Afghanistan : la déroute des démocraties. (III), par Christian Vanneste.
La défaite des Etats-Unis face aux Talibans a deux aspects : le retour des Talibans au pouvoir en Afghanistan et l’onde de choc qui pourra se propager sous trois formes, d’abord l’islamisme écrasé sous le drapeau de l’Etat islamique pourra inciter ses différentes expressions à reprendre l’offensive ;
ensuite, les Etats non-démocratiques se trouveront confortés aussi bien à l’intérieur que sur la scène internationale ; enfin, l’idéal démocratique lui-même sera profondément affaibli.
En Afghanistan, les actions entreprises grâce aux Occidentaux sur le plan social, scolaire et sanitaire, verront leurs effets anéantis. Il faut être naïf pour imaginer que les Talibans tiendront leurs promesses. Les filles ne seront plus scolarisées, seront mariées arbitrairement à un âge précoce. Les moeurs cruelles des Pashtouns légitimées par la lecture la plus rigoureuse du coran et des hadiths, selon le sunnisme “deobandi” des écoles coraniques pakistanaises où ont été formés les Talibans, régneront jusque dans les villes qui s’en étaient libérées. L’islamisme vainqueur à Kaboul, c’est “les talibans plus internet”, comme le communisme de Lénine, c’était “les soviets plus l’électricité”. Cette possibilité d’un total décalage entre le progrès technique importé et l’archaïsme social est l’un des enseignements de l’islamisme. On voit mal en raison de l’absence d’informations précises sur l’ensemble de ce pays, que l’aveuglement des services de renseignement américains vient de confirmer, ce qui empêcherait les Talibans de se livrer à des exécutions sommaires, à des tortures, au massacre de tout ce qui aura si peu que ce soit collaboré avec les Occidentaux ou seulement adopté un aspect de leur mode de vie. Mais cette complicité de fait entre l’Amérique et les assassins de ceux, qui avaient eu le grand tort de faire confiance à Washington, n’est pas nouvelle : les partisans du Shah en Iran, les Cambodgiens victimes des Khmers rouges, les Viet-Namiens anticommunistes, les Cubains anticastristes en avaient fait l’amère expérience. Seul le chantage pratiqué par le nouveau pouvoir pourra atténuer le mal : aidez-nous si vous ne voulez pas que nous soyons plus terribles encore. Les Etats musulmans alliés des USA exerceront sans doute des pressions toutes relatives pour éviter notamment l’installation de bases terroristes, mais ce n’est pas gagné.
L’onde de choc internationale sera considérable. Des militants islamistes auront vaincu quarante nations menées par la première puissance mondiale. De quoi soulever l’espérance et propager la conversion des uns, le fanatisme des autres depuis l’Afrique jusque dans les quartiers où bouillonne la haine de la France en particulier et de l’Occident en général ! En 2010, Mohammed Merah était allé en Afghanistan pour rencontrer les Talibans, heureusement chassés du pouvoir à l’époque. Les groupes armés islamistes seront animés d’un nouveau souffle. Les Etats chancelants pourront basculer avec l’espoir de bénéficier de l’aide turque ou qatarie car les Etats islamistes auront vu leur pouvoir d’influence grandir. La Turquie a déjà mis un pied en Afghanistan en proposant aux Américains de prendre le relais à l’aéroport de Kaboul, tout en se félicitant de la défaite de l’impérialisme. Après sa victoire dans le Caucase et en Libye, les Européens ne semblent toujours pas prêts à rompre avec le nouveau sultan ottoman dont le double langage est révélateur de l’idéologie qu’il cultive. Erdogan les tient par la menace de l’invasion migratoire, et une fois de plus nos dirigeants, toujours innocents de leurs fautes, déclarent leurs nations coupables de tout et pour tous, et condamnées, de ce fait, à accueillir un flux de réfugiés afghans. Même Macron a pressenti le danger, pour lui électoral, de cette politique à laquelle il souscrit dans les faits, et immédiatement les belles âmes masochistes, dont nous subissons le pouvoir médiatique, ont pour une fois critiqué “leur” président. Les relations entre la France et l’Afghanistan sont ténues. L’Armée française s’est dégagée totalement depuis sept ans. Il n’y a aucune raison d’ouvrir les vannes sauf pour les quelques personnes de bon niveau qui pourraient rendre service à notre pays. Les autres doivent se battre chez eux pour une liberté qu’ils n’ont pas eu jusqu’à présent le courage de défendre.
L’impuissance des Etats démocratiques ne peut qu’encourager les Etats qui le sont moins, même si certains d’entre eux bénéficient d’un soutien populaire plus profond. La Russie qui peut voir d’un oeil inquiet l’islamisme le plus virulent s’ancrer à la lisière sud de sa zone d’influence, gère habilement l’islam sur son sol, et surtout a prouvé qu’on pouvait faire confiance à son alliance. Elle devrait profiter de cette situation pour avancer, en Afrique, notamment. L’Iran chiite doit se méfier des extrémistes sunnites aux commandes à Kaboul, mais la Bérézina infligée à leur ennemi américain doit les combler de joie. La Chine a déjà pris langue avec les Talibans sur le plan économique car le pays présente pour Pékin des intérêts que Washington n’a pas. C’est pour elle l’occasion d’étendre son “aura”. Pendant qu’on regarde l’Afghanistan, on oublie Hong-Kong et peut-être demain Taïwan. Le dictateur nord-coréen doit se moquer plus que jamais des rodomontades américaines. Le grand gagnant est le Pakistan, le parrain des Talibans et grand ennemi de l’Inde, qui trouve l’occasion de réaliser son rêve de profondeur stratégique. On sait que ses services secrets ont soutenu les Talibans depuis leur berceau et jusque dans leurs repères. C’est au Pakistan que vivait Ben Laden.
On peut se demander comment les “démocraties” de remettront de cette gifle monumentale. Elles auront été incapables de défendre, les armes à la main contre un ennemi dépourvu de moyens considérables, les valeurs qu’elles entendent répandre dans le monde entier en échange d’une aide sonnante et trébuchante et de leur “protection” sur laquelle on va désormais s’interroger. Les remontrances et les pressions à l’encontre des pays africains, ou même européens, comme la Hongrie, dès lors que les droits de la minorité “homosexuelle” ne sont pas reconnus voire privilégiés, auront-elles encore un sens dès lors qu’on laisse s’installer des gens qui pratiquent la peine de mort à l’encontre de ces comportements ? Le ridicule des discours atteint son paroxysme avec celui du grotesque socialiste espagnol Josep Borrell menaçant les Talibans d’isoler l’Afghanistan : ils s’en moquent, car ils n’en ont pas besoin. (à suivre)
Source : https://www.christianvanneste.fr/