Rousseau ou la victoire de la féminité toxique, par Laurence Simon.
Sandrine Rousseau, septembre 2021. Le 28 septembre, son adversaire Yannick Jadot obtient 51,03 % des voix au second tour de la primaire écologiste face à elle. Il sera le candidat des écologistes pour l’élection présidentielle 2022. © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage : 01039152_000019
Déconstruire, dit-elle
Mince: seulement 49% d’ultra-dingos parmi les dingos! Ce mardi soir, la radicale Sandrine Rousseau a été battue sur le fil par Yannick Jadot au deuxième tour de la primaire EELV. Mais, pendant la campagne, Rousseau est parvenue à imposer l’écoféminisme dans le débat. Quand elle confie que son homme est “déconstruit”, elle nous dit qu’elle souhaite l’avènement d’un homme en pièces détachées. Analyse.
Ainsi donc Sandrine Rousseau nous a dit son bonheur de vivre avec un homme déconstruit.
L’interprétation la plus naïve ou la plus favorable verra là l’idée d’un homme qui, ayant fait l’analyse sans concession des préjugés que ses ignobles ancêtres avaient insidieusement versés en lui, ayant déjoué et neutralisé tout obscur désir de domination virile sur les femmes, n’a plus aucune illusion sur la société ni sur lui-même et se meut désormais dans la vie, dégagé de tous les vices du passé, pur et rayonnant de toutes les vertus contemporaines. C’est le nouvel Homme Nouveau.
Une déclaration et ses implications
Et c’est pourquoi Sandrine Rousseau n’a pas dit tout simplement que son mari est un homme qui respecte les femmes. Il s’agit de bien plus que cela, et seul le participe “déconstruit” pouvait rendre toute cette richesse d’implications. Seulement, pour un esprit sensible et tant soit peu imaginatif, ce même participe évoque la fâcheuse image d’un homme en pièces détachées.
Déconstruire n’est pas détruire, ni analyser. Lorsqu’on détruit, on fait disparaître, et c’est un peu ennuyeux de n’avoir plus rien avec quoi jouer. Quant à l’analyse, c’est une opération plus abstraite, qui doit permettre de comprendre et de caractériser les parties qui entrent dans la composition du tout. Mais déconstruire ! C’est défaire, c’est décomposer non seulement pour comprendre mais bien pour neutraliser. Et ce qui est neutralisé, on l’a à sa main. On peut le ranger dans un tiroir, ou le faire servir à quoi bon vous semble. Déconstruire n’est pas une démarche intellectuelle, mais une offensive morale et psychologique, qui permet à celui qui la mène de prendre le pouvoir, sans merci.
Partout, des dominants et des dominés
Tout cela est bel et bon, mais Monsieur Rousseau jouit-il de l’immense bonheur de vivre avec une femme déconstruite ? Sans doute la gent masculine est-elle habitée par de honteux désirs de domination qu’il convient de débusquer et d’anéantir ; mais les femmes ? Ne sont-elles que blanches colombes ou gentilles petites oies ? Certaines compagnes ne sont-elles pas de petits caporaux menant leur homme à la baguette ? Des cheftaines qui harcèlent leurs sous-fifres ? Des mères abusives et toxiques, des amantes perverses ou narcissiques, des Dominas cruelles, des empoisonneuses ? D’impitoyables carriéristes, des présidentes hautaines, avides et sans âme ?
Pourquoi sommer les mâles blancs de se déconstruire, et pas les femelles ? Serions-nous si différents, quand on nous affirme en même temps que nous sommes si interchangeables ? Quel aveuglement de croire que les abus de pouvoir ont un sexe et une couleur ! Et comme ces métaphores, “homme déconstruit”, “masculinité toxique”, “mâle blanc”, qui réifient ou animalisent l’être humain, signalent l’innocence et le sens du respect de l’autre chez “celles et ceux” qui les emploient !
Ces vertueux déconstructeurs, qui n’ont de cesse de stigmatiser le désir de domination chez les autres, ont choisi une clé unique d’interprétation du monde humain qui les a précédés. Il semble que pour eux, il n’existe aucun motif d’action hormis les jeux de pouvoir. Ils devraient se demander si ce n’est pas qu’eux-mêmes sont essentiellement mus par ce désir, puisqu’ils ne peuvent en imaginer d’autres. Quant aux vieilleries courtoises, ils les méprisent ou les ignorent. Il ne faut pas se demander pourquoi.