UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : La technocrature, maladie sénile de la démocratie, par Philippe Germain.

  • Technocrature, maladie sénile de la démocratie, par Philippe Germain.

    C’est dans le mensuel Le Bien Commun n°4 de février 2019 que le spécialiste des sciences de la gestion, Baptiste Rappin, Maitre de conférences à l’Université de Lorraine a pu expliquer que «  le régime oligarchique et ploutocratique dans lequel nous vivons depuis l’avènement de la révolution industrielle s’est enfin montré en toute transparence avec «  l’élection  » du Président Macron  ».

    En 2017, lorsque le suffrage universel à élu Emmanuel Macron Président de la République, l’expression de «  Hold-up démocratique  » a très vite circulée  ! Pour qu’il y ait hold-up, encore faut-il qu’il y ait butin. En l’occurrence en démocratie, le butin c’est l’appareil d’État.

    philippe germain.jpgPuis est arrivée une seconde expression, celle de «  la prise du pouvoir par les technos  », c’est à dire les technocrates (qu’il ne faut pas confondre avec les techniciens) dont Macron est l’icône par son parcours exemplaire  !– 2004, Sorti de l’École nationale d’administration (ENA) devient inspecteur des finances.– 2009, rejoint la banque d’affairesRothschild et devient associé-gérant en 2010. Emmanuel Macron a été poussé, dans sa campagne présidentielle, par un groupe de hauts fonctionnaires, les «  Gracques  ».

    L’élite politique républicaine a dû quitter le navire de l’État pour laisser la place à la «  technocrature  ». C’est elle qui maintenant conduit l’appareil d’État chaque lundi en réunissant quatre énarques, dont deux issus du Trésor (Macron, Kohler) et deux autres du Conseil d’état (Philippe, Ribadeau-Dumas). Cette technocrature maîtrise totalement les trois grands corps d’État que sont– La Cour des comptes,– Le Conseil d’État,– L’Inspection des finances .

    Ce Hold-up démocratique réalisé par la technocrature aurait permis le «  dégagisme  » de «  l’ancien monde  ». Celui des vieux parti politiques, de centre-gauche et de centre-droit qui gouvernent en alternanceComme le communisme s’est écroulé en une soirée au Mur de Berlin, le Vieux Parti Républicain (le V.P.R. disait Maurras) qu’on croyait lui aussi indestructible a été balayé en une soirée d’élection.

    En réalité la technocrature a sauvé in-extremis le Système représentatif républicain gravement disqualifié. Un Système représentatif dont les élus du V.P.R étaient massivement rejetés par les français (moralité de Cahuzac, Fillon, DSK et tant d’autres…. Mais aussi piètres statures de Sarkozy, Hollande….). Macron c’est un peu Bonaparte sauvant la Révolution….

    Pour nous – néo royalistes formés à l’école de l’empirisme organisateur et des analyses de Pierre Debray – la technocrature au pouvoir finalise la dégénérescence de l’élite politique républicaine. L’évènement de 2017 est de taille dans l’évolution du cycle démocratique français. C’est à la fois la défaite de l’élite politique et la victoire de l’élite technocrate. Une victoire espérée de longue date par  :– Pierre Mendès-France, le «  Jeune Turc  » modernisateur du vieux Parti Radical,– Jacques Chaban-Delmas, le gaulliste social,– Jacques Delors,  le démocrate-chrétien,– Michel Rocard, le socialiste-protestant.

    C’est pourquoi il faut impérativement éviter de tomber dans le piège de la personnalisation. Celui d’un pseudo «  pouvoir macroniste  ». Le président Macron n’est que le maillon final qui a réussi le coup de force de la technocrature. Certes l’amuseur monarchiste Thierry Ardisson n’a pas tort de railler cette bande de «  stagiaires qui n’y connaissent rien. Qui on fait le lycée Henri IV, l’ENA, Science-Po mais sont des puceaux ne connaissant pas la vraie vie  !  ». Pourtant cette technocrature des «  stagiaires  » a maintenant la totalité du pouvoir politique entre ses mains. Ce changement est un événement aux conséquences lourdes pour la France. Nous verrons prochainement pourquoi….

  • La technocrature, maladie sénile de la démocratie, par Philippe Germain.

    Les maurrassiens ne sont pas les seuls à mesurer l’importance de l’évolution du cycle de la démocratie française donnant tout le pouvoir politique aux technocrates. Effectivement à gauche et à l’ultra-gauche, s’enfle l’imaginaire démonologique, voir complotiste  !

    C’est à gauche et même à l’ultra-gauche, que certains ont commencé à se poser la question du «  quel est réellement ce nouveau monde qui gouverne  ?  ». Prenons quelques titres d’ouvrages  :

    philippe germain.jpg1. Chez Laffont «  Les intouchables d’Etat   » par Vincent Jaubet, grand reporter à l’Obs,

    2. ATTAC publie «  Macron l’imposture  »,

    3. Médiapart publie l’enquete nommé «  La caste  »,

    4. Succès fulgurant au Diable Vauvert de «  Crépuscule  » de Juan Branco, ancien avocat de Jean-Luc Melechon,

    5. Chez La découverte «  Le président des ultra-riches  » de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot,

    6. Chez Textuel «  Les prédateurs au pouvoir, main basse sur notre avenir..  » toujours par les passionnants Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, 

    7. L’hebdomadaire Marianne titre «   Ceux qui gouvernent vraiment la France  ».

    En revanche avec ces travaux venant de la gauche, nous assistons au retour du mythe des gros et des petits, de la caste sur le peuple, de ceux d’en haut sur ceux d’en bas. Bref du vieux mythe républicain recyclé, celui du clergé allié à la noblesse contre le tiers état, celui des 200 familles du parti radical de 1934, celui du murs d’argent du PCF….

    Ainsi la technocrature devient-elle  «  la caste  » et Macron le Président des«  plus riches  ».

    Ce qui n’est pas complètement faux  !

    Effectivement Macron a été adoubé par les puissants, financé par de généreux donateurs, conseillé par des économistes libéraux et multiplie effectivement les cadeaux «  aux plus riches  »– suppression de l’ISF, – flat tax sur les revenus du capital,– suppression de l’exit tax,– pérennisation du crédit d’impôt pour les entreprises…

    alors même que les classes moyennes en paient la facture sur fond de privatisation des services publics. Allez-donc vous étonner de la révolte des Gilets Jaunes  ?

    Pas faux donc… mais cette analyse nous oriente dans une voie sans réel avenir.

    Effectivement d’une démocratie représentative en phase terminale, sauvé in-extremis par les technocrates, il serait nécessaire de rebondir par… plus de démocratie, de la démocratie directe voir une VI° République…

    Bref toujours et encore une fuite en avant dans la démocratie imaginaire après le constat d’echec de la démocratie réelle.

    En réalité la dénonciation du mythe des gros et des petits, celui de la caste macroniste, du Président des riches évite de se poser des questions sur  :– les relations entre politique républicaine et économie,– l’histoire des élites démocratiques comme la technocrature,– leurs réseaux hexagonaux, européens et transatlantiques (pensons à la très officielle Amicale du Trésor regroupant technocrates d’État et financiers).

    Nous maurrassiens, ne pouvons en rester à une analyse aussi courte que celle du mythe républicain des gros et des petits. Nous le verrons prochainement mais en attendant il est possible de visualiser quelques vidéo intéressantes imprégnées de l’imaginaire du mythe des gros et des petits.

    1) Celle (84 minutes ) des «  mercredi de la NAR  » dans laquelle le célèbre monarcho-gaulliste Bertrand Renouvin recoit Monique Pinçon-Charlot pour son livre “Le président des ultra-riches”.  On y aborde l’aspect pur produit de l’oligarchie, l’hôte de l’Élysée a comblé de cadeaux fiscaux ceux qui l’avaient porté au pouvoir et donné à la guerre de classe une intensité inédite, provoquant la révolte des Gilets jaunes qui ont significativement envahi les “Beaux quartiers…”.


    2) Celle (35 minutes) de « Le Média » dans lequel Aude Lancelin a reçu le journaliste Laurent Mauduit pour échanger à propos de son livre : « La Caste – Enquête sur cette haute fonction publique qui a pris le pouvoir » :


     

    3) Celle (45 minutes) du groupe des «  Gilets Jaunes Constituants 91  » sur l’annuaire de l’association très discrete du Siècle et dans laquelle intervient Thibault le maintenant célèbre Gilet Jaune Royaliste.


  • La technocrature, maladie sénile de la démocratie, par Philippe Germain.

    Comment analyser les élites du Pays légal ?

    En 2017 l’élite technocratique, la «  technocrature  » donc, au travers son mandataire Emmanuel Macron, à pris le pouvoir politique. Tous les pouvoirs  ! Si elle a dégagé «  l’ancien monde  », celui de l’élite politique, en une soirée électorale, c’est tout simplement car il était disqualifié et qu’il fallait sauver le Système. Macron l’a fait tout comme Bonaparte avait sauvé la République le 18 Brumaire. La dénonciation de cette prise de pouvoir technocratique a rapidement été réalisée – souvent avec pertinence – par la Gauche et l’ultra-gauche mais dans une approche complotiste qui ne peut satisfaire la nouvelle génération des jeunes maurrassiens du XXI° siècle. 

    philippe germain.jpgIl importe donc aux jeunes néo-royalistes d’Action française de répondre à la question «  Qui gouverne ?  » sans sombrer dans le piège du complotisme ni d’ailleurs celui de l’aliénation complice.

    Généralement les réactionnaires sont présentés comme friands du complotisme à cause de l’ouvrage de l’abbé Barruel  : Mémoires pour servir à l’histoire du Jacobinisme (cinq volumes entre 1797 et 1803). Il y affirme que la Révolution n’a pas été un mouvement de révolte populaire spontanée, mais un processus organisé pendant plusieurs décennies dans des loges et dans des clubs — en particulier celui des Jacobins — afin de permettre à la bourgeoisie libérale de s’emparer du pouvoir. Contrairement au préjugé progressiste, cette explication conspirationniste – malgré un abbé Barruel bien mieux informé qu’on ne le dit, celons Emile Poulat – n’a jamais emporté l’adhésion de l’Action française. Les maurrassiens préfèrent très largement les travaux d’Augustin Cochin sur les sociétés de pensée. Certains des travaux de ce sociologue, réhabilité par François Furet, avaient été publiés dans le premier numéro de la Revue Universelle de Jacques Bainville en 1920. L’intérêt néo-royaliste pour les thèses de Cochin a été relancé par la «  Génération Maurras  » en 1989 – à l’occasion de la contestation du bicentenaire de la Révolution française – sous l’impulsion de l’animateur de l’Institut d’Action Française, Jean-Pierre Deschodt. Cet intérêt pour la grille d’analyse d’Augustin Cochin a encore été amplifié ces dernières années par Yves Morel, dans la Nouvelle Revue Universelle. Une preuve flagrante de la méfiance de l’Action française vis à vis de l’utilisation du mythe conspirationniste est le dédain avec lequel elle a ignoré le «  complot de la Synarchie  » en 1941 et 1942, alors que la presse collaborationniste mais aussi résistante, dénonçait ce mythe visant la Banque Worms et les trusts. Mythe d’ailleurs repris par le P.C.F. Après 1945. 

    Loin du piège de l’interprétation complotiste mais aussi de l’aliénation complice de la pensée correcte, nous allons, en suivant les recommandation de l’Historien Olivier Dard dans son ouvrage sur La Synarchie – le mythe du complot permanent, (chez Perrin) «   tenter de comprendre les mécanismes à l’œuvre et de saisir la complexité des réseaux d’influence comme la prise de décision  », même si nous avons conscience que c’est «  aussi ambitieux que délicat  » et «  oblige à emprunter une ligne de crête entre une suspicion généralisée qui n’explique guerre et se fourvoie dans le complotisme et un angélisme évidement hors de propos  ».

    Cette analyse «  ligne de crête  » évoquée par Olivier Dard, les maurrassiens la pratiquent par la Physique sociale, qui est une particularité de la boite à outils de l’école d’Action française. Cette fois nous utiliserons à la fois la méthode de l’empirisme organisateur mais aussi le clivage Pays légal/pays réel. Ce dernier nous différenciera des monarcho-gaullistes qui préfèrent le concept de retour de la lutte des classes. Sur le sujet on peut s’appuyer sur l’excellent article de Diane de Rorruan dans le n° 12 de Le Bien Commun de novembre 2019  : «  France périphérique, banlieue du politique  » et sur celui du n° 16 de mars 2020 sur «  Actualité de la lutte des classes  ». Nous nous utiliserons aussi la critique de la technocratie entamée par Pierre Debray, dès 1962 sous la présidence du général De Gaulle. Nous nous appuierons également sur les travaux du sociologue maurrassien Michel Michelet en particulier son étude de 1971 sur Pays légal/pays réel. Le combat de l’Action française contre la technocrature est une vieille histoire  !

    Nous allons donc dans nos prochaines rubriques, avec les outils qui sont le propre de notre école de pensé – osons le dire, qui en font la force – chercher à comprendre la genèse de l’événement historique que nous traversons avec la prise de pouvoir de la technocrature. Nous allons en quelques rubriques chercher à comprendre les raisons historiques pour lesquelles la haute fonction publique française ne sert pas l’intérêt général mais s’est mise au service de la finance pour et finir par mettre la France dans l’état d’insurrection avec les Gilets Jaunes et aujourd’hui l’acculer dans une situation de faiblesse extrême face au désastre écologique dans lequel la mondialisation sans limite l’a amené avec la pandémie du coronavirus. 

    Remonter aux causes est le seul moyen de remettre notre pays sur les bons rails  !

  • La technocrature, maladie sénile de la démocratie, par Philippe Germain.

    Intérêt du référentiel populiste  ?

    En 2017 la «  technocrature  » à pris le pouvoir politique. Pour sauver le Système,  elle s’est substituée à «  l’ancien monde  » très disqualifié de l’élite politique. Macron a rejoué Bonaparte sauvant la République le 18 Brumaire 1799. La dénonciation de ce  coup de force technocratique a rapidement été réalisée avec une certaine pertinence d’une part par Pierre-André Taguieff dans une analyse fouillée et documentée, mais aussi par la Gauche et l’ultra-gauche, malheureusement dans l’approche complotiste des «  gros contre les petits  ». Réfractaires au complotisme, les maurrassiens préfèrent donc analyser la technocrature comme un phénomène de physique sociale et donc utiliser l’empirisme organisateur et le concept Pays légal/pays réel.

    philippe germain.jpgFaut-il pour autant négliger le schéma explicatif proposé par les populistes  ?

    Certainement pas et l’interêt constant de l’Action française pour le populisme est flagrant, comme en atteste les entretiens de la collection de Le Bien Commun avec Aristide Leucate (LBC n°3), Jean-Baptiste Rappin (LBC n°4), Philippe Pichot-Bravard (LBC n°5), François Bousquet (LBC n°6), Catherine Rouvier (LBC n°7), Patrick Buisson ( LBC n° 9), Alexandre Delvecchio (LBC n°11), le duo Frédéric Rouvillois et Christphe Boutin (LBC n°13), Jérome Sainte-Marie (LBC n°14) et l’ancien ministre italien Lorenzo Fontana (LBC N°16). Pour comprendre la prise de pouvoir par la technocrature et connaître ceux «  qui gouvernent  », le populisme propose le schéma explicatif  du Peuple oublié et délaissé par ses élites mais précisant que le premier est «  hors système  » et «  Somewhere  » (de quelque part) perdant de la mondialisation, tandis que par opposition, les seconds sont «  du Système  », «  Anywhere  » (de n’importe où) gagnants de la mondialisation. Bref les élites auraient fait sécession du Peuple, d’où  le retour de la lutte de classes. Ce schéma explicatif populiste s’exprime  mondialement avec des variantes.

