La blessure de l’insulte contre Dieu, par Gérard Leclerc.
Cathédrale Saint Corentin. Jésus frappé.
© Fred de Noyelle / GODONG
Au moment du terrible attentat contre l’équipe de Charlie Hebdo, une opinion unanime s’est dressée en faveur de la liberté absolue d’expression. Nous étions tous Charlie ! Pour ma part, j’étais meurtri et bouleversé, mais la simple honnêteté m’obligeait à me distinguer de l’opinion commune.
Il ne m’était pas possible de m’identifier à Charlie, même si j’avais de l’estime, voire de l’amitié, à l’égard de certains de ses collaborateurs. Il m’était impossible d’encaisser certaines provocations et j’étais rebelle à toute une rhétorique. Après tout, c’était ma liberté ! Comment me la refuser, alors qu’on en faisait le principe absolu. J’avais le droit strict d’affirmer que je trouvais certaines caricatures dégueulasses.
Pour autant, il ne me serait pas venu à l’idée de réclamer la censure ou l’interdiction au nom de mes convictions, même en cas de blasphème. Blasphème, une notion qu’il faudrait soigneusement décrypter. Le chrétien qui chaque jour prononce dans le Notre Père « Que votre nom soit sanctifié » ressent profondément la blessure de l’invective ou de l’insulte contre Dieu. Et pourtant, lorsque l’avocat de Charlie Hebdo, Richard Malka, intitule sa plaidoirie : « Le droit d’emmerder Dieu », je perçois que derrière le blasphème, il y a autre chose, une sorte d’interrogation violente, qui pourrait consister en un appel de Dieu à Dieu. Tout d’abord, parce qu’on ne saurait faire supporter à Dieu le poids du fanatisme et surtout du crime à prétexte religieux. Ensuite, parce qu’au cœur de chaque croyant il y a un face-à-face qui n’est pas toujours paisible.
Et enfin, parce que le Dieu, qui se révèle dans l’Évangile, est celui qui accepte d’être souffleté, frappé, montrant ainsi combien son secret profond défie tous les blasphèmes.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 23 septembre 2021.
Source : https://www.france-catholique.fr/
Commentaires
En France, on a le droit de blasphémer, de caricaturer Dieu, Allah ou autre dieu et tous les dieux de la terre et du ciel, existant ou ayant existé (si l'on peut dire) dans l'esprit humain depuis la plus haute antiquité jusqu'au plus proche présent, ainsi que ses prophètes ou tout être humain qui se proclamerait comme tel ou serait vénéré comme revêtu d'une forme de sacralité ou sainteté.
Nos lois autorisent ce qui précède. Le principe est solidement établis dans notre pays et sanctionnés par les tribunaux.
Les choses sont ainsi sur le plan légal en l'état actuel du droit.
Mais pour autant, en pratique, est-il bien avisé de blasphémer, caricaturer, ridiculiser telle ou telle religion et/ou ses adeptes pour manifester sa négation ou susciter la moquerie ou pour le simple plaisir de se faire rire ou de faire rire des tiers ?
La question qui peut se poser, et qui n'est pas que théorique, est celle de la souffrance morale éventuellement ressentie par les croyants d'une religion quelle qu'elle soit lorsque des écrits, dessins, caricatures, etc., que ces derniers peuvent considérer comme offensants pour ladite religion sont publiés.
Le droit est-il susceptible d'offrir une réparation face à cette forme de souffrance morale subie à supposer qu'elle soit démontrée ? La question mérite d'être posée.