Répliques, de Finkielkraut, ou l'Art de le conversation...
Intelligent petit billet de Maryvonne Gasse (1) à propos de l'émission animée par Finkielkraut sur France Culture ( qui porte bien son nom en diffusant de tels moments...).
Intelligent, mais aussi très pertinent et très profond, et qui pose quelques questions qui vont très loin...
"Alain Finkielkraut "vieux jeu" ? C'est l'avis de Cohn Bendit, et c'est tout dire. Pas de portable, pensez donc ! Inclassable, ce professeur de philo. Anticonformiste, ce presque sexagénaire. Intolérant, diront même certains. Et peut-être fier de l'être, en rupture avec l'esprit de "tolérance" instillé par les Lumières, qui tue le bon sens depuis deux siècles.
Autre chose est la déférence avec laquelle Alain Finkielkraut reçoit ses invités dans Répliques, une émission qu'il anime depuis 1985, le samedi matin sur France Culture, entre 9h et 10h. "Mon rêve, c'est de lancer des échanges qui ne soient pas nécessairement des débats. J'essaie d'animer la conversation dans toutes ses variantes", explique-t-il de sa voix grave et posée.
Ce qu'il réussit avec brio sur des sujets brûlants : la politique étrangère de la France, le suicide assisté, les métamorphoses de la parenté, le Dieu des chrétiens, le Dieu des musulmans, pour reprendre quelques uns des thèmes abordés au cour de l'année écoulée. Le piment de son émission, c'est de pousser ses invités, avec élégance et pertinence, jusqu'à la fine pointe de leurs pensées, pour croiser leurs thèses sans jamais céder à la flatterie ou à l'agacement. Mais "aujourd'hui, le climat intellectuel se durcit, les accusations pleuvent", déplore ce fils d'un déporté à Auschwitz qui reçoit des courriers antisémites de plus en plus fréquents. "Maintenant, c'est toutes les semaines; avant, c'était tous les deux ans."
Grande classe et vaste culture. Et une sympathique bienveillance pour Benoît XVI, de la part de ce philosophe agnostique, admirateur d'Emmanuel Lévinas et d'Hannah Arendt. C'est un "pape pensant, élu dans un monde de la bien-pensance", épingle Alain Finkielkraut pour ceux qui sauront lire entre les lignes. "Si la sécularisation c'est la profanation de toutes choses, n'a-t-elle pas manqué son but ? Cette question que soulève Benoît XVI concerne les laïques autant que les religieux", confiait-il récemment à Libération.
Des paroles qui devraient faire réfléchir. Et on se met à reprendre espoir dans l'intelligence française."
(1) : Famille Chrétienne du 27 septembre, n° 1602, page 54.