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  • Démocratie et populisme, par Gérard Leclerc.

    © Gage Skidmore / CC by-sa 

    Il n’y a pas que du côté de l’Élysée et de La République en marche que l’on s’inquiète du phénomène complotiste. Il est au centre des soubresauts de la présidence de Donald Trump. Et il est étroitement associé à ce qu’on appelle aussi populisme. Faudra-t-il donc dissoudre le peuple, pour reprendre l’expression de Bertolt Brecht ?

    gerard leclerc.jpgIl y a des mots qui font fureur dans les médias, mais aussi dans la bouche des hommes politiques. Celui de complotisme est d’autant plus en vogue qu’il paraît rendre compte de phénomènes contemporains, marqués d’un caractère spécifique. Ils sont, en effet, relayés massivement par les réseaux sociaux et affectés d’une tonalité mensongère inaperçue de vastes secteurs de l’opinion. On parle de « fake news » que l’on peut préférer traduire en Français par « bobard ». Donald Trump se serait montré particulièrement retors dans ce genre de pratiques qui peuvent avoir des effets pernicieux, tel l’envahissement du Capitole, le 6 janvier dernier, par des manifestants déchaînés. Comment ne pas souscrire à cette analyse qui met en évidence une mutation dans les manières de communiquer ? Le président américain s’est montré orfèvre dans le genre avec son utilisation incessante des nouveaux moyens d’expression.

    Faut-il alors s’en prendre à la crédulité populaire, puisque des millions de citoyens adhèrent à ces propos contestables ? Le complotisme est d’ailleurs étroitement associé au populisme. C’est donc le peuple qui représenterait aujourd’hui le plus grand danger pour l’État de droit et la paix sociale ? Est-ce la démocratie qui se mettrait en péril du fait du trop grand pouvoir de demos ? Il est une autre appréhension de ce type de phénomène. Avant d’incriminer la crédulité populaire, ne faudrait-il pas s’interroger sur la manque de confiance qui s’est instauré à l’égard des dirigeants et des professionnels de l’information ? Ainsi peut-on retourner l’accusation. Et le mépris des gens ordinaires n’est sûrement pas le meilleur moyen de combattre le complotisme.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 19 janvier 2021.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Contre la cancel culture, par Gérard Leclerc.

    Un observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires vient de se constituer dans le cadre de l’université pour lutter contre une culture envahissante venue des États-Unis et s’attaquant aux fondements de notre civilisation. Une véritable résistance est en train de s’organiser.

    Dans l’hebdomadaire Le Point de cette semaine, soixante-seize universitaires signent un véritable manifeste pour dénoncer une maladie qui s’est emparée de leur institution et met en péril les fondements mêmes de leurs disciplines : « Un mouvement militant entend imposer une critique radicale des sociétés démocratiques, au nom d’un prétendu “décolonialisme” et d’une “intersectionnalité” qui croit combattre les inégalités en assignant chaque personne à des identités de “race” et de religion, de sexe et de “genre”. » Ce mouvement nous vient des États-Unis, où depuis longtemps déjà il a suscité une véritable culture qui s’appuie d’ailleurs sur ce que George Orwell appelait une « police de la pensée » avec des procédés d’intimidation et même de chasse à l’homme.

    En une chronique trop courte, je ne puis exposer, comme il le faudrait, les thèses de ce mouvement, qui sont moins des thèses que des slogans, au demeurant efficaces dans l’ordre de la propagande. Pierre-André Taguieff, qui vient de publier un essai argumenté sur L’imposture décoloniale, résume en douze points ce système idéologique. Je ne les reprendrai pas, mais j’en retiendrai l’idée d’un véritable catéchisme qui s’empare des esprits, un peu comme un certain marxisme s’était imposé dans les années d’après-guerre, sans qu’on puisse raisonnablement s’y opposer. Sartre n’avait-il pas parlé d’un horizon indépassable pour l’époque ? En un sens, il n’avait pas tort. Mais la liberté de l’esprit consistait justement dans le refus de cet indépassable.