     

    L’Action française juge pourtant comme un écueil dommageable l’idéalisation du Peuple face aux élites

    Pour l’Action française, le «  référentiel  » populiste est intéressant. Elle considère particulièrement pertinentes les études de Christophe Guilluy et incontestables les nombreux éléments relatifs à la sécession des élites et au déclassement de la France d’en bas. Elle juge pourtant comme un écueil dommageable l’idéalisation du Peuple face aux élites. Il entraîne dans des chemins de traverse ceux qui aspirent à servir le Bien commun  ; comme le prouve historiquement le sans-culotisme, le boulangisme, le doriotisme, le poujadisme et le mao-spontanéisme. Ensuite pour un maurrassien, le référentiel populiste semble difficilement supporter l’apport récent de Jérome Fourquet sur «  l’archipelisation  » de la société française. En revanche si les néo-royalistes jugent un peu paresseux le recours au concept marxiste de lutte des classes, il sont stimulés par l’approche de Jérome Sainte-Marie s’inspirant de la notion de bloc élitaire d’Antonio Gramsci, de constitution d’un bloc à partir de la convergence d’intérêts de différents groupes sociaux qui acceptent la direction de l’un d’entre eux. Ainsi l’orientation du«  bloc élitaire  » serait donnée par la haute administration et la haute finance… la technocrature  ? 

    Alors, à la manière d’Auguste Comte, après avoir induit la prise en compte du référentiel populiste dans sa réflexion, l’Action française a déduit les carences de ce schéma explicatif, impuissant à répondre à la question de la prise de pouvoir par la technocrature… Qui gouverne  ? C’est pourquoi l’Action française du XXIe siècle  persiste à vouloir analyser la technocrature à travers le traditionnel prisme politique maurrassien distinguant le Pays réel du Pays légal. Et nous commencerons prochainement  par une courte étude historique du pays légal afin de mieux comprendre la technocrature.

  • La technocrature, maladie sénile de la démocratie La technocrature, maladie sénile de la démocratie, par Germain Philipp

    Oligarchie-Nomenklatura-Pays légal

    En 2017 la «  technocrature  » à pris le pouvoir politique pour sauver le Système disqualifié par l’élite politique. La pertinente dénonciation de ce coup de force technocratique a  été réalisée par l’ultra-gauche mais dans l’approche complotiste des «  gros contre les petits  ». S’étant également intéressé au schéma explicatif proposé par le populisme, les maurrassiens préfèrent pourtant analyser la technocrature comme un phénomène de physique sociale au travers la distinction Pays légal/pays réel.

    philippe germain.jpgPour cela ils doivent traiter de l’oligarchie, ce concept  mis en avant depuis 2010, par le monarcho-gaulliste Bertrand Renouvin  : «  Il faut lire Alain Minc. Non pour apprendre quelque chose sur l’économie et la finance. Mais pour savoir comment ça pense, un oligarque. Ou plutôt, comment ça regarde le monde et la société française. Ecoutons Alain Minc comme on écoute une radio ennemie, pour savoir ce qui se trame dans l’élite au pouvoir.  » Ce même  Alain Minc sera en 2017 un soutien farouche au technocrate Macron et à l’oligarchie.

    L’oligarchie « de fait  » est la forme de gouvernement démocratiquement ouvert à tous les citoyens mais où le pouvoir est confisqué par une petite partie de ceux-ci. Par précision disons l’ «  oligarchie démocratique  ». Ce système est complexe, avec plusieurs cercles de pouvoirs de plus en plus concentrés. L’ exercice du pouvoir discret et collégial de sa classe dirigeante repose sur des familles dominantes, dont la position politique vient du patrimoine transmis aux enfants avec une l’éducation organisée dans cette perspective. Pour gagner en clarté, nommons les  :  «  familles républicaine  ».

    Le terme d’oligarchie mis en avant par Renouvin était apparu dans l’Action françaisequotidienne dès 1908 en reprenant une citation d’ Hyppolite Taine, l’historien de la Révolution française. Il y fut modestement employé chaque année une quinzaine de fois, avec une pointe dans les années 1930 ou Charles Benoist introduisit la distinction entre « pays réel » et « pays légal », largement popularisée par Charles Maurras. Cette distinction, Maurras ne l’a pas « théorisée »  mais son observation des mécanismes concrets du pouvoir de la III° république lui a permis de mettre en évidence sa fonction décisive. Jamais l’idée ne lui serait venue d’en tirer une théorie immuable. C’est pourquoi, juste avant l’élection présidentielle de 1980, Pierre Debray jugea nécessaire de s’interroger – dans l’excellent mensuel marseillais d’Action française  Je suis Français –  sur la pertinence de maintenir ou non cette distinction dans le cas ou les socialistes prendraient le pouvoir de la V° république.

    A la façon de Jacques Bainville, en observant dans l’histoire les répétitions d’une même causalité de l’antiquité jusqu’a Hitler et Staline, Debray  dégagea une nouvelle loi de physique sociale qu’il nomma  «  du développement d’oligarchies nouvelles  ». Son expression était simple  : «  toute révolution produit une «  nouvelle classe  » soudée à la longue par l’intérêt.  » Par la prise en compte de la notion d’interet dans le temps, cette loi se differencie du schéma complotiste de gauche (les Gros contre les petits) et de celui ultra-droitiste (le mondialisme) mais aussi du référentiel marxiste de lutte des classes (Bourgeois contre prolétaires).

    Pour utiliser cette nouvelle loi, Debray induisit une hypothèse suite à l’intérêt politique de cette période pour le phénomène communiste de la «  Nomenklatura  ». A savoir «  N’y aurait-il pas, dans le passé de la France, une tendance au nomenclaturisme, cette classe de privilégié dominant la société soviétique  ?  »  Après l’étude de la mise en place de l’Administration, comme service de l’Etat, par Richelieu et Louis XIV,  il constata qu’après l’ébranlement de la Révolution française, Bonaparte du reconstruire une classe dirigeante. Debray découvrit que Napoléon Bonaparte l’avait fait sur une autre base que celle de l’Ancien régime (ni la noblesse ni la bourgeoisie n’avait résisté à 1789) car il forgea de toute pièce une nouvelle classe dirigeante. Le principe de Bonaparte  était simple  :  Ces gens venu de tous les milieux seraient soudés par l’intérêt, celui de l’enrichissement obtenu par la confiscation du pouvoir économique et politique. Cette nouvelle classe dirigeante a été forgé  à partir du Directoire (1794), grâce à l’enrichissement résultant de la spéculation sur les biens nationaux (confisqués au clergé et aux émigrés et achetés à bas prix) ;  la spéculation sur les Assignats, la suppression des agents de change à la Bourse, la corruption, les fournitures aux armées, mais aussi le pillage des pays conquis. C’était «  la nomenklatura du citoyen-général Bonaparte  »  en déduisit Debray. En 1980 la plus belle illustration de sa continuité dans le temps était le président de la république Valéry Giscard d’Estaing et certains chefs socialistes comme Rocard et Chevenement.

    Cette nouvelle classe – désignée «  Nomenklatura  »  ou «  Oligarchie démocratique  » ou «  Pays légal  » – est devenue héréditaire. Elle gouverne, opprime et exploite la France depuis le Directoire. C’est ce vieux monde que la technocrature se vante d’avoir balayé en 2017. En fait, elle l’a surtout sauvé mais pour comprendre cette opération, menée par le coup de force médiatico-policier de  «  l’Affaire Fillon  »,  nous allons devoir chercher a savoir qui compose le Pays légal ? Qu’elles sont ses fonctions  ? Quel est son mode de renouvellement nous permettant de comprendre la conquête de tous les pouvoirs par la technocrature  ?  

    Pour lire l’intégrale de la série « La technocrature, maladie sénile de la démocratie », cliquez  sur :

    2017 le coup de force de la Technocrature

    Le complotisme d’extreme-gauche

    Comment analyser les élites du pays légal

    Interet du référentiel populiste

  • Origine de la Technocratie, par Germain Philippe; (La technocrature, maladie sénile de la démocratie : 7/10).

    3408130272.4.jpegRésumé : En 2017 la technocrature a pris le pouvoir pour sauver la démocratie disqualifiée par son élite politique. Ne pouvant se satisfaire de la dénonciation complotiste de l’ultragauche, ni du référentiel populiste, l’Action française analyse la technocrature comme un phénomène de physique sociale. Utilisant la loi historique « du développement d’oligarchies nouvelles », elle découvre que Bonaparte a crée une nouvelle classe de privilégiés. Ce « pays légal » est un système oligarchique circulaire à trois élites s’épanouissant avec la régime républicain. Par la maîtrise du pouvoir législatif, l’élite politique favorise l’enrichissement sans risque de l’élite financière au travers des moyens de l’État.

    philippe germain.jpgEn contrepartie l’élite financière acquiert les grands groupes de presse au profit de l’élite médiatique idéologiquement sélectionnée. L’élite médiatique aliène alors l’électorat en propageant la fantasmagorie de la souveraineté populaire pour permettre à l’élite politique de garder le pouvoir législatif.

    Pourtant cet efficace système d’oligarchie démocratique s’est usé. Il a été mis à mal en 2017 par une quatrième élite du pays légal, la Technocratie. Elle a pris le pouvoir politique par un «  hold-up démocratique  » ; preuve qu’en république, le coup de force est possible. 

    La haute administration comme pilier 

    L’essor des Technocrates a commencé  en 1929 avec la crise de la société industrielle mais son origine est liée à la République. Si l’Ancien Régime reposait sur les quatre arcboutants de l’Eglise, l’Armée, la Justice et l’Administration, la République créa ses propres piliers avec les partis, l’Ecole, les syndicats et une nouvelle Administration qualifiée par Maurras de «  César anonyme et impersonnel, tout puissant, mais irresponsable et inconscient  ». L’Etat républicain est paradoxalement faible mais omnipotent, d’où le développement exponentiel d’une masse de fonctionnaires (5.664.000 en 2017), d’ou aussi pour suppléer aux carences de l’élite politique, la création d’une Haute Administration de 6 000 décideurs, appelés les technocrates à partir de 1933. 

    Ces technocrates ne sont  pas censés constituer une élite, notion contraire à l’égalitarisme démocratique, d’ou la grande discrétion sur les élites financières, politique et médiatique constituant le pays légal. Ils sont formés  à Sciences-Po, Polytechnique, Centrale, les Mines ou les Ponts et Chaussées après avoir été recrutés par concours mais aussi par le jeu subtil des protections et les stratégies matrimoniales. Béquille de l’élite politique, les technocrates, présentés comme méritocratiques, sont les enfants gâtés de la République. 

    La Haute Administration comme élite

    La physique sociale maurrassienne, nous apprend que le groupe X-Crise est fondé en 1931 par des polytechniciens persuadés des « avantages de rapidité et de précision dans la discussion que procure une formation commune ». Identifiant la société à une machine, X-Crise a une forte influence pendant le Front Populaire de Léon Blum, ensuite à Vichy derrière l’amiral Darlan qui, dès décembre 1940, met fin à la prépondérance des traditionalistes. La dynamique technocratique est lancée.

    Au Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF), le général De Gaule rend possible leurs initiatives car les grands corps de l’Etat ont mystérieusement  échappé à l’Epuration de 1945. L’Ecole Nationale d’Administration est crée tandis que les technocrates – vichyssois et londoniens confondus – forment la dorsale de la IVe République avec le  «  Plan  » et l’européisme de Jean Monet. Sous l’impulsion du Plan Marshall, les hauts fonctionnaires poussent à la mathématisation croissante de la société française faisant primer la quantité sur la qualité.

    Comme démontré par James Burnham, l’État assurant une part de plus en plus considérable dans la production, accroît l’autorité des «  managers  » qui, bientôt, ne se contentent plus du rôle d’exécutants de l’élite politique du Pays légal. En 1958, les technocrates passent donc un compromis avec De Gaulle pour assurer la gestion de la Ve république, devenue propriétaire de nombreux  moyens de production. De Gaulle légitime la reconversion de la compétence économique en compétence politique. La maîtrise des dossiers économiques va maintenant apparaître comme un élément indispensable au politicien créant ainsi une difficulté pour l’élite politique républicaine. Un grain de sable dans le système circulaire des trois élites de l’oligarchie démocratique qui ne peut déplaire à un De Gaulle, farouchement hostile aux partis mais aussi à l’Etablissement, qu’il assimile comme Pierre Debray, aux grands féodaux. 

    Les technocrates font un choix lourd pour la France : celui d’un nouveau modèle de société accentuant le caractère omnipotent de la République, par la redistribution massive par l’Etat, d’un tiers de la richesse nationale via quelques secteurs et les prestations sociales.  C’est «  l’Etat providence  » auquel l’Action française s’est toujours opposé, même lorsque les technocrates le maquillent faussement en un modèle colbertiste. De remède, les technocrates commençaient à muter en maladie d’une société démocratique vieillissante que De Gaule venait de provisoirement sauver par une Ve République, aux principes maurrassiens savamment cachés des regards. Cette accentuation de l’omnipotence Républicaine permet en revanche aux technocrates de devenir la quatrième élite du pays légal, la «  Technocratie  ». Une évolution, non souhaitée pas l’élite politique, qui perturbe le système circulaire de l’oligarchie démocratique, dominant depuis  la IIIe République.

    Les gestionnaires du privé

    Ce serait une grave erreur de limiter la Technocratie au domaine étatique. Deux évolutions ont donné le pouvoir aux managers dans les grandes entreprises industrielles entre les mains des dynasties bourgeoises, demeurées indépendantes de l’élite financière du Pays légal. D’abord la structure de la propriété des grandes entreprises s’est modifiée. Ensuite, comme Joseph Schumpeter  l’a démontré, l’innovation à la base de l’économie capitaliste, s’accorde mieux avec les pratiques de monopole qu’avec la libre concurrence.

    Le gigantisme engendrant la bureaucratisation des taches de direction et l’éparpillement de la propriété, nécessite une unité de commandement. Apparaissent alors les gestionnaires fondant leurs décisions uniquement sur la rationalité économique, dans l’espoir de limiter les risques. 

    Ces gestionnaires, le maurrassien Philippe Ariès le distingue des «  cadres  » qui ont toujours une fonction de responsabilité intellectuelle, d’initiative technique, de détermination d’un choix. Les cadres transforment les impulsions financières du sommet  en projet concrets de fabrication, qui à leur tour provoquent dans les ateliers des opérations industrielles. Les gestionnaires du privé, issus de l’E.N.A. ou de Polytechnique ne sont plus des capitalistes car ils possèdent au mieux quelques actions de la société qu’ils dirigent. Entre eux et les technocrates des entreprises nationalisées, il n’existe plus que de menues différences. Ni les uns ni les autres n’engagent leurs biens personnels. Cette disparition des différences sur la propriété des moyens de production facilitera l’extension du socle social de la Technocratie aux managers du privé, avec lesquels ils vont commencer à partager non seulement les mêmes pratiques mais aussi une même mentalité  : une mentalité de classe.

    Renouvellement de l’Etablissement par osmose

    Un phénomène d’osmose s’opère. D’un coté l’État contrôle l’économie, par l’intermédiaire des hauts fonctionnaires et des conseillers entourant les ministres de l’élite politique tout en menant leur carrière d’un cabinet à l’autre. De l’autre coté,  les grandes affaires privées de l’élite financière choisissent leurs dirigeants parmi ces hauts fonctionnaires bien placés pour obtenir de leurs anciens collègues les commandes ou les crédits de l’État. L’osmose s’opère entre gestionnaires d’entreprises privées, fonctionnaires et cabinets ministériels. 

    Mais ce phénomène d’osmose va plus loin et permet aussi le renouvellement de l’élite financière car ces dynasties républicaines héréditaires depuis Napoléon ne sont pas totalement endogames. Elles savent intégrer, au travers des mariages par les femmes,  des technocrates d’origine différente de leur héritage sociologique. Dans leur célèbre La Nomenklatura française, pouvoirs et privilèges des élites, Alexandre Wiekham et Sophie Coignard écrivent «  …ces prestigieuses tribus  : si elles trouvent en de sémillants hauts fonctionnaires des partis de rêve pour leurs filles à marier, ces Etatocrates semblent également apprécier la compagnie de jeunes personnes bien nées  » et de donner de nombreux exemples qui confirment largement l’analyse de physique sociale de Pierre Debray. De là, comment s’étonner que par capillarité, la mentalité technocratique séduise l’élite financière  ?

