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Tradition(s) vivifiante(s) contre Idéologie stérilisante : variations sur le Régionalisme, le Fédéralisme, l'Enracinement...

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Pas de fédération sans fédérateur; sans Roi fédérateur...

 

Pour prolonger la vision politico/poétique de Mistral, voici trois courts textes :

D'abord, de Frédéric Rouvillois, qui présente le "fédéralisme" de Maurras...

Ensuite, un court extrait de Frédéric Amouretti, tiré de la Déclaration des Félibres fédéralistes de 1892...

Et, enfin, une courte réflexion de Chateaubriand, qui, on le verra, amène directement à Simone Weil et Albert Camus...

I. Extrait de "Maurras fédéraliste", par Frédéric Rouvillois (Cahier de l'Herne "Charles Maurras", 2012)

 

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"Le département est l' "un des pires mécanismes antiphysiques appliqués au corps de la France" (1).

C'est parce qu' "elle subsiste contre le gré du sol, contre le voeu des intérêts et la nature même des races" que cette circonscription, purement artificielle, "empêche toute grande vie locale de se montrer... (2). Ses seuls effets sont négatifs... (Le département) comprime, il entrave la vie locale et n'y correspond à aucun intérêt réel, il contredit l'histoire, la géographie, mêle les races, brouille les intérêts les plus divers. C'est un rouage à supprimer absolument."

Plus fondamentalement, poursuit Maurras, il importe de remettre en cause le principe même de l'uniformité administrative : car en définitive, "qu'est-ce donc que (...) la République française dite une et indivisible ? Une folie, et misérable; une sottise, et presque obscène : l'émiettement et la discontinuité française correspondent à cet immense variété de sols et de climats, de villes, de compagnies, d'associations et de moeurs qui composent l'idée réelle de la France physique et mentale, morale et politique..." (2).

"L'uniformité - s'exclame-t-il - base de la Constitution d'un pays ! Cela revient à commencer par nier la nature de ce pays, avec les diversités nécessaires qu'elle réclame, et à constituer ensuite quelque chose au moyen de cette négation."

Il faut donc en revenir au réel, à des "organismes d'action vivants", auxquels on rendra le pouvoir d'auto-détermination qui leur revient selon un principe consistant à reconnaître en toute hypothèse "la préséance (...) et la précellence de la plus petite unité".

"Tout ce que peut la commune doit être fait par la commune seule. C'est après l'épuisement de ses compétences et de ses facilités que (la circonscription supérieure) devra être saisie de son appel au secours."

Le principe de subsidiarité, car c'est bien de cela dont il s'agit, a donc vocation à déterminer les pouvoirs et à régir les rapports entre les différents niveaux : à la base, la commune, au-dessus, la région, et l'Etat au sommet.

Ce faisant, ce projet se veut restaurateur d'un ordre naturel : le mot revient sans cesse : il s'agit de "restaurer (...) ces républiques" qui, même prisonnières de "leurs cages départementales" n'ont jamais disparu, dans la mesure où elles correspondent à des réalités intangibles.

Le projet fédérateur consiste à faire en sorte que la liberté de gérer elles-mêmes leurs propres besoins leur soit enfin "restituée"...

(1) : C. Maurras, J. Paul-Boncour "Un débat nouveau sur la République et la Décentralisation", Toulouse, Société provinciale d'édition. Bibliothèque de propagande régionaliste, 1905, pages 50/51.
(2) : Charles Maurras, "L'étang de Berre", Champion, 1920, pages 125/127.

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II :  Frédéric Amouretti, aux origines du sain fédéralisme...

 

S’il est vrai que la pensée régionaliste trouva son véritable maître en Charles Maurras, de nombreux auteurs en bâtirent les premières fondations : des plus connus comme Frédéric Mistral à de plus méconnus comme Frédéric Amouretti, ces auteurs ont, apporté les premières pierres essentielles à l’édification de la véritable pensée régionaliste.

Frédéric Amouretti naquit le 18 juillet 1863 à Toulon, et mourut le 29 août 1903, tout juste âgé de 40 ans...

Parti à Paris pour décrocher sa licence ès lettre Amouretti rencontra à Paris Frédéric Mistral et fut reçu félibre en 1882. Revenu en Provence, il entama une carrière de journaliste et de publiciste. Dès 1890, à peine âgé de 27 ans, il lança son premier journal avec son ami Bérenger, Le réveil du Provençal : Organe des revendications autonomistes de la Provence.

Prônant le fédéralisme et luttant résolument contre le jacobinisme républicain, Amouretti écrira, près de 30 ans avant l’Idée de Décentralisation de Maurras :

"En adoptant le plan de Sieyès, et en découpant la France comme matière inerte en départements tracés arbitrairement sur la carte, la Convention a anéanti ces admirables cadres historiques où les hommes, unis par l’identité des souvenirs, de la langue, des mœurs, des intérêts pouvaient bien s’entendre pour s’occuper de tout ce qui les touchait de près...".

