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  • Maurras et le Fascisme [1]

     

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgC'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, dont nous commençons aujourd'hui la publication. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    L’essai que Paul Sérant consacre au « Romantisme fasciste »*  a sans doute le mérite de lever un tabou.

    Qu’on le veuille ou non, le fascisme s’inscrit dans l’histoire contemporaine et il importe d’en traiter objectivement, comme d’un fait. Paul Sérant expose le dossier. Il ne plaide, ni davantage ne requiert. Tant de sérénité surprendra et peut-être choquera. Elle n’a de sens que si l’on est persuadé, comme c’est le cas pour Paul Sérant, que le fascisme appartient à un passé désormais révolu. On ne parle avec tant de détachement que des morts. Je crois d’ailleurs que, sur ce point, Sérant se trompe, et que le fascisme demeurera, longtemps encore, la tentation permanente de l’Europe. 

    414Q7gWx7NL._SR600,315_PIWhiteStrip,BottomLeft,0,35_PIAmznPrime,BottomLeft,0,-5_PIStarRatingFOUR,BottomLeft,360,-6_SR600,315_SCLZZZZZZZ_.jpgD’ailleurs, le titre de l’ouvrage risque de provoquer quelques déceptions. Il fait attendre une étude générale du fascisme alors que Sérant ne traite que de l’œuvre politique de six écrivains de valeur, de valeur très inégale : Alphonse de Chateaubriant, Drieu la Rochelle, Brasillach, Céline, Abel Bonnard et Lucien Rebatet. Ce choix surprend. Abel Bonnard, Sérant le reconnaît lui-même, ne s’est jamais réclamé du fascisme, et pas davantage Céline. Par contre, on s’étonne qu’un doctrinaire tel que Marcel Déat, autrement représentatif, ait été négligé. C’est d’autant plus regrettable que Marcel Déat est le seul à avoir compris que le fascisme français sera jacobin ou ne sera pas, ce qui explique que les plus lucides des écrivains politiques fascistes de l’Occupation vinrent de la gauche plutôt que de la droite. Il est vrai que les transfuges de la droite apportaient le talent avec eux. Paul Sérant paraît avoir préféré le talent à la lucidité. C’est un tort quand on traite de l’histoire des idées. 

    Certes, ces transfuges de la droite ont tous, plus ou moins, fleureté avec l’Action française. De loin parfois, comme Drieu. « Sa première expérience, écrit Paul Sérant, fut celle de l’Action française. Mais tout en étant séduit par elle, il lui fut impossible d’y adhérer, sentant trop bien ce qui l’en séparait. “ D’abord je n’étais pas monarchiste. J’ai toujours méprisé les Orléans dont l’un vote la mort de Louis XVI et l’autre, l’ancien combattant de Jemmapes, finalement s’en va sans avoir su garder sa couronne. Je tiens aussi que le sens de la continuité du commandement n’est pas trop étroitement lié à l’institution monarchique ; en témoignent quelque peu Rome et l’Angleterre ” ». Et il ajoute qu’il détestait la politique étrangère de l’Action française. À l’inverse, Abel Bonnard « s’il fut monarchiste de conviction, il ne le fut pas totalement d’espérance. Faisant allusion à la réhabilitation des rois de France par certains historiens, il s’exprime en ces termes : “ En voyant ces fantômes couronnés s’assembler en silence autour du pays qui a existé par eux, on craint parfois de trop bien entendre ce que le destin veut nous dire ; mais parfois aussi nous penchons à croire que c’est là le gage d’une continuité retrouvée ; alors l’espérance ouvre un instant son aile pleine d’arc-en-ciel. ” ». « Nous sommes tout de même loin, conclut Paul Sérant, des affirmations péremptoires de Daudet et de Maurras sur le prochain retour du roi. » 

    821578-2201-6jpg.jpgSans doute, Brasillach et Rebatet (photo) apportèrent-ils, un moment, leur collaboration au quotidien. Cependant, Brasillach, ainsi que le rappelle Paul Sérant, n’a « jamais donné son adhésion aux formations de militants, à la Ligue d’Action française ou aux Camelots du roi ». De même, Rebatet écrit, en évoquant ces années : « Nous étions plusieurs aux alentours de l’Action française. » Aux alentours seulement. Quoiqu’il en soit, l’un et l’autre ne passèrent au fascisme qu’au prix d’une rupture complète avec Charles Maurras. On ne sait que trop de quelles injures Rebatet recouvrit dans Les Décombres celui qu’il appelait fallacieusement, en d’autres temps, son maître. Brasillach qui avait, sur le misérable, la supériorité d’avoir une âme, montra dans son éloignement plus de noblesse. « Sous l’Occupation, écrit Sérant, Maurras qui désapprouve formellement la politique de collaboration (celle du “ clan des ja ” qu’il réprouve au même titre que le “ clan des yes ”) ne peut plus aimer Brasillach ; lorsque celui-ci se rend à Lyon, devenu la résidence provisoire de l’Action française, il refuse de le recevoir. L’Occupation ne faisait que rendre évidente une divergence déjà sensible avant la guerre. » 

    Ce qui n’empêcha pas les tribunaux révolutionnaires de 1944 de reprocher à Maurras d’être responsable de l’erreur intellectuelle qui conduisit les « romantiques fascistes » à s’enrôler, par sympathie doctrinale, et peut-être, dans le cas de Rebatet, pour des raisons plus basses, dans le parti de l’occupant. Il faut louer Paul Sérant d’avoir, dans sa probité d’historien, fait justice de cette accusation partisane. Il convient, cependant, de n’en point rester là et de se demander pourquoi l’adhésion au fascisme, romantique ou pas, implique nécessairement une rupture avec l’école d’Action française. 

    Maurras et Mussolini

    2453482505_e778276906_o.jpgLors de la marche sur Rome (photo), Maurras avait sans doute de fortes raisons, des raisons françaises, de se féliciter de l’avènement du régime fasciste. Il ne faut pas oublier, en effet, que Mussolini avait rompu avec la social-démocratie italienne, dont le pacifisme dissimulait mal les sympathies allemandes, afin de mener campagne en faveur de l’entrée en guerre de son pays aux côtés du nôtre. C’était là un service qu’un nationaliste français n’avait pas le droit de méconnaître, d’autant qu’il permettait d’espérer, dans la mesure où notre diplomatie ferait preuve de sagesse, une entente durable entre deux pays que rapprochait tout à la fois leur communauté de culture et d’intérêts.

    Maurras ne cessera de combattre pour empêcher que, par haine idéologique du fascisme, nos dirigeants républicains ne jettent Mussolini dans une alliance contre nature avec le Reich hitlérien. Le Duce, ne l’oublions pas, se défiait des ambitions allemandes, au point que ce fut lui, qui, lors de l’assassinat du chancelier Dollfuss, empêcha l’annexion, par Hitler, de l’Autriche, en envoyant ses troupes sur le Brenner. Ce qui prouve assez combien Maurras était justifié de combattre, à l’occasion de l’affaire éthiopienne, l’absurde politique des sanctions, que commandait seule la jalousie britannique. 

    Non qu’il ne se défiât du principe d’aventure que portait, en lui, le fascisme.    (A suivre)

    * En 1959, chez Fasquelle.

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

  • Maurras et le Fascisme [8]

    Blum versus Mussolini 

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgC'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions ici en quelques jours. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    Le fascisme français 

    L’essai de M. Paul Sérant, parce qu’il se borne à l’étude des réactions, d’ailleurs plus passionnelles que concertées, d’écrivains, risque d’accréditer la légende selon laquelle le fascisme serait un phénomène politique de droite. En fait, les auteurs dont il traite ont tous, à l’exception de Céline, plus ou moins fleureté avec les milieux nationalistes. 

    À la vérité, il ne saurait y avoir de fascisme français que jacobin. Marcel Déat devait en apporter, sous l’Occupation, une démonstration irréfutable. Il n’avait pas de peine à découvrir dans Le Contrat social de Jean-Jacques Rousseau, les fondations idéologiques de l’État totalitaire. « Il y a eu, écrivait-il, tout au long des cent cinquante années, une école démocratique autoritaire », qu’il suffirait de prolonger pour retrouver, sous une forme authentiquement nationale, l’inspiration même du fascisme italien et du national-socialisme allemand. Selon lui, « la révolution française comme la révolution allemande* sont pour une large part des mouvements nationaux, une affirmation unitaire irrésistible. Voilà qui entraîne quelques conséquences et permet quelques rapprochements. C’est par là que s’explique l’esprit totalitaire du jacobinisme, par là que se manifeste le rôle de l’État, c’est de là que part l’incontestable socialisme montagnard ». On ne saurait mieux dire. 

    Sans doute, s’est-il trouvé, dans la droite française, quelques esprits faibles que troublaient les succès de Mussolini, et qui prétendaient fabriquer un fascisme français tout d’imitation, en se contentant de reprendre les uniformes et les rites des lig10.jpgfaisceaux de combat, c’est-à-dire l’aspect purement extérieur, et contingent (photo). Le premier en date d’entre eux fut Georges Valois, qui devait d’ailleurs finir communiste après quelques péripéties intellectuelles assez pitoyables. Il est troublant que cet exemple malheureux ait eu quelque pouvoir de fascination sur un journaliste qui, plus récemment, prétendait lui aussi « recommencer Maurras », en attendant de finir comme bas agent de M. De Gaulle. Ce qui est du reste une fin plus logique qu’il pourrait sembler au premier abord. 