    Mentalité de l’élite technocratique

    S’ils affirment ne pas avoir d’idéologie, les technocrates ont une mentalité commune. Ils sortent des mêmes grandes écoles, imprégnés des schémas simplificateurs qui leur permettront de se comprendre. Ils possèdent une organisation cérébrale plus qu’une compétence technique. C’est pourquoi il faut les distinguer des techniciens. La technocratie est illusion de façade, permettant le règne des organisateurs – bêtes à concours – sur les véritables techniciens. Les  technocrates refusent d’assumer la responsabilité de leurs choix. Si leur plan échoue s’est qu’il a mal été mis en œuvre par les techniciens. Ils abritent souvent leur décisions derrière l’approche anglo-saxonne par processus, déshumanisante pour les techniciens ( les fameux burn-out ) mais déresponsabilisant les technocrates. 

    Ils partagent l’impératif forcené de modernisation par la croissance sans limite et font le pari du transhumanisme renonçant à la condition d’êtres humains et politiques. La Technocratie prône «  l’économique d’abord  », pour substituer au gouvernement des hommes l’administration des choses, comme voulait Saint-Simon en 1819. Ainsi 3 000 « hommes de génie  », des abeilles animent le pays mieux que les 30 000 «  frelons  » qui ne produisent rien mais se nourrissent des richesses du pays. Pour Frédéric Rouvillois la mentalité saint-simonienne irrigue ce que le président Macron se glorifie d’appeler le «  Progressisme  ». Unedimension politique de la disparition du politique, en opposition frontale au «  Politique d’abord  » prônée par les maurrassiens.

    Germain Philippe

    (A suivre)

    Pour suivre la série «  La Technocratie, maladie sénile de la démocratie  »
    Hold-Up démocratique
    Complotisme d’ultra-gauche intéressant
    Comment analyser les élites du pays légal
    Intérêt du référentiel populiste
    Oligarchie-Nomenklatura-Pays légal
    Les élites du pays légal

  • Les élites du Pays légal, par Germain Philippe (La technocrature, maladie sénile de la démocratie : 6/8).

    Résumé : En 2017 la technocrature à pris le pouvoir pour sauver la démocratie disqualifiée par son élite politique. Ne pouvant se satisfaire de la dénonciation complotiste de l’ultragauche, ni du référentiel populiste, l’Action française analyse la technocrature comme un phénomène de physique sociale. Utilisant la loi historique « du développement d’oligarchies nouvelles », elle découvre que Bonaparte a crée une nouvelle classe de privilégiés, nommée suivant les époques : Oligarchie ou Nomenklatura ou Pays légal. Cette classe est soudée par l’enrichissement résultant de le maîtrise de l’appareil d’Etat.

    philippe germain.jpgQui compose cette nouvelle classe/nomemklatura créée à partir de 1795  ? En fait Bonaparte prend des gens de tous les milieux, avides de faire « une fortune immense  », dira l’ancien évêque M. de Talleyrand. Ce sont des prêtres jureurs à la constitution civile du clergé, des membres de la vieille noblesse et des jacobins, des margoulins enrichis grâce à l’achat des biens nationaux, des commerçants grassement rétribués par les fournitures aux Armées. Ces «  habiles en finance  » constituent le noyau thermidorien de la nouvelle classe de privilégiés dont le grand l’historien de la Révolution Hyppolyte Taine précise «  Désormais tous les Français jouissent, en théorie, du droit commun  ; par malheur, ce n’est qu’en théorie. En fait, dans la cité, les nouveaux venus s’approprient la place, les prétentions et plus que les privilèges des anciens occupants.  »  Au noyau thermidorien s’agrège légitimement  les éléments les plus performants des «  anciens déshérités de l’histoire  » dont la condition était la plus basse sous l’Ancien-Régime «  les juifs, sorte d’étrangers, à peine tolérés, et les calvinistes, non seulement privés des droits des plus humbles, mais encore, depuis cent ans, persécutés par l’Etat  ». Pour ces habiles, Bonaparte crée immédiatement  la Banque de France et lui accorde le privilège exclusif d’émettre des billets. Pour l’historien Éric Bungener, « autour des régents de la Banque de France sous l’Empire s’est construit le mythe d’une HSP, “haute société protestante”, constituée d’un tout petit nombre de familles, très riches, se mariant entre elles  ». Voilà l’origine du concept des «  200 familles  » inventé par Edouard Daladier au congrès radical de 1934, puis largement repris par la gauche pour justifier l’échec du Front populaire de 1936. Les régents de la BdF symbolisent l’élite financière forgée par Bonaparte et dont nombre de descendants sont aujourd’hui parmi les «  super-riches  » au service desquels agit le Président Macron. Parmi les quatre-vingt-onze milliardaires recensés, on repère aussi les profiteurs de l’après-guerre et quelques rares fortunes nouvelles.

    A l’élite financière, Bonaparte ajoute une élite politique émanant de la nature même de son «  Régime moderne  » (H. Taine) basé sur une société à la fois militarisée et européanisée. La maçonnerie issue de la Grande Armée devient son armature, important dans les loges civiles la tendance laïque et anti-papale des loges militaires. Nombre de maréchaux sont francs-maçons, car Napoléon transforme la maçonnerie en institution quasi officielle et instrument d’influence majeur du pouvoir. La Terreur de Robespierre n’avait pas épargné les maçons mais Bonaparte place les survivants aux principales fonctions de l’Etat, les faisant ducs ou princes, les dotant de sénatoreries d’un bon rapport, leur permettant surtout, par une guerre qui épuise la nation, de poursuivre des malversations. La nomemklatura  comprend des généraux et maréchaux dont explique Taine «  en guise de dédommagement, on tolère  qu’ils pillent, qu’ils lèvent des contributions et s’enrichissent  ». Il ajoute  : «  S’il les a dotés magnifiquement, c’est en domaines découpés dans les pays conquis.  » Cette Europe moderne, révolutionnaire, obtient sur place le ralliement de notables, de hauts fonctionnaires gagnés aux Lumières (Auflarung) et d’entrepreneurs enrichi par l’élargissement des marchés et la protection de la concurrence anglaise. Ces ralliés, explique le professeur Etienne François, se retrouvent «  dans les mêmes loges et les même cercles, où les mariages mixtes sont fréquents…où s’accélère une dynamique d’intégration tacite à la France  ». Decette Europe révolutionnaire, les collaborateurs locaux participant au pillage refluent avec la Grande Armée en 1814 et tous ces Hollandais, Germains et Italiens s’agrègent à la nomenclature française. Ainsi est assurée le vivier d’une élite politique, caractérisée par une très forte stabilité du personnel parlementaire et ministériel comme de la haute administration. Ce personnel de «  politicards  » fut à partir de 1986, la cible du discours «  Tous pourris  » lepéniste, mais la normalisation du nationalisme électoral a transféré cette contestation vers le populisme de la mouvance Gilets Jaunes. 

    Après la chute de Napoléon en 1815, les deux élites financière et politique se sont ralliées à Louis XVIII pour sauver les meubles. Puis elles ont liquidé en 1830 Charles X, devenu dangereux, et en 1848 Louis-Philippe, qui cherchait à s’appuyer sur les notables. Comme Marx l’a expliqué, Napoléon III fit la part belle, très belle à la nouvelle classe. En revanche, pour prospérer au maximum grâce à l’Etat, cette nouvelle classe préfère un Etat faible. Elle va donc trouver son port d’attache avec la IIIe République, lorsque son élite politique prend la totalité du pouvoir en 1879. 

    Quoi de mieux pour la nomenklatura que le système représentatif, dans lequel les citoyens élisent des députés en leur abandonnant le soin de décider de la loi à leur place. Une fois élus, les députés échappent complètement à leurs électeurs, décidant de la loi sans avoir de compte à rendre. Pour conserver le pouvoir, l’élite politique doit donc contrôler l’opinion du pays réel, d’où le besoin d’un quadrillage médiatique de la société. Ainsi apparait la troisième élite, celle du «  parti médiatique  »  selon l’expression d’Antonio Gramsci, reprise par Régis Debray et Marcel Gauchet. A suivre Bernard-Henri Lévy, ses hommes ont pour origine le «  parti intellectuel  » crée à l’occasion de l’Affaire Dreyfus. Ils transforment la presse en outil de propagande avec la guerre de 14-18, abusent de l’usage photographique et inventent la «  peoplisation  » en faveur de Paul Painlevé qui, sous le Cartel des gauches, élabore le «  coup médiatique  ». Le paysage médiatique est profondément bouleversé à la Libération où tous les médias sont considérés coupables de soumission. Comme les biens nationaux de la Révolution, quantité d’immeubles, d’installations et de machines sont alors vendus à bas prix. Les héritiers du  «  parti intellectuel  »  nationalisent le secteur radiophonique et l’agence de presse Havas, qui devient l’Agence France-Presse (AFP). Ils deviennent surpuissants avec l’arrivée de la télévision dans les familles. L’élite médiatique obtient alors facilement le consentement du pays réel au dogme fantasmagorique de la «  souveraineté populaire  », permettant ainsi à l’élite politique de se maintenir au pouvoir. Le pays réel accepte ses chaînes car il est persuadé de choisir librement ses gouvernants en écoutant naïvement les responsables des rédactions, journalistes, présentateurs vedettes, éditorialistes migrateurs allant de chaîne étatique en radio privée, économistes et autres responsables de services politiques, tous sélectionnés sur l’intériorisation du politiquement correct conforme à l’institution démocratique. Aucun complot dans les stratégies mises en place sans concertation préalable, mais conséquence de l’uniformité des conceptions du monde découlant des intérêts de la l’oligarchie. Depuis 2017, l’ultragauche indigéniste de «  La France Insoumise  » s’est appropriée la dénonciation du «  parti médiatique  » — jusqu’alors terrain de la droitiste presse de réinformation –, et de sa petite poignée de milliardaires maîtrisant les médias pour entretenir avec l’Elite politique des relations incestueuses à base de subventions somptuaires et de passe-droits fiscaux.

    L’ analyse maurrassienne de physique sociale amène à presque admettre la conception marxiste de l’Etat émanant des classes dominante. Pour l’Action française, le pays légal est constitué par trois élites — groupes sociaux — en situation dominante dans la société, mais dont la position et même l’existence, sont déterminés par la forme du régime politique. Le pays légal prend pratiquement la forme d’un système oligarchique circulaire ou chaque élite joue un rôle. L’élite politique, par la maitrise du pouvoir législatif favorise l’enrichissement sans risque de l’élite financière au travers des moyens de l’Etat et au détriment de celui-ci. En contrepartie l’élite financière acquiert les grands groupes de presse au profit de l’élite médiatique dont le personnel est idéologiquement sélectionné. L’élite médiatique aliène alors l’électorat du Pays réel en propageant la fantasmagorie de la souveraineté populaire pour permettre à l’élite politique de garder la maîtrise du pouvoir législatif. La  boucle est bouclée. La préservation de ce système circulaire fondé sur l’intérêt financier implique le souci permanent de destruction des moyens de défense organiques du pays réel face au régime représentatif. C’est la clef de la démonstration maurrassienne de la distinction entre le pays légal et le pays réel.

    Pourtant ce système très efficace a été mis à mal en 2017 par l’apparition d’une quatrième élite  ; celle de la technocratie. Pourquoi  ? Qui compose la technocrature  ? Quel est son rôle  ?

  • Mutation mondialiste du pays légal (La technocrature, maladie sénile de la démocratie : 8/10), par Philippe Germain.

    Table des matières

    Résumé  : En 2017 la technocrature a pris le pouvoir  pour sauver la démocratie disqualifiée par son élite politique. Insatisfaite de l’explication par le complotisme d’ultragauche et celle du référentiel populiste, l’Action française  analyse la technocrature comme un phénomène de physique sociale. Utilisant la loi historique «  du développement d’oligarchies nouvelles  », elle découvre que Bonaparte a crée une nouvelle classe de privilégiés. Ce «  pays légal  » est un système oligarchique circulaire où trois élites financière, politique et médiatique s’épanouissent dans le cadre du régime républicain. Les commis de l’élite politique, les technocrates se sont ensuite constituée en une élite, bientôt déstabilisatrice du système oligarchique circulaire.

    philippe germain.jpgHégémonie du capitalisme financier

    Le début du septennat de Valéry Giscard d’ Estaing, correspond au clap de fin des trente glorieuses. Peu d’acteurs perçoivent l’enclenchement du vieillissement de la société Industrielle. La pathologie est masquée par les mesures sociétales progressistes prises par l’élite politique de centre-droit. Encore moins d’observateurs perçoivent que la Technocratie va entamer la mutation du pays légal vers le mondialisme.

    Sous Giscard (1974-1981), héritier de la nouvelle classe bonapartiste et pur produit de la Technocratie, l’Etablissement va pouvoir régner sans partage. Symboliquement le premier président de la République énarque fait appel à Jean-Jacques Servan-Schreiber, figure de proue de la Technocratie européiste. Pour s’enrichir par le pillage de l’Etat, l’élite financière va profiter des pouvoirs de la Technocratie à travers un soutien sans faille.

    Le ratage de la décolonisation africaine par le gaullisme a rapatrié en France un capitalisme non industriel discréditant le capitalisme industriel. Les technocrates de la Haute Administration laissent alors les banques refuser les crédits à notre industrie, au profit du financement de «  contrats du siècle  » en Iran et Irak. De plus, la garantie de l’Etat sur ces contrats à l’international protège l’élite financière de tout risque. L’Etablissement peut donc s’enrichir effrontément par la complicité de la Technocratie. C’est elle qui porte la responsabilité de l’hégémonie du capitalisme financier sur capitalisme industriel français.

    Désindustrialisation de la France

    Cette décision technocratique impliquant la désindustrialisation est aggravée par le second choix stratégique de ne pas automatiser les chaines de production automobiles. La Technocratie d’Etat mais aussi privée, juge plus rentable de recruter des OS en Afrique, permettant le maintien des salaires extrêmement bas. Les jeunes Français sont ainsi détournés de l’industrie et poussés vers les bureaux du secteur tertiaire. La désindustrialisation est une métastase affectant les classes moyennes et les régions. Un demi siècle plus tard cette métastase démocratique dégénéra en révolte des «  Gilets Jaunes  ».

    Au refus de l’automatisation au profit de l’esclavagisme africain, la Technocratie de la société industrielle ajoute la mesure prise par l’énarque Jacques Chirac, du «  regroupement familial  ». Cette ouverture à l’immigration de peuplement constituera le futur foyer de haine de la société multiculturelle. Pourtant, aux yeux de la Technocratie, ce choix déjà mondialiste se justifie car les familles immigrées augmentent la consommation qui alimente fiscalement les caisses de l’Etat-Providence. Comment imaginer que l’Immigration islamique est à son tour une métastase, rongeant une laïcité se voulant le creuset de l’intégration républicaine  ?

    Imbue d’elle-même, coupée du réel, enfermée dans sa logique quantitative, la Technocratie fait des choix contraires aux intérêts de la France mais allant dans le sens de ceux de l’Etablissement. Sûre d’elle-même, la Technocratie persévère dans son choix d’un Etat Providence, celui d’une République faible mais omnipotente, dont la Technocratie redistribue un tiers de la richesse nationale avec des prestations sociales considérablement étendues, dont le coût augmente de 6,6 % par an aboutissant à une augmentation des prélèvements obligatoires de 37  % à 43  % du PIB. A cette fiscalité exorbitante s’ajoute deux autres symptômes  : l’infantilisation du citoyen et une bureaucratie administrative galopante. De quoi inciter à relire le fondamental Dictateur et roi, écrit par Maurras dès 1899.

    Fragilisation de l’élite politique libérale

    Et l’élite politique  ?  Le démantèlement de l’ORTF  l’a fragilisée au profit de l’élite médiatique. Sous Giscard s’est totalement réalisée la prophétie de l’Avenir de l’Intelligence, celle du pourrissement de la culture par l’argent. Dans un pamphlet retentissant le maurrassien Pierre Boutang dénonce l’étroite relation entre l’élite financière et l’élite médiatique. Il pousse le comte de Paris à soutenir François Mitterrand pour la présidentielle de 1981 car il espère «  que les premiers coups soient portés au règne et au gouvernement de l’argent, installé depuis deux siècles. Qu’ils soient portés d’abord à la racine du mal aggravé pendant les sept dernières années  : toutes les conditions de l’esprit, toute la communication et la diffusion des idées sont tenues et détournées par l’argent.  » 

    A cet affaiblissement de l’élite politique de centre-droit, s’ajoute sa perte de crédibilité dans l’opinion, à la suite de nombreuses «  affaires  » comme l’assassinat de Jean de Broglie, la mort suspecte de Robert Boulin, les avions renifleurs et les diamants de Bokassa. 