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Pour Amouretti, au contraire, et pour les "fédéralistes", il faut respecter la liberté des communes reliées entre elles selon "sis enclin istouri, ecounoumi, naturau...", ce qui passe par la suppression des départements au profit des anciennes provinces avec à leur tête "uno assemblado soubeirano, à Bourdèus, Toulouso, à Mount-Pelié, à Marsiho o à-z-Ais". Ces assemblées devant jouir d'une autonomie complète en ce qui concerne l'administration, la justice, l'enseignement, les travaux publics…

L'engagement régionaliste d'Amouretti se concrétisa davantage avec la Déclaration des Félibres Fédéralistes du 22 février 1892, co-rédigée avec le jeune Charles Maurras, Amouretti pouvant être considéré, à bon droit, comme "lou paire e lou redatour de la declaracioun", les deux amis se lançant donc face à l’ennemi républicain et jacobin.

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Face aux multiples reproches de séparatisme ou d’anarchisme, Amouretti répondait :

"Quelle erreur ! C’est l’unitarisme au contraire qui mène la France au séparatisme. La fusion, c'est-à-dire l’anéantissement des nationalités particulières où vivent et se distinguent les citoyens en une nationalité abstraite que l’on ne respire ni ne connaît plus, voilà l’unité. Le fédéralisme au contraire, respectant les diversités ethniques et favorisant le libre développement de chaque région, est le plus grand ennemi du séparatisme en le rendant inutile". 

Amouretti avait compris que seule la voie monarchique et la présence d'un Roi au sommet de l'Etat pourrait permettre cette fédération :

"Il faut rétablir les provinces, leur rendre la gestion des intérêts provinciaux, surtout en matière de travaux publics, et rétablir les assemblées provinciales avec une compétence assez étendue pour qu’elles aient des sessions fréquentes, longues, fécondes, de nature à attirer l’attention, le respect, la vue."

 

III : vu par Chateaubriand, l'enracinement amène à Camus et Simone Weil...

 

... et pour l'enracinement

Un chêne de la forêt de Tronçais...

 

"La folie du moment est d’arriver à l’unité des peuples et de ne faire qu’un seul homme de l’espèce entière, soit ; mais en acquérant des facultés générales, toute une série de sentiments privés ne périra-t-elle pas ?
Adieu les douceurs du foyer ; adieu les charmes de la famille ; parmi tous ces êtres blancs, jaunes, noirs, réputés vos compatriotes, vous ne pourriez vous jeter au cou d’un frère.
N’y avait-il rien dans la vie d’autrefois, rien dans cet espace borné que vous aperceviez de votre fenêtre encadrée de lierre ?
Au delà de votre horizon vous soupçonniez des pays inconnus dont vous parlait à peine l’oiseau du passage, seul voyageur que vous aviez vu à l’automne.
C’était bonheur de songer que les collines qui vous environnaient ne disparaîtraient pas à vos yeux ; qu’elles renfermeraient vos amitiés et vos amours ; que le gémissement de la nuit autour de votre asile serait le seul bruit auquel vous vous endormiriez ; que jamais la solitude de votre âme ne serait troublée, que vous y rencontreriez toujours les pensées qui vous y attendent pour reprendre avec vous leur entretien familier.
Vous saviez où vous étiez né, vous saviez où était votre tombe ; en pénétrant dans la forêt vous pouviez dire :

Beaux arbres qui m’avez vu naître,
Bientôt vous me verrez mourir

(Mémoires d'Outre-tombe)


"L'enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l'âme humaine. C'est un des plus difficiles à définir. Un être humain a une racine par sa participation réelle, active et naturelle à l'existence d'une collectivité qui conserve vivants certains trésors du passé et certains pressentiments d'avenir. Participation naturelle, c'est-à-dire amenée automatiquement par le lieu, la naissance, la profession, l'entourage. Chaque être humain a besoin d'avoir de multiples racines. Il a besoin de recevoir la presque totalité de sa vie morale, intellectuelle, spirituelle, par l'intermédiaire des milieux dont il fait naturellement partie." (Simone Weil)

  "II me parait impossible d'imaginer pour l'Europe une renaissance qui ne tienne pas compte des exigences que Simone Weil a définies." (Albert Camus)

lafautearousseau

Commentaires

  • Oui , ce sont là de très bon textes .
    Mais ... [ et le train dans tout ça ? ] N' a t'il favorisé les déplacements vers Paris : touristes , provinciaux quittant la rudesse de leur pays et cetera ; la fin des coutumes régionales fut consommée à la fin de la première décennie du XXe alors que tout le dix-neuvième avec les départements -non remis en cause par les divers régimes- n'avait rien changé pour ce qui est dessus dites coutumes .
    Maintenant , c'est l'avion , et ce sont les nations qui risquent de devenir folkloriques ; il faut entendre les raisonnements d' une certaine jeunesse qui se gargarise d'E.Macron ( avec les grands-parents qui valident ) pour craindre le pire .

  • Qui m'a dit que les "départements" étaient dans les tiroirs de Calonne ?

    D'ailleurs les réformes de fond de la Constituante n'auraient jamais été aussi rapides si beaucoup n'étaient pas en projet déjà dans les ministères de l'Ancien régime.

    Les départements avaient été jugés utiles pour mettre un terme au fatras des bailliages. 230 ans plus tard ils sont toujours la circonscription de base pour le contrôle des populations, l'aménagement du territoire, la collecte d'impôts et, contredisant Maurras, ils sont devenus une identité.
    A la question "d'où es-tu ?" il n'y a que deux réponses :
    - une métropole connue
    - un département

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