Affaires Halimi, Viry-Châtillon : le débat sur la Justice d’Éric Dupond-Moretti mal engagé, par Bernard Hawadier.
La question sécuritaire est d’actualité, d’une part en raison du sentiment justifié des Français que les délits et les crimes augmentent, d’autre part parce que la Justice n’est pas à la hauteur de nos espérances. Et les récentes décisions intervenues, qu’il s’agisse de celle de la Cour de cassation dans l’affaire Halimi ou de celle de la cour d’assises de l’Essonne dans l’affaire de Viry-Châtillon, ne sont pas pour restaurer le climat de confiance.
Affaire Halimi. Ce n’est pas la Justice qui est en cause mais une imperfection de la loi sur cette question tant décriée, et tant discutée depuis de si nombreuses années, de l’altération des facultés mentales de l’auteur d’un crime. Tout avocat pénaliste s’est battu à propos de ce texte et de ses ambiguïtés. Les effets hallucinogènes des drogues consommées par l’auteur du crime n’auraient pas dû être exonératoires, sauf qu’ils n’étaient apparemment pas prévisibles. La décision qui nous choque à juste titre était donc prévisible en l’état de la loi. Nous voyons ainsi, à la lumière de cette première affaire, combien nos commentaires et l’écho médiatique d’une décision de justice peuvent avoir des effets totalement hors de propos et injustifiés dans un débat ô combien complexe et d’actualité.
Qu’en est-il, ensuite, de l’affaire de Viry-Châtillon ? Haro sur les juges ! A-t-on raison ? Pour avoir si souvent mené le combat judiciaire, je ne suis pas de ceux qui ont pour habitude de les protéger. Mais, ayant fréquenté les tribunaux pendant des années et ayant déversé beaucoup de sueur et de bile afin de jouer mon rôle d’auxiliaire de justice, je peux dire ici que, de manière très générale, les juges français ne sont pas d’une mansuétude particulière, même si certains sont infestés par l’idéologie de l’excuse. Mais ils sont une minorité et celle-ci imprègne plus les ministères et le Parlement que les tribunaux. Et ici, le problème principal n’est pas celui de l’insuffisante répression par les juges mais d’un dossier mal ficelé, d’une enquête bâclée ou mal conduite et, en tous les cas, de manière inefficace. Que pouvaient faire d’autre les jurés de la cour d’assises, car n’oublions pas que ce sont des jurés qui ont jugé, que d’acquitter des accusés dont la culpabilité n’était pas établie ?
Le procès médiatique n’est pas le bon. L’ire justifiée du peuple s’en trouve elle-même dirigée à l’encontre de ceux qui ne sont pas les responsables de l’iniquité constatée et du scandale provoqué par l’incapacité de notre institution judiciaire à appréhender les vrais coupables et à les condamner ; car il est certain que les coupables sont passés à travers les mailles de la Justice.
C’est l’État qui est en cause. Le besoin de justice est insatisfait pour des raisons qui lui incombent de manière exclusive !
Il est donc évident qu’eu égard au sentiment d’insécurité des Français, n’en déplaise à notre garde des Sceaux, de pareilles orientations du débat médiatique et des récriminations du peuple assoiffé de justice sont de nature à fausser la discussion et, une fois encore, à faire porter le débat public sur des questions ou des personnes qui ne sont pas les premiers responsables.
Que dire, enfin, du projet de loi soutenu par notre garde des Sceaux, autrefois avocat, qui a tout oublié de ses combats anciens au point de se contredire de manière insupportable avec la suppression des jurés populaires, et que l’on ne découvre pas sans ironie drapé dans le costume sécuritaire ? Devenu plus politicien que ministre, il soutient les manœuvres politiques de son Président pour tenter de faire croire que notre État se déciderait à conduire une politique enfin pertinente en matière pénale alors qu’Emmanuel Macron s’en est soucié comme d’une guigne pendant quatre ans ?
Le débat est donc bien mal engagé et je ne sais pas si les mois qui nous séparent de l’élection présidentielle suffiront à le remettre sur les bons rails…