    En 1981, le rejet par le pays réel est total et l’élite politique de gauche prend le pouvoir. Le système circulaire du pays légal va-il être perturbé  ? Que vont devenir l’élite financière – l’Etablissement –  et son partenaire privilégié, l’élite technocratique  ?

    L’Etablissement et la Gauche

    La grande illusion de Pierre Boutang sur l’élite politique de centre-gauche face à la domination de l’élite financière, vient de son maurrassisme métaphysique ignorant la physique sociale. L’autre héritier de Maurras, son double Pierre Debray, préfère utiliser l’empirisme organisateur pour entamer une «  Autopsie du pouvoir socialiste  », à l’intention de  l’Action française.

    Avant tout Debray pose la question de la persistance du modèle oligarchique révélé par l’empirisme organisateur  : «  Le nouveau pouvoir socialiste reste-t-il aux mains de l’Etablissement  ? Si oui rien ne sera changé, sinon les apparences. On nationalisera. Et après  ? L’Etablissement ne s’intéresse pas à l’entreprise mais au profit. Jamais il n’a pris le risque d’innover. Il laisse ce soin à des industriels…. Il ne s’enrichit que par le contrôle qu’il exerce sur l’Etat. Nationaliser des entreprises, surtout si elles marchent bien – c’était le cas de Renault – lui permet de se les approprier. Ses enfants (ou ses gendres) y feront de fructueuses carrières et pourront, par le biais de commandes à d’autres entreprises, celles-ci non nationalisées, réaliser de gros bénéfices…Il y a tout avantage à nationaliser puisque plus le secteur étatisé est vaste, plus il doit sous-traiter et cela au profit d’affaires dominées par l’Etablissement.  »

    La réponse sur la persistance de l’Etablissement, Debray la trouve en passant au crible l’élite du centre-gauche, en s’appuyant sur la documentation d’ Henry Coston, l’archiviste politique si controversé  mais si bien documenté. Au final rien n’a changé si l’on considère  la composition du gouvernement et l’entourage du président. La France reste gouvernée au centre pour le seul profit des quelques centaines de familles composant l’Etablissement. Le pillage de l’État va être renforcé par le biais des nationalisations et les banques d’affaires vont  perdre leur autonomie au profit des banques étrangères mais «  l’Etablissement s’en moque car il ne s’enrichit nullement en pratiquant l’esprit d’entreprise mais en parasitant l’appareil étatique. Plus celui-ci est puissant et plus l’enrichissement est rapide.  »  L’expression «  Gauche caviar  » va rapidement faire son apparition.

    La gauche et la Technocratie

    L’Etablissement perdure donc malgré l’alternance de l’élite politique du centre-droit au centre-gauche, mais la Technocratie  ? Rapidement l’élite politique socialiste se heurte à l’insatisfaction de son électorat qui ne se contente pas de l’abolition de la peine de mort. Il attend des changements plus substantiels que des mesures sociétales. Pour protéger l’Etablissement, l’élite politique socialiste désigne alors un bouc émissaire par la critique de l’élite technocratique sur le mode «  trop de privilèges, pas assez de services  ». L’élite politique retrouve ses racines jacobines.

    L’historien Jean-Pierre Rioux a synthétisé cette critique : «  Par son emprise sur les postes clefs, par la complicité de ses membres, elle [la Technocratie] contrôle avec insolence le gouvernement, le Parlement, les partis politiques, les médias, les grosses sociétés industrielles et financières  : l’hégémonie de cette caste brouillerait les rapports entre les pouvoirs, instaurerait une confusion entre l’intérêt général et les intérêts privés. Elle favoriserait l’affairisme des initiés et la morgue des décideurs alimenterait rumeurs et scandales. Une élite repliée sur elle-même et coupée des réalités sociales régnerait impunément sur le pays  ». L’élite politique de centre-gauche, figé sur le passé révolutionnaire, joue au le retour des «  grands ancêtres  »  ; des têtes doivent tomber.

    Technocratie et internationalisation polymorphe du marché.

    L’adversaire n’est pas les «  200 familles  » de l’Etablissement mais la technocratie dominatrice  : logique car la contradiction s’est exacerbée entre l’élite politique et l’élite technocratique émancipée sous Giscard. Initialement le modèle oligarchique circulaire fonctionnait bien car les technocrates renforçaient leurs commanditaires de I‘élite politique en étendant la compétence du Parlement par I ‘intervention législative en matière économique et celle du Gouvernement par le recours à la procédure des décrets-lois et des lois cadres. 

    Puis le modèle s’est grippé car pour la Technocratie, le système parlementaire est devenu I’obstacle à contourner en raison de l’inertie du suffrage universel et de I’immobilisme des assemblées, I’un et I’autre incompatibles avec les contraintes de l’économie — sans parler des députés défendant les intérêts électoralement les plus rentables. La gestion rationnelle de l’économie, idole des technocrates, se heurte ainsi à des difficultés croissantes liées à l’élite politique. D’où l’insatisfaction progressive de la Technocratie vis-à-vis de la toxicité de ses commanditaires de l’élite politique.

    Finalement un compromis est passé entre les deux élites car François Mitterand lançant le «  social  » à outrance a crée de la dette. La technocratie va donc aider l’élite politique qui a mis la France au bord du dépôt de bilan, à recourir massivement à la finance internationale. Au total un endettement de plus de 1 500 milliards en quinze ans, que la Technocratie devra financer par l’émission de titres publics et d’obligations du Trésor sur les marchés internationaux. 

    Cette tactique cosmopolitise les pratiques de la Technocratie et lui fait prendre conscience que les carrières tendent à se fabriquer maintenant au sein d’organismes internationaux. La technocratie commence alors à devenir le commis apatride de l’internationale des grandes affaires. Où pour éviter la très instrumentalisée suspicion de complotisme, préférons le vocabulaire savant de Pierre-André Taguieff «  d’internationalisation polymorphe du marché  ».

    Le mondialisme par l’Europe

    Ce virage mondialiste de la technocratie par la dette est accentué par un virageeuropéiste. Dès 1983-84 l’échec des programmes nationaux-keynésiens relance la construction européenne. Le technocrate Jacques Delors, ministre de l’économie et des finances, fait triompher le slogan «  la France par l’Europe  ». Le vieux rêve saint-simonien  se réalise en 1992 lorsque Mitterrand fait passer la République par la case Maastricht afin d’unifier les peuples sous la férule technocratique. Le OUI au référendum l’emporte d’un petit 51  %. Aucun des porte-parole du NON ni même M. Marchais ou M. Le Pen, n’a déclaré qu’il ne voulait pas de l’Europe. Tous se sont proclamés meilleurs Européens que les partisans du OUI. L’Action française s’est retrouvée isolée contre l’Europe des technocrates. 

    Paradoxalement, l’élite politique de centre-droit affirme que la grande vaincue du OUI à Maastricht est l’« eurocratie » et que l’Europe des nations a triomphé tandis que s’effondre celle des technocrates. On reste pantois, sauf si on comprend que ce mensonge masque le stade avancé de la maladie républicaine car le «  meneur  » du NON, le gaulliste Philippe Seguin avait prévenu  : un OUI mettrait en jeu la «  survie de la République  » au profit du fédéralisme technocratique européen.

    Les héritiers de Jean Monet avaient mis quarante ans à ce que l’Europe technocratique des bureaux devienne la muselière empêchant le chien national et démocratique de morde. L’élite politique ne mordra plus. La démocratie s’enfonçait dans sa pathologie dont le symptôme est décrit par Alain Peyrefitte : «  Seize mille fonctionnaires coupés du monde, sans assise populaire, sans légitimité, passant leur vie et même leurs loisirs entre eux, finissent par se croire investis d’une mission providentielle. Ils sont au demeurant si compétents et si courtois qu’ils gagnent peu à peu les parlementaires ou ministres européens qui devraient les contrôler, et qui finissent par leur rendre les armes. Car le ministre court. Le député passe, les fonctionnaires restent.  » 

    Seguin avait annoncé la troisième métastase  : celle de la perte d’indépendance nationale au profit au fédéralisme technocratique européen. L’élite technocratique s’y retrouve facilement car une conséquence du OUI est la mutation des hauts fonctionnaires vers le mondialisme. Ils  se frottent à d’autres modes de décisions et à d’autres univers culturels. De développeur, l’Etat républicain devient régulateur et met en œuvre les décisions communes des Etats-membres. La Commission européenne et les réunions collégiales deviennent des lieux de réinvestissement des technocrates assurant la navette entre Paris et Bruxelles. 

    En trois septennats, la technocratie à entamé la mutation du pays légal vers le mondialisme  ; d’abord la financiarisation du capitalisme, ensuite le rapprochement avec la finance internationale et enfin la perte de l’indépendance nationale au profit  de l’Europe de Maastricht et de sa banque centrale

    Germain Philippe

    (A suivre )

    Pour suivre les 7 précédentes rubriques de la  série «  La Technocratie, maladie sénile de la démocratie  »

    Hold-Up démocratique
    Complotisme d’ultra-gauche intéressant
    Comment analyser les élites du pays légal

  • L’Etablissement et la démocratie apaisée, par Philippe Germain.

    La technocrature, maladie sénile de la démocratie : (10/12)

    Résumé  : En 2017 la technocrature  à pris le pouvoir. Evènement majeur de la République que l’Action française analyse au travers la  physique sociale. Elle découvre que Bonaparte a crée une nouvelle classe de privilégiés. Ce «  pays légal  » est un système oligarchique circulaire où trois élites financière, politique et médiatique s’épanouissent grace à l’Etat Républicain. La Technocratie, constituée en quatrième élite sous De Gaulle, fait prendre le virage mondialiste au pays légal, sous Giscard-Mitterand. Puis l’élite politique connait un énorme discrédit sous Sarkozy et Hollande.

    philippe germain.jpgDégagisme et Etat providence 

    Dès le début 2016, l’Etablissement prend conscience que l’important discrédit des centre-droit et centre-gauche affaisse la démocratie représentative. Ce discrédit multicausal aggrave la pathologie du  vieillissant système démocratique dont la situation commence a devenir critique à la veille de la présidentielle de 2017. 

    Afin de préserver ses intérêts financiers, l’Etablissement se doit de sauver le modèle circulaire de l’oligarchie démocratique, mis au point depuis les débuts de la IIIe République. C’est la condition pour que l’Etablissement puisse continuer à s’enrichir non par le travail mais par le pillage de la Nation. Seuls les marchés de l’Etat intéressent l’Etablissement, les prébendes, la spéculation financière, l’argent gagné sans risque, qui ne s’investit pas en France et tout au contraire obéit à la loi du profit maximal en se portant là ou l’on peut réussir – toujours en utilisant l’Etat – de substantiels bénéfices. L’Etablissement a conscience que le discrédit complet de l’élite politique pourrait remettre en cause certain mécanismes, voire le principe de l’Etat providence. Cet Etat républicain qui asservit les Français considérés uniquement comme des consommateurs indispensables à la croissance, tout en parvenant à leur donner l’illusion de la justice sociale. 

    Maintenir l’Etat en instrument de pillage de l’épargne et du travail des Français pour le seul profit de l’Etablissement : voilà pourquoi l’élite financière juge nécessaire et urgent d’élaborer un remède «  dégagiste  » de l’élite politique.

    Démocratie apaisée 

    Au contraire, l’élite politique de centre-droit et de centre-gauche espère rebondir pour la présidentielle de 2017 grâce à un plan B, s’accommodant du double échec de la démocratie «  forte  » tentée par Sarkozy et Hollande. Ce plan B consiste à faire muter la pathologique démocratie représentative car, explique Pierre-André Taguieff,  « l’indifférence des citoyens, lorsqu’elle se colore de mépris, voir de haine, et se traduit par un abstentionnisme croissant, signe une dépolitisation des esprits qui ne déplait pas aux professionnels de la politique. Ces derniers rêvent de ce qu’ils appellent une «  démocratie apaisée  », réduite au spectacle d’un consensus sur l’essentiel entre gauche et droite, «  libéraux  » (ou progressistes) et «  conservateurs  », sociaux-démocrates et libéraux sociaux.   » 

    Le plan B de l’élite politique repose sur l’affichage d’une sorte de «  en même temps la gauche et en même temps la droite  », remplaçant l’ancienne alternance de façade. Une démocratie d’abstention et de non-participation réduite à un système de règles. Au demeurant, des règles contournables par les malins du pays légal car, rappelle Taguieff, «   la corruption est le virus inéliminable des systèmes démocratiques représentatifs  ». 

    Malheureusement pour l’élite politique, l’Etablissement ne va pas la suivre. L’événement est loin d’être anodin. Si le «  frottement  » entre la Technocratie et l’élite politique a été surmonté sous Mitterrand, cette fois le «  lâchage  » par l’Etablissement constitue une rupture inédite entre les élites du Pays légal. Preuve de la fragilité de l’oligarchie démocratique généralement considérée comme indestructible. 

    Progressistes contre conservateurs

    Pour l’Etablissement, le discrédit de l’élite politique en 2016 est trop avancé dans l’opinion pour ne pas la «  dégager  ». En revanche le plan B d’une démocratie apaisée par la création d’un nouveau centrisme peut constituer le remède cherché par l’Etablissement, à condition d’être administré au pays réel par un nouvel acteur. Un sondage international va bientôt indiquer que seuls 17  % des Français  apprécient les partis politiques et seuls 11  % veulent élire un homme qui aurait déjà exercé le pouvoir. Le renouvellement du personnel politique est donc incontournable. Le nouvel acteur recherché par l’Etablissement ne peut-être que la Technocratie, substituée à l’élite politique  ; jadis dénommée par Maurras le V.P.R. (Vieux Parti Républicain). 

    Ce «  remède  » technocratique implique, pour le pays légal, d’abandonner le bipartisme Droite/Gauche, devenu inopérant à la suite de l’échec de la «  démocratie forte  », au profit d’un nouveau clivage binaire opposant centre et extrêmes. Un nouveau centre regroupant les «  progressistes  » en opposition aux «  conservateurs  » incapables de s’allier. 

    Les progressistes seraient les électeurs des anciens centre-droit et centre-gauche se regroupant dans la croyance que «  l’utopie européiste n’est qu’une figure de l’utopie globaliste, un moment dans la mondialisation présentée comme inévitable  ». Ce camp progressiste n’aura aucun mal à s’unir car les référents idéologiques sont les mêmes pour ces 26 % de la population considérant la mondialisation comme une opportunité. Ces 26  % sont suffisant dans une Ve République où une minorité peut imposer sa domination à l’ensemble du pays réel car dans modèle circulaire, l’élite politique à la maîtrise du pouvoir législatif.

    Les conservateurs seraient constitués de l’électorat des «  nouvelles radicalités  » refusant la croyance dans l’idéologie mondialiste, basée sur «  la trompeuse promesse d’une égalité des chances devant l’instrument miraculeux de l’enrichissement rapide à la portée de tous, dans l’espace sans frontière du néo-marché mondial…  » La dénomination  « conservateurs  » évoluera bientôt en «  populistes  » au pluriel car ils sont divisés. Les populistes de droite désignés comme «  les exclus du Système  » par Pierre Debray,  et nommés  nationaux-populistes par Taguieff ; les populistes de gauche identifiés par Taguieff en 2003 comme des «  néo-progressistes  », mutation du virus progressiste  mélangeant antiaméricanisme et antisionisme. 

    Cette division entre ceux qui traitent l’autre de fasciste et ceux qui ripostent par l’accusation d’islamo-gauchistes s’articule essentiellement autour du thème de l’immigration. Elle est le second atout du progressisme après celui de la maîtrise du pouvoir législatif.

