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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Livres & Histoire • Un mensonge d’État au service de l’étranger

    Les généraux de Lattre et de Monsabert

    Par Hilaire de Crémiers 

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    Ce livre est un plaidoyer pour la France et les Français.

    À l’encontre des propos mensongers et des images grossières qui sont déversés à longueur de temps et d’antennes et qui font de la France un pays minable qui s’est toujours mal comporté, en particulier pendant les années 40, avec des Français lâches, égoïstes, ignobles, collaborateurs nés, antisémites patentés, xénophobes… Discours officiels, historiographie officielle, instruction et éducation officielles !

    Tout ça pour permettre aux politiciens de jouer les grandes consciences en accusant leurs anciens et en battant la coulpe de la France. Jacques Chirac a donné le « la ».

    En fait, ce sont les États-Unis et les Anglo-saxons qui ont inventé cette légende. Le faux historien Paxton en est l’illustration. Leur politique a toujours été d’humilier la France pour mieux la dominer et servir ainsi leurs intérêts et ceux de leurs vrais alliés, Israël en particulier. L’opinion occidentale, et française singulièrement, matraquée sans cesse, en vient à penser que tout est de la faute de la France, même le nazisme. L’Allemagne est déchargée de toute culpabilité ! Hitler n’est rien par rapport à Pétain. C’est énorme ! Et c’est répété à longueur de temps.

    Alors l’auteur en quelques chapitres rappelle les fait : les combats de la Résistance, les hauts faits de l’armée française avec les Juin, les de Lattre, les Leclerc, le comportement exemplaire de l’immense majorité des Français, la protection des Juifs, tout un effort qui tendait vers la libération, de tous les côtés, aussi bien des maquis que de l’administration….

    Sur tel ou tel point, il est permis d’élever quelques réserves ; car il y eut, malheureusement, des exactions, des règlements de compte, une épuration indigne qui aurait dû être évitée.

    Il n’en reste pas moins que la France ni les Français ne méritent des jugements aussi indignes : en s’y prêtant les Français ne font que le jeu d’ennemis retors qui savent en profiter. Non, la France n’est pas coupable.     

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    La France face à l’hégémonie des États-Unis d’Amérique, William Macbeth, Ed. La Bruyère, 321 pages, 22 €.   

    Hilaire de Crémiers

  • Histoire • Le miracle de Jeanne d'Arc

    « La grande idée de Jeanne fut le sacre de Reims »  Jacques Bainville 

     

    Par Jean Sévillia

     

    1393915541.jpgLe 22 février 1429, Jeanne d'Arc quitte Vaucouleurs. Le 5 mars suivant (selon la chronologie de Maurice Vachon), elle a sa première entrevue, à Chinon, avec le roi Charles. Le 29 avril, elle atteint Orléans qui est délivrée le 8 mai. Le 17 juillet, à Reims, Jeanne assiste au sacre de Charles VII. Le 10 septembre, elle doit renoncer à prendre Paris. Le 23 mai 1430, devant Compiègne, elle tombe aux mains des Bourguignons qui la livrent aux Anglais. Ces derniers accèdent au voeu des clercs qui veulent juger la Pucelle pour sorcellerie et par là même atteindre le roi Charles qui lui doit son sacre. Le procès, instruit à Rouen, s'ouvre le 21 février 1431. Face à ses accusateurs, la jeune fille se défend, jamais ne cède. Le 24 mai, en entendant la sentence de mort, elle faiblit toutefois. Reconduite dans son cachot anglais au mépris de la parole qui lui a été donnée d'être gardée par des femmes, elle subit une tentative de viol. Quatre jours plus tard, elle remet ses habits d'homme. Considérée comme relapse, elle est brûlée vive, le 30 mai 1431, sur la place du Vieux-Marché. Elle n'avait pas 20 ans. Deux ans de vie publique, cinq siècles de postérité.

    Dans un livre paru en 1993, aujourd'hui réédité, Gerd Krumeich, spécialiste allemand de la Grande Guerre, s'intéresse au mythe Jeanne d'Arc : de Voltaire à Michelet et de Péguy à Bertolt Brecht, d'innombrables écrivains ont eu leur interprétation de la Pucelle, laquelle a inspiré les catholiques comme les républicains, le socialiste Jaurès comme le nationaliste Barrès, le royaliste Maurras comme le trotskiste Bensaïd (1).

    Contradictions ? Non, inépuisable richesse du personnage. La relecture des minutes du procès de Jeanne par l'avocat et essayiste Jacques Trémolet de Villers, parue l'an dernier, est désormais clisponible en poche : un précieux document historique assorti d'une leçon politique et spirituelle (2).

    Et voici, inédit, un considérable dictionnaire que tous les passionnés de Jeanne d'Arc s'offriront car il contient tout ce que l'on sait sur elle : 2 000 pages, prodigieux travail au service de celle qui incarne, disent les auteurs, « un idéal de pureté hors du commun » (3).  

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    (1) Jeanne d'Arc à travers l'Histoire, de Gerd Krumeich, Belin, 410 p., 24 €.
    (2) Jeanne d'Arc. Le procès de Rouen, de Jacques Trémolet de Villers, Tempus.365 p.. 9 €.
    (3) Dictionnaire encyclopédique de Jeanne d'Arc, de Pascal-Raphaël Ambrogi et Dominique Le Tourneau (dir.), Desclée de Brouwer. 2 012 p., 49 C.

    Figaro magazine 7.07.2017

  • Le 6 avril 2020 le génocide du Rwanda sera une fois encore commémoré à travers une histoire fabriquée, par Bernard Lugan

    Le 6 avril 2020, c’est une nouvelle fois à travers l’histoire fabriquée par le régime du général Kagamé que va être commémoré le 26° anniversaire du génocide du Rwanda. Une histoire dont les trois principaux piliers ont pourtant été pulvérisés par l’historiographie. Ainsi :

    1) Contrairement à ce qu’affirme cette histoire fabriquée, ce ne sont pas les « extrémistes hutu » qui ont abattu l’avion du président Habyarimana.

    Bernard Lugan.jpgLe génocide du Rwanda ayant été déclenché par l’assassinat du président Habyarimana, l’impératif était donc de connaître les auteurs de ce crime. Or, les alliés du général Kagamé, Etats-Unis et Grande-Bretagne, ont interdit au TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda) dépendant du Conseil de Sécurité de l’ONU (Résolution 955 du 8 novembre 1994), de chercher à les identifier.

    Quant à la justice française, seule à avoir enquêté sur cet attentat, elle s’est prudemment défaussée après 21 ans d’accumulation d’éléments semblant pourtant désigner le camp du général Kagamé. Le 21 décembre 2018, suivant en cela les réquisitions du Parquet, elle a ainsi rendu un insolite non-lieu concernant les hauts cadres du général Kagamé que le juge Bruguière accusait d’être les auteurs ou les commanditaires de l’attentat du 6 avril 1994. Insolite en effet car :

     

    1) Les magistrats écartent la piste des « extrémistes hutu », innocentant ces derniers de toute responsabilité dans l’attentat qui déclencha le génocide.

     

    2) Ils énumèrent en revanche, et en détail, les nombreux éléments du dossier paraissant désigner à leurs yeux l’équipe du général Kagamé comme étant à l’origine de cet attentat.

     

    3) Mais, in fine, les deux magistrats instructeurs prennent étrangement le contre-pied du déroulé de leur propre argumentation pour conclure que « L’accumulation (je souligne) des charges pesant sur les mis en examen (les membres du premier cercle du général Kagamé mis en examen par le juge Bruguière le 17 novembre 2006) (…) ne peut pas constituer des charges graves et concordantes permettant de les renvoyer devant la cour d’assises ». 

    Utilisant la seule conclusion de ce singulier non-lieu en taisant soigneusement la liste des charges l’impliquant énumérées par les magistrats français, le régime de Kigali affirme avec un singulier aplomb qu’il n’est donc pour rien dans l’attentat du 6 avril 1994. Cela lui permet de continuer à soutenir que ce furent les « extrémistes hutu » qui commirent l’attentat alors que rien, ni dans le dossier de la justice française ainsi que nous venons de le voir, ni dans la monumentale masse de documentation étudiée par le TPIR, ne conduit à cette piste. D’autant plus que, présenté par l’histoire fabriquée comme étant l’ « architecte du génocide », donc comme celui qui l’aurait déclenché en faisant abattre l’avion du président Habyarimana, le colonel Bagosora a été totalement lavé de cette accusation par le TPIR :

    « No allegation implicating the Accused (Bagosora) in the assassination of the President is to be found in the indictment, the Pre-Trial Brief or any other Prosecution communication. Indeed, no actual evidence in support of that allegation was heard during the Prosecution case. » (TPIR- Decision on Request for Disclosure and Investigations Concerning the Assassination of President Habyarimana (TC) 17 october 2006).

     

    2) Contrairement à ce qu’affirme l’histoire fabriquée, le génocide n’était pas programmé.

    Si le régime de Kigali continue à affirmer contre toute vérité que ce furent les « extrémistes hutu » qui commirent l’attentat du 6 avril 1994, c’est parce que ce postulat couvre le cœur de leur mensonge historique qui est que ces mêmes « extrémistes hutu » ayant programmé le génocide, l’assassinat du président Habyarimana allait leur permettre d’avoir les mains libres pour le déclencher.

    Or, ces « extrémistes hutu » qui, comme nous l’avons vu, ne sont pas les auteurs de l’attentat qui coûta la vie au président Habyarimana, n’avaient pas davantage programmé le génocide.

    Ce point essentiel a été définitivement établi devant le TPIR dont le Procureur n’a pas été en mesure de prouver l’existence d’une entente antérieure au 6 avril 1994 en vue de planifier et d’exécuter le dit génocide, ce qui a naturellement conduit à l’acquittement des principaux accusés de ce chef d’accusation majeur. Pour plus de détails à ce sujet on se reportera aux jugements dans les affaires Bagosora, Zigiranyirazo, Bizimungu, Ngirumpatse et Karemera que je présente dans Dix ans d’expertises devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

    Dans ces conditions, comme le génocide du Rwanda n’était pas programmé, nous en revenons donc à la question essentielle qui est de savoir qui a tué le président Habyarimana puisque ce meurtre fut l’élément déclencheur d’un génocide « improvisé » après le 6 avril 1994 par certains de ses partisans rendus hystériques par son assassinat.

     

    3) Contrairement à ce qu’affirme l’histoire fabriquée, dans la nuit du 6 au 7 avril 1994, quand il reprit unilatéralement la guerre, le but du général Kagamé n’était pas de sauver des vies, mais de conquérir militairement le pouvoir.

    Toujours selon l’histoire fabriquée, le général Kagamé fut contraint de violer le cessez-le-feu en vigueur afin de sauver les populations du génocide. Or, une fois encore devant le TPIR, il a été établi que :

    - Cette offensive fut lancée dès l’annonce de la mort du président Habyarimana, donc plusieurs heures avant les premiers massacres.

    - Cette offensive contre l’armée nationale rwandaise désemparée par la mort de son chef d’état-major tué dans l’explosion de l’avion présidentiel, et dont l’armement avait été consigné par l’ONU dans le cadre du cessez-le-feu et des accords de paix, avait été minutieusement préparée depuis plusieurs semaines, les forces du général Kagamé n’attendant qu’un signal pour marcher sur Kigali.

    - Afin de provoquer le chaos, les forces du général Kagamé attaquèrent en priorité les casernements de la gendarmerie afin d’interdire à cette dernière de rétablir la sécurité dans la ville de Kigali, ce qui était sa mission. Voilà pourquoi, dès le 7 avril, avant la vague des premiers massacres, le poste de gendarmerie hautement stratégique de Remera fut pris d’assaut. Quant au camp Kami, principale emprise de la gendarmerie à Kigali, fixée dans sa défense, sa garnison fut donc dans l’incapacité d’intervenir dans la ville pour y mettre un  terme aux massacres.

    Ces points fondamentaux réduisent à néant l’histoire officielle fabriquée par le régime du général Kagamé. Or, comme ils sont systématiquement ignorés par les médias, c’est donc une fausse histoire du génocide du Rwanda qui sera une fois de plus commémorée le 6 avril 2020.

    Pour en savoir plus sur la construction et la déconstruction de cette fausse histoire, en plus du PDF : Dixans d’expertises devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, on se reportera à mon livre intitulé Rwanda : un génocide en questions.

    Bernard Lugan

  • À la découverte du ”Fonds lafautearousseau”... (12) : Pour une vraie histoire des Cent jours, Napoléon et les Provençaux

    lafautearousseau, c'est plus de 28.000 Notes ou articles (et autant de "commentaires" !), 22 Albums, 47 Grands Textes, 33 PDF, 16 Pages, 366 Éphémérides...