    Sans doute, sommes-nous aujourd’hui sommés de rentrer en résistance contre ce qui se définit comme « cancel culture », c’est-à-dire culture de l’oubli, de l’annulation et du nihilisme.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 18 janvier 2021.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Donald Trump et l’Amérique, par Gérard Leclerc.

    © Gage Skidmore / CC by-sa 

    On peut se poser bien des questions sur la fin du mandat de Donald Trump. Les événements de Washington n’ont rien arrangé quant à sa réputation. Il reste néanmoins en phase avec une bonne moitié de l’Amérique. Une Amérique déchirée…

    gerard leclerc.jpgIl est des sujets que j’ai scrupule à aborder pour différentes raisons. Par exemple, je m’abstiens en général de parler des problèmes de politique intérieure, sauf s’ils mettent en cause des principes auxquels je suis fermement attaché. En aucun cas, je ne me considère comme un prescripteur lorsqu’il s’agit de désigner les responsables de la vie publique. Ma réserve me conduit souvent à m’abstenir aussi sur des sujets de politique étrangère. J’ai dû évoquer la campagne présidentielle américaine d’il y a quatre ans sans m’engager vraiment. Devant la personnalité pour le moins atypique de Donald Trump, j’ai sans doute émis quelques réserves, sans pour autant me passionner en faveur de son adversaire, Mme Clinton.

    Pendant tout le mandat de Trump à la Maison Blanche, j’aurais pu me mêler aux débats sanglants qui ont traversé l’Atlantique, mais je n’avais rien à apporter d’original. Et peut-être n’aurais-je pas été compris, si j’avais fait part de mon sentiment singulier à l’égard de cet homme fantasque. Il ne correspondait vraiment pas à un modèle rêvé, mais son accession au sommet m’interrogeait néanmoins sur sa signification. Il me paraît indéniable que Trump correspond aux attentes et aux frustrations d’au moins une bonne moitié de l’Amérique. Et de cela, il est impossible de ne pas tenir compte. Si je me résous, en fin de partie, et alors que les choses se sont passées au plus mal pour lui, à évoquer cet aspect des choses, c’est que la défaite de Trump ne signifie pas qu’il sera oublié demain. Nous nous trouvons face à un pays profondément divisé. Et si l’intéressé n’a rien fait pour le réconcilier, il n’est pas la seule cause d’un mal-être qui risque de se perpétuer et dont nous avons beaucoup à craindre.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 11 janvier 2020.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Loi de Dieu et loi de la République, par Gérard Leclerc.

    Antigone donnant la sépulture à Polynice.

    © VladoubidoOo / CC by-sa

    Gérald Darmanin n’a rien arrangé en opposant loi de Dieu et loi de la République. Au contraire il a contribué à échauffer les esprits alors qu’ils faudrait les apaiser en montrant qu’il devrait y avoir accord entre les citoyens sur les exigences du bien commun.

    gerard leclerc.jpgGérald Darmanin, notre ministre de l’Intérieur, est en charge de dossiers pour le moins brûlants, quant à la sécurité publique et à la lutte contre le séparatisme islamiste. Raison de plus pour surveiller son langage et ne pas employer des expressions qui risquent d’enflammer les esprits, sans aider à la solution des problèmes. Déclarer par exemple que les croyants devraient considérer la loi de la République comme supérieure à la loi de Dieu constitue une provocation, non seulement à l’égard des musulmans mais aussi à l’égard de ceux qu’on appelle les croyants. J’aurais presque envie de dire que c’est une sottise absolue, parce que M. Darmanin confond les ordres. Et loin de prévenir les conflits, il les aggrave, car il sous-entend qu’il y a incompatibilité entre ce qui relève de la foi et ce qui relève du bien commun.

    Bien sûr, il peut y avoir confusion dans l’esprit de certains entre l’ordre religieux et un certain ordre social et politique incompatible avec notre conception du droit. Mais c’est alors qu’il conviendrait de faire comprendre qu’adhérer à notre État de droit, ce n’est nullement renier sa foi. C’est même, à beaucoup d’égards, se conformer à des exigences de justice et de fraternité qui découlent de l’ordre spirituel.

