Les censeurs « woke » arrivent !, par Jany Leroy.
L’Express prévient la population : « Les relecteurs “woke” débarquent en France. » Dopés par le succès des talibans, déjà 142 sensitivity readers français se sont portés volontaires pour passer au peigne fin les ouvrages littéraires avant qu’ils ne tombent entre les mains de lecteurs fragiles en proie à des vomissements devant quelque écart à leur idéal progressiste.
Sans répit, le ridiculement nommé « relecteur sensible » (car il l’est aussi) se propose de traquer toute trace de pensée pouvant porter atteinte aux minorités dont il détient la liste. Doté d’un flair infaillible, il sentira, dès l’avant-propos, l’écrivain nauséabond, le talent mal embouché capable des pires allusions sexistes, racistes, homophobes, grossophobes et autres turpitudes répertoriées dans son annuaire de la mauvaise conduite (1.200 pages. Disponible à la boutique cadeaux de l’aéroport de Kaboul).
Une illustratrice, consultée par le magazine, s’estimant peu compétente à la détection de ses propres incartades, s’en remet aux ciseaux des saints coupeurs de mots en quatre. « Des personnes merveilleuses dont c’est le métier », affirme-t-elle. Face à ces enchanteurs du conformisme, l’auteur atteint de gauchisme aigu fournit le martinet. Prêt à affûter la lame de la guillotine qui lui coupera les ailes. Alors qu’il sera culpabilisé par le fatras indémêlable de minorités susceptibles d’être froissées (et qui, bien souvent, n’ont rien demandé), il hésitera entre l’impression noir sur blanc ou le contraire. Peut-être rose sur violet ? En butte à des choix trop engageants, il publiera quelques pages blanches, le lecteur étant invité à écrire ce qui lui convient.
La réécriture des Misérables par les organisateurs de la Gay Pride séduira quelques éditeurs inquiets de se voir taxer d’homophobie. Un happy end avec Javert et Jean Valjean roucoulant sous le Pont-Neuf aura ainsi une autre allure que cette lutte acharnée entre deux Blancs honteusement genrés.
« Mais où trouver ces tailleurs de costumes littéraires ? » se demandent les écrivains en mal d’alignement sur la bienséance du moment. Pas de panique. En un clic, le site Planète Diversité délivre les coordonnées de ces soldats correcteurs. Ceux-ci classés par sensibilités dans lesquelles ils excellent. L’un est spécialisé dans l’atteinte aux dépressifs (authentique !), troubles anxieux, polyamour, anarchie relationnelle et transidentité, alors qu’un autre traque plus spécialement la grossophobie, lesbophobie, mysogynie, etc. Aucun diplôme ni formation requise, précise L’Express. Qui l’eût cru ?
Déjà, quelques frétillants tondeurs de manuscrits affichent leur tarif. 30 € les 10.000 mots. Événements obligent : grosse promotion sur l’islamophobie. Moins 20 % sur le repassage de talibans froissés. On ne saurait rester insensible à tant de sacrifices.