    Il est naturel que nos nouveaux lecteurs, et même certains plus anciens, se perdent un peu dans cette masse de documents, comme dans une grande bibliothèque, et passent ainsi à côté de choses qui pourraient les intéresser...

    Aussi avons-nous résolu de "sortir", assez régulièrement, tel ou tel de ces documents, afin d'inciter chacun à se plonger, sans modération, dans ce riche Fonds, sans cesse augmenté depuis la création de lafautearousseau, le 28 février 2007...

    Aujourd'hui : Pour une vraie histoire des Cent jours, Napoléon et les Provençaux)...

    (tiré de notre Éphéméride du 30 mars)

    (retrouvez l'ensemble de ces "incitations" dans notre Catégorie :

    Á la découverte du "Fonds lafautearousseau")

     

     1815 : Louis XVIII arrive à Gand, capitale du Royaume de France pendant les Cent-Jours...

     

    1A.jpgLe 1er mars, Napoléon est revenu de l'Île d'Elbe et a posé le pied sur le sol français, à Golfe Juan : c'est le début de l'entreprise insensée et criminelle que l'Histoire retiendra sous le nom des Cent-Jours...

    Napoléon connaît bien les sentiments royalistes de la Provence et des habitants de la vallée du Rhône, et c'est pourquoi il veut à tout prix éviter de passer au milieu d'eux, préférant l'invraisemblable "route Napoléon"...

    Chateaubriand en explique la raison, en racontant son parcours vers son exil de l'île d'Elbe, après sa première abdication, et comment il fut insulté, voire menacé de mort , par des foules toujours plus hostiles, lorsqu'il fut arrivé à Orange :

     

     De Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, Tome I, pages 884 à 892) :

    "Bonaparte avait demandé à l'Alliance des commissaires, afin d'être protégé par eux jusqu'à l'île que les souverains lui accordaient en toute propriété et en avancement d'hoirie. Le comte Schouwalof fut nommé pour la Russie, le général Kohler pour l'Autriche, le colonel Campbell pour l'Angleterre, et le comte Waldbourg-Truchsess pour la Prusse : celui-ci a écrit l'Itinéraire de Napoléon de Fontainebleau à l'île d'Elbe... : "Le 25, nous arrivâmes à Orange; nous fûmes reçus aux cris de : Vive le Roi ! Vive Louis XVIII ! Le même jour, le matin, l'empereur trouva un peu en avant d'Avignon, à l'endroit où l'on devait changer de chevaux, beaucoup de peuple rassemblé, qui l'attendait à son passage, et qui nous accueillit aux cris de : Vive le roi ! Vivent les alliés ! A bas le tyran, le coquin, le mauvais gueux !...  Cette multitude vomit encore contre lui mille invectives... nous ne pûmes obtenir de ces forcenés qu'ils cessassent d'insulter l'homme qui, disaient-ils, les avaient rendus si malheureux... Dans tous les endroits que nous traversâmes il fut reçu de la même manière : à Orgon, petit village où nous changeâmes de chevaux, la rage du peuple était à son comble; devant l'auberge même où il devait s'arrêter, on avait élevé une potence à laquelle était suspendu un mannequin, en uniforme français, couvert de sang, avec une inscription placée sur la poitrine et ainsi conçue : Tel sera tôt ou tard le sort du tyran. Le peuple se cramponnait à la voiture de Napoléon, et cherchait à le voir pour lui adresser les plus fortes injures. L'empereur se cachait derrière le général Bertrand le plus qu'il pouvait; il était pâle et défait, ne disant pas un mot... A un quart de lieue en-deçà d'Orgon, il crut indispensable la précaution de se déguiser : il mit une mauvaise redingote bleue, un chapeau rond sur sa tête avec une cocarde blanche, et monta en cheval de poste pour galoper devant sa voiture, voulant passer ainsi pour un courrier... Mille projets se croisaient dans sa tête sur la manière dont il pouvait se sauver; il rêvait aussi au moyen de tromper le peuple d'Aix, car on l'avait prévenu qu'une très grande foule l'attendait à la poste... Il nous raconta ce qui s'était passé entre lui et l'hôtesse, qui ne l'avait pas reconnu : - Eh bien ! lui avait-elle dit, avez-vous rencontré Bonaparte ? - Non, avait-il répondu. - Je suis curieuse, continua-t-elle, de voir s'il pourra se sauver; je crois toujours que le peuple va le massacrer : aussi faut-il convenir qu'il l'a bien mérité, ce coquin-là ! Dites-moi donc, on va l'embarquer pour son île ? - Mais oui. - On le noiera, n'est-ce pas ? - Je l'espère bien ! lui répliqua Napoléon... Bonaparte, qui alors voulut se faire passer pour un général autrichien, mit l'uniforme du général Kohler, se décora de l'ordre de Sainte-Thérèse...et se couvrit du manteau du général Schouwaloff... A Saint-Maximin... il le fit appeler (le sous-préfet d'Aix, ndlr) et l'apostropha en ces termes : "Vous devez rougir de me voir en uniforme autrichien : j'ai dû le prendre pour me mettre à l'abri des insultes des Provençaux... Je ne trouve que des tas d'enragés qui menacent ma vie. C'est une méchante race que les Provençaux : ils ont commis toutes sortes d'horreurs et de crimes durant la Révolution et sont tout prêts à recommencer"..." On voudrait douter de la vérité des faits rapportés par le comte de Waldbourg-Truchsess, mais le général Kohler a confirmé, dans une "suite de l'Itinéraire de Waldbourg", une partie de la narration de son collègue; de son côté, le général Schouwaloff m'a certifié l'exactitude des faits : ses paroles contenues en disaient plus que les paroles expansives de Waldbourg. Enfin, l'Itinéraire de Fabry est composé sur des documents français authentiques, fournis par des témoins oculaires..."

     

    1A.jpgOn comprend donc bien pourquoi Napoléon détestait les Provençaux, au sens large; comme les méprisait avant lui Albitte, sinistre "représentant en mission" de la Convention à Lyon mais aussi dans le Sud-Est, avec son complice en terrorisme Crancé, l'un et l'autre grands criminels de guerre (ce sont eux que l'on évoque dans le chant fameux de La Ligue Noire : "...J'en veux foutre cent par terre / Et de sang tout inonder ! / Oui, je veux, dans la poussière, rouler Albitte et Crancé..." ). Lors de la séance de la Convention du 17 juillet 1793 - rapportée par le Moniteur, dans lequel était notée l'intégralité de débats de l'Assemblée - Albitte avait brossé le tableau d'un Midi contre-révolutionnaire, le comparant à la Vendée, se trouvant ainsi directement à l'origine de l'expression Vendée du Midi, ou Vendée provençale...(voir l'Éphéméride du 30 décembre)

    Napoléon sait donc parfaitement ce qui l'attend s'il passe par la route normale, pour "monter" à Paris : en passant par Marseille, c'est, au mieux, l'arrestation, au pire la mise à mort par une population ultra hostile à tout ce qu'ont représenté les années de l'Empire. Il décide donc d'emprunter la route des Alpes, invraisemblable et aberrante pour qui veut se rendre à Paris depuis le Sud-Est : un chemin que l'histoire officielle, évitant soigneusement d'expliquer le pourquoi de la chose, appellera pompeusement la "route Napoléon"...

    1A.jpgLouis XVIII a deux solutions : abandonner Paris et le pouvoir, ou résister, par la force, à ce coup de force. C'est cette seconde solution qu'il choisit, confiant au Maréchal Ney le commandement d'une troupe suffisante pour arrêter Napoléon. Ney, qui promettra, théâtralement, de ramener le monstre dans une cage de fer...

    On sait comment celui qui fut, malgré tout, un grand soldat, s'acquitta de sa tâche ! (il sera fusillé après la fin lamentable et catastrophique des Cent Jours : voir l'Éphéméride du 7 décembre)

    Après la trahison de Ney, la folle équipée devient véritablement ce qu'elle fut : un Coup d'Etat militaire.

    Chateaubriand parlera avec justesse, dans ses Mémoires d'Outre-Tombe, de ces "Quelques militaires dont la funeste fascination avait amenée la ruine de la France, en déterminant la seconde invasion de l'étranger..." (La Pléiade, Tome I, page 973). Un seul exemple suffit à démontrer cette "funeste fascination" et ce mauvais esprit : à Sisteron, le maire royaliste Joseph Laurent de Gombert entend bien arrêter Napoléon, à partir de sa forteresse dotée de canons : mais, pendant la nuit, quelques dizaines de militaires désarment la forteresse...

    Et Louis XVIII se retrouve devant le même dilemme, aggravé par le risque réel, avec la trahison d'une partie de l'armée, d'affrontements sanglants, inutiles et fratricides entre Français s'il essaie à nouveau d'employer la force.

    Fin politique, et conscient comme tous les esprits lucides et sensés de son temps, que l'entreprise démente de Napoléon ne peut ni durer, ni, encore moins, réussir, Louis XVIII choisit, cette fois, la solution politique : il quitte Paris, le 20 mars au soir, et, après un voyage de dix jours, va s'installer à Gand, alors en Hollande, où il sera dignement reçu, en son très bel hôtel, par le comte Jean-Baptiste d'Hane-Steenhuyse.

    Le Roi trouva l'hôtel si beau qu'il écrivit : "ce logement était préférable à tous ceux que j'avais habité lors de ma première sortie de France".

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                                    Façade arrière, donnant sur le Jardin...

    "...De notre château royal de Gand", écrivait Louis XVIII, dont "la force tranquille", "la confiance tranquille dans la force de son nom et de son droit lui ont rendu son trône", écrira Guizot...

    De Chateaubriand (Mémoires d'Outre-Tombe, La Pléiade, Tome I, page 930) :

    "Le roi, bien logé, ayant son service et ses gardes, forma son conseil. L'empire de ce grand monarque consista en une maison du royaume des Pays-Bas, laquelle maison était située dans une ville qui, bien que la ville natale de Charles-Quint, avait été le chef-lieu d'une préfecture de Bonaparte : ces noms font entre eux un assez bon nombre d'événements et de siècles..."

     

    C'est de là que, pendant toute la durée des Cent-Jours, Louis XVIII va organiser et diriger le gouvernement royal en exil, faisant ainsi de Gand la capitale du Royaume de France, jusqu'à son retour définitif à Paris, le 8 juillet 1815

    Dans la Garde qui l'avait accompagné, ou parmi ceux qui le rejoindront : les jeunes Alphonse de Lamartine et Alfred de Vigny; Guizot et Portalis; le duc de Lévis, aïeul de l'académicien qui prononcera le traditionnel éloge de son prédécesseur : Charles Maurras...

    Blacas dirigeant la Maison du Roi, le ministère fut formé avec Chateaubriand à l'Intérieur, Beugnot à la Marine, Jaucourt aux Affaires étrangères, Feltre à la Guerre, et Lally à l'Instruction publique. Louis XVIII était également accompagné des maréchaux Marmont et Victor, et fut rejoint, dans ses dernières heures d'exil, par le maréchal de Bourmont, qui fit défection à Napoléon le 15 juin, soit 3 jours avant Waterloo...

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     Pour une vision d'ensemble des Cent-Jours, voir aussi les Éphémérides des 25 février, 8 mars, 16 mars, 17 mars, 18 juin, 22 juin, 15 juillet et 20 novembre)

     

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  • Histoire & Actualité • Hilaire de Crémiers : « Mai 68, c’est l’irrespect, dans tous les domaines. »

     

    Un entretien avec Hilaire de Crémiers

     

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    Entretien avec Hilaire de Crémiers directeur de Politique magazine et de La nouvelle Revue Universelle. Propos recueillis Par Philippe Ménard 

    Hilaire de Crémiers, vous avez participé aux événements de Mai 68 dans une position bien spécifique : étudiant royaliste. Quelles étaient vos fonctions à l’époque ?

    Je m’occupais des cercles d’étude, des camps d’été… J’étais secrétaire général des étudiants d’Action française – ou quelque chose d’équivalent. C’était une époque de renouveau : nous avions des groupes structurés, avec des gens brillants, dans toutes les grandes villes universitaires, comme Lille, dont Jean-Pierre Dickès était l’animateur, Toulouse, Nantes, Aix et Marseille, Nanterre, avec Bernard Lugan, qui était auparavant responsable du lycée de Saint-Cloud. Il était membre de la Restauration nationale étudiante. Nous tenions des congrès et des conférences d’étudiants royalistes qui regroupaient des centaines de jeunes. Nous avions nos propres publications, comme Amitiés Françaises universitaires, que nous appelions AFU, et nous essayions de créer des dossiers d’Action française, des DAF ! Sur tous les sujets, Monarchie, Décentralisation, Enseignement et universités…

    Mai 68 va arriver, vous sentez monter la tension… Comment les royalistes considèrent-ils alors cette effervescence ?