    Donner à penser, par ailleurs, que le religieux relève d’une sorte d’irrationnel dangereux, c’est pousser à la révolte ceux qui sont attachés à une respiration intérieure, sans laquelle ils ne pourraient pas vivre. C’est aussi donner à penser que la République est fondamentalement hostile à ce qu’elle ne saurait maîtriser. Laisser le soupçon que la République c’est Créon contre Antigone.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 4 février 2021.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • «Gauche morte, droite piteuse» L’éditorial du Figaro, par Vincent Trémolet de Villers.

    Gauche morte, droite piteuse Rose fanée, pétales à terre, épines toujours piquantes : quarante ans après l’entrée de François Mitterrand à l’Élysée, voilà à quoi ressemble la gauche française. Frappée, comme toutes ses cousines en Europe, par la fin d’un cycle historique, elle est condamnée à alterner bouffées nostalgiques et discours fanatiques.

    Race, genre, identité - ce triangle des Bermudes de l’intelligence - remplace désormais les anciennes luttes sociales. Une forme sophistiquée du nihilisme, le «wokisme», tient lieu d’imaginaire. 

    Asymétrie morale

    Les derniers tenants de la social-démocratie redistributive en sont les premières victimes. L’écologie politique, elle aussi traversée de courants troubles, voudrait emporter ce qu’il reste du rafiot. Sur nombre de thèmes
    autorité, immigration, laïcité -, la poussée de l’opinion contredit avec force l’angélisme de ceux qui voulaient changer la vie. Le paradoxe est que cette large majorité reste minoritaire dans le débat. Un Persan qui viendrait s’installer en France et n’écouterait que la radio publique pourrait penser que Benoît Hamon représente deux tiers des citoyens. «La gauche : le Bien. La droite ; une maladie», écrivait drôlement Jean Cau. Cette asymétrie morale persiste et se renforce même à mesure que le poids électoral des socialistes et de leurs satellites décline. La droite, malgré tout, reste timide, presque honteuse. L’erreur serait, une fois encore, de se contenter des notions (indispensables) de compétence et de performance pour abandonner l’atmosphère culturelle à ceux
    On demande une vision, un programme, un chef qui se proclament progressistes. Legrand dérèglement contemporain qui protège l’impunité et désarme l’autorité doit trouver une réponse intellectuelle et morale. L’équivoque entretenue par le président de la République n’en est pas une. Les palinodies de Renaud Muselier en Paca non plus. Les revirements opportunistes du Rassemblement national encore moins. On demande une vision, un programme, un chef pour que la gauche morte ne laisse pas derrière elle, en ultime méfait, la droite la plus bête du monde.

    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/

  • Education • L’effet Jean-Michel Blanquer

     

    par Gérard Leclerc

     

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    Pardon de mon ignorance, mais lorsque fut annoncée la liste du gouvernement d’Édouard Philippe, le nom de Jean-Michel Blanquer m’était inconnu. Fort heureusement, il me fut signalé sur le champ que sa nomination comme ministre de l’Éducation nationale pourrait être la meilleure bonne surprise de cette nouvelle équipe appelée à gouverner le pays. N’avait-elle pas provoqué une mimique singulière de réprobation de la précédente titulaire de la rue de Grenelle, Najat Vallaud-Belkacem ? Ce pouvait être le signal que quelque chose d’essentiel se préparait. Et de fait, depuis lors, tout ce qui s’annonce par la voix du ministre paraît décisif pour un véritable redressement de notre système scolaire. Je sais que Jean-Michel Blanquer a ses adversaires qui dénoncent un retournement total par rapport au projet d’après-guerre qui voulait promouvoir le plus grand nombre possible grâce à un modèle unique, capable de réduire les inégalités.

    Mais cette objection n’arrive pas à me convaincre, car je ne crois pas du tout que ce système ait contribué à réduire les inégalités. Il a abouti, au contraire, à enfermer dans l’échec ou à conduire sur des voies de garage un nombre considérable de jeunes, alors que la culture générale de l’ensemble s’affaiblissait. Pour notre système, les évaluations auxquelles procèdent les enquêtes internationales se sont révélées cruelles. Alors, un homme qui à lui seul prend, si j’ose dire, le taureau par les cornes pour nous tirer de la spirale de l’échec, est par définition estimable.

