachés de la ville où ils ont été construits pour accueillir les touristes qu'on peut se représenter comme l'armée de la mondialisation, qui partout, impose ses codes. C'est peut-être une figure nouvelle du colonialisme. Paradoxe : d'un côté, la ville vidée de son peuple est invitée à conserver ce qui la caractérise, à la manière d'un folklore pour ceux qui sont en quête d'authenticité, mais de l'autre, elle doit offrir les mêmes facilités et les mêmes enseignes qu'on trouve partout sur la planète, du magasin de luxe au Starbucks. Il ne faudrait surtout pas que le touriste se sente trop loin de chez lui. S'il égrène fièrement les destinations où il est passé, il ne cherche la plupart du temps qu'un dépaysement soft. S'il était vraiment ailleurs, ce serait probablement pour lui l'enfer. Le moderne vante les mérites de l'autre mais ne le voit jamais qu'à la manière d'une copie du même.

    C'est bien une dynamique de dépossession qui caractérise le tourisme de masse. Et ses ravages sont indéniables. Des masses humaines se jettent à un pas rythmé par les chansons mondialisées à la mode sur des destinations choisies et en viennent à les défigurer complètement. Elles n'ont souvent qu'un objectif: « immortaliser » leur passage avec un selfie destiné aux réseaux sociaux, au point même où la première chose qu'on croise aujourd'hui en voyage, ce sont d'exaspérants badauds qui se prennent en photo. Devant cette sauvagerie molle et souriante, certains en appellent à une résistance politique. On apprenait ainsi récemment que Venise, Barcelone, Dubrovnik ou Santorin cherchent activement des mesures pour contenir le flot humain qui les engloutira. Une chose est certaine : si le monde entier devient une destination touristique, plus personne ne sera chez lui et tout le monde sera chassé de chez soi.

    On voit là comment le système de la mondialisation s'empare du monde. On a beaucoup parlé ces dernières années du concept de France périphérique, formulé par Christophe Guilluy, qui sert à désigner les populations laissées de côté par la mondialisation. On pourrait en élargir la signification en parlant plus simplement des populations qui sont refoulées non seulement territorialement mais symboliquement à l'extérieur du système de la performance mondialisée parce qu'elles ne sont pas suffisamment adaptables, mobiles et interchangeables. On les juge mal préparées aux règles du nouveau monde de la mobilité maximale. Ce sont des populations retardataires, attachées à un lieu, une langue et peut-être même une tradition. Un tel enracinement ne se pardonne pas. On ne saurait jamais, sous aucun prétexte, être en décalage avec les exigences de ce qui passe pour la modernité.

    Ici et là, la critique du tourisme de masse se fait heureusement entendre, même si elle peut aussi devenir agaçante. On brandit facilement, en prenant la pose dandy, une éthique du voyageur qui saurait se glisser subtilement dans la ville, en laissant entendre que le voyage devrait être le privilège exclusif du petit nombre. Mais ce réflexe aristocratique porte une leçon intéressante. Le génie du voyageur authentique tient moins dans la consommation des destinations recherchées où il vivra des expériences préformatées que dans sa capacité à habiter plus d'un endroit dans le monde, en y développant ses habitudes, ce qui implique de prendre le temps de se familiariser avec les mœurs locales. Il n'est pas interdit d'espérer que le tourisme se civilise après s'être démocratisé et que les hommes se rappellent que le monde n'a pas pour vocation à se plier aux désirs de ceux qui fardent leur pulsion de conquête en sophistication cosmopolite.   ■

    Mathieu Bock-Côté        

    XVM7713ddbc-9f4e-11e6-abb9-e8c5dc8d0059-120x186.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, est paru aux éditions du Cerf [2016].

     

    Sur le même sujet lire aussi dans Lafautearousseau ... 

    Marin de Viry : « Comment le tourisme de masse a tué le voyage »

  • Contre le règne des partis, quelles institutions ?