    Et dépit du soutien de cette haute finance qu’il insultait publiquement, tout en la courtisant en secret, Valois n’a guère duré plus d’une saison. Son fascisme n’était en réalité qu’une diversion, simple tentative pour diviser l’Action française dont le pouvoir craignait les menaces. Quant aux Ligues, comme les « Jeunesses patriotes », il leur arriva sans doute d’utiliser certaines des techniques d’action de propagande du fascisme, mais elles ne faisaient que continuer le vieux courant, plébiscitaire et boulangiste, plus puissant d’ailleurs à Paris que dans les provinces, que l’on ne saurait ni socialement, ni idéologiquement, confondre avec le fascisme. 

    Les seules tentatives sérieuses furent conduites par des éléments socialistes ou socialisants. L’histoire des mois fiévreux qui précédèrent le 6 février 1934, reste sans doute à faire. On ne saurait trop souhaiter que les témoins, et je pense en particulier à Georges Calzant, apportent à cet épisode mal connu de notre histoire nationale, l’irremplaçable contribution de leurs souvenirs.

    Qu’il suffise d’évoquer les conciliabules entre journalistes de droite et politiciens de gauche, comme Eugène Frot, ou ce « Plan du 9 juillet », préfacé par Jules Romains qui préconisait – assez voisin de celui mis en place plus tard par Charles De Gaulle : renforcement de l’exécutif, vote de défiance contre le ministère entraînant la dissolution automatique, Sénat ne pouvant ni renverser le gouvernement, ni être dissous. Ce sont les promoteurs du « Plan du 9 juillet » qui avancèrent les premiers l’idée d’une école polytechnique d’administration, véritable séminaire technocratique pour hauts fonctionnaires. On sait que Jean Zay, ministre de Léon Blum, la fera sienne et que M. Michel Debré la réalisera en 1945, par l’installation de l’École Nationale d’Administration. On trouvait d’ailleurs, dans l’aréopage du Plan du 9 juillet, à côté de jeunes socialistes comme P. O. Lapie, des hommes comme Philippe Boegner et Louis Vallon, dont on n’ignore pas le rôle qu’ils devaient jouer par la suite dans l’entourage du gaullisme.

    Néanmoins, c’est lors du trentième congrès du parti S.F.I.O., réuni à partir du 14 juillet 1933 à la Mutualité, qu’on vit éclater une révolte qui pouvait faire penser à celle qui avait dressé, à la veille de la première guerre mondiale, Mussolini contre les « officiels » du socialisme. Le congrès, en principe, était chargé de régler un obscur différend entre la commission exécutive du parti et le groupe parlementaire, accusé d’avoir soutenu un « gouvernement bourgeois ». Bientôt, il apparut que cet incident servait de prétexte à une offensive en règle conduite par Max Bonnafous, Adrien Marquet, député-maire de Bordeaux et surtout Marcel Déat. Lorsque 738_discours_de_leon_blum_au_congres_socialiste_1932_2_wiki.jpgMarquet déclara que la France entrait « dans la phase qui préparera et permettra la réalisation des idéologies du XIXe siècle, chaque nation constituant, dans son cadre intérieur, un pouvoir fort qui se substituera à la bourgeoisie défaillante », Léon Blum s’écria (photo) : « je suis épouvanté ». De même il murmura, dit-on, « c’est presque du fascisme » en entendant le jeune Charles Lussy soutenir que « c’est par le gouvernement qu’on peut faire la révolution ». 

    Les hérétiques furent d’ailleurs battus, très largement, en dépit des succès de 106500240-612x612.jpgtribunes que Déat surtout avait remportés (photo), car Léon Blum tenait solidement l’appareil du Parti. Quelques semaines plus tard, ils quittèrent la S.F.I.O., qui perdit à cette occasion quelque chose comme vingt mille adhérents. Néanmoins, ceux que l’on nommait désormais les néo-socialistes ne parvinrent pas à conquérir une base militante. Ils se trouvèrent réduits à s’amalgamer à quelques autres groupuscules pour constituer, sous la houlette de Paul-Boncour, « l’union socialiste et républicaine », qui n’eut jamais d’importance que dans l’arithmétique parlementaire. 

    Les néo-socialistes s’opposaient à Léon Blum sur deux points essentiels. D’une part, ils répudiaient la fiction de l’internationalisme prolétarien, soutenant que « c’est autour de l’axe national que gravite aujourd’hui toute l’action économique réelle ». D’autre part, ils entendaient s’appuyer sur les classes moyennes, qui, menacées selon eux de prolétarisation par l’action du capitalisme financier, devenaient révolutionnaires.

    Il est remarquable qu’à l’époque, Léon Blum voyait lui aussi dans le stalinisme et le fascisme des « formes intermédiaires entre le capitalisme et le socialisme ». Les néo-socialistes en profitaient pour lui opposer la nécessité de créer, également en France, l’une de ces formes intermédiaires plutôt que de poursuivre indéfiniment la réalisation d’un « socialisme pur » pour l’heure utopique.    (A suivre)

    *Celle d’Hitler

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

    Lire les article précédents ...

    Maurras et le Fascisme  [1]  [2]  [3]  [4]  [5]  [6]  [7]

  • Maurras et le Fascisme [3]

    « Imaginons que Mussolini ait eu la prudence de Franco ...»

     

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgC'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions ici en quelques jours. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    Maurras se gardait bien d’hypothéquer l’avenir. Il préférait conseiller la mesure, alors qu’il en était temps encore. « La solution, donnée par Mussolini, à la question scolaire a limité l’action de l’État aux groupes d’éducation civique et militaire. La liberté de l’école paraît devoir rester intacte tant au point de vue religieux qu’au point de vue moral. L’envoyé du Temps à Rome, M. Gentizon, semble croire que cette solution mesurée sera intenable et que le dictateur sera conduit à usurper de plus en plus l’autonomie des consciences et la liberté des âmes. Nous en sommes moins sûrs que lui. La logique formelle est une chose, la politique réaliste en est une autre. Un homme énergique sait marquer le point au-delà duquel il ne se laissera pas entraîner et sa volonté peut parfaitement suffire à le maintenir dans les confins qu’il s’est donnés. » 

    En fait, Mussolini ne s’abandonnera à la pente logique de son système intellectuel que sur le tard, quand les « démocraties », l’y contraindront, en liant son destin à celui d’Hitler. Le Führer saura profiter de leurs fautes. Se présentant modestement comme son disciple, il le conduira à l’imiter. Au départ cependant, le totalitarisme n’était qu’une possibilité parmi d’autres du fascisme italien. Une possibilité cependant, Maurras là-dessus ne cessera de dénoncer l’erreur mortelle que portait, en germe, le fascisme. 

    Charles_Maurras_4.jpgC’est ainsi que le 12 juin 1932, il s’élevait contre une déclaration de Mussolini selon laquelle « en dehors de l’État, rien de ce qui est humain ou spirituel n’a une valeur quelconque ». Maurras appelait cela un délire. « Même en confondant État et Nation, État et Société, il y a dans la vie des personnes humaines quelque chose qui y échappe en soi. Quelque grande part que l’État ainsi compris puisse prendre à l’engendrer, à la défendre ou à la soutenir, cette valeur existe en fait, il est aussi vain de prétendre qu’elle n’est rien que d’y sacrifier tout le reste. » 

    Ce qui conduisait Maurras à définir très exactement par quoi le fascisme se rapprochait du nationalisme intégral et par quoi il s’en séparait. « Il est très important de fortifier l’État. On ne le fortifie bien qu’en le concentrant et en laissant les groupes sociaux intermédiaires faire des besognes qu’il ferait trop mal, quant à lui. C’est pourquoi nous ne sommes pas “ étatistes ” quelques imputations calomnieuses que l’on se soit permises à notre égard. Tels Français réfléchis qui admirent le plus l’effort et l’ordre fascistes font comme nous des réserves sur ce qu’il présente d’exagérément étatiste. Ils en font même un peu plus que nous. Nous avons dû expliquer parfois qu’un pays aussi récemment unifié que l’Italie est tenue de limiter certaines libertés locales et professionnelles. Mais cette condition ne joue pas dans le domaine religieux, puisque l’unité morale, l’unité mentale existent en Italie : le pays a été sauvé de la Réforme au XVIe siècle, et la prompte élimination des “ popolani  ” montre que ni le libéralisme, ni la démocratie n’y avaient poussé de fortes racines. » Ces pages sont d’autant plus fortes qu’elles furent écrites à un moment où l’Action française subissait les rigueurs d’une censure pontificale, depuis lors heureusement levée. 

    Maurras donc reconnaissait, comme un fait, que Mussolini, en abaissant le régime démocratique et en reconstruisant l’État, restituait à l’Italie sa force. 

    Il en tirait la conséquence que si la France persévérait dans ses mauvaises institutions, la force italienne se retournerait contre notre pays. Néanmoins, fidèle au vieux principe thomiste, qui veut que tout bien humain, lorsqu’il se prend pour l’unique nécessaire, se transforme en son contraire, Maurras avertissait Mussolini que la restauration de l’État, si elle n’était pas compensée au minimum par la liberté de l’Église, aboutirait à l’étatisme totalitaire. Ce qui conduirait l’Italie à l’aventure militaire, à la sclérose économique, au désordre spirituel. À terme, les bienfaits très réels apportés par le fascisme dans ses débuts, seraient gâchés, et l’Italie, un instant arrachée par Mussolini au chaos, serait jetée par lui dans un chaos pire. Ce qui est arrivé. 