    Je serais incapable de faire une synthèse des inflexions voulues par le ministre, qui s’accumulent de semaine en semaine. Nous en sommes, en ce moment, à la réforme du baccalauréat, un très gros dossier. Je n’en retiens qu’un détail significatif, qui concerne la philosophie. Celle-ci est définie par le rapport Mathiot, qui inspire l’esprit et les lignes de force de cette réforme, comme « une épreuve universelle ». Pour moi, c’est une excellente nouvelle, même si on peut s’interroger sur la façon dont on pourra éveiller l’intérêt des jeunes gens pour une réflexion fondamentale, que le naufrage de la culture générale a sabordé. Le principal, c’est que se réveille le désir de cette réflexion qui ouvre au sens et au goût de la vie.   

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 14 février 2018

  • Mathieu Bock-Côté chez Nicolas Demorand ... Un moment d'intelligence et de franc-parler détonnants

     

    2293089609.14.jpgIl y a pratiquement trois ans que nous avons découvert (et repris très souvent) les écrits - nombreux, foisonnants, profonds - de Mathieu Bock-Côté et sa pensée si proche de la nôtre à bien des égards. Sans-doute sur l'essentiel. 

    Mathieu Bock-Côté se défend d'être un antimoderne, encore que nous ne soyons pas très sûrs qu'il ne le soit pas. Pierre Boutang voulait « une monarchie moderne ou affrontée au monde moderne ». Mathieu Bock-Côté, dans les domaines dont il traite, nous paraît correspondre assez bien à ce double qualificatif.

    Mathieu Bock-Côté a fait bien du chemin au fil de ces trois années. Notamment en France. Son passage sur France Inter, hier matin, est un moment d'intelligence et de franc-parler détonnants chez ces parfaits tenants du dogme et de la doxa dominants. Nous nuancerions beaucoup son optimisme à l'égard d'Emmanuel Macron dont nous attendons les actes plutôt que les discours [Voir ci-dessus l'article de Jean-Baptiste Donnier]. Mais Mathieu Bock-Côté a énoncé hier matin face à Nicolas Demorand un certains nombre de ces vérités qui sauvent dont les lecteurs de Lafautearousseau ne pourront que se réjouir.  Lafautearousseau   

     

     

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • États-Unis : Cour suprême

     

    par Gérard Leclerc

     

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    Un des effets majeurs de l’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis vient de se manifester avec la nomination à la Cour suprême de Brett Kavanaugh, qui fait basculer, sans doute pour longtemps, cette institution fondamentale du côté conservateur.

    Ce juriste, âgé de 53 ans, de conviction catholique déclarée, pourrait siéger trois décennies durant, marquant ainsi un tournant intellectuel et moral de premier ordre. Le pouvoir judiciaire joue, aux États-Unis, un rôle beaucoup plus important que chez nous. Pour donner deux exemples récents. Le 26 juin 2015, la Cour considère la mariage homosexuel comme un droit constitutionnel en vertu du quatorzième amendement de la constitution américaine. Le 27 juin 2016, la Cour réaffirme le droit à l’avortement. Ce genre de décision relève chez nous du pouvoir législatif.

    C’est dire que l’orientation de la Cour suprême est caractéristique de l’évolution de la nation dans des choix qui qualifient une civilisation. C’est pourquoi un changement de majorité revêt une telle importance. De progressiste, la Cour deviendrait conservatrice. Pour certains, ces termes catégoriques désignent une transformation radicale, et même catastrophique. Pour parodier le Jack Lang de 1981, c’est toute une société qui passerait de la lumière aux ténèbres. Il est vrai qu’aussi en France le terme conservateur est souvent péjoratif, alors que quiconque se réclame du progressisme se voit auréolé des avantages de la marche en avant et de l’émancipation.