    Les Etats-Généraux tels qu'ils se sont ouverts en 1789
     
    Par Jean-Philippe Chauvin
     

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    Les partis politiques sont épuisés, si l'on en croit le nombre d'adhérents à jour de leur cotisation, et l'opposition, sous ses diverses étiquettes, ne semble pas mieux se porter que le mouvement du président actuel : la seule évocation du cas du parti des Républicains, qui est censé regrouper les restes des formations qui se réclamaient du gaullisme et de la droite conservatrice ou libérale, est éloquent, comme le démontre un article paru dans le quotidien L'Opinion ce lundi 24 septembre 2018, sous le titre « A Paris, à peine 6 % des adhérents LR ont moins de 30 ans » : sur 6.099 adhérents parisiens (pour une métropole de plus de 2 millions d'habitants...), certains arrondissements comptent moins d'une dizaine de membres anté-trentenaires ! Et pourtant, ce parti est considéré comme le parti modéré le plus représentatif de la Droite et celui qui peut être appelé à diriger à nouveau le pays dans quelques temps. Mais que dire, aussi, du Parti Socialiste, encore au pouvoir il y a deux ans, ou des autres partis dits de gouvernement ? Quant aux partis contestataires, leurs effectifs ont fortement diminué depuis leurs échecs respectifs de l'année 2017, année durant laquelle le « dégagisme » a porté M. Macron à la présidence de la République, sans troupes véritables mais avec des ambitions certaines. 

    Et pourtant ! La démocratie représentative contemporaine accorde aux partis une place prépondérante, au point que l'on peut supposer que, dans ce système, la démocratie est bel et bien, et uniquement, le règne des partis et de leurs servants, mais aussi de leurs financiers et commanditaires. Cela peut pourtant sembler exagéré et illogique au regard de la faible adhésion à ces partis et de la vacuité de leurs programmes, réécrits à la veille de chaque élection, au gré d'une adaptation permanente qui apparaît plus comme une nécessité électorale que comme un engagement vraiment politique... Il y a de quoi être perplexe devant les réunions d'avant-campagne durant lesquelles il est fait appel aux propositions des militants, celles-ci étant, en définitive, supplantées par des textes rédigés par des comités d'experts ou des technocrates, voire par des communicants pour lesquels la forme importe plus que le fond : en fait, il s'agit de conquérir le pouvoir, parfois sans idée précise de son exercice, ce que signalait, en son temps, François Mitterrand dont le livre fameux (et terriblement bien écrit tout autant qu'injuste pour le fondateur de la Cinquième République...) « Le coup d’État permanent » trouvera sa meilleure illustration durant le double septennat (1981-1995) de l'ancien lecteur de L'Action Française et rédacteur du bulletin royaliste L'Action angoumoise des années 30...

    incident1-1.jpgLe ras-le-bol français s'exprime souvent par une forme, plus verbale qu'active, d'antiparlementarisme et d'antipartisanisme qui, pour être compréhensible, n'en est pas moins proprement inefficace, et cela depuis fort longtemps, ne trouvant pas de débouché politique et confinant à une forme de désespérance qui, en définitive, permet au système d'éternellement perdurer sans trop d'inquiétude... L'abstention, que certains revendiquent comme une forme d'action politique de désaveu du système politicien, si elle peut être parfois fort sympathique et légitime, reste désespérément sans effet sur les politiques menées et les institutions : elle est juste révélatrice du malaise, et elle est évoquée en début de soirée électorale pour être totalement oubliée la minute d'après... Constatons qu'elle représente presque 60 % aux élections européennes sans que cela n'empêche ni la légitimation des élections ni les déclarations de victoire des partis, ni les élus de se déclarer les seuls représentants de la Vox populi, ceux ne votant pas (ou plus) étant renvoyés à leur « absence » et au silence. 

    La tradition royaliste ne refuse pas les partis, mais elle s'inquiète du règne de ceux-ci sur l’État, règne consubstantiel à la démocratie représentative : c'est une des raisons fortes de la nécessité royale pour la magistrature suprême de l’État, ainsi libérée des jeux de partis et des alliances politiciennes par la transmission héréditaire, la naissance ne s'achetant pas et le nouveau-né ne se choisissant pas plus que le jour de la mort de son prédécesseur n'est connu, a priori, de celui-ci et des autres... Cette « incertitude temporelle » qui est bien encadrée par des lois fondamentales de succession tout en restant profondément liée à la nature de l'homme elle-même, est sans doute une manière simple, la plus naturelle qui soit, de ne rien devoir aux partis et d'être le recours à ceux-ci lorsque la situation leur échappe et que le pays est menacé. 

