« Z » comme Zemmour : C'est au tour de Maxime Tandonnet de lancer un rappel à l'ordre aux journalistes ...
Nous ne sommes pas nécessairement en tous points d'accord avec Maxime Tandonnet (haut fonctionnaire, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République). En particulier, nous ne croyons pas que le rôle d'Eric Zemmour puisse être réduit à « l'expression dans les médias de cette sensibilité ou souffrance populaire, nostalgie de la France d'autrefois ». Souffrance et nostalgie ... Maxime Tandonnet ne cède-t-il pas à la facilité et à la simplification, sans compter un rien de condescendance ? Néanmoins sa défense justifiée d'Eric Zemmour et son rappel à l'ordre aux journalistes, parus dans FigaroVox, nous paraissent particulièrement bienvenus. Et donc à saluer ! Lafautearousseau
« Je regrette d'avoir donné la parole à Éric Zemmour pendant 5 ans, je me rends compte que j'ai banalisé ses idées » a déclaré Laurent Ruquier, à propos de l'émission On n'est pas couché de France 2. Ce remord tardif ne manque pas de surprendre. Eric Zemmour a été en effet pendant cinq ans l'un des piliers de cette émission, avec son ami Naulleau. L'un exprimait le point de vue de droite et l'autre celui de gauche. Tous deux jouaient, avec beaucoup de talent et de complémentarité, un rôle de provocation à l'égard des invités politiques. Cette émission leur doit beaucoup de son succès. Laurent Ruquier donne ainsi le sentiment de renier son ancien compagnon d'émission, sous la pression du politiquement correct. La repentance qu'il exprime, plusieurs années après, est particulièrement ambigüe. Ainsi, pendant cinq ans, Eric Zemmour aurait proféré des propos inadmissibles, sans que l'animateur n'en ait eu conscience. Il ne s'en rend compte qu'aujourd'hui, soudain, des années après... Ce lynchage rétrospectif, sans précédent, souligne la puissance du conformisme qui pèse aujourd'hui sur le monde médiatique et politique.
Ce conformisme procède d'une certaine forme de déni de la réalité qui caractérise la France politique et médiatique, la France dite « d'en haut ». En effet, une atmosphère particulièrement lourde pèse en ce moment sur notre pays dans sa profondeur, que nul ne veut voir. Un sondage récent, des plus sérieux (CEVIPOF janvier 2015), montre que l'état d'esprit des Français est à la méfiance (32%), à la morosité (32%), à la lassitude (29%). 61% pensent que la démocratie ne fonctionne pas bien. 59% n'ont confiance ni en la gauche ni en la droite. 76% ressentent envers la politique soit du mépris, soit de la méfiance, soit de l'ennui. 85% pensent que les dirigeants politiques ne tiennent pas comptent de ce que « pensent les gens comme eux ». 82% sont fiers d'être français et 68% se sentent Français seulement ou plus Français qu'Européens. Enfin 50% pensent que la France doit se protéger du monde et 18% s'ouvrir davantage.
Or, Eric Zemmour n'y est strictement pour rien. Il n'est pas responsable des 5,5 millions de chômeurs, de l'inquiétude qu'inspirent le communautarisme, le jihadisme et le terrorisme; de la ghettoïsation des banlieues; des paroles de mépris ou comportements scandaleux de certains dirigeants politiques, en particulier depuis quatre ou cinq ans, qui ont tant révulsé la France. Les propos du journaliste, dans leur ensemble (pas tous), reflètent sans aucun doute une sensibilité qui est forte dans l'opinion, bien au-delà de toute considération partisane, une nostalgie du passé, un malaise réel et largement répandu. Il exprime un malaise mais il n'en est évidemment pas la source, l'origine. Lui faire porter le chapeau des angoisses et de la morosité ambiante, le tenir pour responsable de la montée, en réaction, du sentiment national - au point de le chasser rétroactivement d'une émission de télévision qui lui doit tant - est une attitude qui relève à l'évidence de la quête du bouc émissaire.
Eric Zemmour n'est pas non plus responsable de la poussée lepéniste dans les sondages et les élections locales. Les seuls vrais responsables en sont les dirigeants politiques qui ont donné le sentiment aux Français de les abandonner comme le souligne l'enquête de CEVIPOF, et pire, bien souvent, de les mépriser. Nous assistons d'ailleurs à un gigantesque matraquage en faveur du courant lepéniste, une obsession qui s'est emparée du discours politique - à droite, à gauche, on ne parle plus que de lui -, des émissions de télévision et de radio. Accuser Eric Zemmour d'en faire la promotion, dans un contexte où toute la France médiatique assure cette promotion en permanence, revient là aussi à traiter le journaliste en coupable idéal.
La vraie question posée est celle de l'expression dans les médias de cette sensibilité ou souffrance populaire, nostalgie de la France d'autrefois, qu'exprime, à sa manière Eric Zemmour. La télévision doit-elle être aseptisée, purifiée, apurée de toute parole ou vision discordante ? Doit-elle se contenter de relayer un discours officiel: tout ne va pas si mal dans la France socialiste; l'insécurité, l'immigration, l'exclusion massive des jeunes, les zones de non droit et les ghettos des banlieues, sont pour l'essentiel des vues de l'esprit, voire divagations populistes. Le droit de s'exprimer à la télévision et à la radio doit-il, à l'avenir, bénéficier avant tout aux tenants de l'idéologie dominante - et à quelques épouvantails en guise de repoussoir ? La télévision et la radio doivent-ils être des instruments de propagande, de formatage des esprits, ou bien une source d'information, respectueuse de la pluralité des opinions, de tous les points de vue, incluant la sensibilité de la France populaire ?
Il existe un principe simple qui a été totalement négligé et ignoré: la neutralité qui s'attache à tout service public, organisme bénéficiant de subventions publiques, financé par les contribuables quelles que soient leurs opinions. Faut-il le rappeler ? Le service public de l'audiovisuel, ses animateurs et journalistes, ont en principe un devoir d'impartialité et d'égale ouverture à toutes les opinions tant qu'elles restent dans les limites de la légalité. Les médias font partie des trois institutions dans lesquelles les Français ont le moins confiance (30%), juste devant les syndicats et les partis politiques, d'après le sondage CEVIPOF. Il est temps que les médias balayent devant leur porte plutôt que de se donner des boucs émissaires. •
Maxime Tandonnet est l'auteur de nombreux ouvrages, dont Au coeur du volcan, Flammarion 2014. Il tient un blog.