    Aujourd’hui, on parle moins des royalistes que des gens d’Occident, qui se contentaient souvent d’un fascisme sans rigueur intellectuelle ; ils nous accusaient justement de maintenir les normes d’une sagesse politique dans notre réflexion, en raison de ce qu’ils appelaient notre « maurrassisme ». Ces groupuscules vivaient dans l’agitation. Ils se battaient, certes, mais nous aussi, et presque toutes les semaines, contre les étudiants communistes, les trotskystes, les maoïstes. Nous nous battions à la Sorbonne, à l’Odéon, à Saint-Lazare, bien avant les barricades – et souvent à un contre cinquante, car les communistes n’attaquaient qu’avec la certitude du nombre. Nous nous battions avec les Krivine, les Goldman. Cela pouvait se terminer à l’hôpital comme au poste de police. Les étudiants communistes ou déjà « gauchistes », sous la banderole de l’UNEF, tenaient les universités, la Sorbonne notamment. Ils avaient obtenu des espaces où ils pouvaient se réunir. L’administration apeurée leur était bienveillante. Il m’arrivait d’aller vers eux, fleur de lys à la boutonnière, pour leur proposer de discuter plutôt que de se battre. J’ai eu des discussions invraisemblables avec des trotskistes et des althussériens, à Normale Sup’, où nous avions un petit groupe. Spinoza, Kant, Hegel, Marx, Lénine… Nous connaissions leurs auteurs ; je lisais du Marcuse à la bibliothèque de la rue Croix-des-Petits-Champs, mais eux ne lisaient pas « nos » auteurs. C’est toujours la même chose. Les mêmes récitent le même catéchisme indéfiniment ! Il semblerait qu’aujourd’hui il y ait une jeunesse qui serait prête à s’ouvrir l’esprit. Tant mieux !

    L’agitation précédait donc largement Mai 68. Quand cela a-t-il commencé ?

    C’est 1961-1962 qui est le vrai départ des événements de Mai 68, pas 1965-1967, comme il est dit aujourd’hui. J’ai bien vécu cette période, ayant fait de la détention administrative en 1962, puis ayant été assigné à résidence. Je faisais en même temps mes études de droit et de lettres. C’est à ce moment que la gauche s’est littéralement emparée des lycées et des facultés et que le gaullisme a laissé la porte ouverte à la gauche, car la gauche l’avait soutenu dans l’abandon de l’Algérie. Nous, les royalistes d’Action française, étions alors en métropole les seuls opposants à un tel abandon, les seuls qui avions protesté non seulement contre l’abandon de la communauté française en Algérie, mais encore plus contre l’abandon des musulmans fidèles à la France. Il y avait une solution à trouver autre que le bradage honteux et qui n’a fait que repousser le problème ! Tout le monde en paie le prix aujourd’hui. Il y avait aussi la Cité catholique qui partageait la même manière de voir. J’ai assisté de l’intérieur au délitement des universités, de l’enseignement même et de la culture d’une manière générale parce que le gaullisme a systématiquement laissé la place à une gauche culturelle avant la lettre qui, en même temps, de marxiste-léniniste est devenue maoïste, spontanéiste – on parlait de « mao-spontex » –, lambertiste ou anarchiste, conséquence de l’abandon de toutes les idées de nation, d’ordre, de tradition, d’honneur, de beauté. Les professeurs étaient encore des gens remarquables, mais ils avaient déjà, en partie, abandonné leurs toges et leur autorité. Avant les cours magistraux, en Sorbonne, pendant un quart d’heure, une bande de zigotos prenaient la parole et faisaient passer leurs idées et leurs consignes. Ils tenaient l’Université. C’étaient des « professionnels de l’agitation », comme dit Macron : Krivine n’étudiait pas, il passait d’amphi en amphi pour semer l’agitation ; et l’agitation montait. J’avais écrit, alors, des articles, plusieurs mois avant Mai 68, pour signaler cette montée que nous percevions, que nous vivions, et qui allait déboucher sur un phénomène de masse. Cohn-Bendit et sa bande se sont aperçus qu’ils pouvaient faire n’importe quoi sans que jamais l’autorité leur réponde de façon cohérente : il n’y avait plus de respect. L’événement originel de Nanterre est caractéristique. Le mouvement du 22 mars est dans la logique du temps. Mai 68, c’est l’irrespect, dans tous les domaines. La libération sexuelle n’était que le refus de respecter la féminité : concrètement, dans les campus, ce n’était que la liberté de coucher. La pilule était libératrice d’abord pour le mâle ! La voyoucratie bourgeoise a pris le pouvoir dans les facultés avant d’essayer de le prendre dans la société. Et dans cette prise de pouvoir, dans cette dégradation de l’autorité, l’affaire de l’Algérie et l’évolution de l’Église, après Vatican Il, ont eu leur importance. Le christianisme de gauche a incontestablement joué un rôle déterminant dans l’évolution de la société, après la guerre, et tout spécialement après 1962. Les jeunes chrétiens gauchardisés par leurs aumôniers sont devenus les militants de la Révolution avant de devenir les cadres du parti socialiste !

    Mai 68 arrive, encouragé par un pouvoir qui a accepté d’être fragile dans les facultés, alors qu’il avait su montrer ailleurs sa dureté. À ce moment-là, les royalistes se sont-ils dit que la République pouvait vaciller, qu’il y aurait quelque bénéfice à retirer de cette agitation marxiste ?

    C’est une réflexion qui s’est faite au cours des événements. Ce sont les royalistes qui ont eu l’idée des contre-manifestations. Après la manifestation des gauchards qui étaient allés à l’Arc de Triomphe chanter l’Internationale et pisser sur la tombe du Soldat inconnu, nous avons pris la décision, en discutant avec les responsables du mouvement d’Action française de l’époque, Bernard Mallet, président des comités directeurs, et Pierre Juhel, secrétaire général de la Restauration Nationale, d’organiser des contre-manifestations. Et ça a tout de suite pris de l’ampleur : nous avons défilé tous les jours pendant huit jours, passant de 800 à 40 000 personnes sans difficulté. Mais les gens du SAC essayaient alors de prendre en main la manifestation – ils voulaient la récupérer –, ce qui n’était pas du tout dans nos objectifs ! Le SAC tentait d’entraîner la contre-manifestation sur la rive gauche pour créer des heurts frontaux. Mais je répondais aux policiers qui venaient, en quelque sorte, s’informer, et même plus que s’informer, car il n’y avait plus rien, que nous n’étions pas de la chair à canon, que nous n’allions pas jouer le jeu des barricades. L’idée est alors venue, vers la mi-mai, d’aller faire le tour systématique des lycées et des facultés, y compris les plus rouges, pour aller porter la contradiction dans un climat surréaliste de grève générale, de barricades et d’Odéon occupé ! J’ai, personnellement, fait le tour de la périphérie communiste de Paris, et de quelques lycées parisiens les plus rouges. Devant des salles de classe bondées, il était amusant d’expliquer que le totalitarisme universitaire contre lequel les émeutiers prétendaient lutter, avait été inventé par la République !

    Les étudiants manifestent avant l'intervention de la police au carrefour du boulevard Saint-Michel et du boulevard Saint-Germain, à Cluny, avec pour leader Alain Krivine des Jeunesses Communistes Révolutionnaires. On remarquera le caractère très bourgeois de ces manifestants. Politique magazine

    Les étudiants manifestent avant l’intervention de la police au carrefour du boulevard Saint-Michel et du boulevard Saint-Germain, à Cluny, avec pour leader Alain Krivine des Jeunesses Communistes Révolutionnaires. On remarquera le caractère très bourgeois de ces manifestants. 

    Nous manifestions contre le désordre et en même temps nous commencions à apporter une réponse au questionnement légitime d’une partie du public. Et nous avons installé nos propres présentoirs, avec notre presse, à côté de Clarté, le journal de l’Union des étudiants communistes, et de L’Humanité. À partir du moment où nous nous sommes installés, tout le monde a accouru, gaullistes, giscardiens en tête ! Nous avions ouvert la voie ; il avait fallu se battre un peu. Nous étions assez nombreux pour nous imposer, à Paris comme en province. Nous avions une imprimerie en banlieue où nous allions la nuit, tous feux éteints, faire tirer nos journaux, Aspects de la France et AFU. Nous étions toute une bande ; il y avait Gérard Leclerc, Jean-Pierre Dickès et bien d’autres. Nous écrivions le journal, le portions à l’imprimerie, le tirions à des milliers d’exemplaires et le rapportions en passant les chicanes de la CGT. Comme il n’y avait plus de presse et que, seules, deux radios fonctionnaient, les ventes à l’Opéra, à Saint-Lazare, explosaient ! Au lieu de vendre difficilement en faisant le coup de poing, un numéro partait à la seconde ! Je descendais en voiture à Lyon, les gens de Marseille montaient, on faisait la même chose à l’Ouest, Poitiers – Bordeaux – Toulouse, et le journal était distribué dans toute la France. Aspects de la France est le seul journal qui a paru pendant trois semaines, en alternance avec AFU. Mais tout était flou… Les gaullistes achetaient les révolutionnaires, Chirac se promenait avec un revolver et des valises de billets, De Gaulle allait consulter à Baden-Baden, nous faisions le tour des lycées et des facultés, nous chahutions Duverger et les profs bourgeois qui jouaient les émeutiers, on s’amusait beaucoup. C’était formidable, mais où menions-nous ces étudiants qui nous suivaient ? … Nous ne le savions pas. Et c’était une pensée lancinante et terrible. Tout le monde agité ne pensait en fait qu’au pouvoir à prendre et ils se sont arrangés pour s’y faire leur place, presque tous ! Devenus eux-mêmes ce qu’ils étaient censés renverser ! Et je peux vous dire que beaucoup d’argent a circulé. Jamais pour nous évidemment, toujours pour les gauchards et les sbires du gouvernement.

    Vous existez : du coup ceux qui avaient peur de réagir s’enhardissent et vous confisquent la réaction. Comment vivez-vous ce moment où tout s’échappe ?

    Douloureusement. Le milieu royaliste était en train de se fracturer entre partisans de l’ordre et partisans du chambardement. J’imposais à mon niveau une direction mais c’était fragile. Je devinais ce qu’il fallait faire mais nous n’en avions pas les moyens. Pompidou s’en est tiré après les accords de Grenelle ; De Gaulle est revenu, mais il avait, malgré les apparences, perdu la partie : un an plus tard, il sera contraint de partir, et pourtant sur une de ses meilleures propositions de réformes. La gauche a misérablement tenté de reprendre le pouvoir au stade Charlety. Le Parti communiste et la CGT ne voulaient pas aller au-delà de ce que Moscou souhaitait – et l’URSS voulait maintenir De Gaulle, personnalité « de droite » qui avait une politique internationale dite « de gauche », mais nous ne savions pas jusqu’à quel point. Nous avons eu le sentiment, d’une certaine manière, d’avoir été manipulés puisque notre contre-révolution avait servi le pouvoir républicain qui s’était ressaisi. Nous avons fait un camp, à l’été 68, très suivi. Mais la société avait changé. Les événements relevaient à la fois d’une mascarade bourgeoise et d’un bouleversement en profondeur, et nous n’avions pas la capacité de mener à son terme la dynamique que nous avions lancée. À la Mutualité, 2000 étudiants criaient « Vive le Roi », mais à quoi bon, si l’État, l’Église, la société se reconstituaient sur un pacte de consolidation républicaine où le désordre sert finalement l’ordre établi et où l’ordre établi ne cesse d’alimenter le désordre. La loi Edgar Faure en fut l’expression la plus évidente.

    Mgr Marty avait déclaré dans un mandement que Dieu n’était pas « conservateur » ! La formule aurait pu être comprise intelligemment. Ce ne fut pas le cas. Etait-ce possible ? On ne peut imaginer la sottise de l’époque. Nous avions établi, avec quelques étudiants, une sorte de PC à l’Institut catholique, mais de l’autre côté de la cloison, nous entendions de jeunes séminaristes qui allaient sur les barricades… C’était assez désespérant ! Je pense, aujourd’hui, qu’il y avait là un vrai combat. Mais ce qui est sûr, c’est que, pour réussir, il faut préparer les forces suffisamment à l’avance de façon que les réactions nationales ne soient pas que des coups de chaud ! Indéfiniment récupérés par les aventuriers de la politique.    

    Hilaire de Crémiers

  • Les grandes crises de l'Histoire ? Quand Charles VII reconstruisait le royaume de France

    43961.jpgL'un de nos lecteurs réguliers, avec qui, sur certains points, nous n'avons pas toujours été d'accord, mais avec qui, sur l'essentiel -notre attachement à la royauté française et à ses actuels héritiers -nous nous sommes toujours retrouvés, nous a fait l'amitié de nous transmettre le message et l'article que nous reproduisons, ici, volontiers car cet article éclaire une période cruciale de l'Histoire de France et, parce que, par analogie ou transposition, il peut susciter une réflexion permettant de comprendre et, le cas échéant, de résoudre les graves problèmes qui assaillent la France d'aujourd'hui.