    1654052_731908013552215_8115551183139222608_n.jpgAinsi, au regard de l'histoire tragique de la France au XXe siècle, s'il y a bien eu un de Gaulle en juin 1940 pour dépasser la défaite, il a manqué un roi en novembre 1918 pour gagner cette paix qui aurait permis d'éviter les malheurs du printemps 1940, malheurs dont les partis se sont vite exonérés en refilant le pouvoir défait à un vieux maréchal qu'ils étaient allés chercher dans son ambassade de Madrid... 

    Bien sûr, la Monarchie n'est pas un « sceptre magique », mais elle autorise à penser à une forme de démocratie qui ne doive pas tout aux partis, et qui n'en soit pas la prisonnière et, parfois, la victime expiatoire.  ■  

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • Restaurer l’autorité demande une révolution !, par Christian Vanneste.

    Source : https://www.christianvanneste.fr/

    On peut rêver d’une démocratie idéale où chacun vise le bien commun de la Cité et où les partis proposent une vision cohérente et réaliste de ce bien commun, laissant aux électeurs le soin de décider laquelle a leur préférence. En fait les partis sont des machines à prendre et à conserver le pouvoir, à en mobiliser les avantages, et aussi, plus à gauche qu’à droite, à faire triompher des préjugés idéologiques que l’on imposera ensuite à l’ensemble de la société. La dégénérescence du système dans les démocraties actuelles est marquée par deux phénomènes.

    christian vanneste.jpgLe premier consiste à privilégier la possession du pouvoir par rapport à la défense des idées ou des valeurs. Cela conduit soit à des alliances contre nature comme c’est devenu l’habitude en Belgique par exemple, qui les désigne par leurs couleurs réunies : arc-en-ciel, suédoise, vivaldi, soit quatre saisons… On pourrait imaginer que cela aille dans le sens d’une plus grande union et d’une politique plus attachée aux problèmes concrets. C’est exactement le contraire. La technocratie, c’est d’abord l’art de se partager le gâteau, et ensuite d’éliminer les questions de valeurs au profit des solutions techniques, comme par exemple de ne plus embarrasser le débat politique avec des sujets comme l’avortement ou l’euthanasie, la PMA, la GPA qu’il faut autoriser le plus vite possible… Et l’on voit surgir le second phénomène : l’idéologie est bien présente dans ce choix, mais c’est une idéologie en creux, libératrice de l’individu et progressiste, une course au nihilisme qui peu à peu gagne l’ensemble des formations politiques, une idéologie qui les rassemble souterrainement à défaut de les opposer. On le voit en France où Les Républicains s’opposent à la majorité sur les questions de sécurité, ou sur la loi de bioéthique, mais sans beaucoup de vigueur, tandis que les députés du Rassemblement National oublient même de venir voter contre elle.

    Or le « progressisme » dont le président actuel est le porteur est un poison mortel pour notre nation. Fondé sur l’illusion qu’un mouvement est en oeuvre dans nos sociétés qui doit abattre les conservatismes et les résistances pour accroître nos libertés et notre égalité, il ne se rend nullement compte qu’il détruit la réalité même de l’édifice social. En favorisant l’immigration, il croit donner leur chance de participer à la démocratie à des étrangers qui vont miner un système politique dont ils méprisent sans trop les connaître les présupposés nécessaires. En émancipant les minorités, en mettant les « marges » au centre de ses préoccupations, il désespère la majorité qui assurait l’identité du pays et servait de modèle à l’intégration. En confondant la libération des caprices avec la liberté responsable, l’égalité avec le refus des hiérarchies indispensables, il rend impossible l’exercice de l’autorité légitime. En privant la nation de sa mémoire positive, il empêche les générations de transmettre leur héritage avec fierté.