    Le national-populisme comme ennemi unique

    Cette vision de l’élite financière, d’un clivage novateur entre progressistes/conservateurs a, pour le pays légal, l’avantage de contrer la progression du national-populisme autour d’un nouveau tripartisme. Effectivement, le Front National comme bloc «  ni de droite, ni de gauche  » commence depuis 2014, à occuper la place centrale du ring électoral, avec le bloc  UMP à sa droite et le bloc PS à sa gauche. C’est d’ailleurs toute la contradiction d’un Front National se revendiquant comme antisystème tout en cherchant à s’intégrer au système de la démocratie représentative, dont l’obsolescence se dévoile un peu plus à chaque élection. Pour gérer cette contradiction, le national-populisme propose son propre remède pour soigner la pathologie démocratique : celui d’une mutation vers la «  démocratie directe  » permettant au peuple de s’affranchir du filtrage par des médiations dites représentatives. 

    Pour l’Action française, cette proposition supplémentaire d’une nouvelle démocratie rêvée, destinée à sauver la démocratie idéale de l’échec de la démocratie réelle, lui confirme  la nécessité de proposer aux Français autre chose que ce qui existe. Une alternative crédible au vieillissant Système démocratique.

    Par ailleurs, le nouveau clivage proposé par l’Etablissement peu se jouer sur le terrain retenu par le national-populisme, celui de l’Europe. Un national-populisme fort de son retournement d’une position frontiste pro-européenne vers une posture critique de l’«  Europe de Maastricht  ». En 1984 le FN soutenait au nom du patriotisme européen, la mise en place d’une monnaie commune, d’une défense commune, d’une politique de sécurité et de contrôle des frontières commune dans le cadre d’une Europe confédérale.  A partir de 1986, le député maurrassien Georges-Paul Wagner, aidé de Jean-Claude Martinez , s’oppose à la puissante tendance pro-européenne de Bruno Megret, appuyée sur la ligne «  culturelle d’abord  » de la Nouvelle-Droite. Finalement en 1989, l’euromanifeste du FN  commence à dénoncer une politique européenne dirigiste et prône une «  Europe des Patries, respectueuse de la souveraineté  ». Le durcissement anti-européiste s’opère à partir de 2010 pour évoquer la sortie de l’euro et ensuite celle de l’Union européenne. 

    Pour l’Etablissement, grâce aux oppositions frontales démocratie apaisée/démocratie directe et européisme/ euroscepticisme, le clivage progressistes/conservateurs semble parfaitement adapté pour répondre à la règle de l’ennemi unique. Ceux qui ne rentreront pas dans le clivage seront broyés et jetés aux oubliettes du vieux monde politique.

    Incohérence de la mentalité antisystème

    Qui mieux est l’Etablissement dispose d’un dernier atout dans son jeu. Le néo-droitiste Thibault Isabel l’a bien mis en évidence grâce au sondage Ipsos. Il montre la montée des idées populistes à 56  % dans le pays réel tout en mettant en avant une contradiction majeure. Certes  «  80  % de nos compatriotes estiment que pour améliorer la situation, nous aurions besoin d’un dirigeant “prêt à changer les règles du jeu”…. Mais lorsqu’il s’agit de “changer radicalement le statu quo”, nous nous retrouvons parmi les pays les plus timorés (40 %)   »… Autrement dit, beaucoup de personnes en France disqualifient le clivage droite-gauche et critiques les politiciens classiques pour leur inefficacité, sans pour autant demander un véritable infléchissement de la politique..

    L’Etablissement va choisir Emmanuel Macron comme premier de cordée pour déployer son plan B avec la Technocratie. En novembre 2016, sept mois après le lancement de son mouvement  La République En Marche, deux mois après sa démission du gouvernement Hollande, Macron se lance officiellement dans la course à la présidentielle. Prouvant qu’il a parfaitement intégré l’incohérence de la mentalité antisystème, au début 2017, il cherche à capitaliser «  à la fois sur le rejet des anciens appareils politiques du système et la défense des principes fondamentaux du système lui-même. C’est cette position hybride et paradoxale qui cristallise le mieux l’état d’une partie importante de l’opinion…. Tout changer pour ne rien changer, ou appliquer de vieilles recettes avec de nouvelles têtes, voilà ce que veulent en réalité nombre de Français, écartelés entre leur adhésion aux valeurs dominantes et le constat patent du déclin de la nation  ».

    Reste à savoir comment la Technocratie va remplir son rôle dans la constitution de ce que Jérôme Sainte-Marie nomme le «  bloc élitaire  », orienté par la haute administration et la haute finance.

  • Archipelisation ou libanisation ?, par Philippe Germain.

    La technocrature, maladie sénile de la démocratie  : (18/20)

    La combinatoire apocalyptique

    Il faut à la France une alternative aux trois hypothèses d’assujettissement aux partis de l’étranger soutenu par les clans des Yes, des Da et des Hajal. L’alternative devra être française, en un mot  : souveraine.

    philippe germain.jpgUne alternative et non pas une quatrième hypothèse prospective car, comme pour les pôles idéologiques, il est probable qu’aucun des clans ne l’emportera sur les deux autres. Il faut donc nous attendre à ce que les trois hypothèses se combinent dans une proportion encore impossible à définir. C’est l’alternative à cette combinatoire qui est indispensable à la France. Cette combinatoire sera apocalyptique car «  sur le territoire de la France une société nouvelle s’organisera, qui ne sera plus française, même si elle se souvient vaguement d’en avoir reçu l’héritage 1 ».

    En revanche, « Ne désespérons tout de même pas.  » conseillait le romancier royaliste Jean Raspail dans le Figaro du 17 juin 2004. En cela il rejoignait le maurrassien « Tout désespoir en politique est une sottise absolue  ». Il y présentait sa vision de l’avenir français : « Assurément, il subsistera ce qu’on appelle en ethnologie des isolats, de puissantes minorités, peut-être une quinzaine de millions de Français et pas nécessairement tous de race blanche qui parleront encore notre langue dans son intégrité à peu près sauvée et s’obstineront à rester imprégnés de notre culture et de notre histoire telles qu’elles nous ont été transmises de génération en génération. »

    Célèbre pour sa stupéfiante prophétie romancée du Camp des Saints de 1973, Raspail annonçait aux lecteurs du Figaro, une future «  communauté de la pérennité française  » s’appuyant «  sur ses familles, sa natalité, son endogamie de survie, ses écoles, ses réseaux parallèles de solidarité, peut-être même ses zones géographiques, ses portions de territoire, ses quartiers, voire ses places de sûreté et, pourquoi pas, sa foi chrétienne, et catholique avec un peu de chance si ce ciment-là tient encore  ». La communauté de la pérennité française de Raspail, cohabiterait avec une communauté musulmane démographiquement expansioniste et avec une communauté déclinante des français de souche acceptant le nouveau moule « citoyen » de 2050.

    Fini le romantisme du camp des saints tirant ses dernières cartouches. Jean Raspail rejoignait la combinatoire apocalyptique de Pierre Debray, envisageant comme son maitre Maurras, la démocratie fermant l’histoire de France.

    3.jpg

    Grand remplacement  ? Libanisation  ?

    Anticipant les contestations, Raspail prenait soin de justifier sa vision en citant le discours de Laurent Fabius au congrès socialiste de Dijon, le 17 mai 2003 : « Quand la Marianne de nos mairies prendra le beau visage d’une jeune Française issue de l’immigration, ce jour-là la France aura franchi un pas en faisant vivre pleinement les valeurs de la République… » L’ancien premier ministre socialiste allait très loin. Rêvait-il àlors à un grand remplacement du type de celui opéré par les colons anglais du Canada éliminant les «  nations premières  »  ? Etait-il alors acquis à la thèse du grand mouvement démographique annoncé en 1974 par le président Boumediene  : « Aucun nombre de bombes atomiques ne pourra endiguer le raz de marée constitué par les millions d’êtres humains qui partiront un jour de la partie méridionale et pauvre du monde, pour faire irruption dans les espaces relativement ouverts du riche hémisphère septentrional, en quête de survie. »  ? Pour sa part, l’Action française se refuse à minimiser la question dune «  une immigration de masse pouvant se trouver à l’origine d’une substitution de population2  ». Elle ne craint pas d’utiliser l’expression «  immigration-invasion  » là ou Pierre Debray utilisait le terme «   d’invasion barbares  ». En revanche la combinatoire faisant cohabiter les trois hypothèses d’américanisation, de pouvoir blanc et de soumission lui semble s’apparenter à autre chose qu’au scénario du Grand remplacement présenté par Renaud Camus en 2010.

    L’Action française ne se satisfait pas plus de la notion de «  libanisation  » de la France, suivant l’expression introduite dans le vocabulaire politique, trente ans auparavant par Jean-Marie Le Pen. Là aussi, même si on peut imaginer que l’état-major de l’Armée de Terre travaille sur ce scénario prospectif, l’Action française n’envisage pas une guerre inter-religieuses comme se fut le cas au Liban à partir de 1976. En revanche, de la notion de «  libanisation  », l’Action française retient bien la «  partition  » géographique de territoires entre différentes populations. La République n’a-t-elle pas déjà perdue certains territoires  ? La partition entre les territoires des métropoles urbaines et ceux de la France périphérique n’est-elle pas admise par tous, depuis les très sérieux travaux du géographe Christophe Guilly dans son ouvrage novateur Fractures françaises ? Mieux, la partition de notre nation, envisagée par l’Action française n’est-elle pas confortée par les travaux du sociologue de Jérôme Fourquet sur L’archipel français  ?

    De l’archipellisation à la partition

    La France se trouve-t-elle déjà confronté à un séparatisme comme l’a affirmé le Président de la République le 18 février 2020  ? Le séparatisme, précise le dictionnaire Larousse est l’Attitude, tendance à sortir d’un ensemble national et à former une entité politique distincte de l’État d’origine.

    Ce qui est certain c’est que la notion de partition semble se trouver confortée par les travaux détaillés et nuancés de Jérôme Fourquet. A partir d’un ensemble d’études d’opinions illustrées par une série de cartes, il montre comment la nation française, jadis structurée par la tradition chrétienne et « l’Église rouge » communiste, est aujourd’hui multiethnique et de facto multiculturelle dans ce qu’il nomme une «  archipelisation  » par des poches de populations, avec leur habitus, leur culture et leur comportement électoral.

    Fourquet se veut rassurant dans la mesure ou dans un archipel, toute île possède une autonomie mais maintient ses capacités d’échanges avec les îles environnantes.

    La dynamique d’archipelisation signifierait donc que la société n’est pas totalement communautarisée et donc pas encore en voie de partition. C’est-à-dire que son territoire ne serait pas encore divisé en plusieurs régions dotées de régimes politiques différents. C’est ce que nous allons devoir vérifier pour bâtir une alternative politique adaptée aux besoins de la France.

    Germain Philippe ( à suivre)

    1 Pierre Debray, Une politique pour le XXI° siècle – Une action française au service de l’avenir, Editions de Flore, 2019, p.203.
    2 François Marcilhac et François Bel-Ker, Immigration  : esclavage moderne, Editions de Flore, juin 2019, p.4.

  • Guerre idéologique, par Philippe Germain.

    Table des matières

    La technocrature, maladie sénile de la démocratie  : (15/16)

    Elites et Géneration Maurras

    Pourquoi normal «  a minima  »  ? Simplement parce que l’Action française va jusqu’à voir dans la conquête technocratique de 2017 un fait «  justifié  », car contrairement au pays réel, le pays légal possède des élites.

    philippe germain.jpgL’importance attribuée au concept d’élite par l’Action française date de la Génération Maurras. Cette génération «  champignon  » de jeunes monarchistes – ignorante de l’analyse sociale de Pierre Debray sur les «  dynasties républicaines  » – se lança dans l’identification des élites du pays légal. En 1991, le premier numéro de la revue Réaction, dirigée par Jean-Pierre Deschodt et François Huguenin proposa un dossier novateur sur «  L’élite  ». Il prolongeait le numéro 2 des Cahiers d’Action française sur «  Pays légal/pays réel – la rupture  », réalisé sous la direction de Xavier Lepage en 1990. Le comité de rédaction de Réaction fit appel à plusieurs professeurs de Paris II et Paris IV. Il y a trente ans déjà, ils identifièrent les quatre élites du modèle oligarchique sous les noms de «  contre élite politicienne/élite de défense républicaine  », «  oligarchie financière/élite de l’argent  » puis les intermédiaires «  contre-élite médiatique/amuseurs et savoir  » et enfin «  technocratie  ». Les universitaires présentèrent les élites démocratiques comme des «  contre-élites  » dont l’obsession principale «  est de se protéger par tous les moyens contre ceux qui pourraient dénoncer, en utilisant leurs propres canaux, le caractère indu des privilèges qu’elles s’attribuent, et l’immoralité de leur domination.1  » Ils retrouvaient là les travaux maurrassiens d’un universitaire grenoblois réalisés vingt ans auparavant  : «  Le système ne garde une certaine pérennité qu’à la condition d’asservir ces factions “naturelles” au profit des couches sociales qui tirent directement leur subsistance et leur pouvoir de cette forme de régime, ces couches sociales constituent le pays légal. C’est une des clés de la démonstration maurrassienne ; la république, ne se perpétue qu’en désorganisant le pays réel.2  »

    En revanche Philippe Mesnard3 — représentatif de la Génération Maurras —explorait le concept d’élite à travers Pareto en mettant en évidence sa loi d’élimination des élites devenues faibles au profit d’une minorité qui, à son tour, perdra le pouvoir. Une loi vérifiée empiriquement en 2017 par l’élimination de l’élite politique au profit de la Technocratie avec l’aide de l’élite médiatique. Car voilà la première raison pour laquelle l’Action française considère comme justifiée la conquête technocratique du pouvoir politique. Le pays légal dispose encore de deux élites efficaces  : la médiatique et la technocratique. Ce n’est plus le cas du pays réel. La classe moyenne «  basse  » des Gilets Jaunes est loin de constituer une élite, ni d’ailleurs l’archipel catholico-conservateur qui entre en réaction contre le libéralisme sociétal mais vote pour le libéralisme politique  ; on écarte bien que ce qu’on peut remplacer. Le Pays réel ne pourra pas reprendre le pouvoir, suivant la belle formule de Pierre Boutang4, sans disposer d’une élite.

    Guerre  : culturelle ou idéologique

    La seconde raison, pour laquelle l’Action française considère justifiée la conquête technocratique du pouvoir politique, tient à l’analogie qu’elle fait avec l’idée5 d’Alain de Benoist sur un gramscisme de droite. Effectivement l’Action française constate que le pays légal est parvenu, tout en dégageant son élite politicienne disqualifiée, à établir une concordance entre la majorité politique (LREM-progressiste), la majorité sociologique (cadres, retraités, fonctionnaires) et la majorité idéologique (pôle des valeurs républicaines). A suivre le «  Pape  » de la Nouvelle Droite, la victoire-sauvetage du Pays légal serait justifiée, car l’alignement majoritaire réalisé en 2017 constitue la recette gagnante dans le Système. Du moins dans le Système de démocratie représentative dans lequel se place Benoist. L’élite médiatique à emporté la guerre culturelle, justifiant la victoire technocratique de 2017.

    C’est la fameuse guerre culturelle, sur laquelle la Génération Maurras s’est penchée depuis 1988 en rapprochant ses deux théoriciens  : Maurras et Gramsci6. Elle a donc étendu la méthode de physique sociale de la préoccupation de ce qu’elle a préféré nommer «  la guerre idéologique  »7. En réalité, elle retrouvait tout à la fois le souci maurrassien de L’Avenir de l’Intelligence (1903, celui de Jacques Bainville créant l’Institut d’Action Française en 1905), le manifeste d’Henri Massis «  Pour un parti de l’Intelligence  » (1919), la Revue Universelle (1920) et la réflexion stratégique de Michel Michel sur «  Les intellectuels8  » (1979).