    1447697259389.jpg--resistenza__morto_il_partigiano_lonati__sparo_lui_a_benito_mussolini_e_claretta_petacci.jpgLe nationaliste français qu’était Maurras savait trop qu’il y a autant de nationalismes que de nations pour porter d’emblée un jugement dogmatique sur les aspects de la doctrine fasciste qui lui répugnaient le plus. Le primat, par exemple, qu’elle donnait à l’action sur la pensée. Pour une part, le pragmatisme de Mussolini le rassurait plutôt. Il nourrissait l’espérance, nullement déraisonnable, qu’une France qui referait à temps sa force, équilibrerait l’Italie fasciste, l’empêchant de verser du côté de ses démons. Ce ne fut pas. Nous n’avons pas lieu de nous en réjouir. Imaginons que Mussolini ait eu la prudence de Franco. La menace communiste, qu’un moment le Duce avait su écarter de nos frontières, serait moins pressante aujourd’hui et l’avenir de l’Europe mieux assuré. 

    Mussolini a subi d’innombrables influences, mais pas celle de Maurras. Dans La Vie intellectuelle de mai 1929, M. Gaston Rabeau étudiant « La Philosophie du fascisme », le reconnaît avec une louable franchise. « Les Français, écrit-il, s’imaginent aisément que la politique mussolinienne ressemble à celle de M. Maurras. Question d’origine mise à part (elle ne vient sûrement pas d’Auguste Comte ou de Joseph de Maistre), elle nous paraît en différer absolument. » C’est qu’en effet il s’agit d’une « politique avant tout empiriste, d’un empirisme total, non pas de cet empirisme qui généralise des lois ». Le plus beau de l’histoire c’est que M. Rabeau, lumière de la démocratie-chrétienne, faisait un mérite à Mussolini de s’opposer ainsi à Maurras. Toute son étude est du reste imprégnée d’une surprenante sympathie à l’endroit du fascisme. Sur les points où celui-ci s’écartait trop manifestement de la doctrine sociale du catholicisme, le pieux exégète, pris de scrupule, affirmait son souci de ne pas « élargir un fossé qui est déjà trop profond ». À la même époque, La Vie catholique travaillait, rappelons-le, à élargir artificiellement le fossé qui séparait, ou paraissait séparer, l’Action française de l’Église !    (A suivre)

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

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    Maurras et le Fascisme [1] - [2]

  • Maurras et le Fascisme [5]

     

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgC'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions ici en quelques jours. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    Certes Mussolini laisse subsister le capitalisme. C’est uniquement pour des raisons d’opportunité. Le premier ministre de la justice de l’État fasciste, M. Rocco, constate qu’une certaine liberté économique n’est préservée que parce que « l’aiguillon de l’intérêt individuel est le plus efficace des moyens, pour obtenir le maximum de résultat, avec le minimum d’effort ». En réalité, l’initiative privée ne subsiste qu’autant qu’elle accepte la direction de l’État. Quand Mussolini écrit que « c’est l’État qui doit résoudre les contradictions dramatiques du capitalisme », il ne tient pas un autre langage que Lénine. Il s’autorise, d’ailleurs, de l’exemple du grand doctrinaire marxiste, qui lui aussi a rétabli, momentanément, une liberté économique relative. Qu’importe puisque le capitalisme subit une métamorphose radicale, en devenant, lenine_journal-600x445.jpgselon l’expression de Lénine (photo), « capitalisme d’État ». Dans le discours de Trieste du 20 septembre 1920, Mussolini reconnaît que la mise en place d’un État prolétarien serait prématurée. « Le prolétariat, explique-t-il, est capable de remplacer d’autres valeurs sociales ; mais nous lui disons : avant de t’étendre au gouvernement d’une nation, commence par te gouverner toi-même, commence par t’en rendre digne techniquement et auparavant moralement parce que gouverner est une chose terriblement complexe, difficile et compliquée » ... Ainsi tout comme Staline, Mussolini rejette l’État prolétarien à l’horizon de l’histoire, mais avec beaucoup plus de franchise. On pourrait dire du fascisme qu’il est, par quelques côtés, un stalinisme honnête, ou, selon l’optique, un stalinisme honteux.

    En attendant que le prolétariat soit en mesure d’assumer, en tant que classe, la direction des affaires publiques, il n’est d’autre recours pour le socialisme, qu’il soit de type stalinien ou de type fasciste, que dans le jacobinisme. M. Alfredo Rocco a montré, peut-être à son insu, que la conception fasciste de l’État se modèle sur celle de Jean-Jacques Rousseau, de Robespierre et de Saint-Just. « Le gouvernement », selon lui, « doit être entre les mains d’hommes capables de s’élever au-dessus de la considération de leurs propres intérêts et de réaliser les intérêts historiques et immanents de la collectivité sociale considérée comme unité qui résume l’ensemble des générations ». De même, selon Rousseau et les Jacobins, la volonté générale ne s’identifie pas à la majorité, mais aux citoyens vertueux, ne fussent-ils que quelques-uns, qui ont abdiqué toute volonté particulière ou si l’on préfère tout amour-propre, au sens qu’ont donné à ce mot les moralistes du siècle classique. 

    M. Rocco va jusqu’au bout de la dure logique jacobine lorsqu’il affirme que « tous les droits individuels sont des concessions de l’État faites dans l’intérêt de la société ». Le droit de propriété, l’initiative privée dans la production ne sont respectés que parce qu’ils apparaissent conformes à l’intérêt de la société. Du moment que les citoyens vertueux, en l’occurrence les membres du parti, estimeront que l’intérêt de la société a changé, ils nationaliseront l’ensemble de l’économie. M. Rocco est au demeurant parfaitement conscient de la filiation Marcel_Déat-1936.jpgjacobine de sa pensée car il célèbre le relèvement de l’État « dans la seconde phase de la Révolution (française) et pendant la période de l’empire napoléonien ». Néanmoins, les fascistes n’afficheront que du mépris pour Rousseau. C’est, de leur part, simple inconséquence. Pour l’avoir mal lu, ils le tiennent pour un individualiste. Sous l’Occupation, M. Marcel Déat (photo) leur en fera le reproche mérité. 

    Ainsi Mussolini était parfaitement justifié de proclamer, dans son discours de Milan du 5 février 1920 : « Le seul, l’unique socialiste peut-être qu’il y ait eu en Italie depuis cinq ans, c’est moi ». Drieu la 893403.jpgRochelle (photo) aura tout aussi raison d’intituler l’un de ses ouvrages Socialisme fasciste. D’ailleurs puisque le fascisme est action avant d’être doctrine, il est aisé de prouver que l’évolution qui transformera l’agitateur romagnol en dictateur s’est opérée sans solution de continuité. Sans doute l’histoire est-elle écrite par les vainqueurs, et ceux-ci, soucieux de déshonorer politiquement Mussolini, se sont-ils efforcés de le présenter comme un ambitieux qui, pour satisfaire ses appétits, a trahi la cause de sa jeunesse. Rien n’est plus contraire aux faits. 

    Le 7 juin 1914 fut sans doute la date décisive de l’existence politique de Mussolini. Ce jour-là, une bagarre éclata à Ancône. Trois ouvriers furent tués, ce qui provoqua une grève générale dans l’Italie tout entière. Elle se développa avec une brutalité extraordinaire. Des églises brûlèrent. À Ravenne, un général fut arrêté par les manifestants. Partout, des conseils ouvriers se constituèrent. Mussolini, alors rédacteur en chef de l’Avanti, le quotidien du parti socialiste, estimait qu’il fallait organiser révolutionnairement les masses en lutte. La majorité du parti décida contre lui d’empêcher la « démonstration » de se transformer en insurrection. 

    Faisceau_italien.jpgPersuadé qu’il n’y avait rien à espérer du Parti, Mussolini s’en sépara en octobre parce qu’il avait décidé de faire campagne en faveur de l’intervention de son pays aux côtés de la France. Le 15 novembre, il fondait le Popolo d’ltalia, « quotidien socialiste » et groupait ses partisans dans « les faisceaux d’action révolutionnaire » qui devaient être, selon leurs statuts, « les libres groupements des révolutionnaires de toutes les écoles, de toutes les croyances et doctrines politiques. » On a reproché à Mussolini d’avoir reçu des subsides de la France, ce qui est certain. On devait reprocher de même à Lénine d’avoir rejoint son pays en traversant l’Allemagne dans un wagon plombé. En fait, Mussolini n’était pas plus l’agent de Poincaré, que Lénine ne le sera de Guillaume II. S’il avait choisi de militer en faveur de l’intervention militaire de son pays, c’était exactement pour les mêmes raisons que Lénine lorsqu’il prêchait « le défaitisme révolutionnaire ». Les deux hommes adoptaient certes des attitudes opposées, mais contre un ennemi commun : la social-démocratie réformiste et opportuniste, qui défendait, en Italie comme en Russie, la politique « bourgeoise », ici l’égoïsme sacré, là la guerre.    (A suivre)

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

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    Maurras et le Fascisme  [1]  [2]  [3]  [4]

  • Maurras et le Fascisme [2]

     

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgC'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions ici en quelques jours. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    Un individu ne peut rien de durable ...

    Maurras entendait corriger le fascisme, ou le contenir, par le contrepoids de la force française.

