Mila, victime de cyber-harcèlement ou coupable de stigmatisation ?, par Iris Bridier.
« Tu mérites de te faire égorger sale grosse pute » ; « Que quelqu’un lui broie le crâne, par pitié ». Depuis l’affaire dite Mila, démarrée en janvier 2020, la lycéenne iséroise a reçu plus de 50.000 messages d’une violence inouïe.
Depuis, pour avoir critiqué l’islamisme sur les réseaux sociaux, elle a dû déménager, vit cloîtrée, déscolarisée, sous protection policière 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. « Si elle n’était pas sous protection, évidemment qu’elle serait déjà morte », affirmait un salafiste fiché S sur BFM TV, le 29 mars.
Ce jeudi, dix hommes et trois femmes, âgés de 18 à 35 ans, sont renvoyés devant la 10e chambre du tribunal judiciaire à Paris, jugés pour cyber-harcèlement. Les prévenus risquent deux ans de prison et 30.000 euros d’amende pour harcèlement, et trois ans et 75.000 euros pour les menaces de mort. L’un des 13 prévenus, qui avait appelé sur Twitter à ce qu’on lui mette un coup de machette, s’étonne de l’arrivée des gendarmes à son domicile : « C’était du passé. Le lendemain de ce commentaire, pour moi, c’était déjà terminé, d’où ma stupéfaction ce matin lorsque vous êtes venus chez mes parents », lit-on dans Le Monde.
Si les propos de Mila sont d’une vulgarité incontestable, cette vulgarité n’est pas un délit, souligne Zineb El Rhazoui, dans Le Figaro. L’ex-journaliste de Charlie Hebdo, prise elle aussi pour cible par les islamistes, rappelle que « lorsque des foules se livrent à la barbarie obscurantiste contre un individu pour avoir exprimé une opinion, cela s’appelle le fascisme ».
Le plus surprenant, dans cette affaire, est la grande discrétion des associations féministes et LGBT, professionnelles de la dénonciation quotidienne des discriminations. Le collectif féministe #NousToutes, les associations Stop Homophobie et SOS Homophobie se sont bien fendues d’un tweet de soutien, en janvier 2020, mais sur une ligne de crête très ténue pour ne pas se retrouver accuser d’islamophobie décomplexée ni faire le jeu de l’extrême droite dans cette affaire.
« En découvrant le déferlement de haine à l’encontre de Mila, il était clair qu’il fallait la soutenir. C’est ce qu’on a fait de manière inconditionnelle, mais en indiquant aussi qu’il ne fallait pas dénoncer une haine en la remplaçant par une autre », expliquait, dans Libération, Jérémy Faledam, coprésident de SOS Homophobie. De même, invitée sur RFI, l’année dernière, Clémentine Autain reconnaissait que la situation de Mila était « inacceptable » mais dénonçait, en même temps, ce « climat d’instrumentalisation de la laïcité qui vise à alimenter la stigmatisation et la haine contre les musulmans. »
Mila attise les haines pour ces gens-là. Si elle avait accusé les forces de l’ordre ou les cathos, il est évident qu’elle aurait rencontré un plus grand succès sur les réseaux sociaux. Dans notre société, Mila tu retiendras, seule la critique du mâle blanc occidental et judéo-chrétien est médiatiquement acceptable. Dénoncer le patriarcat arabo-musulman, c’est de la stigmatisation. Et l’islamogauchisme n’existe pas.
Journaliste