    A vrai dire, la primauté du «  culturel d’abord  », permettant à la Nouvelle-Droite de se poser en s’opposant au «  politique d’abord  » maurrassien, est dans la pratique ramenée à la vieille lutte idéologique. On retrouve la vieille tension entre le catholicisme et une religion du «  Progrès  » substituant «  Demain  » au Ciel comme projection idéale polarisant l’espérance. Pendant longtemps, explique Michel Michel, «  la France a vécu dans une diarchie idéologique de type Don Camillo/Peppone  : les conflits avaient été rudes (surtout vers le début du XXe siècle  : séparation de l’Église et de l’État, expulsion des moines, inventaires des églises, affaire des fiches, etc.)  ; mais, après la guerre de 14-18, ces deux idéologies s’étaient assoupies, à peine réveillées par la “guerre scolaire” au début du septennat de François Mitterrand. Il fallut l’irruption d’une grosse immigration musulmane pour venir bouleverser cette guerre de tranchées presque figée dans son rituel.9  »

    Les trois référentiels idéologiques

    Pour l’Action française, la guerre idéologique va donc devoir être réinventée. En 2015 son responsable de la stratégie a effectivement produit une réflexion suite aux grandes manifestations contre la loi pour le mariage homosexuel. Dans son «  Chaos des référentiels  », Michel Michel estime : «  Aujourd’hui et dans les années qui vont suivre, trois pôles sont susceptibles de proposer un système cohérent de valeurs et un projet de société susceptible de structurer notre société  : le pôle “catholique et Français toujours”,, le pôle des “valeurs républicaines” et le pôle “islamiste”10.  »

    Et il précise  : «  Naturellement, on pourra trouver de nombreux cas échappant à cette typologie  : serviteurs de l’État souverainistes, catholiques bretons militants socialistes, maghrébins christianisés ou convaincus par le laïcisme  ; aussi faut-il comprendre ces trois pôles comme des “idéaux-types” qui, à la façon de Max Weber, sélectionnent les traits les plus pertinents pour permettre un raisonnement qui dépasse une vision atomisée et “nominaliste” de la société française.11  » Même si les enjeux des affrontements idéologiques sont surtout symboliques — voile dans les lieux publics, mariage gay, déchéance nationale, crèches de Noël dans les collectivités publiques, destruction de statues —, chaque pôle pourra se prévaloir d’une légitimité entrant en concurrence avec les deux autres  :

    • celle de l’identité et des traditions coutumières françaises  ;
    • celle des institutions légales  ;
    • celle de la conviction religieuse, de la jeunesse et d’un accroissement exponentiel.

    Pour l’Action française, il y a donc, à présent, non plus deux, mais trois projets de société, provoquant dans chaque «  camp  » durcissement et radicalisation réactionnelle. Pour elle, c’est le seconde évolution du temps présent, à prendre en compte après le déséquilibre au sein du pays légal crée par le dégagisme de l’élite politique et la prise de pouvoir technocratique.

    Germain Philippe ( à suivre)

    1 Claude Rousseau, «  Elites démocratiques, ou «  quand les égaux veulent se donner des rois  », Réaction n°1, 1991, p.28.
    2 Miche Michel, «  Pays légal – pays réel  », Amitiés Françaises Universitaires n° 165, mai 1971
    3 Philippe Mesnard, «  La pendule de Pareto «   l’histoire est un cimetière d’aristocraties  », », Réaction n°1, 1991, p.46-51.
    4 Pierre Boutang, Reprendre le pouvoir, Sagittaire, 1978.
    5 Alain de Benoist, «  Les causes culturelles du changement politique  », Pour un «  Gramscisme de droite  » -Actes du XVI° colloque du G.R.E.C.E., Le labyrinthe, 1982, p.11.
    6 Nicolas Portier , «  Deux théoriciens du pouvoir culturel  : Maurras et Gramsci  », Le Feu-Follet n°2 nouvelle série, octobre 1988.
    7 Nicolas Portier , «  La guerre idéologique  », Le Feu-Follet n°2 nouvelle série, octobre 1988
    8 Michel Michel, «  Les intellectuels  », Revue Royaliste n°3, janvier 1979.
    9 Michel Michel «  Les gilets jaunes  : qu’elle idéologie  », Nouvelle Revue Universelle n°57, 2019, p.48.
    10 Au sein de chaque Pôle, on pourra distinguer des «  écoles de pensées  » plus sophistiquées qui visent à rendre le Pôle plus cohérent et plus réactif  ; on donnera en exemple le trotskisme pour le Pôle idéologique républicain, ou l’Action Française pour le Pôle «  Catholique et Français toujours  ». Le risque de la sophistication de l’école de pensée est de ne plus avoir prise sur leur Pôle beaucoup plus fruste (par exemple effrayer les «  conservateurs  ») ; leur chance est de pouvoir se mobiliser et modifier les rapports de force globaux (cf. l’entrisme de l’OCI trotskyste dans le système républicain).
    11 Michel Michel «  Les gilets jaunes  : qu’elle idéologie  », Nouvelle Revue Universelle n°57, 2019, p.51.

  • Maurrassiens et technocratie, par Philippe Germain.

    La technocrature, maladie sénile de la démocratie  : (14/15)

    Nébuleuse maurrassienne et Technocratie

    Si un mouvement politique à considéré la prise de pouvoir par la Technocratie «  normale  », c’est bien l’Action française. Depuis 1956, elle a été sensibilisée à la montée en puissance technocratique. C’était, a rappelé Christian Franchet d’Esperey dans une belle émission de Radio-courtoisie1, la grande idée de Pierre Debray lorsqu’il rendait compte dans Aspects de la France, des évolutions de la société industrielle. Par sa grande pédagogie, Il fit comprendre le «  phénomène technocratique  » à toute une génération d’étudiants monarchistes des camp CMRDS.

    philippe germain.jpgPour Hilaire de Crémiers, Debray avait compris par Maurras que la technocratie n’était pas un pure produit de la société industrielle mais la complice nécessaire à l’idée et aux institutions républicaines dans beaucoup de pays, y compris en Union Soviétique. Une sorte de dénonciation avec quarante ans d’avance de ce que certains appellent la super-classe mondiale qui prétend diriger, car les «  technos  » pensent avoir le savoir du pouvoir et le pouvoir du savoir. Et maitre Trémolet de Villers de renchérir sur le phénomène du «  complot des éduqués  » qui cherchent où se placer pour trouver les places où coule l’argent publique, se cooptent en passant du public au privé, ne prennent pas le risque de se faire taxer de «  sale capitaliste  » mais profitent des résidences d’été, des voitures de fonction, des grands hôtels, des aéroports. A son tour Franchet d’Esperey rappelle que Debray fut le premier a mettre en évidence dans la Nomenklatura soviétique la rivalité entre les bureaucrates – disons l’élite politique – et les technocrates. En fait Debray avait été influencé par les analyses postmarxistes des revues Arguments et Socialisme et Barbarie. D’où son espérance de la montée d’une «  nouvelle classe ouvrière  » française pouvant faire revivre l’anarcho-syndicalisme avec lequel l’Action française des origines avait cherché la jonction. On ne trouvait ce langage nulle part ailleurs, d’autant qu’il était exprimé en totale fidélité maurrassienne.

    Les boutangistes de l’hebdomadaire La Nation Française – ces maurrassiens séparés de la «  vieille maison  » – s’opposaient aussi au groupe social des technocrates mais sur d’autres bases. D’abord les influences des positions «  humanistes  » et anti-techniques de philosophes comme Heidegger et Gabriel Marcel. Ensuite la volonté de s’appuyer sur les «  poujadistes  », cette classe moyenne agressée par les développements de la société industrielle.

    Les deux héritiers catholiques de Maurras ont montré une hostilité à l’égard de la société de consommation déracinante, massifiante et désacralisée. Leur opposition à la technocratie est différent de l’anti-synarchisle communiste et de celui des contre-révolutionnaires catholiques, même proche comme Louis Daménie. Depuis longtemps les maurrassiens s’attendent à une prise du pouvoir politique par les technocrates. Au point d’ailleurs qu’ils envisagèrent d’appuyer une stratégie royaliste sur ce groupe sociale.

    Retournement et Technocratie

    En 1980, les maurrassiens2 de la Nouvelle Action Française qui étaient entré en dissidence avec la ligne «  ralliée  » des Renouvinistes, avaient développé une réflexion stratégique novatrice sur la base du phénomène technocratique et celui de la «  société du spectacle  » dénoncée par Guy Debord.

    Dans le n° 13 du laboratoire d’idées de La Revue Royaliste, le sociologue Michel Michel proposait «  un modèle  » stratégique basé sur une ligne politique différente de celle de Debray et des boutangistes, concernant la technocratie  : «  Une autre ligne est possible que nous inspire la pratique même des contre-révolutionnaires dans la situation créée dans le passé par la modification des élites du début de l’ère industrielle. Au début du XIX° siècle, le système de valeurs des contre-révolutionnaires semblait indissolublement lié à I ‘ancienne société féodale et s’appuyait sur I ‘aristocratie terrienne et les portions de la société qu’elle contrôlait. Pourtant, la pensée contre-révolutionnaire a su tout au long du XIX° siècle, conquérir des fractions importantes des «  nouvelles élites  », rechristianiser en partie une bourgeoisie voltairienne, etc…  De même, au début du XX° siècle, I’Action française a su présenter à des groupes non acquis (intellectuels, syndicalistes, «  producteurs  » de Valois, etc…) une synthèse leur permettant de s’accorder avec les groupes qui avaient conservé la sensibilité de l’ancienne France. Pourquoi donc ne pas rechercher à convertir une fraction des élites nouvelles de la technocratie, non à la sensibilité de la bourgeoisie conservatrice ni même à celle héritée de Ia société féodale, mais à ce que notre système d’analyse et de valeurs a de permanent ? » En d’autres termes Michel proposait d’infiltrer la Technocratie afin de retourner ses meilleurs éléments au profit de la restauration monarchique.

    Appelons désignons la voie technocratique proposée par Michel, comme un modèle stratégique de type «  retournement  », cette tactique si chère au spécialiste du renseignement Vladimir Volkoff, ancien étudiant maurrassien rédacteur à Amitié Française Université. Le retournement appartient bien à la «  boite à outils  » maurrassienne. Le doctrinaire du néo-royalisme la revendiquait dès 1909  : «  Lorsque j’étais enfant, explique Maurras, le plus beau des faits d’armes, celui qui unissait la bravoure à l’utilité, me semblait devoir être d’accourir à toute bride sur la batterie ennemie, de hacher à leur poste les servants et les canonniers, puis, au lieu d’enclouer vainement les pièces conquises, de les retourner aussitôt pour leur faire jeter le désordre et la mort dans les lignes de l’adversaires.3  » Rêverie d’enfant que Maurras mettra en application pour retourner la jeune Action française alors républicaine – cette élite en fusion d’après l’historien Jean-Pierre Deschodt – au service du roi. Rêverie d’enfant qui deviendra modèle stratégique dans son texte trop méconnue Mademoiselle Monk4. Modèle stratégique que le maurrassien Patrick Buisson déploya auprès de Nicolas Sarkozi, au point de lui permettre d’acceder à la Présidence de la République en 2005. Car une stratégie n’a de valeur que déployée.

    Débat de stratégie royaliste

    Un débat s’instaura entre le maitre et l’élève, entre Pierre Debray et Michel sur le bienfondé du modèle proposé. Pour ce dernier «  De même qu’il y a aujourd’hui des enseignants contre l’école, des curés contre I ‘Eglise et des magistrats contre I ‘appareil judiciaire, on doit s’attendre à ce que les plus exigeants des technocrates ne soient plus des instruments dociles de la «  raison d’Etat  » technocratique. Pourquoi ne pas envisager d’être les promoteurs dans ce milieu d’une «  nouvelle synthèse  » et d’y organiser l’équivalent de ce que te syndicat de la magistrature a été pour le milieu judiciaire ? A I’ancienne synthèse, aujourd’hui en décomposition, fondée sur la dialectique entre une intelligentsia progressiste (eschatologie du progrès et de la «  libération de I’Homme  ») et une technocratie de la rationalité abstraite (mal) régulée par I’opinion publique€, nous proposons de substituer une nouvelle synthèse fondée sur une intelligentsia anti-progressiste (néo-traditionnaliste,… ) et une technocratie enracinée (service public des communautés concrètes), plus tard (peut-être) régulée par un pouvoir politique indépendant.  »

    Pour sa part, dans Je Suis Français, Debray argumenta contre l’hypothèse du retournement technocratique  : «  En 1956 quand j’ai commencé à étudier le phénomène, je l’ai abordé sous un angle purement sociologique et non pas historique. A L’époque je parlais de bureau-technocratie. Ce qui prêtait à malentendu. Ainsi La Revue Royaliste semble s’imaginer que je refusais le progrès technique, que je versais dans le poujadisme et que je suivais trop servilement certaines analyses des «  gauchistes  » de Socialisme et Barbarie… Il est vrai que ce sont des marxistes dissidents qui ont été les premiers à nous alerter sur la véritable nature de la société soviétique et sur les transformations d’un capitalisme détaché du capital. Mais il fallait reprendre ces analyses, exactes au niveau des faits, en fonction de l’empirisme organisateur.  » Ce qu’il fit. Partant du constat de physique sociale de la création d’une Nomemklatura par le «  citoyen-général Bonaparte  », il contesta le modèle stratégique proposé par Michel.

    Ce débat fut interrompu par l’élection de François Mitterrand à la présidence de la république. Il n’en reste pas moins vrai que le dossier de retournement technocratique proposé par Michel Michel reste un modèle du genre digne de celui de la «  Stratégie nationaliste  » proposé en 1962 par Pierre Debray et qui lui aussi ne fut pas déployé.

    C’est donc par l’intérêt constant qu’elle porte au phénomène technocratique et à sa prise de pouvoir politique, jusqu’à y voir prospectivement un potentiel stratégique, que l’Action française à jugé à minima «  normale  » la prise du pouvoir politique par Macron en 2017. Nous verrons qu’elle va même au-delà.

    Germain Philippe ( à suivre)

    1 «  Centenaire de la Revue Universelle fondée par Jacques Bainville en 1920  », Libre journal de Jacques Trémolet de Villers , émission du 28 mai 2020, Radio-Courtoisie, avec Jacques Trémolet de Villers, Hilaire de Crémiers, Christian Franchet d’Esperey.
    2 Olivier Dard, «  « Des maorassiens aux maoccidents : réflexions sur un label et sa pertinence en lisant un essai récent », in Bernard Lachaise, Gilles Richard et Jean Garrigues (dir), Les territoires du politique. Hommages à Sylvie Guillaume, Presses universitaires de Rennes, 2012, pp. 167-176.
    3 Charles Maurras, Préface de 1909 à Enquête sur la Monarchie, Les éditions du porte-glaive, 1986, p.5.
    4 Le texte de Maurras est paru en 1902 dans la Gazette de France avant d’être repris en 1905 dans L’Avenir de l’intelligence sous le titre Mademoiselle Monk.

  • Invasion culturelle, par Germain Philippe.

    Table des matières

    La technocrature, maladie sénile de la démocratie  : (17/20)

    Cette guerre des races nouvelle, l’Action française l’avait-elle envisagée  ?

    Nouvelles invasions barbares

    L’Action française a osé imaginer un «  retour du religieux  » sous la forme d’une extension islamique, dès 1982. Avouant faire preuve d’une paradoxale admiration pour l’Iman Khomeiny, Pierre Debray mis en garde sur la possibilité d’une future submersion de la France «  par les «  combattants d’Allah  », d’autant que les envahisseurs sont déjà dans la place, ces «  immigrés de la seconde génération qui, pour l’heure ne manifestent la haine et l’envie qu’ils nous portent que par des destructions de voitures, des agressions et autres menus délits que les statistiques de Monsieur Badinter classent dans la petite délinquance.  »

    philippe germain.jpgL’extension islamique passerait par l’immigration. Aux beaux esprits septiques, Debray rappelait l’histoire de France  : « On aurait bien surpris, à l’aube du quatrième siècle, les braves paysans gallo-romains qui embauchaient comme journaliers des barbares, qu’un siècle plus tard, ces «  travailleurs immigrés  » régneraient sur leur terre.1  »

    L’année suivante Debray, nationaliste français de tradition romaine, tenant le racisme pour une aberration fabriquée par le luthérianisme, approfondissait le problème de l’immigration en remontant aux causes et responsabilité de l’élite financière du pays légal. Regrettant qu’en 1830 les français n’aient pas baptisé les arabes d’Algérie «  à la lance d’arrosage dans la tradition de Clovis  » mais aussi que l’Armée n’ait pu jouer son rôle de creuset intégrateur dans une Algérie resté française, il constata historiquement l’impossibilité d’une France multiculturelle. Il rapprochait analogiquement l’immigration magrébine de la société industrielle, de l’histoire des «  classes dangereuse  » du XIX° siècle. Cette faute était imputable à «  l’Établissement  » car le capitalisme financier dominant le capitalisme industriel ne cherche que le profit immédiat sans viser le long terme. Voilà pourquoi au nom du «  raison sachons garder  » de nos rois, il mettait en garde l’Action française de ne pas tomber «  dans les slogans démagogiques d’hurluberlus d’extrême-droite2.  ».

