Dans Marianne, le coronavirus annonce "la fin du capitalisme néolibéral", selon le chef économiste de la banque Natixis.
Le temps du capitalisme néolibéral, qui a misé sur la globalisation, la réduction du rôle de l’Etat, les privatisations et la faiblesse de la protection sociale, est révolu selon Patrick Artus, chef économiste de la banque Natixis.
Ce n’est pas un poisson d’avril. Très productif en analyses, le chef économiste de la banque Natixis Patrick Artus a publié le 30 mars une note où il prédit tout simplement "la fin du capitalisme néolibéral" à cause de la crise du coronavirus. Ces dernières années, cet économiste s’est habitué à sortir, une fois de temps en temps, des sentiers battus de la pensée dominante. Il avait notamment clamé haut et fort que "Marx avait raison" en février 2018.
Mais qu’on ne s’y méprenne pas, Patrick Artus ne prédit pas de bouleversement radical de l’ordre social existant. Par fin du capitalisme néolibéral, il entend une inflexion du mode de fonctionnement du capitalisme actuel. Un capitalisme qui a misé sur "la globalisation", "la réduction du rôle de l’Etat et de la pression fiscale", les "privatisations", et "la faiblesse de la protection sociale" dans certains pays, tels les Etats-Unis.
Retour à des chaines de valeur régionales
Pour justifier son propos, l’économiste de Natixis fait d’abord un constat relativement consensuel au sein du monde des affaires : "la crise du coronavirus a mis en évidence la fragilité des chaînes de valeur mondiales : quand la production s’arrête dans un pays, toute la chaîne est arrêtée". Après un frémissement ces dernières années, la "déglobalisation" des économies réelles devrait donc nettement s’accélérer avec la crise sanitaire. Et l’économiste de prédire "qu’il y aura retour à des chaînes de valeur régionales, avec l’avantage d’une fragilité moindre, et d’une diversification des risques".
Au-delà des acteurs privés, les pouvoirs publics sont aussi en train de réfléchir à la relocalisation de la production. "La crise du coronavirus fait prendre conscience aux Etats qu’il faut produire nationalement un certain nombre de produits stratégiques : les médicaments bien sûr, mais aussi les nouvelles technologies (électronique, télécom…)", ou encore les "matériels pour les énergies renouvelables". Il faut donc s’attendre à des "relocalisations de ces industries et au renouveau des politiques industrielles". Exemple bien connu à l’appui : "une situation de dépendance comme celle qui existe pour les médicaments vis-à-vis de la Chine ou de l’Inde ne va plus être acceptée", assène-t-il.