    Nous ne commenterons pas cet article qui se suffit à lui-même. Nous ajouterons, seulement, qu"en le lisant, nous l'avons instinctivement rapproché de ce que - le jour de la Fête Nationale de Jeanne d'Arc, le 12 mai dernier - Alain Bourrit disait de cette période, de Jeanne d'Arc, de Charles VII et de l'extraordinaire retournement politique qu'avait opéré ce roi, faisant ou refaisant, en quelques décennies, d'un pays réduit à peu de chose, envahi et ruiné, l'une des premières nations d'Europe. On se reportera, si on le désire, à la vidéo de cet exposé (Café politique de Lafautearousseau, à Marseille, vidéo publiée le 21.05.2012).

    Chers amis,

    Tout d'abord, je vous présente mes voeux les meilleurs pour l'année 2013.

    Je vous joins un article paru dans Marianne qu'il serait intéressant d'examiner et peut-être de le diffuser sur LAFAUTEAROUSSEAU.

    Bien amicalement,

    DC

    Les grandes crises dans l'Histoire

    Charles VII reconstruit le royaume de France

    Dimanche 6 Janvier 2013

     par Olivier Bouzy*

     1415-1453 ÉPILOGUE DE LA GUERRE DE CENT ANS.

     Maniant avec talent la diplomatie comme l'artillerie, Charles VII chasse les Anglais qui avaient conquis la majeure partie du territoire français, mettant ainsi fin à cent seize ans de conflits.  

    Bataille de Crécy, 1392 - CC Wiki Commons

    Bataille de Crécy, 1392 - CC Wiki Commons

     

    Le 5 août 1392, le roi de France Charles VI traversait une vaste plaine écrasée sous le soleil de midi aux abords de la forêt du Mans. Epuisé, le souverain s'était assoupi tout en chevauchant, malgré la troublante rencontre qu'il venait de faire avec un inconnu qui lui avait dit de se méfier, car il était trahi.

    Brusquement, il fut réveillé par le bruit de la lance d'un page tombant sur un de ses voisins. Charles dégaina alors son épée et se lança contre sa suite en hurlant à l'assaillant. Son frère Louis d'Orléans dut fuir pour éviter son agression. Médusés, ses serviteurs tentèrent de le maîtriser et quatre hommes moururent avant qu'il ne soit pris, ligoté et allongé sur un chariot où il perdit connaissance.

    Il fallait se rendre à l'évidence : le roi de France était devenu fou. Et son mal irait grandissant, ouvrant une vacance au sommet de l'Etat, d'où allaient naître la division, la discorde, puis l'invasion et l'occupation. A la faveur de cette impuissance nationale, les Anglais entreraient en France comme dans du beurre.

    Car le gouvernement se divise alors entre des partis et des clans dont les noms sont entrés dans l'histoire : les Armagnacs et les Bourguignons. Chacun d'eux veut exercer le pouvoir au profit de sa clientèle et de ses proches. Assassinats, trahisons et disgrâces se poursuivent si bien que les souverains anglais comprennent l'opportunité de reprendre les armes et, sous prétexte de querelle de succession à la couronne de France, de se lancer dans une nouvelle session de pillages et d'extorsions de fonds.

    C'est ainsi que, en octobre 1415, sous le commandement d'Henri V, une petite armée de 6 000 soldats anglais a débarqué en Normandie, près de Harfleur. Sous le commandement du connétable de France Charles d'Albret, une troupe de 30 000 hommes, la fine fleur de la chevalerie, doit lui barrer le passage et la détruire. Ainsi le jour de la Saint-Crépin, si bien décrit par Shakespeare, les deux forces se font face.

    A la fougueuse charge de la cavalerie lourde française répondent les flèches des archers anglais. Avant même la mêlée, la première ligne française est liquidée à distance par les tirs ennemis. Le soir de la bataille d'Azincourt, le roi d'Angleterre Henri V a gagné son hégémonie sur les deux royaumes. Par le traité de Troyes, en 1420, il est officiellement reconnu successeur de son nouveau beau-père, Charles VI, le fou. Mais il meurt avant ce dernier.

    Bientôt, son fils Henri VI, tout juste âgé de 9 mois, devient roi de France et d'Angleterre. La majeure partie du territoire est soumise aux Anglais. Le pays connaît une forme d'occupation, la guerre civile fait rage, quand ce n'est pas l'anarchie, les petits seigneurs en profitant pour régler de vieux comptes ou détourner des terres et des revenus à leur profit. Paris, dominé par le parti bourguignon, est un soutien constant à la couronne anglaise.

    Quelques princes refusent cette situation et, en particulier, l'héritier direct de Charles VI, le dauphin Charles, qui rejette le traité de Troyes, et trouve refuge dans la région Centre, avec Bourges pour capitale. Disons-le haut et fort : Charles, septième du nom, a été un très grand roi et la clé principale de la renaissance du royaume de France.

    Habile stratège, il s'est lancé dans une politique de reconnaissance diplomatique sans précédent. Il a aussi compris mieux que d'autres la puissance nouvelle de l'artillerie pour reconquérir les villes. Il a su enfin s'entourer de serviteurs dont la fidélité lui a permis de compenser l'avidité des grands clans qui composaient son entourage.

    Si nous avons de lui une image si piètre, c'est bien parce qu'il a mis au pas les Bourbons, ce que les rois issus de cette branche ne lui pardonneront pas. Et, pour les historiens républicains, il sera détourné en symbole du ridicule monarchique. Pourtant, Charles VII a su trouver de nouvelles troupes, réorganiser l'Etat et retourner lentement cette situation ahurissante à son avantage.

    Trois personnalités vont incarner les voies du redressement. La première est une toute jeune femme, Jeanne d'Arc ; le deuxième, un financier, Jacques Cœur ; et le troisième, un ennemi, Richard, duc d'York.

    Jeanne, déjà appelée «la Pucelle» de son vivant, porte dès son apparition le formidable travail de recomposition de la légitimité royale de Charles. Elle s'inscrit dans une série de prophètes et d'inspirés qui affirment l'existence d'un lien privilégié entre le roi et Dieu. Le sacre de Reims auquel Jeanne conduit le dauphin est la manifestation directe de cette idée, tout comme l'usage de sa bannière au combat. La capture de la jeune fille, son procès calamiteux et son exécution sur le bûcher n'arrêtent pas la machine de propagande du roi, qui transforme la jeune victime des Bourguignons et de leurs alliés anglais en martyre d'une foi réaffirmée dans la lignée royale française.

     

    Réorganisation économique

    Jacques Cœur, ensuite, favorise la réorganisation de l'économie publique. Il trouve, grâce à ses manœuvres monétaires, les moyens de financer les conquêtes et place la France au sein d'un réseau d'échanges et d'investissements très actif. Sa disgrâce et sa chute montrent toutefois les limites de la modernisation des pratiques de cour. Monté trop haut, il est brisé pour que chacun puisse se partager une partie des dépouilles de son empire. Et son effondrement vient précisément quand Charles VII considère que l'homme a déjà livré l'essentiel de ses bienfaits.

    Richard d'York, enfin, qui combattit en France contre Charles VII, devait lui fournir indirectement le meilleur moyen de stabiliser la reconstruction française, en déclenchant tout simplement la guerre civile outre-Manche. En effet, c'est à la faveur de la guerre des Deux Roses, celle de la maison d'York et celle de la maison de Lancastre, autrement dit d'Henri VI et son clan, que le roi de France peut achever la reconquête et l'unification du territoire, ne laissant plus que Calais à l'Angleterre. Finalement, les trente années d'hostilités intestines anglaises achèvent un conflit de cent ans, dont la phase la plus critique entre 1420 et 1453 était elle-même le résultat de la guerre civile française.

    * Olivier Bouzy est directeur du Centre Jeanne-d'Arc. Son prochain ouvrage, «Jeanne d'Arc en son siècle», paraîtra en janvier 2013 chez Fayard.

  • Documents pour servir à illustrer une histoire de l'URP (35)...

    (Documents pour servir à illustrer une histoire de l'URP : contribution, commentaires, informations, renseignements, prêt de photos etc... bienvenus; retrouvez l'ensemble de ces documents dans notre Catégorie : Documents pour servir à illustrer une histoire de l'URP)

     

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    35 : de 2010 à 2014, quatre saisons de Cafés politiques de lafautearousseau...

    Aujourd'hui (3/4) : les vidéos des Cafés de la troisième saison, 2012/2013 : Enquête sur la République...

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    Sept Cafés pour cette troisième saison, et une innovation  : nous avions décidé, cette année-là, de relier tous ces Cafés entre eux autour d'un thème général : Enquête sur la République. À l'usage, la formule se révéla à la fois bonne (il y avait plus de cohérences d'ensemble pour les Cafés) mais un peu contraignante (nous n'y avions pas pensé : choisir les thèmes à l'avance pour toute la saison nous empêchait de réagir à l'actualité, s'il se produisait quelque évènement d'importance...)

    Nous avons reçu, cette année-là, Jean-Baptiste Donnier, Jean-François Mattéi, Hilaire de Crémiers, Alain Bourrit, Laurent Wetzel (ancien maire de Sartrouville), Antoine de Crémiers et Gérard Leclerc

     

    Septième Café : samedi 8 juin 2013 : Sommes-nous condamnés à être antimodernes ?... par Jean Baptiste Donnier

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    Sixième Café : samedi 6 avril 2013 : L'avènement programmé de la sous-culture, par Jean-François Mattéi

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    Cinquième Café : samedi 9 mars 2013 : La République en échec, par Hilaire de Crémiers.

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    Ce ne sont pas des Cafés politiques ordinaires que Lafautearousseau et la Fédération Royaliste Provençale organisent à Marseille depuis 2010. Sous leur forme actuelle, inaugurée en octobre 2010, tous sont mis en ligne. L'on peut les revoir à tout moment et, d'ailleurs, tous ont déjà été téléchargés plusieurs milliers de fois ! Si l'on en considère l'ensemble, l'on s'apercevra que, tant par les personnalités qui y sont intervenues que par les sujets traités, ils constituent un excellent travail de réflexion politique. En un sens, ils ont été ce que l'on appelle aujourd'hui un Think Tank. Avis aux jeunes qui veulent acquérir une formation politique sérieuse : ils peuvent y venir; ils peuvent les consulter, ici.

    Ce n'est pas non plus une intervention ordinaire que celle d'Hilaire de Crémiers, le 9 mars dernier; intervention dont la vidéo est mise en ligne ci-dessous. C'est une remarquable réflexion sur le problème institutionnel français depuis les derniers temps de l'Ancien Régime jusqu'à nos jours : soit l'absence d'un exécutif capable de gouverner, soit la carence de représentation nationale véritable, soit l'une et l'autre. Les exemples historiques sont probants, le problème est très exactement décrit et défini. L'écoute de cette vidéo est indispensable pour qui veut militer pour une France royale autrement que de façon superficielle et / ou folklorique. 

     

    Quatrième Café : samedi 9 février 2013 : Quelle Europe voulons-nous ?... par Alain Bourrit  

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    Troisième Café : samedi 15 décembre 2012 : Ils ont tué l'Histoire-Géo. Qui et pourquoi ? par Laurent Wetzel.

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    Deuxième Café : samedi 17 novembre 2012 : Face à la Crise, la République est-elle capable de défendre la France ? par Antoine de Crémiers. 

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    Premier Café : samedi 20 octobre 2012 : L'idéologie de la République française est-elle encore vivante ? par Gérard Leclerc

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    Vous trouverez, en cliquant sur le lien ci-dessous, l'ensemble de ces Cafés, le dernier en date (celui de Jean-Baptiste Donnier) apparaissant comme d'habitude le premier, suivi par celui de Jean-François Mattéi, Hilaire de Crémiers puis Alain Bourrit et ainsi de suite, en remontant jusqu'au premier, qui apparaît en dernier : L'idéologie de la République française est-elle encore vivante ? par Gérard Leclerc...

    3. Vidéos des 7 Cafés FRP/lafautearousseau, troisième saison, 2012/2013 : Enquête sur la République...

  • Documents pour servir à une Histoire de l'URP (57) : Alain...

    (retrouvez notre sélection de "Documents..." dans notre Catégorie "Documents pour servir à une histoire de l'URP"...)

     

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    Alain Bourrit

     

    C'est au tout début de la création de notre groupe qu'Alain vint sonner au 9 rue Saint Suffren.