    Les signes de cette dilution des repères et de l’autorité sont nombreux. Les exemples les plus symboliques nous ont été offerts, cette année, par les meurtres de membres de forces de l’ordre, victimes d’individus pour qui la mort d’un homme ou d’une femme, qui plus est investi d’un pouvoir légitime, compte moins que l’impulsion du moment de ne pas obéir, d’éviter la sanction, et de s’émanciper d’une situation désagréable. Face à la force qui a le droit de s’exercer parce qu’elle a la loi pour elle, la violence illégitime va se déchaîner. L’euphémisme de « l’incivilité » ou du « connu des services de police » , la litote du « non-droit », la volonté de cacher les noms des auteurs, le renversement des rôles entre la victime et le coupable, « effondré » et condamné au lynchage médiatique, forment un tout cohérent destiné à masquer le problème, et à empêcher, voire à culpabiliser la réaction logique de la majorité. « Ensauvagement d’une partie de la société » est encore bien faible pour désigner des actes de sauvagerie, de barbarie qui tendent tout simplement à imposer la loi du plus fort physiquement y compris à celui qui représente la force publique, c’est-à-dire morale. C’est ainsi qu’un garde-pêche de Condé-Folie, dans la Somme, a été roué de coups, pour avoir demandé à un groupe de « jeunes » fumeurs de « chicha » de nettoyer leurs détritus. Le lynchage était là réel, et celui du conducteur de bus de Bayonne a été mortel.

    La bataille est à mener sur les mots, bien sûr, parce que le langage orwellien qui nous est imposé témoigne de l’idéologie qui est à l’oeuvre, mais c’est une bataille qui ne peut pas être remportée dans le cadre du système actuel, avec ses règles, sa caste dirigeante, sa justice orientée, ses médias complices. Il est nécessaire de renverser la table, de procéder à une révolution conservatrice, si c’est encore possible. Tant qu’il y aura une presse qui niera l’évidence, qui cachera la vérité aux Français, comme ce canard dont le titre est une antiphrase, « Libération », osant résumer les violences à Grenoble par ce commentaire : « une situation grave, mais pas hors-normes », et appelant une fois de plus les Français de ne pas s’émouvoir si leur pays s’effondre, rien ne sera possible… Tout va très bien, Madame la Marquise…..

  • Les monarchies, modèle actuel, par Frédéric de Natal.

    Dans le monde entier, la monarchie est aujourd'hui le système politique de nombreux pays ; surtout, son principe même connaît un vif regain d'intérêt.

     

    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

    En 1988, l’archiduc Otto de Habsbourg-Lorraine, prétendant à la double couronne austro-hongroise, écrivait : « On parle beaucoup de nos jours, des monarchies, présentes et passées. Cette vogue montre le désir d’une génération placée en face de problèmes en apparence insolubles – l’expansion de la bureaucratie, les nouvelles technologies ou l’endettement global – de retrouver ses racines historiques et, à travers elles, un élément humain de sécurité. » Rien n’est plus vrai aujourd’hui.

    frédéric de natal.jpgFace aux crises politiques qui se multiplient un peu partout dans le monde, l’idée monarchique connaît un nouveau regain. Aucun continent ne semble échapper à ce qui, pour beaucoup d’Européens, Africains ou Sud-Américains, représente encore une institution d’avenir et un symbole moderne, garant de la démocratie.

    En Europe, les rois n’ont pas disparu. Douze monarchies, dont deux électives, ont survécu à toutes les tempêtes politiques et autres bouleversements révolutionnaires auxquels le « vieux continent » a dû faire face au cours des siècles précédents. Un système politique basé sur le principe de succession par hérédité qui recouvrait l’intégralité du continent jusqu’en 1914 et qui s’est réduit comme une peau de chagrin peu après la fin de la seconde guerre mondiale, dans des conditions souvent contestables. Avec ou sans pouvoir, les monarchies comptent encore des millions de partisans qui ne jurent que par ce type de régime qui leur apparaît comme le meilleur garant du respect de la démocratie. Face aux crises en tous genres, sans cesse aggravées, les peuples, privés de toutes alternatives possibles ou épuisés par des classes politiques qui trustent le pouvoir, se tournent désormais vers ces royautés qui restent populaires, incarnations d’unité et de stabilité, au-dessus des partis.