    Le 18 avril 1926, il écrivait prophétiquement de Mussolini : 

    « Tiendra-t-il par la paix ? Sera-t-il réduit aux aventures de guerre ? Les difficultés ne lui font pas peur. Mais très souvent, c’est en poussant droit à l’obstacle qu’on arrive à le supprimer. On ne supprime pas la guerre en la niant ni en évitant de s’y préparer. Si le malheur voulait que, de complications coloniales en complications métropolitaines, d’incurie navale en impuissance maritime, nous fussions acculés à quelque lutte sanglante avec nos amis et alliés de 1915–1918, tous les torts ne seraient peut-être pas à ceux-ci. L’absurde campagne de presse que Léon Daudet a signalée avec éloquence fait vraiment rire de honte et de pitié, car enfin il suffirait à la France de maintenir les conditions essentielles de sa force pour devenir à peu près automatiquement, une alliée inévitable, une collaboratrice essentielle au développement de n’importe quelle puissance méditerranéenne. Les malheureux qui se plaignent des excès déclarés de la force italienne ne comprennent-ils pas que cela est fait, exactement, uniquement, de leurs folles déficiences ! Soyons nous-mêmes ; la plus magnifique et la plus naturelle combinaison d’essor latin obéirait à des communautés d’intérêts plus encore qu’à des communautés historiques. Notre faiblesse volontaire, systématique, renverse tout. Elle a opéré hier, en Abyssinie, la conjonction anglo-italienne ! Elle opérera demain la conjonction italo-allemande ! Pendant ce temps, nous avons la douleur de voir distribuer à des centaines de mille lecteurs français des papiers d’après lesquels, face au guerrier Mussolini, l’Allemagne ferait partie d’une constellation pacifique ! – l’Allemagne ! l’Allemagne ! »

    Il n’importait donc, selon Maurras, ni de nous fier aveuglement à ces communautés d’intérêts ou de culture que l’histoire et la géographie nouaient entre la France et l’Italie, ni de dénigrer, par système, le régime fasciste, mais plutôt de comprendre que l’incontestable redressement dont Mussolini était l’auteur, risquait, si nous n’y prenions garde, de créer une situation qui ne se dénouerait que par la guerre. « L’incident Renaudel » lui donnera l’occasion d’exprimer son angoisse. Le 22 juillet 1932, à Genève, lors d’une réunion de « l’Union interparlementaire » un député socialiste nommé Renaudel s’avisa d’opposer à un député fasciste que « dans un pays où il n’y a pas de liberté, il n’y a pas de justice ». Les Italiens répliquèrent en criant : « À bas la France ». Dans L’Action française, du 24 juillet, Maurras entreprit de tirer la leçon de cet incident, « trois et quatre fois odieux : parce que le tort initial venait d’un homme officiellement inscrit dans la nation française et qui n’avait pas le droit de la figurer ; parce qu’il a été répliqué à sa sottise par d’inadmissibles outrages ; parce que ces outrages n’ont pas été relevés avec une pertinente énergie ; enfin, et surtout, parce qu’une preuve nouvelle est donnée du déséquilibre matériel qui existe en Europe : d’une part, des populations dont la masse et l’élite, l’être réel et les figures officielles, sont également animés d’un vif sentiment de leur communauté historique, et d’autres populations, les nôtres, chez lesquelles ce sentiment, cette conscience, ce lien moral apparaissent pratiquement annulés tout au moins dans les sphères de leur pays légal. Il est impossible qu’un déséquilibre pareil n’amène pas à bref délai des malentendus, des désordres et des ruptures comparables à de véritables révolutions. Mais ces révolutions ou ruptures internationales ont un nom. Ce sont des guerres. Il y a la guerre quand celui qui a et qui tient, réputé pour ne pas tenir assez fermement, passe pour pouvoir être dépouillé sans grand effort. Or, la misérable pauvreté de notre moral, la médiocrité de nos défenses matérielles tentent, tentent beaucoup, tentent de plus en plus. Avant de céder à la tentation, on nous tâte d’abord sur notre fer, et ensuite en direction de nos membres et de notre cœur. Depuis quelques saisons, il semble que ces petites épreuves de résistance ne se comptent plus. » 

    b261e4befddf5e157566b7d7b19dfa9f.jpgCes textes datent de 1926 et de 1932, une époque donc où Hitler n’avait pas encore conquis le pouvoir. Ainsi, Maurras, bien loin de céder à une impulsion idéologique en faveur du fascisme, tirait, de la considération de sa force, la nécessité plus urgente de la force française. Ce qui était la seule manière de maintenir la paix. Attitude toute empirique, qui s’exprime fort bien, à l’occasion du voyage qu’il fit à Palerme pour assister aux obsèques, en 1926, du duc Philippe d’Orléans (photo). « En Italie, écrivait-il alors, j’ai regardé tant que j’ai pu. Avec défiance. Avec soin. Sans doute avec passion. Mais c’est à la mise en garde que je me suis appliqué avant tout. Il est si facile de se tromper en voyant ce que l’on veut voir ! Et l’ardeur de conclure, la promptitude à déchiffrer sont des faiblesses si naturelles de l’esprit humain. » 

    p6226_1.jpgLa défiance de Maurras à l’égard des préjugés, fussent-ils favorables, le conduisait certes à condamner les idéologues tels que Renaudel, qui dénigraient Mussolini à partir de principes abstraits, mais aussi bien ceux, de l’espèce opposée, qui louaient démesurément le Duce, sans tenir compte du fait qu’un individu ne peut rien de durable s’il ne s’appuie sur des institutions qui lui préexistent. (Photo : Victor-Emmanuel III). Le 17 mai 1928, il constate que « la vérité toute simple et toute crue est que Mussolini est extrêmement admiré en France. On l’estime pour sa vigueur, on l’admire pour la clarté et le réalisme de sa pensée. Ah ! si nous avions son pareil ! C’est la naïve idée courante. Ceux qui la formulent et qui la propagent innocemment ne se rendent pas compte qu’une action d’ordre et de progrès comme celle du fascisme italien suppose une base solide et stable, que la Monarchie seule fournit et qu’un certain degré d’aristocratie ou, si l’on veut, d’anti-démocratie doit encore la soutenir. » Réflexion que l’avenir vérifiera. Mussolini, par la fatalité de tout pouvoir totalitaire, s’abandonnera sans doute à la démesure, mais ce sera malgré la maison de Savoie. C’est elle qui interviendra au dernier instant pour le chasser, sauvant ainsi l’Italie d’un effondrement total. Grâce au souverain, qui en sera d’ailleurs bien mal récompensé, le maréchal Badoglio signera l’armistice et permettra la transition, empêchant, du même coup, les communistes de conquérir l’État. Dans les premiers temps, du reste, Mussolini avait été assez prudent pour respecter le pouvoir monarchique et l’autorité de l’Église. Les dernières années ne doivent pas faire méconnaître que l’Italie lui doit la signature des accords du Latran qui mettaient un terme heureux au conflit des deux Rome. Il était encore permis d’espérer, en 1928, que le Duce saurait se contenter du rôle de grand commis de la monarchie et que la gloire d’être le Richelieu de l’Italie lui suffirait.    (A suivre)

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

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    Maurras et le Fascisme [1]

  • Formation et militantisme : Limoges, Rouen...

    Ouverture de 2 nouvelles pages FB Action française :

    Action française Limoges

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    https://www.facebook.com/Action-Fran%C3%A7aise-Limoges-109079350581587/

    Action française Rouen

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    https://www.facebook.com/actionfrancaiserouen/?__tn__=%2Cd%2CP-R&eid=ARApYKQYVyGzVrtcYFpyfR-_RwxbSZgE7sDxDb_LVhJN9lNKCOkla-Dyzu7TttEooqaLTCs8lmlgZGxo

     

    Plein succés et longue vie à elles.

    lafauterarousseau

  • Charles Maurras et ses héritiers sur France Culture

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    Samedi dernier, 7 février, sur France CultureAlain Finkielkraut avait choisi pour thème de son émission RépliquesCharles Maurras et ses héritiers. 

    Invités : Olivier Dard, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris Sorbonne, spécialiste d’histoire politique et François Huguenin, historien des idées et essayiste français.

    L'enregistrement sonore de cette émission dure 52 minutes et mérite selon nous,  d'être écouté. Olivier Dard et François Huguenin sont de parfaits connaisseurs de Charles Maurras et l'on ressent parfois, de la part d'Alain Finkielkraut une réelle curiosité pour la vie et les idées de Maurras, même si, en définitive, sa prévention à son égard reste dominante et devient, parfois, accusation et jugement
     
    En fin de compte, ceux qu'intéresse en premier lieu l'histoire des idées regretteront peut-être que, de ce fait, l'apport de Maurras à la pensée politique contemporaine ait été traité un peu rapidement. Rappelons que pour Edgar Morin, trois grandes pensées politiques ont marqué l'époque moderne : celle de Tocqueville, de Marx et de Maurras. On eût peut-être aimé que Maurras soit aussi évoqué de ce point de vue. Sinon quelle explication y aurait-t-il à la constatation de Finkielkraut en début d'émission : « Maurras occupe à nouveau le devant de la scène. » •  Lafautearousseau  
     
      

     

    Documents 

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    Charles Maurras : le maître et l'action  -  Olivier Dard  - Armand Colin, 2013

     

    a_lécole_de_laction_française_un_siècle_de_vie_intellectuelle20100424.jpg

    A l'école de l'Action française : un siècle de vie intellectuelle - François Huguenin - Lattès, 1998 

     

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    L'Action française : une histoire intellectuelle  -  François Huguenin

     

  • Histoire • En marge de l'affaire Maurras : Où Georges Pompidou voulait en finir avec le temps où les Français ne s'aimai

     

    2293089609.14.jpgAu spectacle des manifestations de sectarisme paroxystique et de faiblesse de l'Etat qui ont abouti à l'exclusion de Charles Maurras des commémorations nationales 2018 - cent-cinquantième anniversaire de sa naissance - il nous était revenu à la mémoire les propos nobles, profonds et d'une particulière conviction, du président Pompidou, exprimant avec force sa volonté que l'on en finisse - après trente ans d'épreuves et de divisions -  avec le temps où les Français ne s'aimaient pas. On sait qu'utilisant cette expression, Georges Pompidou reprenait simplement le titre d'un ouvrage célèbre de Charles Maurras...   