    Les choses sont peut-être en train de changer avec une percée de la pensée conservatrice française. Un dictionnaire du conservatisme paru récemment (au éditions du Cerf) ne définit-il pas le concept comme « volonté de perdurer dans l’être, ancrée dans le cœur des hommes », ce qui nous renvoie très loin du « ramassis de préjugés bourgeois » étriqués et régressifs qu’on lui attribue ? Mais les préjugés ont la vie dure. Emmanuel Macron s’est encore réclamé du progressisme, lundi à Versailles. Ce qui est sûr, c’est que la mutation de la Cour suprême des États-Unis risque de provoquer un renouveau des controverses intellectuelles et que c’est tout le monde occidental qui se trouve ainsi affecté dans un ébranlement dont nous sommes loin de mesurer les conséquences.  

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 11 juillet 2018

  • La blessure de l’insulte contre Dieu, par Gérard Leclerc.

    Cathédrale Saint Corentin. Jésus frappé.

    © Fred de Noyelle / GODONG

    Au moment du terrible attentat contre l’équipe de Charlie Hebdo, une opinion unanime s’est dressée en faveur de la liberté absolue d’expression. Nous étions tous Charlie ! Pour ma part, j’étais meurtri et bouleversé, mais la simple honnêteté m’obligeait à me distinguer de l’opinion commune. 

    gerard leclerc.jpgIl ne m’était pas possible de m’identifier à Charlie, même si j’avais de l’estime, voire de l’amitié, à l’égard de certains de ses collaborateurs. Il m’était impossible d’encaisser certaines provocations et j’étais rebelle à toute une rhétorique. Après tout, c’était ma liberté ! Comment me la refuser, alors qu’on en faisait le principe absolu. J’avais le droit strict d’affirmer que je trouvais certaines caricatures dégueulasses.

    Pour autant, il ne me serait pas venu à l’idée de réclamer la censure ou l’interdiction au nom de mes convictions, même en cas de blasphème. Blasphème, une notion qu’il faudrait soigneusement décrypter. Le chrétien qui chaque jour prononce dans le Notre Père « Que votre nom soit sanctifié » ressent profondément la blessure de l’invective ou de l’insulte contre Dieu. Et pourtant, lorsque l’avocat de Charlie Hebdo, Richard Malka, intitule sa plaidoirie : « Le droit d’emmerder Dieu », je perçois que derrière le blasphème, il y a autre chose, une sorte d’interrogation violente, qui pourrait consister en un appel de Dieu à Dieu. Tout d’abord, parce qu’on ne saurait faire supporter à Dieu le poids du fanatisme et surtout du crime à prétexte religieux. Ensuite, parce qu’au cœur de chaque croyant il y a un face-à-face qui n’est pas toujours paisible.

    Et enfin, parce que le Dieu, qui se révèle dans l’Évangile, est celui qui accepte d’être souffleté, frappé, montrant ainsi combien son secret profond défie tous les blasphèmes.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 23 septembre 2021.

     

    Source : https://www.france-catholique.fr/

  • Le président condamné, par Gérard Leclerc.

    © World Economic Forum / swiss-image.ch/Photo

    by Moritz Hager

    Nicolas Sarkozy condamné par la justice, c’est un coup terrible porté au moral de la nation, quels que soient les motifs du jugement. La symbolique de l’État se trouve atteinte dans la personne de l’ancien premier magistrat du pays.

    gerard leclerc.jpgLa principale information d’hier, d’évidence, c’était la condamnation de Nicolas Sarkozy a trois ans de prison dont deux avec sursis. Quels que soient les motifs de cette condamnation que je n’analyserai pas ici, sa seule symbolique est terrible. Il y a, bien sûr, le précédent de Jacques Chirac lui aussi condamné, alors qu’il avait quitté la politique. Mais le cas Sarkozy frappe beaucoup plus l’imagination, parce qu’il n’est pas vraiment un retraité de la chose publique et parce qu’il demeure une des figures de proue parmi nos responsables de premier plan. Et les choses s’aggravent lorsqu’on précise comment il pourrait être dispensé de la prison. Quelle incroyable humiliation pour un ancien président de la République que de devoir porter un bracelet électronique, qui le mettrait sous surveillance judiciaire comme n’importe quel délinquant ordinaire !