    En dehors de "la politique", plusieurs choses nous rassemblaient, lui et moi, qui avons sympathisé tout de suite (il faut dire qu'Alain avait le don de sympathie...) : par exemple, j'ai participé avec lui, presque sitôt après son arrivée au local, au Camp Maxime Réal del Sarte d'Étrie, en Vendée; nous aurions pu, et du, d'ailleurs, en faire un second ensemble : lorsque le Camp eut lieu à Saint Martin de Crau (j'y ai participé) je demandai à Alain de venir avec moi, ce qui était son souhait, mais il eut alors un empêchement familial...

    Autre point d'entente entre nous : nous étions tous deux professeurs, moi d'Espagnol/Provençal et lui de Lettres, bien que sa vraie passion fût la philosophie : ah, ces interminables discussions où il adorait se perdre, en parlant de l'une de ses marottes, Guénon. Il ne m'en voulait pas quand je finissais par lui dire que, franchement, Guénon, "ce n'était pas mon truc", comme disent nos élèves, dans les cours de récré (et ailleurs !...).

    Pleinement intégré à notre groupe, Alain rendait davantage de services en s'occupant de Cercles d'études ou de conférences (bref, de la formation...) qu'en affichant ou distribuant et vendant à la criée; mais il faut de tout pour faire une Section, et Alain était bien un membre éminent et éminemment important de notre groupe, écouté comme tel et dont les avis comptaient beaucoup...

    Quand nous organisâmes les Cafés politiques de lafautearousseau, il y participa immédiatement, en y prenant toute sa place :

    dès la première saison je le reçus pour notre Huitième Café, le samedi 26 mars 2011 : Que devient l'identité française ? Débat sur la Nation...

    l'année suivante (deuxième saison), je le reçus encore pour notre Septième Café, le samedi 12 mai 2012 : La leçon de Jeanne... Dans notre Page, consacrée à cette deuxième Saison, j'écrivais :

    "Cette année, nous avons décidé de bousculer un peu les choses - mais pour la bonne cause, bien sûr.. - en faisant suivre le traditionnel Hommage à Jeanne d'Arc par la projection du film de Paul Barba Negra, Reims, cathédrale du sacre, présenté par Alain Bourrit.

    Document d'archive, ce très beau film de Paul Barba Negra fut diffusé par FR3; ses images et ses commentaires n'ont rien perdu de leur puissance, de leur profondeur et de leur beauté..."

    pour notre troisième Saison, ce fut pour notre Quatrième Café, le samedi 9 février 2013, qu'Alain vint traiter le sujet : Quelle Europe voulons-nous ?... 

     

    Alain nous quitta en décembre 2017. Bien entendu, lafautearousseau lui rendit immédiatement l'hommage qu'il méritait si amplement, et exprima la tristesse de tous, lorsque nous devenions séparés de celui qui était avec nous depuis les tous premiers jours...

    Marseille : un ami nous a quittés

  • Histoire & Société • Jean-Christophe Buisson : « 1917 annonce notre époque de plus en plus déshumanisée »

     Un défilé du 14-Juillet marqué par la présence américaine

     

    Le 14 juillet 2017 est l'occasion de se pencher à nouveau sur l'importance de l'année 1917 dans l'histoire : dans un entretien réalisé par Alexandre Devecchio, paru sur Figarovox à l'occasion de la sortie de son ouvrage 1917, l'année qui a changé le monde, Jean-Christophe Buisson explique que cette année cruciale préfigurait notre postmodernité. Les idées, les analyses, sont foisonnantes et toujours intéressantes. Critiques envers notre société. Bienvenues sur ce site ... LFAR 

     

    XVMdf34f3a6-67e2-11e7-8c12-a695e61ec102.jpgDe quelle manière 1917 fut-elle « l'année qui a changé le monde »?

    De toutes les manières, et c'est pour cette raison qu'elle est la seule à pouvoir être ainsi qualifiée. Pour reprendre un adjectif spenglerien, 1917 fut « décisive » sur un plan militaire, d'abord, avec des événements aussi importants dans le déroulement de la Première Guerre mondiale que l'effondrement de la Russie, le débarquement américain, l'arrivée des tanks, la déroute italienne à Caporetto ou la conquête de Bagdad et de Jérusalem par les Britanniques. Mais aussi d'un point de vue politique, diplomatique, social, économique, culturel ou scientifique, Avant ou après, d'autres années ont marqué durablement leur époque mais jamais dans tous ces domaines à la fois. 1815 fut une année cruciale pour la géopolitique de l'Europe et, partant, du monde, mais on serait en peine de trouver des mouvements culturels nés cette année-là qui seraient de l'ampleur de Dada, de l'art conceptuel ou du surréalisme. 1848 fut une année de soubresauts politiques et sociaux majeurs en France et en Europe centrale mais elle ne déboucha pas sur une refondation d'Etats ou la création de structures nationales ou impériales aussi nouvelles que la Russie soviétique ou la Yougoslavie. Plus tard, 1945 verrait la fin d'un monde mais celui qui viendrait après ne s'affirmerait que dans les années suivantes alors que 1917 voit en même temps s'effondrer celui d'hier et émerger celui de demain, c'est-à-dire le nôtre.

    Rédigé sous la forme d'une chronique au jour le jour embrassant tous les continents et tous les domaines, votre livre évoque des centaines d'événements. Quels sont les plus marquants ?

    Tout dépend de votre sensibilité personnelle. Selon que vous êtes un passionné de la chose militaire ou un pacifiste, un conservateur ou un progressiste, un cinéphile ou un sportif, un amateur d'art ou un féru d'exploits aériens, un observateur de la vie politique ou quelqu'un que les destins hors normes fascinent, vous retiendrez l'offensive alliée catastrophique du Chemin des Dames et la bataille d'Ypres ou le mouvement général des mutineries et la chanson de Craonne ; le retour au pouvoir de Clemenceau et de Churchill ou la création du système de délégués d'atelier, ancêtres des délégués du personnel, et les mobilisations des femmes en faveur de meilleurs droits sociaux et citoyens (il est d'ailleurs à noter que le Figaro, sous la plume d'Abel Hermant, n'était alors pas le dernier à militer en faveur du droit de vote et d'éligibilité de ces dames à l'Assemblée nationale…) ; le triomphe de Charlie Chaplin et la projection du premier film d'animation de l'Histoire (argentin!) ou la création de la coupe de France de football (avec quelques clubs ... anglais) ; le ballet « Parade » et les tableaux extraordinaires de Klee, Vallotton, Grosz, Matisse, Kandinsky et Léger ou la disparition tragique de Guynemer et les exploits du « baron rouge » Manfred von Richthofen ; le génie tactique de Lénine et de Trotski réalisant un coup d'Etat qui avait cent fois plus de chances d'échouer que de réussir ou les initiatives si audacieuses de Lawrence d'Arabie et de Gandhi.

    Vous dites que notre monde est le produit de cette année-là. Comment ?

    Prenez les quatre événements internationaux majeurs de 1917. Qui niera que les deux révolutions russes, l'intervention pour la première fois des Etats-Unis sur le sol européen, la déclaration Balfour et la déclaration de Corfou n'ont pas lourdement pesé sur l'histoire du monde au XXe siècle et ce, jusqu'à nos jours ? La chute des Romanov et surtout l'instauration du premier régime totalitaire de l'histoire ont bouleversé le destin de la planète entière, donnant naissance par réaction au fascisme et au nazisme et jetant des peuples entiers dans des chaos et des apocalypses dont on paie encore les conséquences - et pas seulement intellectuelles. En rompant avec leur isolationnisme traditionnel pour venir en aide aux démocraties occidentales et se mêler directement des affaires de l'Europe, les Américains ont inauguré leur leadership mondial et opté pour un statut de « gendarme du monde » qu'ils perpétuent au XXIe siècle - pour le meilleur, parfois ; pour le pire, souvent. En promettant aux Juifs un « foyer national » sur les décombres de l'empire ottoman dont d'autres Britanniques avaient promis les oripeaux aux tribus arabes, le secrétaire au Foreign Office lord Balfour a sans doute, de son côté, participé à la création d'une situation confuse et explosive au Proche-Orient qui n'a jamais semblé plus inextricable qu'aujourd'hui. Enfin, en choisissant d'oeuvrer à la destruction des vieux empires (Autriche-Hongrie et empire ottoman) dans lesquels il vivaient, Serbes Croates, Bosniaques et Slovènes ont opté pour un Etat artificiel commun qui allait s'avérer un tombeau de leurs illusions et un terrain d'horribles massacres dans les années 1940 et les années 1990.

    Ce qui frappe au cours de cette année, c'est aussi l'ampleur prise par le phénomène de mécanisation de la mort...

    Oui et c'est en cela que 1917 sonne véritablement le glas du « monde d'hier » décrit par Stefan Zweig ou Joseph Roth et annonce le XXe siècle, qui sera un temps de progrès, techniciste, rationaliste, déicide, hyperviolent. Naissent ou se développent sur terre, dans les airs et sous les mers, des engins de mort de plus en plus sophistiqués. Au prétexte d'économiser des vies humaines en substituant aux combattants des tanks, des sous-marins et des avions, on industrialise des techniques de tueries de masse. Le gaz moutarde fait son apparition dans les obus allemands. On prépare Auschwitz, Dresde et Hiroshima. N'est-ce pas d'ailleurs encore cette année-là que Ludendorff, numéro deux de l'armée allemande, imagine le concept de « guerre totale » voué à une certaine popularité un quart de siècle plus tard ? A se demander si Cocteau n'avait pas raison en affirmant que « le progrès est peut-être le développement d'une erreur »... Ne pas oublier aussi que moins de deux mois après la révolution d'octobre est mis sur pied la terrible police politique soviétique (la Tchéka) et élaborée, déjà, sous la forme d'un décret de Lénine visant à emprisonner et à envoyer aux travaux forcés « les saboteurs, les fonctionnaires en grève et les spéculateurs », l'idée même de goulag.

    Au milieu de ce contexte aussi brutal émergent pourtant de nombreux mouvements culturels...

    Les deux sont étroitement liés. C'est l'environnement de la guerre, de la brutalisation des êtres, de la mécanisation à outrance qui, justement, provoque cette incroyable effervescence culturelle en 1917. Les artistes se nourrissent de cette monstrueuse boue chaotique pour en faire de l'or pictural, littéraire ou musical. Le premier disque de jazz ne pouvait être enregistré qu'en 1917. Marcel Proust ne pouvait terminer son manuscrit d'« A l'ombre des jeunes filles en fleurs », futur Prix Goncourt, qu'en 1917. Pierre Drieu La Rochelle ne pouvait publier ses premiers poèmes, qui sont à la fois une ode à la force brute, un appel à l'amitié entre les peuples européens jetés dans une atroce « guerre civile » et un long soupir fataliste (bref du fascisme romantico-littéraire avant l'heure) qu'en 1917. Apollinaire ne pouvait inventer le terme de surréalisme qu'en 1917. Freud ne pouvait imaginer le concept du surmoi qu'en 1917. Malevitch ne pouvait peindre ses premiers « carrés blancs sur fond blanc » qu'en 1917.

    Dans votre livre, vous vous attardez aussi sur plusieurs figures qui vont faire le XXe siècle. Quel intérêt de raconter leur vie en 1917 ?

    Parce que 1917 a changé leur vie. Et parfois celle de leurs contemporains. Je pense par exemple à la création du premier centre anticancer par Marie Curie ou aux quatre équations du rayonnement gravitationnel établies par Einstein dans sa chambre glaciale de Berlin dont il ne sort quasiment plus. Quant aux grands leaders politiques du XXe siècle, tous ont vu leur destin s'accélérer cette année-là: convalescent après avoir été blessé au front, Mussolini bascule dans la conviction que les futurs anciens combattants formeront une communauté politique après-guerre et que son pays a besoin d'un homme « qui connaisse le peuple, soit son ami, le dirige et le domine, quitte à lui faire violence » ; Hitler, lui aussi blessé et convalescent, se forge son antisémitisme paranoïaque en constatant qu'il y a, à l'arrière, un « nombre élevé » de Juifs dans les bureaux qu'il met en parallèle avec « leur rareté sur le front » ; Mao Zedong publie son premier article dans une revue pékinoise où il élabore une doctrine visant à établir « un homme nouveau » et un « ordre nouveau » afin de lutter contre «les quatre démons du monde» que sont l'Eglise, l'Etat, le capitalisme et la monarchie ; De Gaulle, prisonnier en Allemagne, tente à plusieurs reprises de s'évader et se jure de plus jamais subir cette humiliation suprême pour un soldat qui est de ne pas pouvoir combattre ; Mac Arthur connaît ses premiers problèmes avec sa hiérarchie ; par son activisme, Gandhi arrache aux Britanniques la promesse de discussions sur une réforme du statut de l'Inde, etc.