    Mais le ton du président de la République d'alors, solennel et ferme, d'où se dégagent une réelle hauteur de vue et, en la circonstance, un patriotisme évident, s'apprécie d'autant plus qu'on l'écoute et qu'on le voit. Raison pour laquelle nous invitons nos lecteurs à regarder la vidéo qui suit. 

    Nous y ajoutons, au-dessous, ce que nous en avons dit.    

     

     

    « Le président Pompidou fit une sage et bonne action lorsque, répondant aux critiques de ceux qui lui reprochaient la grâce qu'il avait accordée à l'ex-milicien Paul Touvier, il déclara ceci qui devrait servir de charte aux Français d’aujourd’hui : « Notre pays depuis un peu plus de 30 ans a été de drame national en drame national. Ce fut la guerre, la défaite et ses humiliations, l'Occupation et ses horreurs, la Libération, par contre-coup l'épuration, et ses excès, reconnaissons-le. Et puis la guerre d'Indochine. Et puis l'affreux conflit d'Algérie et ses horreurs, des deux côtés, et l'exode de millions de Français chassés de leurs foyers, et du coup l'OAS, et ses attentats et ses violences et par contre-coup la répression …  Alors je me sens en droit de dire : allons-nous éternellement maintenir saignantes les plaies de nos désaccords nationaux ? Le moment n'est-t-il pas venu de jeter le voile, d'oublier ces temps où les Français ne s’aimaient pas, s'entre-déchiraient et même s'entre-tuaient ? » 

    Conférence de presse du 21 septembre 1972.

     

    Lire aussi dans Lafautearousseau ...

    Nouvelle « affaire Maurras » : Pour en finir avec le temps où les Français ne s'aimaient pas ...

  • Pour réintégrer Maurras dans le paysage politique français...

    lafautearousseau se propose ici de vous faire découvrir Un patriote, nommé Maurras. Maurras est en effet inconnu du grand public, parce que volontairement ignoré par la conspiration du silence, entretenue par le Système pour lequel Maurras n'est pas "dangereux", mais "le seul dangereux", car il en a dénoncé les bases idéologiques et parce qu'il l'a remis en cause dans ses fondements révolutionnaires.

    C'est donc à une sorte de feuilleton, à la découverte de l'homme Maurras, que nous allons vous entraîner, d'ici les prochaines élections municipales.

    Celles-ci, nous l'avons dit, seront peut-être décisives pour l'avenir de la Maison du Chemin de Paradis, fermé aux Français aujourd'hui par le dernier Mur de Berlin d'Europe : celui, invisible, du sectarisme haineux de la Mairie communiste, qui préfère laisser fermée (en attendant qu'elle ne s'écroule ?) une belle demeure qui pourrait être intégrée au réseau des Maisons des Illustres, et devenir un centre national et international de recherches et débats intellectuels de haut niveau sur Maurras, sa vie, son oeuvre; un lieu culturel vivant et rayonnant...

    Du début février au 23 mars (fin de la première partie de notre campagne de sensibilisation pour la sauvegarde de la maison de Maurras) nous présenterons divers textes ou documents relatifs à Maurras, sa vie, son oeuvre... 

    Ensuite, après les élections, nous verrons quelles orientations donner à notre campagne  pour la réhabilitation/réouverture au public de la maison/jardin de Maurras...

    : Nous passerons cette semaine (du lundi au vendredi) en bonne compagnie, avec Axel Tisserand, qui nous parlera de... Maurras, naturellement ! (1/5)...

    Entretien avec Axel Tisserand : pour Maurras, naturellement

    Propos recueillis par Gabrielle Monthélie, Le Bien Commun, n° 7, mai 2019.

    Axel Tisserand continue son travail d’exploration de la pensée de Charles Maurras et publie ces jours-ci, aux éditions Téqui, un livre qui fera date : Actualité de Charles Maurras, Introduction à une philosophie politique pour notre temps.

     

    1. Maurras ne va pas de soi. Interdit de commémoration, voué aux gémonies, il impressionne par la persistance de l’influence qu’on lui prête tout en bannissant son nom. Vouliez-vous rétablir un ordre juste sur son œuvre en écrivant ce livre ?

    Il est vrai que Maurras n’est aussi souvent cité qu’à proportion qu’il est honni. Déjà, en 2012, ouvrant un colloque pour les 60 ans de sa mort, je remarquais : « L’aversion à l’égard de Maurras est inversement proportionnelle à son éloignement historique. Plus il devient une figure de l’histoire, plus il est honni. Nous sommes passés d’une condamnation de sa doctrine à une damnation de tout ce qu’il représente… ou plutôt de tout ce qu’on lui fait endosser, de ce à quoi on le réduit. »

    J’ai pu reprendre ce propos, mot à mot, dans l’introduction de mon livre, puisque, en 2018, le 150e anniversaire de la naissance du Martégal l’a montré, la situation ne s’est pas améliorée, bien au contraire : cet anniversaire a donné lieu à des anathèmes médiatiques et des palinodies officielles, qui n’ont honoré ni le politique ni l’intelligence. Le fantôme de Maurras continue de hanter la mémoire nationale. Comme un remords ? On sait que Maurras, de l’aveu même de ses adversaires les plus intelligents (Mauriac ou Étiemble, et ne parlons pas de l’admiration que lui vouait le résistant Jean Paulhan) a été condamné pour des raisons strictement politiques. Allez sur le site de l’INA visionner le court reportage de janvier 1945 sur le procès de Lyon : le commentaire est édifiant. Quand on sait, en plus, que le dossier d’accusation fut confié à un faussaire…

    Ce que j’ai voulu, c’est non seulement en finir, sur des points cruciaux, avec le « mannequin Maurras », mais, plus encore, mettre en valeur la dimension anthropologique de sa philosophie politique, une dimension d’une actualité criante à l’heure du transhumanisme et de l’homme augmenté, c’est-à-dire… privé de son humanité.

    En quelque sorte, poursuivre dans la même veine que le Un autre Maurras de Gérard Leclerc, même si la comparaison peut paraître présomptueuse. C’est la raison pour laquelle j’ai également décidé de confronter la pensée de Maurras à plusieurs intellectuels contemporains importants, pour mieux montrer toute l’actualité de sa pensée...

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    lafautearousseau

  • Dans notre Éphéméride de ce jour : Maurras condamné...

    1945 : Maurras condamné...

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    Maurras, avec Bainville, Daudet et toute l'Action française, suivie par les patriotes français de tous bords et par les militaires, demandait la seule chose qui garantissait la paix : le démembrement de l'Allemagne, dont l'unité n'avait que... 48 ans.

    Mais le Système, et Clemenceau, haïssaient le catholicisme et étaient pénétré par la prussophilie qui remonte aux Encyclopédistes, pères de la Révolution. Ennemis contraints des Allemands du Kaiser, ces insensés pensèrent que la "démocratie" suffirait à calmer l'Allemagne de ses démons.

    Ils démembrèrent donc l'Empire catholique austro-hongrois, qui pouvait nous aider, être un allié précieux et un contre-poids aux velléités belliqueuses de la masse germanique; et ils laissèrent intacte l'Allemagne, humiliée et revancharde.

    C'est la guerre pour dans vingt ans, menée par un parti social-nationaliste, prévenait Bainville, dans les colonnes de L'Action française : il ne se trompait que d'un an (1939 au lieu de 1938) et que dans l'ordre des mots : Hitler fonda le parti national-socialiste (Nazionalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei) d'où vient l'abréviation "nazi"...

    Moyennant quoi, après nous avoir "donné" Hitler, Clemenceau mourut honoré par la République, laquelle nous "donna" le plus grand désastre de notre Histoire (après la Révolution), puis se permit de condamner celui qui avait alerté, qui avait tout prévu, tout annoncé !...

     

     

    Le 28 janvier 1945, la cour de justice de Lyon déclare Maurras coupable de haute trahison et d'intelligence avec l'ennemi et le condamne à la réclusion criminelle à perpétuité et à la dégradation nationale.

    Pour "Intelligence avec l'ennemi" ! : or, c'est bien  "la seule forme d’intelligence que Maurras n’ait jamais eue", comme l'a si bien dit François Mauriac, qui n’était pourtant pas de ses amis politiques...

    Le Parti communiste étant la plus puissante et la plus structurée des forces constituant, alors, le courant révolutionnaire, c'est lui qui fut le principal meneur de cette "re-Terreur" (comme dirait Daudet) que fut la sinistre Épuration.