    Quiconque a la moindre conscience civique, le moindre respect de l’intérêt général, devrait lui-même ressentir comme une humiliation le fait qu’une personnalité qui a assumé les responsabilités nationales suprêmes, soit exposé, notamment face à l’étranger, comme quelqu’un de déshonoré. Je sais bien qu’il y a l’appel qui donne la possibilité de recouvrer au moins provisoirement sa présomption d’innocence. Le coup porté n’en est pas moins rude.

    Reste, il est vrai, la raison de la condamnation. Est-elle pleinement justifiée ? Si un second jugement abolit le premier, on pourra gloser sur les incertitudes de la justice. Et s’il s’agit d’une confirmation, on pourra s’interroger sur la toute puissance d’une instance supérieure au pouvoir politique. L’affaire Fillon donnait déjà beaucoup à penser sur le sujet. On peut, certes, se féliciter de la primauté de l’État de droit. Mais lorsque l’ancien premier magistrat se trouve au banc du condamné, ce n’est pas une belle journée pour le pays.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 2 mars 2021.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Naïveté ministérielle, par Gérard Leclerc.

    « Il faut être plutôt naïf pour s’étonner de ce qui est la réalité dominante d’une large part de l’Éducation nationale »

    En octobre dernier, la secrétaire d’État à la Jeunesse était victime d’une mésaventure qui l’a marquée. Confrontée à des jeunes de quartiers populaires, elle a été assaillie de reproches concernant la religion, sans aucune sensibilité à la laïcité. Mais n’est ce pas la réalité qui éclatait, telle qu’elle est massivement vécue dans le pays ?

    gerard leclerc.jpgDans Le Journal du dimanche d’hier, une page a retenu mon attention, en dehors du dossier abondant sur les derniers développement de la lutte contre la pandémie. Il s’agit encore de la laïcité, sujet battu et rebattu. Mais l’article en question a le mérite de nous affronter à la réalité concrète et aux difficultés pour y faire entrer les principes. On y rappelle la mésaventure survenue à Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et de l’Engagement en octobre dernier. Elle devait rencontrer à Poitiers des jeunes issus des quartiers populaires pour parler de religion. C’était huit jours après l’assassinat de Samuel Paty, et le débat tourna très vite à l’affrontement et surtout à l’incompréhension.

    Les jeunes étaient de fermes défenseurs de leur religion et on devine celle à laquelle ils adhéraient. Leurs revendications étaient impératives, il réclamaient des cours de religion à l’école, mais surtout la possibilité de porter des signes ostentatoires d’identification confessionnelle. Du coup, on passa à des reproches véhéments de stigmatisation, la police fut dénoncée comme raciste. On devine l’embarras de la secrétaire d’État, qui demanda par la suite un rapport précis sur les causes des atteintes à la laïcité qu’elle avait dû encaisser. Ce rapport signale notamment les carences des documents pédagogiques, qui, par exemple, ne tenaient pas compte des non croyants.

    Pardon, mais il faut être plutôt naïf pour s’étonner de ce qui est la réalité dominante d’une large part de l’Éducation nationale. Réalité signalée depuis longtemps par le corps enseignant. Il faut être aussi naïf pour croire qu’une question de culture aussi considérable pourra être résolue par des recommandations administratives.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 22 mars 2021.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Une gauche divisée, par Gérard Leclerc.

    © Jeanne Menjoulet / CC by-nd 

    La gauche se déchire à propos des positions racialistes de la direction de l’UNEF ce syndicat étudiant qui a longtemps rassemblé toutes ses composantes. C’est que la guerre idéologique est profonde. Elle s’enracine dans des questions civilisatrices.

    gerard leclerc.jpgLa guerre des idées analysée par Eugénie Bastié dans son livre très argumenté se poursuit ces jours-ci avec intensité. La Croix d’hier titrait sur « L’université ébranlée » et au terme d’un long article rendant compte des déchirements universitaires, Bernard Gorce concluait en des termes pessimistes : « Républicains contre communautaristes, réactionnaires contre gauchistes, les tensions sont exacerbées par la puissance et la violence des mobilisations sur les réseaux sociaux. (…) La disputatio, au cœur de la tradition universitaire résistera-t-elle à ce contexte politico-culturel ? » C’est bien là l’enjeu, dès lors que l’université est en proie à une véritable guerre idéologique, qui laisse peu de place à l’échange civilisé des opinions.