    Monarchies absolues devenues constitutionnelles, elles revêtent des habits plus traditionnels ailleurs. Loin d’être un épiphénomène, la majorité des médias observent un regain du monarchisme un peu partout dans le monde où souffle un même « vent du changement ». Hier encore fantasme, la restauration des rois est à l’ordre du jour. Entre nostalgie et réalité, des pays ont déjà pris la décision dans le passé de rappeler leurs rois, parfois sous des formes diverses inattendues. Espagne en 1975, Ouganda ou Cambodge en 1993, les monarques ont ceint de nouveau des couronnes dont ils avaient été privés par les soubresauts de l’Histoire. Quand ils n’ont pas accédé à d’autres postes comme Siméon II : enfant-roi entre 1943 et 1946, le souverain de Bulgarie, chassé par les communistes, a fait un retour triomphal comme premier ministre entre 2001 et 2005. Enfin, d’autres ont accepté des statuts protocolaires qui, sans pour autant remettre en cause la forme républicaine des nations dont ils sont les prétendants, sont devenus peu à peu des états dans l’état comme en Roumanie ou au Monténégro. Dans cette partie des Balkans, ces dynasties, autrefois exilées, ont désormais de vrais pouvoirs diplomatiques, recevant membres du gouvernement ou ambassadeurs comme au temps de leur splendeur d’antan.

    Les monarchies, gage d’avenir

    Loin de toutes caricatures et autres anachronismes, les maisons royales, régnantes ou non, ont toujours su s’adapter à travers les siècles afin de ne pas disparaître de l’Histoire dont elles sont les gardiens de la mémoire. Les divers sondages démontrent que l’idée monarchique est loin d’appartenir au passé mais continue bien de s’inscrire dans un présent. En France, dans un pays qui n’en finit pas de panser les plaies de la révolution française, 17 % des français sont favorables à un retour du roi. Au Portugal, c’est 30 % de la population qui plébiscite ce type de régime aboli en 1910. Même en Allemagne, les Hohenzollern ont le vent en poupe avec près de 20 % des Allemands qui souhaitent le retour de l’empire. Des familles royales qui ont réussi à s’imposer naturellement comme des références incontournables.

    L’Afrique n’échappe d’ailleurs pas à cette règle. L’ancienne famille royale d’Ouganda est devenue en moins de deux décennies un véritable contre-pouvoir au régime en place. Si les anciennes maisons royales ne président plus aux destinées de leurs peuples, à quelques exceptions près comme au Maroc, en Eswatini ou au Lesotho, elles sont courtisées dans un but électoral et demeurent partie intégrante du processus démocratique. Jetées aux oubliettes de l’Histoire, ces dynasties, qui ont participé à la lutte contre la colonisation et aux combats pour les indépendances, ont retrouvé toutes leurs regalia. Au Rwanda, au Burundi, en Éthiopie, aux côtés de partis monarchistes, elles sont désormais associées étroitement aux pouvoirs en place qui les ont pleinement réhabilitées ou bénéficient de Chambre de représentation comme en Côte d’Ivoire (depuis 2015).

    Contrairement à l’idée reçue, les monarchies ne coûtent pas cher : 1 euro 30 au Royaume-Uni contre 3 euros en France par habitants pour entretenir le locataire de l’Élysée et sa cour. Et elles font toujours rêver. Plus de 80 % des Britanniques plébiscitent la reine Elizabeth II, devenue une icône mondiale dans son rôle et le symbole monarchique par excellence pour tous. Même la France régicide n’échappe pas à ce souffle monarchique. Sous l’impulsion du prince Jean d’Orléans, chef de la maison royale, qui multiplie les apparitions médiatiques et diplomatiques depuis deux ans et à qui on a prédit un destin national, les lys pourraient refleurir dans cette France marquée par une longue tradition de révolutions et de conflits sociaux. Monarchies et démocraties n’ont rien d’antagoniques mais sont bel et bien complémentaires. On est désormais loin des caricatures distillées habituellement par certains médias qui jugent le système ringard ou désuet. Les monarchies, régnantes ou non, se sont adaptées à l’évolution des société, s’imposant comme une solution naturelle pour des peuples en quête d’identité et d’un visage politique plus humain et attirant. Un visage qui n’est plus l’image d’une relique d’un passé révolu mais celle d’un modèle moderne, une source d’espoirs, une solution possible, un gage d’avenir.

    Illustration : En Europe, en Afrique, en Asie, des pays vivent en monarchie et s’en portent bien. En France, l’expérience serait peut-être à retenter.

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