    Or, L'Action française a été la première à dénoncer "l'énergumène Hitler", "le monstre", "le Minotaure", alors que le Parti communiste s'est plié aux injonctions de Moscou à la signature du Pacte de non agression germano-soviétique (du 23 août 1939 au 22 juin 1941) : Maurice Thorez passa du reste, confortablement, la guerre à Moscou, du 8 novembre 39 à son retour en France, le 24 novembre 44. Ce fut la raison pour laquelle L'Humanité fut interdite en 1939, pendant près de deux ans (voir l'Éphéméride du 25 août et l'Éphéméride du 28 août)

    Le Parti communiste changea, évidemment, d'attitude après l'attaque de l'URSS par Hitler; mais - quand on connaît l'Histoire - on comprend mieux la violence, en 44, de ceux qui avaient des choses à faire oublier...

    Condamner Maurras pour "intelligence avec l'ennemi", c'était - et cela reste, tant que la condamnation n'est pas annulée... -  rien moins que faire condamner les premiers "résistants" par les premiers "collabos"...

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    Dans le jardin de sa maison de Martigues, directement apposée sur l'angle de la maison, côté ouest, une stèle "répond" "à l'infâme verdict du 27 Janvier 1945".

    On y lit "la lettre historique écrite, à l'automne de 1944, par le Président du Conseil de nos Prud'hommes Pêcheurs" :

     



    Communauté des Patrons-Pêcheurs de Martigues.

    Martigues, le 16 Octobre 1944.

    Nous, Conseil des Prud'hommes pêcheurs des quartiers maritimes de Martigues, représentant 700 pêcheurs, attestons que notre concitoyen Charles Maurras a, depuis toujours et jusqu'à son incarcération, faisant abstraction de toute opinion politique, fait entendre sa grande voix pour la défense des intérêts de notre corporation.
    Par la presse, il a attaqué les trusts et les autres grands profiteurs, ainsi que certaines administrations qui voulaient nous brimer.

    Pour le Conseil des Prud'hommes, le Président Dimille. 

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    Face au théâtre, la Prudhommie des Pêcheurs de Martigues

     

    Voir - publié sur Boulevard Voltaire - la mise au point éloquente de Laure Fouré, juriste et fonctionnaire au Ministère des finances et d'Eric Zemmour :

    Oui, l'Action française a toujours été anti nazi

     

    Mais c'était le temps de la sinistre Epuration, qui ne fut rien d'autre qu'une vulgaire - mais sanglante - "re-Terreur" (l'expression est de Léon Daudet), qui dénatura et souilla d'une tâche indélébile la libération du territoire national, et dont l'un des grands "maîtres" (!) fut le non moins sinistre Aragon (voir l'Éphéméride du 11 mai, sur la Dévolution des Biens de presse)...

     

     

    A cette inique condamnation, Maurras réagira en Sage, et composera son splendide poème :

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    Où suis-je ? (voir l'Éphéméride du 3 février)

  • À suivre – Stéphane Blanchonnet : Commémorons Maurras avec Mme Nyssen ou sans elle !

     

    Par Stéphane Blanchonnet

    En donnant cette tribune à Boulevard Voltaire - où elle a été publiée hier dimanche - Stéphane Blanchonnet dit fort bien ce qu'il faut penser du tollé que soulève dans une frange d'ailleurs déclinante de l'opinion intellectuelle, l’inscription du cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Maurras [1868], au programme des Commémorations du ministère de la culture pour 2018. Voilà bien confirmation du double statut de Maurras : l'officiel, parfois exprimé dans la formule M. le Maudit, que tente d'imposer la pensée encore dominante, l'officieux ou pour mieux dire le réel qui est celui de contemporain capital, selon la formule du professeur Olivier Dard. Les deux statuts se combinent d'ailleurs ici significativement car, retirée ou non, la commémoration des 150 ans de la naissance de Maurras, nonobstant toutes rétractations et polémiques ultérieures, a bien été inscrite au programme du ministère de la culture pour l'année en cours.  A suivre, certainement.  LFAR

     

    648211564.jpgL’annonce récente de l’inscription de Maurras, - qui aurait eu 150 ans cette année -, au programme des Commémorations du ministère de la culture pour 2018, provoque une de ces polémiques quasi quotidiennes qui agitent les réseaux sociaux… Tous les censeurs professionnels sont à la manœuvre  : Corbière, la LICRA, Valls etc, et le ministre de la culture lui-même, Mme Nyssen, se voit contrainte, face à ce déchaînement de raccourcis et de caricatures, de rappeler cette évidence que commémorer un personnage important de l’histoire et des lettres françaises ne signifie pas adhésion totale à sa personne et à ses écrits !

    La vérité est que cette polémique est emblématique de la situation paradoxale de Maurras. Tout le monde, même parmi les demi-habiles et les demi-cultivés qui font la pluie et le beau temps dans le peu qu’il reste de vie intellectuelle française, connaît le nom du maître de l’Action française (plus, éventuellement, quelques citations polémiques et sorties de leur contexte) mais personne ou presque n’a lu une seule œuvre de ce géant de notre littérature, auteur de centaines d’ouvrages et de milliers de pages, qui firent les délices et l’admiration de Proust, Apollinaire, Cocteau, Kessel, Malraux, De Gaulle ou même Lacan. 

    Au fond, que Maurras soit ou non maintenu (il a semble-t-il été retiré depuis la rédaction de cet article) à la place qui est légitimement la sienne dans cette liste d’événements ou d’auteurs à commémorer dans le cadre officiel importe peu. Les censeurs pressés et incultes qui se sont manifestés lui ont finalement rendu le meilleur des services en attirant l’attention sur lui au moment ou la réédition d’une partie de son œuvre littéraire, politique et critique, est annoncée pour avril prochain chez un grand éditeur. 

    Le vrai public cultivé ira aux œuvres et jugera sur pièces !  

    Professeur agrégé de lettres modernes
    Président du Comité directeur de l'Action française
  • Cafés actualités et politiques, Cercles d'études : ”Une Action française se reverra”, disait Maurras; une Action françai

    LAFAUTEAROUSSEAU sans inscription.jpgDéjà la "reprise" a eu lieu à Nantes (le 28 septembre : Cercle d.docx), le prochain Cercle étant programmé pour le samedi 26 octobre (; à Lyon (le 2 octobre); à Aix-en-Provence (le 2 octobre également - et prochain Café le mardi 5 novembre, avec Hilaire de Crémiers -); à Paris, c'est vendredi prochain, le 4 octobre; à Marseille, la reprise aura lieu le samedi 26 octobre...

    Oui, en différents points de France, se manifeste actuellement une nouvelle jeunesse d'Action française au sens plein et entier. C'est à dire une nouvelle jeunesse qui tend à s'enraciner à la fois dans la tradition véritable qui est la nôtre (celle de l’Action française dans ce qu’elle a de pérenne et de profond) et, en même temps, dans une analyse critique des réalités d’aujourd'hui.

    « Le nationalisme français se reverra par la force des choses », disait Maurras. Par la force des choses, une Action française digne de ce nom se revoit et se reverra...

  • Pour réintégrer Maurras dans le paysage politique français...

    lafautearousseau se propose ici de vous faire découvrir Un patriote, nommé Maurras. Maurras est en effet inconnu du grand public, parce que volontairement ignoré par la conspiration du silence, entretenue par le Système pour lequel Maurras n'est pas "dangereux", mais "le seul dangereux", car il en a dénoncé les bases idéologiques et parce qu'il l'a remis en cause dans ses fondements révolutionnaires.

    C'est donc à une sorte de feuilleton, à la découverte de l'homme Maurras, que nous allons vous entraîner, d'ici les prochaines élections municipales.

    Celles-ci, nous l'avons dit, seront peut-être décisives pour l'avenir de la Maison du Chemin de Paradis, fermé aux Français aujourd'hui par le dernier Mur de Berlin d'Europe : celui, invisible, du sectarisme haineux de la Mairie communiste, qui préfère laisser fermée (en attendant qu'elle ne s'écroule ?) une belle demeure qui pourrait être intégrée au réseau des Maisons des Illustres, et devenir un centre national et international de recherches et débats intellectuels de haut niveau sur Maurras, sa vie, son oeuvre; un lieu culturel vivant et rayonnant...

    Du début février au 15 mars (fin de la première partie de notre campagne de sensibilisation pour la sauvegarde de la maison de Maurras) nous présentons divers textes ou documents relatifs à Maurras, sa vie, son oeuvre... 

    Au sujet de la Maison de Maurras, et de son Jardin, libres d'accès jusqu'à ce que la Mairie de Martigues n'en interdise l'entrée, ne les "ferme", aussi sournoisement que brutalement; n'érige autour d'eux comme une sorte de Mur de Berlin, aussi réel qu'invisible, nous demandons :

    1. Des informations claires et précises sur les travaux promis, et un calendrier, même approximatif, concernant le déroulement de ces travaux, qui doivent aboutir à la réouverture de la Maison au public...

    2. Et, en attendant, la remise à disposition du public du libre accès au jardin, sans autres conditions que celles qui prévalent en n'importe quel autre endroit public du pays, selon les règles et normes en vigueur partout...

    Cette semaine est la dernière avant que notre Campagne de sensibilisation ne prenne une autre forme, dès le lendemain du premier tour des élections municipales.

    Aujourd'hui, pour clôturer cette première partie de notre campagne de sensibilisation en vue de sauver la Maison et le Jardin de Maurras, voici le discours que prononça Miché Déon, son dernier Secrétaire particulier, le jour de la cérémonie de remise des clefs à la Ville de Martigues...

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    "Permettez-moi d'évoquer un souvenir qui a déjà près d'un demi-siècle.


    C'était à Tours, un matin affreusement grisâtre, sous un ciel si bas qu'il écrasait la ville.