    La gravité de la situation peut s’observer aussi au spectacle d’une gauche elle-même en pleine tourmente. La formation syndicale étudiante, qui a longtemps rassemblé les courants les plus divers de cette gauche, l’UNEF, ne fait plus l’unanimité. Les positions récentes de sa direction actuelle font l’objet de rudes discussions. Nombre d’anciens dénoncent ses errements racialistes, telle l’organisation de « réunions non mixtes racisées », c’est-à-dire de réunions dont son exclus les blancs. Sans doute, la proposition de dissoudre l’UNEF, à l’exemple des identitaires, est-elle largement rejetée, même par les plus amers de ses anciens.

    Mais nous en sommes revenus au climat des années d’après-guerre. Je l’ai redit plusieurs fois, mais la crise actuelle est profonde. Elle ne concerne plus l’habituel spectacle offert par les intellectuels, car elle s’enracine dans des questions de civilisation terriblement déstabilisatrices.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 23 mars 2021.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Non à la guerre des sexes, par Gérard Leclerc.

    Face à l’avalanche d’accusations et de griefs qui se déverse actuellement sur les hommes accusés d’être des prédateurs à l’encontre des femmes, la tentation est grande de désigner « une violence de genre » mais c’est une pente dangereuse.

    gerard leclerc.jpgHier, la conclusion de ma chronique semblait acquiescer pleinement à une vision très pessimiste de la condition masculine. Et certes, les faits allégués ne plaidaient guère en faveur d’un éloge du sexe masculin. On m’a fait remarquer qu’il était peut-être injuste d’en rester là, au risque d’avaliser toute une propagande féministe outrancière, qui finirait par faire croire à une incurable méchanceté des hommes, à l’encontre de l’amabilité féminine sans cesse blessée par la violence masculine. On m’a renvoyé à une étude d’Élisabeth Badinter qui relativise singulièrement cette violence, en mettant notamment en cause des statistiques un peu trop rapidement prises pour argent comptant.

    Élisabeth Badinter s’insurgeait aussi contre l’expression « violence du genre », utilisée par des féministes américaines et reprise dans des documents des Nations unies. Non, la violence n’est pas le propre du mâle, et la masculinité ne signifie pas nécessairement la domination et l’oppression de l’autre sexe. Élisabeth Badinter s’est toujours définie elle-même comme féministe. Mais elle n’hésite pas à dénoncer la violence féminine. Il est possible d’ailleurs que pour répondre à l’avalanche actuelle d’accusations contre les hommes, surgisse un jour un autre dossier cruel pour les femmes.

    Mais ce n’est sûrement pas en attisant la guerre des sexes que l’on résoudra les difficultés. Au contraire, on risque de les accroître. Et pour terminer pourquoi ne pas se souvenir, trois ans après sa mort, de la magnifique figure d’un homme héroïque, le colonel Beltrame, qui nous offre un beau modèle des vertus proprement masculines.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 25 mars 2021.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Une parole qui se libère, par Gérard Leclerc.

