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La chaîne immigration, islam, islamisme, terrorisme : simple ?, par Philippe Bilger.

Je n’ai jamais été un Français qui, face au Covid-19, s’est cru plus médecin que tous les médecins.

De la même manière, dans un autre registre, je ressens mon ignorance à l’égard de l’islam et de la foi musulmane.

6.jpgIl va de soi qu’après la décapitation barbare du professeur Samuel Paty, à , puis celle d’une femme de 70 ans, suivie de l’égorgement d’une fidèle brésilienne de 44 ans et de Vincent Loquès, sacristain de la basilique Notre-Dame de , l’horreur et l’indignation sont à leur comble. Ce qui les limite est seulement le pressentiment que ces massacres ne termineront pas le processus sanglant mais que, probablement, nous aurons encore de quoi nous émouvoir, nous révolter.

Je continue à être persuadé qu’il n’est pas honteux de soutenir que l’État de droit classique a fait son temps. Il a révélé, pour le moins, ses limites, voire ses impuissances. L’alternative ne serait, pour des juristes et intellectuels un tantinet condescendants, qu’entre une faiblesse qui pourrait s’honorer d’avoir un incontestable label démocratique – celle qui a leur prédilection – et une résistance efficiente mais qui serait déshonorée parce qu’on la jugerait sortie du champ républicain.

Une fois ce socle évident réaffirmé, je ne cesse de m’interroger sur ce qui, immédiatement, m’a convaincu mais, par la suite, troublé. J’ai entendu, un soir, Éric Zemmour dans « Face à l’info » (CNews). Il développait avec talent une vision établissant un lien direct et implacable entre l’immigration puis l’islam puis l’islamisme, enfin le terrorisme. Il y avait, selon lui, une chaîne dont chaque élément, chaque niveau impliquaient le suivant pour culminer avec le pire des assassinats.

J’ai regretté de n’avoir pas cette assurance tranquille d’Éric Zemmour énonçant, telle une évidence, un processus qui paraissait relever d’une sorte de rigueur scientifique.

Autant je ne doute pas du fait que, pour espérer entraver puis vaincre l’islamisme, il est urgent de mettre un terme à l’immigration clandestine et au dévoiement du droit d’asile (avec tant de déboutés qui restent en France), autant je me questionne sur la relation entre l’islam et sa perversion l’islamisme.

Y a-t-il un islam qui soit non seulement compatible avec la République mais qui accepte que les croyants vivent cette religion dans l’intimité ? Sans se prévaloir dans l’espace public de signes ostensiblement affichés ? Un islam qui ne soit pas le prélude obligatoire d’un islamisme dangereux ?

À suivre Éric Zemmour, cette incertitude n’aurait pas lieu d’être. Pourtant, à la suite du massacre de Notre-Dame de Nice ou de Samuel Paty, nous avons pu entendre de la part d’imams, d’associations musulmanes, de personnalités respectées, d’anonymes filmés dans la rue, l’expression d’une indignation et d’une condamnation sincères. Ils soulignaient tous l’incompatibilité de l’islam dans sa définition authentique avec ces massacres. Je pense que cet islam serein n’a pas besoin d’être en permanence soumis à une suspicion, à une inquisition.

La terrible rançon de l’islamisme est aussi de faire porter sur l’ensemble des musulmans, même les plus respectueux de l’esprit français, un regard accusateur, négatif, inquiet.

Cette distinction à opérer entre l’offense intime provoquée chez les musulmans par les caricatures et la volonté de massacrer les mécréants et les adeptes des caricatures est capitale. Elle permet de s’attacher à la seule catégorie islamiste qui est hors de tout dialogue, de toute persuasion. Pour elle, le terrorisme est le seul remède, la seule issue.

Mais je ne voudrais pas occulter une zone qui, entre islam et islamisme, s’est clairement révélée avant l’assassinat de Samuel Paty et qui impose une perception encore plus fine et complexe. Ce père de famille, par exemple, au moment où il intervient pour chauffer à blanc l’atmosphère autour du professeur, relevait-il déjà de l’islamisme ou d’un islam ambigu estimant insupportable la liberté d’expression consacrée par les caricatures ? Je ne sais.

Ces interrogations que je formule et que je m’adresse d’abord à moi-même ne relèvent pas d’une compréhension coupable mais de l’obligation de distinguer, avec courage et honnêteté, la masse des musulmans de la lie criminelle – avec des jeunes gens instrumentalisés.

Tout démontre que notre conception de la laïcité n’est pas partagée par le monde arabo-musulman.

Une raison de plus pour traiter de manière responsable et équitable tous ceux qui méritent de l’être.

 

Philippe Bilger

Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole
 

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