    En 1985 Debray fixa son vocabulaire – donc son concept – en privilégiant «  nouvelles invasions barbares  » à «  nouvelles classes dangereuses  ». Sous ce vocable, à connotation historique, il articulait deux tendance lourdes  ; celle du vieillissement de la population française de souche et celle de l’amplification des flux migratoire largement musulmans entrainant la France vers une société multiculturelle. Plus qu’une guerre de races c’est une invasion culturelle, avec une lutte identitaire qu’envisageait Debray. C’est pourquoi il tentait une projection prospective à échéance d’un siècle, tout en rappelant qu’«  Assurément les conjectures sur l’avenir se révèlent dangereuses.  ». Debray envisageait alors trois hypothèses, qui en 2020 semblent prendre sens.

    Bainville et l’idée directrice

    Attention, l’effort prospectif s’inscrit bien dans la science politique que Maurras a définie comme l’étude de la physique politique par la méthode de l’empirisme organisateur. Dans sa projection prospective, Debray recourt systématiquement à l’expérience historique en prenant soin d’éviter les quatre erreurs de l’illusion réaliste, des «  lois gaufrier  », de l’étouffement de l’esprit de finesse par l’esprit de géométrie et bien entendu de la mono causalité.

    Refus de la dérive mono causale au profit de la notion bainvillienne de «  l’idée directrice  ». Celle qui guide Debray c’est l’analogie avec les invasions barbares. Ce raisonnement par analogie, dont Pierre Gaxotte3 disait qu’il était le plus difficile à manier mais le seul à pouvoir tirer profit de l’expérience de l’humanité en évitant d’utiliser l’histoire à la façon d’une formule chimique.

    En prenant l’analogie avec les invasions barbares, Debray savait qu’on accuserait l’Action française de construire un scénario-catastrophe mais pourtant  : «  Du temps de Saint Augustin, l’Afrique romaine, en dépit des malheurs qui l’accablaient, ne pouvait pas imaginer que le christianisme allait subir une éradication radicale. Nous sommes à ce point persuadés, comme l’étaient les contemporains de Saint Augustin, de la supériorité de notre civilisation, que l’idée qu’elle soit menacée de s’effondrer devient littéralement impensable. Parce que nous les avons, pendant un siècle, ce qui n’est rien, tenus en sujétion, un racisme inconscient nous porte à mépriser les peuples musulmans. Nous mesurons mal la force mobilisatrice du Coran. Parce que chez nous la déchristianisation s’accélère nous ne parvenons plus à prendre l’exacte mesure de la puissance du facteur religieux. Parce que nous laissons la culture américaine utiliser l’hégémonie économique de ses industries «  médiatiques » pour laminer la nôtre, nous comprenons mal le renouveau d’un Islam qui se bat pour préserver son identité culturelle et renoue, du fait même, avec sa vocation conquérante. Parce que nous sommes un vieux peuple, nous ne croyons plus qu’au confort matériel et intellectuel, alors que les peuples jeunes, retrouvent avec le sens du sacrifice le désir de s’approprier nos richesses.  »

    Maurras – Mosquée – races

    A vrai dire Debray, en héritier de Maurras, s’inscrit dans la filiation de son texte prémonitoire de L’Action française du 13 juillet 1926. Rappelons un passage essentiel car il faut rabâcher disait Maurras  : «  Cette mosquée en plein Paris ne me dit rien de bon. Il n’y a peut-être pas de réveil de l’Islam, auquel cas tout ce que je dis ne tient pas et tout ce que l’on fait se trouve aussi être la plus vaine des choses. Mais, s’il y a un réveil de l’Islam, et je ne crois pas que l’on en puisse douter, un trophée de cette foi coranique sur cette colline Sainte-Geneviève où enseignèrent tous les plus grands docteurs de la chrétienté anti-islamique représente plus qu’une offense à notre passé  : une menace pour notre avenir. On pouvait accorder à l’Islam, chez lui, toutes les garanties et tous les respects. Bonaparte pouvait se déchausser dans la mosquée, et le maréchal Lyautey user des plus éloquentes figures pour affirmer la fraternité de tous les croyants  : c’étaient choses lointaines, affaires d’Afrique ou d’Asie. Mais en France, chez les Protecteurs et chez les Vainqueurs, du simple point de vue politique, la construction officielle de la mosquée et surtout son inauguration en grande pompe républicaine, exprime quelque chose qui ressemble à une pénétration de notre pays et à sa prise de possession par nos sujets ou nos protégés. Ceux-ci la tiendront immanquablement pour un obscur aveu de faiblesse. Quelqu’un me disait hier  : — Qui colonise désormais  ? Qui est colonisé  ? Eux ou nous  ?  »

    Texte à rapprocher de sa conférence sur la colonisations, donnée lors d’un banquet à la gloire de «  la Plus Grande France  » destiné à resserrer les liens intellectuels, moraux et politiques qui unissent les diverses parties de notre Empire colonial et parue dans l’Almanach d’Action française de 1935   : « Qu’elle soit d’assimilation ou d’association, cette politique de notre ancien régime heurte a angles droits tout ce qui se rabâche dans les groupes prétendument réactionnaires de l’Europe moderne  : leur racisme occupe une position tout à fait contraire à l’esprit de nos traditions. Eh bien  ! c’est le racisme qui a tort  ; c’est nous, réactionnaires français, qui le déclarons.  » Et puis sur les races  : «  Il y a des familles, il y a des familles de familles. Ou des races. Il y a des inégalités profondes entre les unes et les autres. Il n’y a pas d’abîme infranchissable, de différence morphologique absolument tranchée entre celles-ci et celles-là. L’abus est certes possible dans tous les sens  : dans les mélanges, comme dans les restrictions.  » 

    Trois hypothèses d’Action française

    Ceci rappelé, citons les trois hypothèses prospective de l’Action française de 1985.

    • «  Les deux peuples fusionnent, de façon pacifique en renonçant l’un et l’autre à leur identité culturelle pour adopter une culture cosmopolite, à dominante américaine. Cela suppose la déislamisation, aussi complète, des immigrés d’origine musulmane. On assisterait à la naissance d’un peuple nouveau, sans passé donc sans mémoire, la France disparaîtrait au profit d’on ne sait quelle réalité historique, toute différente qui progressivement, élaborerait une langue, dérivée de la nôtre. Un phénomène semblable se produisit au haut Moyen-Age mais à l’époque, le christianisme servait de ciment. Qui le remplacerait ? Actuellement le seul candidat semble être « l’American way of life ».
    • «  Bien que menacé, le pouvoir blanc parvient à maintenir les immigrés dans les tâches subalternes, s’appropriant le monopole du savoir. Il pratiquera, sous une forme ou sous une autre, un apartheid de fait, afin de ne pas risquer de perdre le pouvoir politique. Pour subsister, il lui faudra accepter la tutelle soviétique. En URSS aussi le pouvoir blanc est menacé. Le poids démographique des républiques musulmanes d’Asie Centrale s’accroît. Elles commencent à subir l’influence du fondamentalisme islamique. Les autorités locales, encore qu’étroitement surveillées par les représentants du Parti, tous d’origine européenne, manifestent des velléités d’autonomie. La guerre d’Afghanistan est certes commandée par des considérations géopolitiques. Communiste, la Russie continue sa progression vers les mers chaudes commencée sous les tsars. Néanmoins, la propagande officielle, si l’on en croit les témoignages de soldats tombés aux mains de l’ennemi, fait appel non au marxisme-léninisme mais au nationalisme grand-russien.
    • «  Les leçons de l’histoire n’ayant jamais servi à personne, une troisième hypothèse, la plus vraisemblable, du moins pour le moment, reproduit le scénario de la chute de l’Empire Romain. Les « barbares » entrent d’abord comme esclaves, de nos jours comme prolétaires (au sens étymologique), ce qui n’est guère différent, dans la pratique. Ils se chargent des tâches les plus ingrates que dédaignent les citoyens. Puis, ceux-ci, refusant de servir comme soldats, on enrôle, dans un second stade, des barbares. Cependant, à la périphérie la pression des germains et des slaves, hier, et aujourd’hui des africains, se faisant plus forte, on achète certains chefs, chargés de contenir les autres tribus. Quand cela ne suffit plus, on leur offre des terres, qui, du fait de la faible natalité, retournent à la friche, afin qu’ils s’y installent, à charge pour eux de les défendre. Tout cela coûte cher. L’Etat épuise les citoyens en impôts. Le moment vient où les barbares entrent en masse, les armes à la main, parfois accueillis en libérateurs.  »

    Clans des Yes, des Da et des Ajal

    Quarante années plus tard, confrontées à ce nouveau siècle, que sont devenues les trois hypothèses de Debray  ? Relèvent-elles des oubliettes de l’histoire comme le marxisme  ? Sont-elles enlisées dans le marais des pistes culturelles intellectuellement attrayantes mais finalement bricolés  ? Vérifions succinctement en utilisant la grille de lecture – certes polémique – si chère à Léon Daudet, des «  serviteurs de l’étranger4  ». Elle nous pousse à constater  :

    • Sous sa première hypothèse de la «  fusion pacifique  », nous reconnaissons assez bien le projet de société des laboratoires d’idées progressistes/mondialistes comme Terra Nova, qui infusent le pole idéologique des «  valeurs républicaines  ». Nommons le «  d’américanisation  » car l’ambassade américaine a déployé de grands efforts auprès de nos banlieues5 de l’immigration pour y détecter les élites émergentes, les former aux Etats-Unis en leur répétant que la France ne les reconnait pas et que l’avenir leur appartient. Désignons ses meneurs mondialisant, ces serviteurs de l’étranger, sous le vocable de «  clan des Yes  », avec ses commis européanisant. Ce projet d’américanisation se prévaut de la légitimité des institutions légales. L’élite technocratique au pouvoir déroule méthodiquement sa construction malgré la réaction du pays réel. Engagé à grande échelle dans le monde occidental, mais uniquement dans le monde occidental, le succès de ce projet dont l’objectif est la consommation de masse, passe pour inéducable grâce à un pilonnage médiatique massif et incessant.
    • Sous l’hypothèse du «  pouvoir blanc  », nous discernons l’actuel tentation du renversement d’alliance au profit du nouvel empire russe, effectivement passé du marxisme-léninisme au nationalisme grand-russien. Ce projet identitaire pourrait se prévaloir de la légitimité de la défense de l’identité et des traditions coutumières françaises mais le pole idéologique «  catholique et Français toujours  », souffre encore de l’incapacitant mythe européanisant. En revanche l’ancien «  clan des Da  », celui du Viel électorat communiste, transfère patriotiquement son allégeance sur le vote national-populiste. Tout comme le socle sociologique gaulliste se souvenant d’une alliance russophile de «  l’Atlantique à l’Oural  » permettant d’éviter «  Colombey les deux mosquées  ». Un projet auquel le président Poutine n’est pas insensible, vu son long entretien avec Marine Le Pen6. Sachant que du coté des «  conservateurs  », François Fillon avait semblé disputer à la frontiste le rôle de meilleur allié en France du régime poutinien.
    • Dans la troisième hypothèse, nous retrouvons le projet de «  la soumission  », du roman d’anticipation de Houellebecq de 2015, au moment des attentats islamique de Charlie Hebdo qui ébranlèrent la France entière. Dès juin 2017 le président du Think Tank Génération libre, à mis en évidence la crédibilité d’une prise de pouvoir douce «  à la Houellebecq  » en la rapprochant du coup de force démocratique réalisé par Emmanuel Macron… C’est le projet du «  clan des Ajal  » que nous voyons à l’œuvre dans les zones de non-droit de plus en plus nombreuse aves la mise en place de listes électorales islamiques. Ce projet «  soumission  » repose sur une très forte légitimité, celle de la conviction religieuse, de la jeunesse et d’un accroissement démographique exponentiel. Au moment ou des mosquées s’édifient un peu partout et de plus en plus en France, leurs coupoles et leurs minarets furent décrits en 2009 par le premier ministre turc comme « nos casques et nos baïonnettes ». Nous savons par l’Iman Komeiny, que l’Islam ne s’ébranle que si surgissent des prophètes mais n’est-ce pas l’objectif du charismatique président turc Erdogan qui intervient militairement en Lybie, le verrou de la colonisation migratoire de l’Europe latine.

    Mais alors quelle alternative pour la France ?

    Germain Philippe ( à suivre)

  • Prospective et guerre des races, par Germain Philippe.

    La technocrature, maladie sénile de la démocratie : (16/18)

    Extension du domaine de réflexion

    A ce point de notre démarche, retournons-nous et recommençons par le commencement. L’exercice de physique sociale mené par l’Action française lui a permis d’analyser la recomposition technocratique de 2017, exercée par le pays légal pour maintenir sa domination financière. Elle a dû se positionner sur les concepts tendances d’Oligarchie, de classe des super-riches, et de superclasse. 

    philippe germain.jpgElle a ainsi identifié les groupes dirigeants à neutraliser mais également les contradictions générées par le scénario dégagiste du pays légal. Elle sait que les contradictions et risques des élites démocratiques, peuvent se transformer en opportunités pour le recours au Prince chrétien, porteur d’un projet1 pour la France.

    Reprenant la conviction maurrassienne sur la nécessité primordiale d’une réforme intellectuelle et morale, l’Action française a élargi son exercice de physique sociale à la notion de pole idéologique. Elle a ainsi intégré le passage de deux pôles à trois, consécutif au phénomène migratoire mais également suite à la réémergence du pole «  catholique et Français toujours  », engloutie par l’hégémonie culturelle marxiste depuis 1945.

    Pour adapter sa stratégie, le «  mouvement-école  » d’Action française devra porter son analyse de terrain sur trois tendances lourdes. 

    • D’abord celle des mutations du pays réel à travers l’invisibilité de la «  France périphérique  », de «  l’archipelisation  » communautaire, de la «  nouvelle contre-révolution catholique  » et du vieillissement de la population souche.
    • Ensuite celle de l’introduction brutale d’un multiculturalisme générateur d’insécurité culturelles et de violences physiques.
    • Enfin celle de la montée en puissance agressive d’un activisme «  néo-révolutionnaire  », formant un front objectif allant du racialisme-indigéniste à l’écologie-animaliste en passant par le féminisme-gender et le transhumanisme-expertocratiste mais aussi l’islamo-gauchisme et l’antifa-mondialisme.

    Enfin son champ de réflexion prospective devra être étendu à la «  crise  ». Cette crise prophétisée dès L’avenir de l’Intelligence (1903) par Maurras, puis analysée sous l’angle économique par Pierre Debray dans Une politique pour le XXI° siècle (1985) et sous l’angle culturelle dans L’Europe assassinée (1993)2. Une crise de civilisation dont l’une des conséquences est l’usure accélérée de la solution démocratique favorisant l’apparition de gouvernements populistes et de régimes dits de «  démocratie illibérale3  ».

    République et manque de cohésion

    Cette extension à la réflexion prospective doit être menée rapidement. Du moins si l’on se fie à la vision stratégique à 2030 du chef d’état-major de l’Armée de Terre4, présentée aux députés il y a quelques jours ( juin 2020). Son «  appréciation5 de la situation  » prend d’autant plus d’importance, connaissant son principal point d’attention sur le moral et l’état d’esprit de ses hommes.