    La Parole libérée publie aux éditions du Cerf un livre blanc sur les atteintes sexuelles à l’enfance. Mais nous sommes en ce moment submergés par des scandales sexuels qui touchent notamment les médias. Pas de quoi glorifier la condition masculine !

    gerard leclerc.jpgReçu hier matin au courrier le Livre blanc établi par l’association La Parole libérée à propos des violences sexuelles sur mineur, avec ce titre : Marianne, n’entends-tu pas tes enfants pleurer ? Est-il besoin de rappeler que La Parole libérée née à Lyon en 2015, rassemble les victimes de Bernard Preynat, ce prêtre exclu du sacerdoce depuis lors. Cet ouvrage est le bienvenu dans la mesure où il fait état d’un travail d’élucidation de ce que les auteurs appellent « le massacre moderne des innocents » et « le saccage de l’enfance abandonnée au silence et la dénégation ». C’est donc que La parole libérée ne s’est pas seulement constituée en groupe de pression pour dénoncer un scandale douloureux, mais qu’elle s’est préoccupée de rassembler un dossier qui permet de prendre pleine conscience de la nature du fléau et de son ampleur.

    Je n’ai pu encore que parcourir le livre, dont je ne puis donc faire l’analyse exhaustive. J’en retiens quand même qu’il entend donner des préconisations claires sur les pratiques judiciaires, les politiques publiques, les lois à parfaire. Je remarque, au passage, qu’il opère un rapprochement avec les violences faites aux femmes, ce qui ne saurait surprendre, car sur ce chapitre, on peut dire que nous sommes servis en ce moment. J’ajoute tristement que c’est ma profession de journaliste qui se trouve particulièrement visée avec des accusations qui touchent les vedettes des médias.

    Sur ce terrain là aussi, c’est la parole qui se libère. On pourrait presque dire en provoquant des avalanches. Nous allons de scandale en scandale au risque de nous offrir une vision très pessimiste de la condition masculine. Jusqu’où ira ce déballage ? Espérons qu’il produira plus de lucidité, faute d’amener la transformation morale qui conviendrait.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 24 mars 2021.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Il a vaincu le mal et la mort, par Gérard Leclerc.

    © Sebastien Desarmaux / GODONG 

    L’entrée dans la Semaine sainte est pour les chrétiens l’occasion de comprendre comment la croix du Christ est en relation directe avec ce que saint Paul appelle le mystère d’iniquité. À l’heure où l’Église affronte de graves scandales impossible d’éluder ce qui est au cœur de la foi.

    gerard leclerc.jpgIci ou là, j’ai entendu ou lu des paroles assez alarmistes à propos des effets de la pandémie sur la pratique religieuse. On évoquait même une crise spirituelle sérieuse qui affecte notamment la relation à l’Église de chrétiens en plein doute. Cette crise ne rejoignait-elle pas la crise même de l’Institution à la suite des affaires de mœurs, dont l’assemblée de l’épiscopat vient encore de se saisir ? Il est difficile de prendre la mesure du retentissement auprès des fidèles d’une avalanche de scandales qui a fait très mal, c’est incontestable. Le plus terrible, c’est la perte de confiance de ceux qui voient ainsi déchus ceux qu’il admiraient et plaçaient très haut.

    Je ne voudrais en rien sous-estimer les effets désastreux de ces scandales. Mais je m’interroge sur la façon dont les chrétiens peuvent réagir, dès lors que leur foi devrait les rendre plus sensibles que n’importe qui à ce que saint Paul appelle le mystère d’iniquité. Tout de même, le mystère chrétien que nous célébrons cette semaine, à son plus haut degré d’intensité, nous place devant le scandale de la Croix. Scandale du Juste qui porte tous les péchés du monde. Ainsi que l’écrivait le Père Louis Bouyer dans un livre qui a beaucoup compté dans les années d’après-guerre pour rendre accessible aux chrétiens le sens de la Semaine sainte : « Jésus est le serviteur de Yahvé entrevu par les prophètes, la victime qui pour ôter les péchés du monde doit commencer par en porter le poids. » [1]

    Dès lors les chrétiens qui suivent l’affrontement du Christ avec le monde des ténèbres devraient comprendre que loin d’être surpris par la gravité des fautes, ils doivent la référer au Christ sur la croix, qui seul a vaincu le mal et la mort. Le retour, que j’ai observé hier à la messe des Rameaux, pourrait plaider en faveur de cette prise de conscience.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 29 mars 2021.

    [1Louis Bouyer, Le mystère pascal, Éditions du Cerf, 480 p., publié en 1945, réédition en 2009.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/