    Toute la nuit, il avait neigé et le cortège qui accompagnait Charles Maurras à son dernier voyage pataugeait, transi, dans la boue.


    Le vieil et indomptable lutteur nous quittait, mais nous savions bien les uns et les autres qu'il n'était déjà plus avec nous.


    Certes, grande avait dû être sa tristesse de nous abandonner à nos tourments.


    Mais à la seconde où ses yeux se fermaient pour toujours, quelle joie avait dû s'emparer de son âme envolée à tire d'ailes vers la lumière de Martigues dont les servitudes de la vie l'avaient si souvent éloigné. Il n'était pas là dans ce triste cercueil, dans le froid et la neige, il était retourné à ses origines, à son étang de Berre qui, écrivait-il dans sa belle adresse aux félibres de Paris, le matin blanchit et le soir s'azure, qui de ses mille langues vertes lèche amoureusement le sable des calanques et ronge les rochers où l'on pêche le rouget *.


    La France avait été sa grande patrie aimée d'un amour si passionné qu'il s'autorisait à la rudoyer, la tancer de n'être pas toujours à la hauteur de ce qu'il attendait d'elle, mais la petite patrie, à laquelle il appartenait plus qu'à toute autre, n'avait connu de lui que les douceurs d'une pure piété filiale.


    Là, pour lui, s'arrêtaient les querelles des hommes.


    L'allée conduisant à sa bastide ne s'appelle-t-elle pas Le Chemin de Paradis, titre de son premier livre ? Cette minute où l'âme est enfin délivrée de ses colères et de ses joies terrestres, il ne l'avait jamais mieux exprimée que dans un poème écrit en prison**, publié sous le pseudonyme de Léon Rameau, ce rameau d'olivier tendu en signe de paix :



    Lorsque, enfin déliés d'une chair qui les voile
    Les bons, les bienfaisants bienheureux, les élus
    Auront joint le nocher sur la mer des étoiles,
    Le sourire du Dieu ne leur manquera plus.

    Mais sur les pauvres os confiés à la terre
    L'épaisseur de la nuit, le poids du monument,
    La sèche nudité de l'adieu lapidaire
    Font-ils la solitude et l'épouvantement ?

     

    Une œuvre, une action, un chant ne s'éteignent pas avec leur créateur quand ils ont ce serein espoir. Ils éclairent les générations à venir. Encore faut-il que ce qui n'a pas été gravé dans le marbre soit conservé. Dans ses dernières lettres de prison, Charles Maurras n'avait cessé de se préoccuper du sort de ses livres, des documents et des lettres qui avaient accompagné sa vie intellectuelle, sa quête de la vérité tout au long de l'histoire de France en ce terrible XXème siècle, le plus sanglant de l'histoire du monde.


    Il y avait là un trésor à classer, déchiffrer, commenter. La justice des hommes, si faillible, peut croire qu'une condamnation sans appel rayera de notre patrimoine une pensée fût-elle controversée ou exaltée.


    Vaine prétention !


    La pensée est comme l'arbre de vie : elle a ses racines dans la terre et tend ses branches vers le ciel.


    Dans l'histoire des civilisations, elle est le maillon d'une chaîne qui ne s'interrompra qu'avec la fin de l'humanité.


    Le temps voile ses erreurs passionnelles pour n'en conserver que l'essence.


    En sauvant les murs de la maison de Charles Maurras, en l'ouvrant à des chercheurs venus de tous les horizons politiques et humains, la Municipalité de Martigues exauce les vœux derniers d'un homme sur qui l'on voudrait faire croire que tout a été dit alors que tout reste à découvrir et à méditer.


    Succédant à Charles Maurras au seizième fauteuil de notre Académie française, cette Académie que Maurras appelait avec respect « sa mère », le duc de Lévis-Mirepoix terminait l'éloge de son prédécesseur par ces mots : Comme Socrate, il a encouru la colère de la Cité.


    Oui, mais pas la colère de sa Cité de Martigues.


    Soyez-en remercié, vous qui au nom de la liberté de penser, au nom de la poésie, avez su vous élever au-dessus des querelles de notre temps et reconnaître en cet homme debout un des grands philosophes politiques de notre temps, et un grand, un très grand poète."

    * Les trente beautés de Martigues
    ** Ainsi soit-il !

    lafautearousseau

  • Maurras, humaniste et poète ?, par Gérard Leclerc.

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

    Nous voici donc dans la seconde série militante de l’été « Le legs d’Action française  », voulue par le responsable du blog quotidien de l’Action française, afin de soutenir l’effort de formation du secrétariat général.

    Dans cette seconde rubrique, Gérard Leclerc présente Charles Maurras au travers son maitre, l’abbé Penon. Ceux qui souhaiteront approfondir le sujet pourront se rapporter à l’édition savante de la correspondance Penon-Maurras publiée et commentée par Axel Tisserand (Privat SAS, collection Histoire, 2007). Un indispensable de la bibliothèque du nationaliste français.

    gerard leclerc.jpgA l’origine, un homme exceptionnel, humaniste, penseur et poète…

    Par Gérard LECLERC

    Je vous disais tout à l’heure que j’avais une certaine crainte, car qui trop embrasse… risque d’être complètement débordé par son sujet… C’est pourquoi j’ai choisi un certain nombre de séquences, je ne suis pas sûr d’avoir le temps de les reprendre toutes. Mais, bon…, commençons par les origines.

    A l’origine, il y a donc un étonnant personnage qui s’appelle Charles Maurras. Mon père avait coutume de dire que c’était “un homme qui faisait honneur à l’homme”. Effectivement, c’était une personnalité tout à fait singulière  : par sa seule volonté, il va ranimer une part essentielle du legs historique de la France. L’idée monarchique était en train de s’effacer, de disparaître, et cette fin paraissait alors définitive, et il va parvenir à la restaurer. Il aura fallu ce petit bonhomme tout à fait unique pour en rétablir l’idée.

    Pour comprendre son épaisseur réelle, essayons de rentrer un peu dans sa personnalité. Je lui attribuerai un certain nombre de qualificatifs. Je dirai d’abord que Charles Maurras est un humaniste ; pas au sens niais et habituel du terme, tel que le Parti radical s’en réclame, ni au sens du XVIIIe siècle et des Lumières, mais au sens du XVIe siècle : un homme des humanités. Un homme d’une culture profonde, un homme qui a bénéficié de cet enseignement, de cette culture générale qui aujourd’hui est presque complètement perdue. Un homme formé au latin, au grec, et à la pensée grecque, et à la littérature latine, un homme étonnant que nous connaissons mieux depuis que notre ami Axel Tisserand a édité sa correspondance avec son professeur, son maître, l’abbé Jean-Baptiste Penon, qui deviendra Mgr Penon.

    Pédagogue exceptionnel, Penon a formé Maurras à ce que l’on appelle les humanités, les humanités classiques. Il l’a formé à la littérature française, mais d’abord au latin et au grec. Maurras avait ainsi une connaissance du latin et du grec que les générations suivantes n’ont pas connues. C’est mon cas… J’ai fait du latin et du grec, mais j’étais un peu honteux devant mes prédécesseurs, parce que nous n’avions pas cette connaissance précise qui nous permettait de lire et interpréter un texte de Virgile ou de Platon.

    Maurras est donc d’abord un formidable humaniste. Un jour, je visitais sa maison du chemin de Paradis, à Martigues, j’y étais avec un éminent professeur de littérature de Rennes qui nous expliquait :”Voyez cette bibliothèque ! Vous ne pouvez pas comprendre Maurras sans cette bibliothèque…”, sans cette formidable culture qu’il a emmagasinée dès l’adolescence et qui explique la puissance et la profondeur de son esprit. Lorsque je parle de Maurras, je parle toujours de cet aspect-là  : si on n’a pas présente à l’esprit cette culture humaniste, difficile à imaginer aujourd’hui, il est incompréhensible, on ne peut entrer dans la profondeur de son esprit. Les premiers textes qu’il a écrits – je pense au Chemin de Paradis et à Anthinéa – ne s’expliquent que par cette culture. Ils sont emplis du suc de ces connaissances premières. Et aussi de l’exceptionnelle pénétration de son œil de critique littéraire, car c’est comme critique littéraire que Maurras s’affirme d’abord dans le journalisme. Il sera le premier à saluer, en 1896, Les Plaisirs et les jours, le premier livre d’un jeune écrivain juif inconnu, Marcel Proust, qui lui en sera reconnaissant toute sa vie.

    Un humaniste, donc, mais aussi un penseur. Il ne se contente pas d’emmagasiner tout le legs de la pensée, d’être une sorte de super-historien des idées, c’est aussi quelqu’un qui pense par lui-même. C’est en pensant par lui-même qu’il remet en cause et dépasse le conformisme et les préjugés les mieux établis de son époque. C’est une des choses qui m’impressionnent le plus chez Maurras, cette magnifique autonomie, cette absolue indépendance d’esprit qui lui permet de comprendre son temps en le dépassant, en le surmontant.

    Et Maurras est encore – et cela tout au long de son existence – un poète. Ce qui contredit l’image que l’on se fait souvent de lui d’une espèce de rationaliste desséché… Notre cher Bernanos disait que “Maurras couchait avec la raison”, ce qui d’un certain point de vue, était vrai, mais il ne faut pas oublier l’immense part de sensibilité poétique qu’il y a chez lui. La grande poétesse Anna de Noailles l’avait bien saisi qui disait qu’on ne pouvait pas comprendre Maurras sans ressentir sa sensibilité frémissante, et sans pressentir qu’un profond secret l’habitait.