    S'il fallait retenir une œuvre qui décrit le mieux 1917 ?

    « 1917: l'initiation d'un homme », de John Dos Passos, immense auteur américain trop souvent sous-évalué en raison de l'ombre de son contemporain et frère d'armes et de plume Ernest Hemingway. Et le tableau de Félix Vallotton que j'ai choisi pour la couverture de mon livre. Presque abstrait, d'un graphisme exceptionnel, il représente un champ de bataille noyé sous des faisceaux lumineux, dans des nuées de gaz, des incendies et des pluies diluviennes. On y voit une nature écrasée et… aucun être vivant. Comme si toute humanité avait été effacée de la surface de la Terre. Il annonce notre époque de plus en plus déshumanisée, où la machine et les robots semblent sur le point de triompher.

    « En rompant avec leur isolationnisme traditionnel pour venir en aide aux démocraties occidentales, les Américains ont inauguré leur leadership mondial et opté pour un statut de gendarme du monde »

    Jean Christophe Buisson est écrivain et directeur adjoint du Figaro Magazine. Il présente l'émission hebdomadaire Historiquement show4 et l'émission bimestrielle L'Histoire immédiate où il reçoit pendant plus d'une heure une grande figure intellectuelle française (Régis Debray, Pierre Manent, Jean-Pierre Le Goff, Marcel Gauchet, etc.). Il est également chroniqueur dans l'émission AcTualiTy sur France 2. Son dernier livre, 1917, l'année qui a changé le monde, vient de paraître aux éditions Perrin.

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    1917, l'année qui a changé le monde de Jean-Christophe Buisson, Perrin, 320 p. et une centaine d'illustrations, 24,90 €.

    Alexandre Devecchio

  • Histoire & Actualité • Gueniffey : « Robespierre incarne de façon chimiquement pure l'idée de la table rase »

     

    Par Guillaume Perrault

    Nous l'avons déjà évoqué, dans Lafautearousseau :  Danielle Simonnet, coordinatrice du Parti de gauche, a récemment formulé le vœu qu'une rue de Paris porte le nom de Maximilien de Robespierre. Mais qui était-il ? Dans un intéressant entretien donné à Figarovox [20.06], l'historien Patrice Gueniffey souligne, notamment, la responsabilité que le révolutionnaire porte dans la Terreur.  LFAR

     

    x510_img_3500.jpg.jpeg.pagespeed.ic.dn5Ku1hhqr.jpgQuelle place Robespierre occupe-t-il dans la mémoire républicaine ?

    Le consensus républicain sur la Révolution française, au début de la IIIe République, s'est fondé sur l'exclusion de Robespierre du Panthéon des grands hommes de la décennie 1789-1799. Cette interprétation, forgée par les Thermidoriens dès le lendemain de la chute de Robespierre, a été popularisée par les manuels scolaires canoniques (Lavisse, Malet et Isaac) de la Belle Epoque. La IIIe République acceptait tout de 1789 à la chute des Girondins (juin 1793), et triait dans la période qui commence en juin 1793. Elle acceptait Danton et Carnot, qui représentaient la défense nationale, et refusait Robespierre, qui incarnait la guerre civile et la Terreur. Par ailleurs, le culte de l'Etre suprême cher à l'Incorruptible était suspect aux yeux de ces anticléricaux. C'est à l'occasion du centenaire de la Révolution, en 1889, qu'est érigée la statue de Danton place de l'Odéon à Paris. Le représentant de cette sensibilité parmi les historiens de l'époque, c'est Alphonse Aulard.

    Pourtant, Clemenceau et Jaurès revendiquaient « l'Incorruptible » ?

    Oui, mais l'un était radical et l'autre socialiste, donc beaucoup plus à gauche que les « pères fondateurs » de la IIIe République (Jules Ferry, Jules Grévy, Jules Simon, etc.). Après eux, le PCF va batailler pour réintégrer Robespierre dans la mémoire glorieuse de la Révolution. L'historien Albert Mathiez est l'interprète de cette thèse à l'université. Il célèbre l'Incorruptible en raison même de la Terreur, instrument, à ses yeux, de l'égalité sociale projetée par Robespierre. Et il est vrai que celui-ci préconisait un impôt progressif sur le revenu, idée qui révulsait jusqu'aux Montagnards respectueux de la propriété privée.

    Les pétitionnaires qui demandent une rue Robespierre à Paris reprennent donc une revendication classique des communistes ?

    En effet, mais sans l'assumer. Le PCF, du temps de sa puissance, réclamait une rue Robespierre à Paris (il y en a, et même une station de métro, dans les anciens bastions communistes) en se fondant sur son action, laquelle incluait la Terreur. Aujourd'hui, leurs épigones demandent une rue Robespierre en alléguant qu'il n'était pour rien dans la Terreur. C'est le paradoxe: ces pétitionnaires rabaissent le rôle historique de l'Incorruptible afin de le défendre. Ils le rapetissent pour le rendre plus présentable. En somme, c'est une réhabilitation de la Terreur qui n'ose pas se revendiquer comme telle, avec des arguments sommaires. Une sorte de Nuit Debout appliquée à l'interprétation de la Révolution.

    Sur le fond, Robespierre était-il responsable de la Terreur ?

    Robespierre est l'un des responsables, parmi d'autres, de la Terreur qui a débuté en 1793. A l'époque, d'autres (Fouché, Tallien, Barras), envoyés en mission en province, sont beaucoup plus directement responsables de massacres. En revanche, Robespierre est le principal responsable de la Terreur pendant la période qui va de l'exécution de Danton en avril 1794 à sa propre chute en juillet. La loi du 22 Prairial (10 juin 1794), la plus terroriste de la Révolution, est son œuvre et inaugure la Grande Terreur. Elle supprime les rares garanties procédurales encore accordées aux accusés. Et le tribunal révolutionnaire n'a qu'une alternative: l'acquittement ou la mort. Dès lors, la guillotine fonctionne à une cadence exponentielle. Jusqu'alors, les partisans de la Terreur l'avaient justifiée par les circonstances exceptionnelles (la nécessité de punir les ennemis intérieurs et extérieurs). A partir de Prairial, et par la volonté directe de Robespierre, la Terreur devient consubstantielle à la Révolution. La Terreur n'a plus d'objectif précis ni de fin assignée. Son objectif est de paralyser toute opposition, mais elle multiplie aussi les adversaires de Robespierre, qui ont peur pour leur tête. C'est une période où il n'y a plus ni lois ni règles. Le seul enjeu, pour les conventionnels, c'était de rester en vie.

    Diriez-vous que la Grande Terreur a été une expérience proto-totalitaire ?

    Oui, cette période a vu l'invention du phénomène idéologique tel qu'on le verra ensuite dans d'autres révolutions. Du reste, Lénine s'en est inspiré pour élaborer sa théorie de la conquête du pouvoir et de la terreur comme instrument au service de la révolution. Pour que l'hécatombe se transforme en un massacre sans exemple dans l'histoire, il ne manquait rien: il y avait une idéologie, une rhétorique du bouc émissaire, la paranoïa révolutionnaire, le culte du chef (l'Incorruptible), des comités, des tribunaux d'exception, un système de surveillance et de délation généralisé. Il ne manquait qu'une chose: le parti. Les jacobins, malgré leurs efforts, n'ont jamais réussi à former un parti homogène et centralisé. Heureusement. Ce qui fait le grand intérêt de Robespierre, c'est précisément la responsabilité, en grande partie, de la Terreur. Il incarne, d'une façon presque «chimiquement» pure, l'idée moderne de la révolution et de la table rase. 

    Grand historien de la Révolution française et de l'Empire, Patrice Gueniffey, ancien élève de François Furet, est directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Parmi ses ouvrages qui ont le plus marqué figure « La Politique de la Terreur. Essai sur la violence révolutionnaire, 1789-1794 » (Fayard, 2000) . Son dernier livre, « Bonaparte » (Gallimard, 862 p., 30€), a reçu le grand prix de la biographie historique 2013.

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    Guillaume Perrault

    Lire aussi dans Lafautearousseau ...

    Jean Sévillia : « Au lieu de créer une rue Robespierre à Paris, débaptisons les autres »

  • Société • Comment Depardieu a donné une leçon d'histoire à Hollande et Valls

     

    Par Bruno Roger-Petit

    A la suite d'un entretien donné au Figaro par Gérard Depardieu - où il dénonce une élite politique, médiatique et culturelle sans « distinction » ni ambition - Bruno Roger-Petit a donné dans Challenge un article qu'un lecteur - et ami - nous a transmis. L'article date du 19.06.2015 mais n'a rien perdu de son actualité ni de son intérêt. Nous laissons à l'auteur la responsabilité de son coup de griffe assez inutile et d'ailleurs injustifié à Eric Zemmour. Quant à Depardieu, malgré ses folies récurrentes, il a joué les grands rôles, s'est frotté à la haute littérature, s'est passionné pour les meilleurs textes et pour les auteurs essentiels; il a, par lui-même, le goût de la grandeur, du panache et du style. Son mépris pour les élites d'aujourd'hui en découle naturellement. Dédié au président normalLFAR 

     

    2561423477402.jpgLes chemins de la désespérance mènent droit à la lucidité. Gérard Depardieu en administre un éclairant exemple, ce mardi 16 juin, dans un entretien publié par le Figaro. Depardieu n’est pas qu’un acteur énorme qui profite de son immense popularité pour multiplier les provocations. Il est bien plus que cela, pour qui veut bien aller au-delà des sentences que les médias qui le sollicitent s’empressent de populariser pour les besoins de leur renommée.

    Si ce que dit Depardieu pèse aux yeux de ses contemporains, c’est bien parce qu’il fait écho avec les préoccupations du temps. Depardieu n’est pas Guillaume Canet, consensuel et émollient, bien dans l’air du temps, surfant jusqu’à l’indécence sur la vague des bons sentiments et les Petits mouchoirs de l'époque en veillant bien à ne déranger personne. Depardieu est authentiquement français à raison de ce qu’il n’est pas gros, mais énorme. Depardieu est là pour déranger, bousculer, casser.

    On serait François Hollande et Manuel Valls, seuls et abandonnés par les forces vives d’un pays saisi par le déclinisme, gouvernants sans boussole en quête des moyens de raviver l’optimisme et l’espérance parmi les Français, on lirait et relirait Depardieu dans le Figaro. On y trouve en effet un diagnostic sur l’état de la société française à travers la représentation de ses élites, dans tous les domaines, d’une acuité exceptionnelle.

    « Le verbe était de haute volée »

    Depardieu éclaire le présent par le passé : « J’étais ami avec Michel Audiard, comme avec Jean Carmet, Jean Gabin… Le verbe était de haute volée. Ils avaient tout ce qui nous manque aujourd’hui. Pas de la distance, mais de la distinction. Maintenant, personne ne se distingue de rien, à commencer par les hommes politiques. Journalistes, acteurs pareil. On ne vit pas dans un monde où l’on peut se distinguer ».

    « La France s’ennuie », dit en substance Depardieu. Elle s’ennuie parce que dans tous les secteurs de la vie publique, politique, médiatique, artistique, elle ne produit plus rien qui ait pour ambition de se distinguer. Qu’on ne s’y trompe pas, Depardieu ne fait pas dans le « C’était mieux avant » à la Zemmour. Il n’est pas question pour lui de tomber dans l’engourdissement d’une nostalgie identitaire qui précède le tombeau. Non. Si Depardieu évoque ce que fut le cinéma d’avant, celui des Audiard, Gabin ou Carmet (il a oublié son copain Blier - ce génie - au passage) c’est pour regretter que de tels monstres aient disparu, et que ce phénomène est aussi, à travers le cinéma, le révélateur d’une France qui s’ennuie à l’image d’un cinéma où rien en distingue.

    Depardieu a raison. Le cinéma français a toujours été le reflet de la vitalité française. On a les films que l’époque mérite. Et les stars qui vont avec. Songeons à ce qu’est devenu, par exemple, le spectacle de la cérémonie des César. Les Morgan, Gabin, Noiret, Deneuve, Rochefort, Marielle, Léotard, Ventura, Coluche ou Depardieu des années 70/80 ont été remplacés par Manu Payet, Kev Adams et les anciennes Miss météos de Canal Plus. Le cinéma français n’est plus qu’une suite de téléfilms à sketchs, produits dérivés des amuseurs de Canal Plus, dont le dernier avatar, le film « Connasse » est l’emblème parfait. Jacques Audiard est un arbre qui cache la forêt du vide. Qui oserait aujourd’hui, produire un film comme le Corbeau de Clouzot, sur l’état de la société française ?

