Quand Philippe Verdin répond à Michel Onfray (mais aussi à beaucoup d'autres, ses semblables...)
Philippe Verdin est dominicain. Né en 1966, il a été ordonné prêtre en 1999. Il fut aumônier d'étudiants à Dakar (Sénégal) pendant cinq ans. Depuis 2006, il dirige le pèlerinage du Rosaire à Lourdes.
Il est co auteur du livre "La République, les religions, l'espérance" (1).
On a pu le voir sur LCI, le 21 Janvier, interrogé par Julien Arnaud en présence de PIierre-Luc Séguillon et Jean Bauberot, historien de la laïcité. Le thème de "Question d'actu" était consacré, ce jour là, à la laïcité ("Sarkozy: et la laïcité dans tout ça ?").
Très à l'aise devant les caméras, et très au fait de son sujet, le Père Verdin continue d'ailleurs ses rencontres et débats, au cours desquels il développe un argument central: "l'interprétation de la philosophie des Lumières s'est épuisée"..... Il vient ainsi, par exemple, de dialoguer avec Jean-Michel Quillardet, dans le Figaro Magazine (2).
Et que dit-il, en substance, ce dominicain sympathique, spirituel (à tous les sens du terme...) et somme toute assez convaincant ? Une chose - parmi tant d'autres - qui devrait aller droit au coeur de Michel Onfray et de ceux qui, comme lui, n'ont pas de mots assez durs pour critiquer les erreurs historiques, les fautes et les crimes des religions en général, et du christianisme en particulier.
Ces erreurs et ces horreurs qu'ont produit les religions et le christianisme, dans le passé, sont un fait historique, avéré. Et ce n'est pas leur dénonciation qui nous gêne. Il y a belle lurette, depuis la langue d'Esope qui nous vient tout droit de l'Antiquité grecque (cela fait tout de même pas loin de vingt cinq siècles...) que l'on sait ceci: les religions, comme toute chose sur terre, peuvent produire le meilleur comme le pire. Elles "produisent" des Mère Thérésa, des Vincent de Paul, des Maximilien Kolbe. Mais aussi, qui pourrait le nier ?, des bûchers, des fanatismes, d'inquiétantes régressions intellectuelles et mentales. Bien. Mais le dénoncer sans avoir un seul mot pour d'autres fanatismes et d'autres régressions, n'est-ce pas tout simplement curieux ?
Or c'est ce que fait un Michel Onfray, qui - s'il enfonce très courageusement les portes grandes ouvertes de l'anti catholicisme - ne parle jamais, mais absolument jamais, d'autres horreurs, d'autres monstruosités: celles commises par les tenants des idéologies "sans Dieu", héritières directes de la Révolution française. S'il ne saurait être question d'exonérer les siècles passés de leurs erreurs et de leurs monstruosités au regard de ce qui a suivi, force est de constater que les exterminations ont été cent fois, mille fois plus effroyables lorsqu'elles furent opérées par ceux qui se sont voulus les héritiers du culte de la déesse Raison. Si toute horreur, tout crime reste impardonnable, force est de constater qu'après la Révolution, et à partir d'elle (et à cause d'elle....), l'échelle de l'horreur a été démultipliée.
C'est cela que dit, tout simplement, Philippe Verdin: "Des dizaines de millions de gens sont morts au cours du dernier siècle à cause des idéologies sans Dieu".
Avec sérénité, l'essentiel est dit. Qu'y a-t-il à rajouter ?...
Peut-être ceci: que les religions lorsque des horreurs ou des monstruosités sont commises en leur nom restent sujettes au fond de charité ou de compassion qui est en elles; ce fond, toujours présent, limite en quelque manière l'étendue des désastres qui constituent toujours une sorte d'infidélité, que beaucoup combattent et regrettent. Tandis que les idéologies, parce qu'ellles sont purement abstraites, et parce que rien ne les limite vraiment, produisent des destructions infiniment supérieures, quasi industrielles comme on l'a vu sous la Terreur, sous le régime stalinien ou national-socialiste au vingtième siècle...
Oui, les crimes perpétrés au nom de la raison humaine ont bien été, dans la dure réalité de l'Histoire, sans commune mesure avec ceux qui ont pu l'être au nom de la foi.
(1): "La République, les religions, l'espérance", par Nicolas Sarkozy. Entretiens avec Thibaud Collin et Philippe Verdin (novembre 2004, 176 pages, 17 euros; Éditions du Cerf, collection "L'Histoire à vif").
(2): "Le Figaro magazine" (samedi 26 janvier 2008), débat sur le thème "La laïcité est-elle vraiment en danger ?". Jean-Michel Quillardet, avocat, est grand-maître du Grand Orient de France (GODF), obédience maçonnique qui revendique 55.000 membres.
Commentaires
Le P. Verdin a été aumônier des étudiants au Sénégal pendant à peine deux ans. Il n'est pas directeur du Pèlerinage du Rosaire mais seulement responsable régional de la section Ile-de-France de ce Pèlerinage.