    Gérard Leclerc

    à suivre

    Cette seconde série de Gérard Leclerc est à mettre en relation avec le quatres rubriques de Christian Franchet Desperey sur «   Le nouvel âge du maurrassisme  ». On peut les retrouver en cliquant sur les liens suivants  :

    1 – Est-il opportun de s’accrocher à un homme aussi décrié ?
    2 – Les positions les plus contestées de Maurras ne doivent plus faire écran à ses découvertes majeures
    3 – maurrassisme intra-muros et maurrassisme hors les murs
    4 – Une demarche d’aggiornamento cest-a-dire de mise au jour

  • Pour réintégrer Maurras dans le paysage politique français...

    lafautearousseau se propose ici de vous faire découvrir Un patriote, nommé Maurras. Maurras est en effet inconnu du grand public, parce que volontairement ignoré par la conspiration du silence, entretenue par le Système pour lequel Maurras n'est pas "dangereux", mais "le seul dangereux", car il en a dénoncé les bases idéologiques et parce qu'il l'a remis en cause dans ses fondements révolutionnaires.

    C'est donc à une sorte de feuilleton, à la découverte de l'homme Maurras, que nous allons vous entraîner, d'ici les prochaines élections municipales.

    Celles-ci, nous l'avons dit, seront peut-être décisives pour l'avenir de la Maison du Chemin de Paradis, fermé aux Français aujourd'hui par le dernier Mur de Berlin d'Europe : celui, invisible, du sectarisme haineux de la Mairie communiste, qui préfère laisser fermée (en attendant qu'elle ne s'écroule ?) une belle demeure qui pourrait être intégrée au réseau des Maisons des Illustres, et devenir un centre national et international de recherches et débats intellectuels de haut niveau sur Maurras, sa vie, son oeuvre; un lieu culturel vivant et rayonnant...

    Du début février au 15 mars (fin de la première partie de notre campagne de sensibilisation pour la sauvegarde de la maison de Maurras) nous présentons divers textes ou documents relatifs à Maurras, sa vie, son oeuvre... 

    Au sujet de la Maison de Maurras, et de son Jardin, libres d'accès jusqu'à ce que la Mairie de Martigues n'en interdise l'entrée, ne les "ferme", aussi sournoisement que brutalement; n'érige autour d'eux comme une sorte de Mur de Berlin, aussi réel qu'invisible, nous demandons :

    1. Des informations claires et précises sur les travaux promis, et un calendrier, même approximatif, concernant le déroulement de ces travaux, qui doivent aboutir à la réouverture de la Maison au public...

    2. Et, en attendant, la remise à disposition du public du libre accès au jardin, sans autres conditions que celles qui prévalent en n'importe quel autre endroit public du pays, selon les règles et normes en vigueur partout...

    Cette semaine est la dernière avant que notre Campagne de sensibilisation ne prenne une autre forme, dès le lendemain du premier tour des élections municipales.

    Aujourd'hui : l'antisémitisme de Maurras ? Une tartuferie bien commode, qui permet d' "évacuer" le seul adversaire dangereux pour le Système...

    On aurait bien du mal à dénombrer tout ce qui s'est dit et écrit sur l'antisémitisme de Charles Maurras en l’année de son cent-cinquantenaire. Et de façon trop systématique pour être pensé et véridique.

     

    Il a été beaucoup moins question de sa philosophie, sa politique, son esthétique, son œuvre littéraire, sa poésie. Et de cette soif d'enracinement qui anime les révoltes d'aujourd'hui et fut à l'origine de son entrée en politique. Au fond, malveillance, ignorance et paresse d'esprit se sont conjuguées pour qu'il en soit ainsi. A la surface des opinions l'antisémitisme a prévalu. 

    On ne sache pas que jamais Maurras ni aucun de ses disciples, ni aucun des membres de l'Action française, hier et aujourd’hui, aient eu quelque jour l'intention de faire le moindre mal physique ou autre à un quelconque Juif, justement parce qu'il eût été juif. 

    Ce que l'on nomme l'antisémitisme de Maurras, que l'on met bien à tort et tout à fait abusivement, au centre de sa vie, de sa pensée et de sa politique, s'apparente en fait à son anti-protestantisme, à son anti-romantisme, à son anti-germanisme, etc. Cet antisémitisme philosophique et politique est parfaitement étranger et parfaitement innocent du sort tragique fait aux Juifs dans les années 30 et 40, par de tout autres acteurs de l'Histoire. Que Maurras et l'Action française avaient du reste toujours combattus.  

    Pour quelles raisons profondes Maurras s'opposait-il au romantisme, ou plutôt à un certain romantisme, au germanisme, au protestantisme, au sémitisme, liés, selon lui, par un fond commun contraire au génie national ? C'est là une suite de grands sujets qui mériteraient des études sérieusement menées et qui ne peuvent l'être qu'à partir d'un ensemble de solides connaissances philosophiques, littéraires et historiques et dans une absolue liberté d'esprit. Notre propos ici est plus modeste. Il n'est que de pointer une injustice et d'en dire les ressorts.  

    De fait, les événements dramatiques des années 30 et 40 ont investi le vieil « antisémitisme » fin XIXe - début XXe siècle d'une résonance nouvelle et d'un sens inédit éminemment tragiques qui, sans-doute, rendent le terme inemployable aujourd'hui, sans pour autant le disqualifier en soi-même. Car est-il ou non permis de critiquer une tradition politique, littéraire, philosophique ou religieuse, que l'on estime contraire ou simplement étrangère à la tradition à laquelle soi-même on appartient et que l'on considère menacée ? Ceux - fût-ce la communauté juive - qui prétendraient imposer un tel interdit, une telle restriction â la liberté de discussion et de pensée, feraient preuve, selon l'expression employée naguère par le président Mitterrand en de  pareilles circonstances, d'une prétention excessive. Et ceux qui s'y soumettraient abdiqueraient tout simplement leur  liberté de penser, discuter, controverser. 

    Antisémite autour des années 1900, au sens que le mot avait alors, Maurras ne fut jamais privé de solides amitiés juives, ni de la liberté de discussion, de controverse ou de polémique, ni des plus cordiales relations, dans le monde et dans la vie intellectuelle française, avec les Juifs les plus illustres de son temps. Proust, Kessel, Halévy*, par exemple. Ils ne prétendaient pas alors à cette sorte de sacralisation ou de sanctuarisation de leurs personnes et de leur cause qu'ils considèrent leur être due aujourd'hui et qui de facto leur est en quelque sorte reconnue.  C'était avant les drames des années 30 et 40 et bien avant le nouvel antisémitisme actuel, agressif et violent, qui ne se loge plus guère que dans les milieux islamistes et d'ultragauche. Maurras pratiquait la polémique en termes qui furent parfois violents, selon le style du temps. Aujourd'hui, on agresse, on torture et on tue. 

    Alors pourquoi cette réduction pavlovienne de Maurras à son antisémitisme,  abusivement confondu avec celui qui prévalut au cœur des années noires ? Alors que sa pensée couvre tant d'autres sujets et domaines essentiels ? Et que la question juive n'y est pas centrale ? Peut-être tout simplement comme utile et commode bouc-émissaire, comme l'antisémite expiatoire à qui l'on fait endosser, porter le chapeau d'un antisémitisme qui fut en réalité celui de toute une époque, toute une société et d'une multitude de personnalités de droite, de gauche ou d'extrême-gauche dont il serait aisé mais gênant pour les intéressés ou leurs successeurs de dresser la liste innombrable. Maurras pour occulter leurs écrits et leurs paroles ? Conjurer leurs hontes et plus encore leur crainte qu'un certain passé collectif, le leur, ne remonte à la surface de la mémoire publique ? Maurras seul responsable, seul désigné pour endosser, prendre sur lui, et occulter cette réalité ? Chargé de tous les péchés d'Israël pour en dédouaner tant et tant d'autres ?  

    Ce n'est pas là qu'une hypothèse. C'est le fait. Ne soyons pas dupes. Et sachons que nous n'avons aucune raison de rougir des maîtres que nous nous sommes choisis ni de plier leur héritage aux impératifs catégoriques de la doxa. Si ces lignes ont une raison d’être, dans le contexte actuel si différent de celui évoqué ici,  c’est pour cette conclusion.   

     

     Daniel Halévy.jpg* Le cas Daniel Halévy est exemplaire.

    Héritier d'une lignée de grands intellectuels français juifs - son père, Ludovic Halévy avait été académicien français, son frère aîné Élie fut un philosophe célèbre en son temps - Daniel Halévy avait pour Maurras une amitié et une admiration qui ne se démentirent jamais.

    Dans Un siècle une vie, Jean Guitton en a dit ceci : « Il avait un culte pour Charles Maurras, qui était pour lui le type de l'athlète portant le poids d'un univers en décadence. ».

    Halévy qui est l'auteur d'ouvrages majeurs (La fin des notables, Essai sur l'accélération de l'Histoire, etc.) mourut en 1962, dix ans après Maurras, dans des dispositions d'esprit et de cœur inchangées à son endroit.

    Ajoutons au titre biographique que la mère de Daniel Halévy était une Breguet (les horlogers et avionneurs) et que ni son maurrassisme profond ni sa fidélité à la personne de Pétain ne l'écartèrent des élites dominantes de son temps. Il fut le beau-père de Louis Joxe, résistant et ministre du général De Gaulle, et le grand-père de Pierre Joxe, le président du Conseil Constitutionnel.  

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