Donc, finalement, on ferme les frontières !, par Georges Michel.
Donc, finalement, on ferme les frontières. Pourtant, « ce virus, il n’a pas de passeport », expliquait sans rire Emmanuel Macron, le 12 mars 2020, à quelques jours de l’entrée de la France en Grand Confinement. C’était il y a presque un an, il y a presque une éternité.
Par cette affirmation le président de la République se moquait en quelque sorte de tous ces bas du front et autres nez de bœuf qui en appelaient depuis plusieurs semaines à la fermeture moyenâgeuse des frontières. Alors même qu’on s’apprêtait à dresser dans le pays autant de frontières qu’il y avait de communes, voire de quartiers (souvenons-nous du kilomètre à la ronde autour de chez soi), comme au bon vieux temps du chevalier du guet où l’on tombait la herse à l’entrée des villes, la nuit venue.
Dès le 29 janvier 2020, souvenons-nous, il y a tout juste un an, il y a tout juste une éternité, Marine Le Pen tweetait : « Les pays, les uns après les autres, ferment leurs frontières terrestres avec la Chine ou suspendent les vols vers ou en provenance de la Chine. Et nous, on continue à ne prendre aucune décision ? » Le virus n’ayant pas de passeport, nous apprendra Emmanuel Macron, un mois et demi après, il n’était donc pas question de fermer les frontières, dans une logique qui échappait, à l’évidence, à tous les esprits rétrogrades de ce pays.
Ceux qui tiennent salon dans les halls des aéroports internationaux se pâmaient devant cette fulgurance présidentielle, alors que, à bien y réfléchir, on avait rarement entendu une telle sottise. C’était d’ailleurs à l’avenant de la philosophie du chef de l’État en matière de contrôle de l’immigration et de son rapport idéologique, pour ne pas dire pathologique, à la frontière. La frontière, c’est pas bien. Avec le même raisonnement, on peut considérer qu’il ne sert à rien de contrôler les frontières puisque généralement les migrants n’ont pas de passeport. Quelques décapitations plus tard, il semblerait que la doctrine ait quelque peu évolué.
Souvenons-nous encore, le 13 mars 2020, Olivier Véran expliquait, à son tour, sur Europe 1, qu’il n’était pas question de fermer ces satanées frontières. Pas idéologique pour un sou, le docteur Véran. Non, son truc à lui, comme Raymond, c’est la science : « la réponse est scientifique. Scientifiquement, ça n’a pas d’intérêt ». Autrement dit, pas de discussion possible, passez votre chemin. Et d’emboîter le pas à Macron : « un virus n’a pas de frontière… » Là aussi, peu de monde pour relever l’inanité d’une telle affirmation. Pourtant, nos maigres connaissances scientifiques laissaient tout à penser que le virus, il ne se véhicule pas tout seul sur ses petites pattes musclées ou aux commandes d’un cumulonimbus…
Et donc, vendredi soir, Jean Castex nous apprend que «toute entrée et toute sortie de notre territoire à destination ou en provenance d’un pays extérieur à l’UE sera interdite sauf pour motif impérieux […] à partir de ce dimanche minuit ». On imagine que la science a fait de nouvelles découvertes. Il est vrai qu’elle nous a récemment révélé, par la voix du docteur Delfraissy, président du Conseil scientifique, que ce virus est « diabolique et beaucoup plus intelligent qu’on ne le pense ».
On imagine qu’on va rapidement nous expliquer que la fermeture des frontières décidée par le gouvernement n’a rien à voir – mais alors rien à voir du tout – avec celle préconisée par Marine Le Pen. Forcément. Comme le cholestérol ou le chasseur, il y a sans doute, la bonne et la mauvaise fermeture de frontières.