    Une France tout à la fois pépère et mémère

    Depardieu voit juste. Le cinéma français est le reflet d’une France sans héros à distinguer. Une France tout à la fois pépère et mémère. Une France normale. Une France désespérément normale. Or une France normale est une France qui s’endort. Une France de Bidochon. Sans ambition et sans dessein. De ce point de vue, François Hollande, qui a été élu en promettant de renoncer à toute distinction, en proclamant qu’il serait un « président normal », est bel et bien le pendant politique de ce qu’est le cinéma d’aujourd’hui. Depardieu a tout bon. Tout se tient. La France 2015 panthéonise les grandes figures du passé parce que ses contemporains ne se distinguent en rien. Et quand elle tient un Prix Nobel de littérature, la ministre de la Culture en charge avoue qu’elle ne l’a pas lu. Même ceux qui devraient être distingués ne le sont pas. Quel vertige...

    Sous Mitterrand, le cinéma célébrait Noiret, Rochefort et Marielle, Signoret, Deneuve et Baye. Sous Hollande, on célèbre Kev Adams, Manu Payet et Guillaume Canet, les Miss météo et la « Connasse » de Canal Plus.

    Sous Mitterrand, les ministres s’appelaient Mauroy, Joxe, Badinter, Defferre. Même un simple Secrétaire d’Etat pouvait se nommer Max Gallo. Sous Hollande, à trois ou quatre exceptions près, on ne connaît même plus les noms des ministres. Qui sait aujourd’hui le patronyme du Secrétaire d'État chargé du Commerce extérieur, de la Promotion du tourisme et des Français de l'étranger auprès du ministre des Affaires étrangères et du Développement international ?

    Une partie de l’élite française moque Depardieu. Depardieu, le monstre. Depardieu, le copain de Poutine. Depardieu, l’autodestructeur. Depardieu, Chronos dévorant ses enfants. Depardieu qui se vend à n’importe qui, n’importe où. On même vu, en son temps, un Premier ministre, empreint de la « normalité » de l’époque, accuser Depardieu de trahison. « Minable » avait dit le premier chef de gouvernement de l’ère Hollande lorsque Depardieu avait annoncé son exil volontaire pour la Belgique, avant de choisir, in fine, la Russie. Surtout condamner Depardieu et refuser de la comprendre. Casser le miroir qu’il nous tend, à l’insupportable reflet.

    Peut-on réveiller un peuple qui s’ennuie ?

    Une sphère non négligeable de l’élite politique, médiatique et artistique de l’époque se refuse à comprendre que Depardieu se donne à Poutine parce que la France le désespère. Poutine n’est pas un président normal. Poutine se distingue parce qu’il a de l’ambition pour son pays et son peuple. Depardieu choisit Poutine comme on lance un ultime appel au secours. Paradoxalement, c’est par patriotisme que Depardieu brandit l’étendard de Poutine. Pour réveiller un peuple en proie au déclinisme sur fond de mésestime de lui-même. Quand Depardieu proclame que « Les Français sont plus malheureux que les Russes », il constate une évidence que l'élite française persiste à nier.

    Depardieu pose la bonne question : peut-on réveiller un peuple qui s’ennuie, doute, avec une élite anesthésiante et conformiste ? Peut-on plaider pour le retour de l’optimisme et de l’ambition quand on se prétend président normal ? Ou se poser en Premier ministre avocat d’une réforme du collège qui promeut un enseignement de l’histoire qui ne distingue pas la France dans ce qu’elle emporte de plus exaltant auprès de jeunes consciences ?

    Depardieu sera-t-il enfin entendu ? Ecouté ? Lui-même en doute. On lui laissera le mot de la fin, tout en souhaitant qu’il se trompe : « Moi, je suis au-delà de la révolte. C’est fini ça. J’adorerais donner des coups à condition que j’en prenne. Je parle de vrais coups, qui font saigner. Pas de petites polémiques sur le fait que je ne veuille pas payer mes impôts. La masse est bête. Et ceux qui font la masse, c’est-à-dire les journalistes, encore plus bêtes ».  

  • LIVRES & HISTOIRE • Le Roi Siméon II de Bulgarie à Chantilly les 20 et 21 juin derniers

     

    A l’occasion de la sortie de son livre autobiographique « Un Destin Singulier », Sa Majesté le Roi Siméon II de Bulgarie, accompagné de la Reine Margarita a choisi de venir à Chantilly pour rappeler les liens qui unissent la France et son Pays. Chantilly est chère à son cœur, car c’est la ville de la Princesse Clémentine d’Orléans, son arrière-grand-mère, fille de Louis-Philippe, et donc sœur du Duc d’Aumale qui a légué ce magnifique Domaine de Chantilly à l’Institut de France, et dont Son Altesse l’Aga Khan préside la Fondation. 

    Après avoir été accueillis au Château pour une visite et une présentation de souvenirs familiaux, samedi, le Roi et la Reine se sont rendus dans le superbe cadre du Potager des Princes magnifiquement restauré par Yves Bienaimé. 

    Un public très nombreux et des personnalités parmi lesquelles le Comte et la Comtesse de Paris ont assisté aux activités préparées par les associations bulgares du « Club Chrétien Monarchique » et de l’association « Joie des Horizons », en liaison avec l’association cantilienne « Le Valois Monarchique ». 

    Le spectacle a débuté par la projection d’un film sur la Princesse Clémentine, puis s’est poursuivi par un concert de musiciens et de jeunes choristes, et s’est terminé par une exposition de tableaux d’enfants bulgares. 

    Dimanche, le Roi Siméon et la Reine Margarita ont assisté à la messe de l’église de Chantilly, avant de se rendre aux célèbres « Grandes Ecuries » pour le spectacle équestre « Kavallisté ». 

    La journée s’est terminée au Potager des Princes où un public à nouveau très nombreux s’était réuni pour entendre le Roi Siméon donner sa conférence sur son « Destin Singulier », et dédicacer ses livres, avant de recevoir à l’Hôtel de Ville la médaille de la ville des mains du député-maire, Eric Woerth. 

    Le Roi Siméon II de Bulgarie 

    Enfant, le Roi Siméon II de Bulgarie a régné pendant quelques années, à la suite de la mort mystérieuse de son père, avant de connaître un long exil à Madrid, pendant lequel il a vécu les grands bouleversements de l’Europe: monarchie, nazisme, communisme, et « chute du Mur » côtoyant et se liant d’amitié avec de grands dirigeants : Juan Carlos, Hassan II ou Hussein de Jordanie, l’empereur d’Ethiopie, ou le Shah d’Iran. 

    Ce qui singularise le Roi Siméon, c’est d’être toujours resté au cœur de l’action : homme d’affaire avisé, il a toujours voulu rester dans le monde du « possible » ; il a accepté d’être le premier ministre de son Pays, quelques années après l’accueil triomphal des Bulgares en1996 ; et il a essayé de le redresser par une politique axée sur le Bien Commun, avec une volonté de réduire les divisions et de recomposer au-delà des partis une unité nationale, tout en l’ancrant à l’Occident. 

    Retiré de la politique, il vit en Bulgarie où l’on vient souvent prendre des conseils auprès de lui. 

     

    La Restauration Nationale

     

  • Langue française • Les élites françaises aiment-elles encore la langue de Molière ? Par Mathieu Bock-Côté*

    Figure de la vie intellectuelle québécoise, Matthieu Bock-Côté exprime ici cette angoisse existentielle, cet esprit de résistance, cette redécouverte de la cause de la diversité des peuples, qui animent de plus en plus d'esprits face à la mondialisation se présentant comme une homogénéisation de la planète. Nous le rejoignons lorsqu'il affirme que l'avenir de la langue française serait dangereusement compromis si elle s'arrachait à sa littérature. Lafautearousseau 

    Selon qu'il vienne du Québec ou de la France, l'éloge de la langue française n'a pas la même tonalité. Dans le premier cas, on célèbre et chante une langue fragile mais têtue, qui a survécu aux différentes tentatives pour l'effacer du continent nord-américain. Longtemps, les Québécois qui passaient par la France étaient émerveillés d'y voir une langue de pouvoir, nommant l'ensemble de la réalité. Dans l'autre, on célèbre le génie d'une langue à l'esprit universel, celle des écrivains et moralistes qui ont cartographié exceptionnellement au fil du temps les passions humaines en frappant des maximes de génie. Ces deux perspectives pourraient se féconder aujourd'hui.

    Car chanter la langue française, désormais, consiste d'abord à célébrer une langue qui a été déclassée par l'anglais, apparemment seul idiome possible de la modernité. Les Québécois ont une longue expérience de cette résistance et portent à leur manière la cause des petites nations qui, devant le rouleau compresseur des empires, continuent d'avoir leur propre point de vue sur le monde. C'est ce qui avait poussé Alain Finkielkraut, dans L'Ingratitude, à dire qu'aujourd'hui, « nous sommes tous des Québécois ». Chaque nation sait aujourd'hui qu'elle peut se dissoudre et découvre une angoisse existentielle que seuls les sots traduiront dans le registre de la phobie.

    Mais devant l'hégémonie anglophone, la France n'est pas n'importe quel pays. Quand les blocs s'affrontaient pendant la guerre froide, le général de Gaulle, sans renier l'attachement de la France au camp occidental, rappelait l'existence des peuples et leur souci d'indépendance. En 2003, au moment de la guerre d'Irak, c'est l'opposition de la France à l'entreprise américaine qui a sauvé l'honneur des démocraties occidentales. La France représente encore quelque chose de plus que la France dans le monde. C'est ce que le politologue québécois Christian Dufour a nommé « la résistance du numéro deux ». La France est peut-être seule capable d'inscrire la cause de la diversité des peuples au cœur de la vie internationale.

    Surtout, la langue française, dans le monde occidental, par son prestige de civilisation et par la puissance politique qui pourrait encore être la sienne, en est venue à incarner le point de ralliement contre la domination de l'anglosphère. La langue française passe encore pour la grande langue de la culture. Il n'y a que la France et la francophonie qui peuvent faire de l'exception culturelle un projet politique à part entière. Encore faudrait-il qu'elle reconnaisse dans la francophonie davantage qu'une dimension tout à fait périphérique de sa politique étrangère et qu'elle ne se conçoive pas comme une province parmi d'autres de l'empire européen.

    Une langue meurt lorsqu'elle ne parvient plus à traduire une nouvelle époque dans ses propres mots et lorsqu'elle emprunte systématiquement à une autre langue les termes pour nommer les réalités nouvelles. Il y a dans l'anglomanie qui a gagné la France depuis quelques années un zèle autodépréciateur inquiétant, comme si elle croyait que le vocabulaire de la mondialisation était nécessairement anglophone, qu'on évoque l'économie financière ou des nouvelles technologies. Start up, business, fashion week, lifestyle, smartphone, on pourrait aligner longtemps les mots servant à donner un cachet mondialisé à ceux qui entendent conquérir les marchés.

    On se moque volontiers des Québécois qui maltraitent plus souvent qu'ils ne le devraient le français, tout en cherchant à l'imposer dans tous les domaines de l'existence. Ils sont pourtant fidèles ici à une exigence fondamentale: aucun domaine de l'existence ne saurait se soustraire à la langue française, qui peut tout nommer, tout traduire. Aucun État ne peut faire l'économie d'une politique linguistique à part entière, à moins de consentir à la provincialisation de sa langue, qui sera encore parlée dans les bourgades, mais qui renoncera à peser sur les affaires du monde.

    Les modernes s'enthousiasment à l'idée de s'angliciser comme s'ils rejoignaient ainsi le petit club sélect des individus mondialisés, qui se croient capables de passer d'un pays à l'autre. D'autant qu'ils feront tout pour effacer l'originalité de chacun, la mondialisation se présentant comme une homogénéisation de la planète selon les exigences d'une culture globale. Inévitablement, ceux qui n'entrent pas dans le moule se font accuser de complaisance réactionnaire.

    Mais on ne saurait défendre une langue sans célébrer son génie. Et c'est ici que l'éloge de la langue française se confond avec celui de la littérature française. Qui s'y plonge s'éduque. Encore doit-on y voir non pas seulement une série de fables amusantes pour distraire l'esprit mais bien une part vitale du patrimoine de l'humanité. Encore doit-on aussi la parler dans sa richesse et la sortir de la gaine étouffante de la langue des communicants. On n'en sort pas : une langue qui s'arrache à sa littérature se suicide. 

     

    * Mathieu Bock-Côté est sociologue. Il est chargé de cours à HEC Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal ainsi qu'à la radio de Radio-Canada. Il est l'auteur de plusieurs livres, parmi lesquels « Exercices politiques » (VLB, 2013), « Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois » (Boréal, 2012) et «L a dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire » (Boréal, 2007).

    FigaroVox

  • GRANDS TEXTES (43) : ”Pour la première fois dans l'histoire du monde l'argent est seul devant Dieu”, par Charles Péguy

    (Portrait de Charles Peguy, par Jean-Pierre Laurens, Musee des Beaux-Arts, Chartres)

    Voici un court passage de Charles Péguy : "Pour la première fois dans l'histoire du monde l'argent est seul devant Dieu"

    Un texte où Péguy, venu du radical-socialisme ("Ce Péguy...", disait Bainville) rencontre Maurras, le Maurras de L'Avenir de l'Intelligence, cet "immense petit livre" dont parle Boutang.

    Péguy, au soir de sa vie, jeune encore (né en 1873, il est mort pour la France en 1914, il avait 41 ans...) a constaté ce que Maurras avait expliqué, et dont il avait, si l'on peut dire, démonté le mécanisme...

    Les deux hommes ne se sont jamais rencontrés, physiquement. Ils n'ont jamais dialogué ensemble. On peut le regretter, l'histoire ne l'a pas voulu.

    Mais, force est de constater qu'ils se sont bien rencontrés, intellectuellement s'entend, sur ce constat terrible et fondamental : l'Argent est devenu Roi, et nous sommes dans "l'âge de fer" qu'avait annoncé Maurras, qu'a constaté Péguy...

    "...Je l’ai dit depuis longtemps. Il y a le monde moderne. Le monde moderne a fait à l’humanité des conditions telles, si entièrement et si absolument nouvelles, que tout ce que nous savons par l’histoire, tout ce que nous avons appris des humanités précédentes ne peut aucunement nous servir, ne peut pas nous faire avancer dans la connaissance du monde où nous vivons. Il n’y a pas de précédents.

    Pour la première fois dans l’histoire du monde les puissances spirituelles ont été toutes ensemble refoulées non point par les puissances matérielles mais par une seule puissance matérielle qui est la puissance de l’argent. Et pour être juste, il faut même dire : Pour la première fois dans l’histoire du monde toutes les puissances spirituelles ensemble et du même mouvement et toutes les autres puissances matérielles ensemble et d’un même mouvement qui est le même ont été refoulées par une seule puissance matérielle qui est la puissance de l’argent.

    Pour la première fois dans l’histoire du monde toutes les puissances spirituelles ensemble et toutes les autres puissances matérielles ensemble et d’un seul mouvement et d’un même mouvement ont reculé sur la face de la terre. Et comme une immense ligne elles ont reculé sur toute la ligne. Et pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est maître sans limitation ni mesure. Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est seul en face de l’esprit. (Et même il est seul en face des autres matières.)

    Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est seul devant Dieu.

    Il a ramassé en lui tout ce qu’il y avait de vénéneux dans le temporel, et à présent c’est fait. Par on ne sait quelle effrayante aventure, par on ne sait quelle aberration de mécanisme, par un décalage, par un dérèglement, par un monstrueux affolement de la mécanique ce qui ne devait servir qu’à l’échange a complètement envahi la valeur à échanger.

    Il ne faut donc pas dire seulement que dans le monde moderne l’échelle des valeurs a été bouleversée. Il faut dire qu’elle a été anéantie, puisque l’appareil de mesure et d’échange et d’évaluation a envahi toute la valeur qu’il devait servir à mesurer, échanger, évaluer.

    L’instrument est devenu la matière et l’objet et le monde.

    C’est un cataclysme aussi nouveau, c’est un événement aussi monstrueux, c’est un phénomène aussi frauduleux que si le calendrier se mettait à être l’année elle-même, l’année réelle, (et c’est bien un peu ce qui arrive dans l’histoire); et si l’horloge se mettait à être le temps; et si le mètre avec ses centimètres se mettait à être le monde mesuré; et si le nombre avec son arithmétique se mettait à être le monde compté.

    De là est venue cette immense prostitution du monde moderne. Elle ne vient pas de la luxure. Elle n’en est pas digne. Elle vient de l’argent. Elle vient de cette universelle interchangeabilité.

    Et notamment de cette avarice et de cette vénalité que nous avons vu qui étaient deux cas particuliers, (et peut-être et souvent le même), de cette universelle interchangeabilité.

    Le monde moderne n’est pas universellement prostitutionnel par luxure. Il en est bien incapable. Il est universellement prostitutionnel parce qu’il est universellement interchangeable.

    Il ne s’est pas procuré de la bassesse et de la turpitude avec son argent. Mais parce qu’il avait tout réduit en argent, il s’est trouvé que tout était bassesse et turpitude.

    Je parlerai un langage grossier. Je dirai : Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est le maître du curé comme il est le maître du philosophe. Il est le maître du pasteur comme il est le maître du rabbin. Et il est le maître du poète comme il est le maître du statuaire et du peintre.

    Le monde moderne a créé une situation nouvelle, nova ab integro. L’argent est le maître de l’homme d’Etat comme il est le maître de l’homme d’affaires. Et il est le maître du magistrat comme il est le maître du simple citoyen. Et il est le maître de l’Etat comme il est le maître de l’école. Et il est le maître du public comme il est le maître du privé.

    Et il est le maître de la justice plus profondément qu’il n’était le maître de l’iniquité. Et il est le maître de la vertu plus profondément qu’il n’était le maître du vice.

    Il est le maître de la morale plus profondément qu’il n’était le maître des immoralités..." 

     

    Charles Péguy, "Note conjointe sur M. Descartes", 1914, Editions Gallimard, Collection La Pléiade, Œuvres en prose complètes, tome III, pages 1455-1457

     

     

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    "GRANDS TEXTES"...

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  • Franck Ferrand: «L’ignorance de l’histoire est le terreau sur lequel progresse la cancel culture», par Victor Rouart.

    Franck Ferrand. François BOUCHON/Le Figaro

    À l’occasion de la parution de son nouveau livre, «Portraits et destins» (Perrin), Franck Ferrand invite à ne pas porter un regard anachronique et moralisateur sur le passé et appelle à célébrer l’héritage que nous avons reçu.

    FIGAROVOX.-Dans votre nouveau livre, «Portraits et destins», vous racontez vingt histoires, de la bataille de Salamine aux premiers pas de l’homme sur la Lune. Existe-t-il un lien entre ces épisodes?

    Franck FERRAND.-Ce qui les relie les uns aux autres se trouve moins dans les sujets que dans la façon de les envisager et de les traiter. Tous ces moments d’histoire, je les ai d’abord écrits pour le magazine Historia, avec la double ambition d’instruire et de distraire.

    Enfant, c’est de la lecture ce magazine que s’est nourrie ma passion pour l’évocation du passé, à l’école de maîtres comme Decaux et Castelot, bien sûr, mais aussi Erlanger, G. Lenotre ou le duc de Castries... Tous étaient attentifs, avant tout, à maintenir et soutenir l’attention du lecteur, mais sans rien concéder à l’exactitude et à la clarté.

    Chaque évocation, par ailleurs, se devait de tendre vers une forme de synthèse, tout au moins vers un archétype... Plus j’avance dans ce métier et dans la vie, plus je me dis qu’il n’existe pas de meilleure école.

     

    En rappelant l’extraordinaire envergure du personnage de Colbert, l’on comprend l’aberration que pourrait constituer le fait de « déboulonner sa statue ». 

     

    Vous racontez notamment l’épopée d’Alexandre de Macédoine qui fut en quelque sorte la première figure du conquérant victorieux. Pour reprendre votre terme, à quel archétype son parcours se résumerait-il?

    La vie du grand Alexandre a été, de diverses façons, vouée à la notion de dépassement. C’est ce qu’il y a, au fond, de fort peu grec chez ce Macédonien. L’influence de sa mère Olympias, sans doute… Son ambition ne connaît pas de limite, jusqu’à l’hybris des dernières années. Certains préféreront peut-être retenir son rêve de synthèse Orient-Occident, rêve avorté de son vivant, et jamais abouti nulle part, depuis. Alexandre n’en reste pas moins un personnage fascinant, très agréable à ressusciter.

    Vous avez montré, dans de précédents ouvrages, que la controverse vous effrayait peu. Votre portrait de Colbert est-il une réponse à ceux qui voudraient le réduire au Code Noir, et en profiter pour déboulonner sa statue?

    Il me semble que l’ignorance est le terreau sur lequel peut prospérer cette cancel culture qui nous vient d’outre-Atlantique. Pour ce qui est du Code Noir, il suffirait ainsi de le remettre dans son contexte pour comprendre qu’en ce temps-là, et quelles qu’aient pu être les horreurs de la Traite négrière, il marquait plutôt un progrès dans la manière de considérer les esclaves. Plus généralement, en rappelant l’extraordinaire envergure du personnage de Colbert, au regard de son activité presque surhumaine, par le recensement aussi de tout ce que lui doit une France alors à son apogée, l’on comprend l’aberration que pourrait constituer le fait de «déboulonner sa statue». Mais peut-être est-il plus facile, et plus productif pour certains, de s’en tenir à la surface, à la légende…

    En 2021, nous devrions fêter le bicentenaire de la mort de Napoléon, mais là aussi, des polémiques apparaissent. Aujourd’hui, est-il si difficile de resituer un personnage historique dans le contexte de son temps, et d’essayer comprendre son action, autrement qu’à l’aune de nos concepts moraux actuels?

    Vous avez identifié le problème. C’est ce que les historiens appellent la téléologie: une faute de méthodologie, pour ne pas dire de simple logique, consistant à envisager un événement à la lumière de ses suites. De là à porter sur telle ou telle figure de l’Histoire un jugement motivé par des valeurs anachroniques, il n’y a qu’un pas, vite et bien franchi…

     

    J’ose espérer que les célébrations du Bicentenaire de la mort de Napoléon, déjà grevées par le contexte sanitaire, seront quoi qu’il en soit à la hauteur du personnage. 

     

    Comme dans le cas de Colbert que l’on voudrait réduire au Code Noir, certaines associations aimeraient anéantir l’ensemble de l’immense héritage napoléonien, au prétexte que Bonaparte a formellement rétabli l’esclavage...J’ose espérer que les instances officielles sauront déjouer le piège, et que les célébrations du Bicentenaire, déjà grevées par le contexte sanitaire, seront quoi qu’il en soit à la hauteur du personnage. Disons que nous allons avoir sous les yeux un test des plus significatifs.

    Souvent, une évocation historique est pour vous l’occasion de redresser une idée fausse ou que, en tout cas, vous considérez comme telle. Dans ce livre, vous tentez ainsi de rendre justice au malheureux président Deschanel…

    Si toutes ces années de pratique m’ont appris une chose, c’est que les réputations historiques doivent souvent moins à la réalité qu’aux jugements portés par les chroniqueurs et par les biographes d’autrefois. Par exemple, le fondateur de la dynastie carolingienne, Pépin le Bref, a plus de mérites, à tout prendre, que son fils Charlemagne. Pourquoi dès lors ne parle-t-on, toujours et partout, que du second? Parce que Charles s’était assuré les services d’un talentueux hagiographe, Éginhard, précaution que Pépin, son père, avait négligée…

     

    Les réputations historiques doivent souvent moins à la réalité qu’aux jugements portés par les chroniqueurs et par les biographes d’autrefois

     

    Dans le cas du président Paul Deschanel, victime à l’Élysée de ce que nous appellerions un burn out, et tombé du train présidentiel sous l’effet, probablement, d’un syndrome d’Elpénor, les échotiers et les chansonniers de 1920 l’ont fait entrer dans les annales sous les traits d’un fou, d’un paltoquet ridicule ; cela vous paraîtra suspect, si l’on vous rappelle qu’il avait eu le mauvais goût de voler l’élection présidentielle à un certain Georges Clemenceau, le Père-la-Victoire…

    La France est attachée à la figure de «l’homme providentiel», qu’on parle, justement, de Clemenceau ou bien du général de Gaulle... Les Français d’aujourd’hui attendent-ils l’homme providentiel?

    Oui, je pense qu’ils attendent cet homme d’exception… ou cette femme! Ce qui nous ramène à Jeanne d’Arc, comme souvent… Dans mon précédent ouvrage, L’année de Jeanne, j’imaginais précisément qu’en 2022-2023, nous arrivait, non des «marches du royaume», mais des confins de la République, la Nouvelle-Calédonie en l’occurrence, une jeune fille de grande lucidité, appelée à sauver le pays…

    Dans la réalité, cette figure n’a pas encore émergé ; mais je veux croire qu’elle finira par le faire, tant le génie français - je crois beaucoup au génie propre des peuples - est attaché au mythe de l’homme providentiel.

     

    Conteur d’histoire, écrivain et conférencier au public fervent, Franck Ferrand peut être écouté chaque matin sur Radio Classique de 9h à 9h30 dans «Frank Ferrand raconte». Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont le Dictionnaire amoureux de Versailles (Plon, 2013), et publie portraits et destins (Éditions Perrin, mars 2021, 300 p. 17€).

    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/