    Pour lui, l’incertitude stratégique se trouve «  exacerbée en France, où les fragilités d’une société manquant de cohésion et en quête de sens peuvent faire douter de sa volonté à bâtir un avenir commun et à en défendre le modèle avec fermeté et esprit de résistance.  » Fragilité d’autant plus grave qu’il évoque une «  extension des champs de conflictualité  », accompagnée d’un changement majeur de l’usage de la force se faisant également «  selon des modes d’action nouveaux, imprévisibles et plus insidieux, privilégiant l’intimidation et la manipulation, dans une forme de guerre nouvelle, indiscernable et non revendiquée, pour obtenir par le fait accompli des gains stratégiques indéniables.  »

    Les concepts avancés par le général Thierry Burkhard sont forts. Surtout pour des maurrassiens rodés à la réflexion prospective. C’est même une des particularités de l’Action française. Il faut en avoir conscience, Charles Maurras n’était pas tourné vers le passé car il ne s’intéressait qu’a l’avenir.

    C’est pourquoi la vision du chef d’état-major de l’Armée de Terre parle à l’Action française et pourquoi, comme aurait dit Péguy, elle tend l’oreille.

    Guerre des races

    Produite avant la pandémie du Coronas virus, sa vision anticipe de quelques mois les actuels soubresauts d’une guerre effectivement «  nouvelle  », la guerre raciale  ; celle évoquée par l’ancien premier Ministre Manuel Valls affirmant  : «  la lutte des classes disparait au profit de la guerre des races  ».

    Là encore pas de véritable surprise pour l’Action française. Par l’empirisme organisateur elle sait que la République, née dans la guerre civile, a déjà généré, voir instrumentalisé plusieurs formes de tensions comme la guerre religieuse, la guerre sociale, la guerre scolaire, la guerre sociétale alors pourquoi pas la guerre raciale.

    D’autant qu’en 2016 les français avaient été alertés6 sur l’apparition d’un «  racisme à l’envers  », par rien moins que le délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, du gouvernement socialiste de François Hollande. D’où l’inquiétude du Délégué général d’Ichtus – ancien président de La Manif Pour Tous – Guillaume de Prémare, exprimée sur le site L’incorrect7  : « Si la greffe venait à prendre dans notre pays, qui ne s’est pas construit sur la ségrégation raciale, elle pourrait provoquer, un jour ou l’autre, le grand déchaînement des passions ethniques.  »

    Cette guerre des races est poussée artificiellement par la mouvance composite et quantitativement faible des «  décoloniaux  », allant «  du Parti des Indigènes de la République (PIR) au Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) en passant par une kyrielle de micro collectifs, dont certains ne comptent pas cinq membres.8 » Sa principale force est de bénéficier d’une médiatisation importante et régulière, voire d’une complaisance judiciare objective. En revanche elle est attisée réellement, par le parti de la France Insoumise, qui a représenté 19 % des électeurs à la présidentielle de 2017. L’image de l’insoumis Jean-Luc Mélenchon mettant genou à terre pour ce soumettre à cette doxa racialiste est assez stupéfiante.

    Cette guerre nouvelle, pratiquant des modes d’action imprévisibles, plus insidieux, privilégiant l’intimidation et la manipulation, mérite donc un minimum d’attention. Elle amène l’Action française à revenir sur les hypothèses prospectives, envisagées par l’un de ses maitres il y a déjà presque quarante ans.

    Germain Philippe (à suivre)

    1 Jean de France, Un prince français : entretien avec Fabrice Madouas , Pygmalion, 2009.
    2 Pierre Debray, L’Europe assassinée, Courrier Hebdomadaire de Pierre Debray, supplément n° 1144, 1993
    3 Anne Chemin,  « Pologne, Hongrie… ces démocraties « illibérales » qui remettent en cause l’Etat de droit », Le Monde, 07 juin 2018
    4 Général d’armée Thierry Burkhard.
    5 Notre intérêt n’est en rien comparable au canular  « anarcho-royaliste », dénoncé sérieusement par Jean-Dominique Merchet en 2013 : « Les militaires qui ne sont pas dans cette mouvance me félicitent d’avoir écrit un article, mais ceux qui sont dans la mouvance du Printemps français me font la gueule. Il y a 250 000 militaires dans le pays, mais le « Lys Noir » est une infinie minorité qui cherche à avoir un impact sur les autres, car elle est très présente ».
    6 Gilles Clavreul, « Un racisme à l’envers », site Fondation Jean-Jaurès, décembre 2016.
    7 Guillaume de Prémare, « La guerre des races », site L’incorrect, 23 juin 2020.
    8 Gilles Clavreul, « Radiographie de la mouvance décoloniale : entre influence culturelle et tentations politiques », site Fondation Jean Jaurès, décembre 2017.

  • Technocratie et risque européiste, par Philippe Germain.

    La technocrature, maladie sénile de la démocratie : 12/14

    Expectocratie transnationale ?

    On comprend mieux comment l’utopie expertocratiste des technocrates peut diluer le politique au profit des experts. A suivre Taguieff   : «  La dilution de I’idéal démocratique dans des systèmes oligarchiques ou il se réduit à un décor procédural, ainsi que la phagocytose de I ‘espace public par le système médiatique obéissant à des règles spécifiques (mais demeurant pour la plupart implicites), sont indissociables de la formation d’une nouvelle classe élitaire, transnationale, composée de spécialistes de la manipulation des symboles abstraits, identifiables comme des «  experts-entrepreneurs  », dont on peut dire que la démocratie est le moindre de leur souci, n’étant guère à leurs yeux qu’un cadre permettant le fonctionnement optimal du marché mondial, dont ils sont les principaux acteurs et bénéficiaires.1  »

    philippe germain.jpgSi en 2000 Taguieff n’utilise pas le mot, un maurrassien reconnait la Technocratie. Ces techniciens de l’organisation, légitimés par un concours de grande école, sont effectivement les spécialistes de la manipulation des symboles abstraits.

    L’utopie expertocratiste marcherait donc de paire avec une internationalisation de la technocratie. Un tel point de vue ne peut surprendre l’Action française car dès 1933, l’un de ses historiens, le marquis de Roux2 avait révélé la puissance du «  trust du cerveau  », ces technocrates entourant le président américain Roosevelt. En Angleterre ils s’étaient regroupés derrière Keynes tandis qu’en Allemagne Hitler s’appuyait sur les experts de Schacht. Vers 1960, Pierre Debray avait d’ailleurs abordé l’analyse international de la Technocratie par un rapprochement audacieux avec la Nomenklatura communiste. En revanche si pour l’Action française, les différentes technocraties nationales partagent références, état d’esprit, pratiques et surtout identité d’intérêt par la maitrise de la propriété collective des moyens de production, elle peine à conclure à la une confédération des Technocraties formant une classe transnationale.

    Super-classe mondiale ?

    Au cas ou Taguieff en 2000 n’évoquait pas la Technocratie, que serait sa nouvelle classe élitaire transnationale composée des principaux acteurs et bénéficiaires du marché mondial  ? Anticipait-il le concept de «  superclasse  », utilisé par Samuel Huntington et récemment conceptualisé par l’énarque Michel Geoffroy dans son ouvrage La superclasse contre les peuples3  ? Cette superclasse, l’ancien haut-fonctionnaire au ministère de l’Économie et des Finances, la juge mondiale et ouverte car ses membres se renouvellent périodiquement. Elle suit un modèle concentrique à quatre cercles. Au centre, celui de la richesse financière et économique, puis autour le cercle des médias et de la culture, arrive le troisième cercle des organisations non gouvernementales et de la «  société civile  » – c’est-à-dire les groupes sociaux qui appuient les intérêts de la super classe, enfin le dernier cercle de la puissance publique. Le cercle de la richesse dirige, influence et achète les trois autres. Telle est cette superclasse dont les quatre cercles partagent la prétention de bâtir le paradis sur terre et d’y unifier le genre humain. C’est le Nouvel Ordre Mondial nommé par le l’ancien président américain Obama, la «  Nouvelle Elite Internationale4  ».

    A cette grille d’interprétation, plus mobilisatrice que complotiste, l’Action française reproche l’approfondissement insuffisant des processus de formation de la superclasse mondiale. Certes cette grille commente la présence d’étrangers dans les conseils de surveillance et les conseils d’administration chargés des affaires opérationnelles des groupes mais néglige leur comptage prouvant que «  le niveau de mobilité transfrontalière nécessaire à la formation d’une classe ou d’une élite internationale ou transnationale est encore loin d’être atteint5 ».

    Pour l’Action française ce qu’on nomme superclasse s’inscrit dans la continuité de la guerre froide. Son caractère «  mondial  » recouvre simplement la géographie du «  monde-libre  » – de 1945 au moment de la chute du mur de Berlin – dont le centre de gravité est les Etats-Unis. Ces Etats-Unis d’Amérique qui depuis le début du XX° siècle, sous la poussée du courant «  fonctionnaliste6  » financé par la Fondation Rockfeller, promeuvent l’idée «  d’Etats-Unis d’Europe  ». L’histoire de cette influence américaine est maintenant historiquement bien documentée7 mais dès 1947 Maurras avait relevé le bon appétit des américains avouant «  leur ambition de former un Etat Terrien unique dont ils seraient les rois8  ». Depuis l’Action française a combattu cette influence. Son rôle fut non négligeable dans l’échec de la Communauté Européenne de Défense en 1954. Son histoire témoigne d´un travail intellectuel et militant de longue haleine contre les avancées d´une communauté supranationale européenne. Après le drame algérien de 1962, elle s’est opposée à cette extrême-droite qui encourageait la rupture avec le nationalisme français pour inscrire sa stratégie dans le nationalisme européen. Dans les années 2000, ses actions ont dynamisé9  les positions dites «  souverainistes ».

    La Technocratie européenne très concrète

    Plus que dénoncer une classe technocratique transnationale aux contours flous et une superclasse mondiale molle, les maurrassiens luttent10 contre la Technocratie européenne. C’est pourquoi il convient de se retourner sur l’accélération du processus de formation de cette classe européenne. D’abord il y a l’évènement déclencheur, le rapport11 de 1975, d’un organisme international à centre de gravité américain, concentrant les grands patrons en vu de la mondialisation de l’économie. La Trilatérale12. qui s’emploie à définir les critères d’une «  bonne gouvernance  » internationale, y définit les «  Etats-Unis d’Europe  » comme passage obligé pour contenir les Etats-nation du vieux continent incapables de gouverner dans le bon sens. Le moyen  ? Pour reprendre Eric Zemmour, c’est une «  tutelle technocratique de fer serait peu à peu apposée sur les Etats à grand coup de directives et de normes13  ». Et maintenant le déroulé de la formation de cette classe européenne.

    En 1984 le technocrate Jacques Delors lança le Marché unique, permettant à la Commission européenne d’imposer l’idéologie de la concurrence aux Etats. Contrairement à une expertocratie transnationale et une superclasse mondiale, la Technocratie européenne est concrète. Sa formation s’est sur l’hypocrisie de l’élite politique laissant prendre à la Technocratie bruxelloise les décisions impopulaires afin de mieux s’abriter derrière elle. Formation résumée par Eric Zemmour, «  Au fil des ans, un jeu de rôle se mit en place  ; les chefs de gouvernements mettaient en scène leur conflits au cours des «  sommets européens  » médiatisés, défendant leurs «  intérêts nationaux  »  ; mais derrière la mise en scène de ce théâtre, le vrai pouvoir instaurait les règles et les normes qui s’imposaient à tous14  ». En réalité, la Technocratie européenne avait pour elle la continuité pour s’emparer de la réalité du pouvoir. Le gros morceau fut d’imposer le fédéralisme technocratique recommandé par la Trilatérale. En 1992, la France vota d’extrême justesse le OUI au traité de Maastricht. Les pays récalcitrants durent marcher au pas démocratique. Le Danemark ayant voté NON du revoter, tout comme l’Irlande pour avoir refusé le traité de Nice en 2001. Rien ne semblait pouvoir arrêter la Technocratie européenne.

    En 2004 elle adopta à Rome, une nouvelle Constitution. Rédigée par l’énarque français Giscard d’Estaing elle comprenait président du Conseil européen, ministre des affaires étrangères, drapeau, hymne, une devise, des «  lois  » se substituant aux directives et règlements. Le pays réel, portant très affaibli, redressa la tête en 2005 et vota à 54,08 % NON, pour la ratification et la Hollande le rejeta à plus de 60 %.

    La Technocratie européenne ne pouvait rester sur cet échec. Elle fit jouer les ficelles de la démocratie. On inventa la mystification du «  traité simplifié  » dont les amendements reprenaient l’essentiel de la nouvelle Constitution en les soumettant au seul vote du parlement en 2008. Bien joué, puis la crise de l’euro de 2010 permit à la Banque Centrale Européenne de récupérer des pouvoirs régaliens majeurs et en 2013 l’Union bancaire lui attribua la supervision bancaire lui permettant le contrôle de l’Europe. Depuis, l’oligarchie des technocrates européens de la Cour, de la Commission et de la Banque Centrale Européenne dirigent l’Europe et donc la France.

    L’utopie Européiste depuis Napoléon

    Quelle fut l’attitude de la Technocratie française dans la construction européenne ? Utilisons l’histoire et raisonnons par analogie.

    Remontons d’abord à l’utopie européiste de Napoléon. Dans son Mémorial de Saint Hélène, il a évoqué sa volonté d’une fédération des peuples d’Europe car «  une de mes grandes pensées a été l’agglomération, la concentration des mêmes peuples géographiques…  ». Ce qu’il nomme son «  Système  » s’inspire de deux principes  : renforcer la tutelle politique et militaire et assurer l’hégémonie par une politique d’inspiration mercantiliste. L’analogie avec la visée américaine sur l’Europe est immédiate. Son utopie européiste, Napoléon l’a effectivement déployée de Séville à Königsberg, de Lübeck à Reggio de Calabre, de Brest à Lublin. Pendant quinze années, s’appuyant sur une nouvelle haute-administration, Napoléon a construit une Europe avec d’abord une union par un grand marché grâce au blocus continental, ensuite une unification par le droit et enfin une rationalisation administrative.

    De là, passons l’observation de Zemmour sur les technocrates français impliqués depuis 1957 dans la bureaucratie européenne  : «  Ils retrouvaient aussi, souvent sans s’en douter, les reflexes et les ambitions des conseillers d’Etat de trente ans, envoyés par Napoléon dans toute l’Europe pour gouverner et moderniser – aux normes françaises –  : code civil et administration efficace et non corrompue – les royaumes d’alliés de l’Empire français.  A l’époque, l’Empereur jugeait que ces jeunes gens brillants oubliaient un peu trop les intérêts de «  l’ancienne France  », comme on disait alors, au bénéfice de leurs populations d’adoption.15 » Effectivement pendant que Napoléon construisait l’Europe au pas lent de sa Grande Armée cosmopolite, ses haut-fonctionnaires travaillaient à l’extension de la Révolution aux dimensions de l’Europe. La Révolution et ses Lumières devenaient le règne de l’Etranger, d’où leur oubli de la France et son Etat, qu’ils étaient censés servir.

    D’où l’analogie avec ce qu’en 1965 De Gaulle nomma l’ «  aréopage technocratique, apatride », car nous savons que ce sont essentiellement des technocrates français qui mirent en place la Commission de Bruxelles autour de laquelle les lobbies permettraient de faire du «  Business  » en usant de corruption. L’utopie européiste est bien le règne de l’Etranger et à croire Christopher Soames, ancien vice-président de la Commission européenne «  Dans une organisation internationale, il faut toujours mettre un français, car ils sont les seuls à ne pas défendre les intérêts de leur pays  ».

    Un transfert d’allégeance

    Plus les technocrates français s’impliquent dans l’Europe, plus ils opèrent un transfert d’allégeance au détriment de l’omnipotent Etat-providence français. Celui là même qui permet le pillage de la nation à l’élite financière, issue du Directoire. Et c’est bien là le second risque qu’a mal évalué l’Etablissement dans son scénario de substitution de l’élite politique disqualifiée par la Technocratie, avec laquelle pourtant il a souvent établi des liens matrimoniaux.

    Les technocrates français ont pris conscience que les carrières se fabriquent au sein d’organismes internationaux. La technocratie républicaine a donc compris son intérêt à devenir le commis apatride de l’« internationalisation polymorphe du marché  », suivant la belle expression de Taguieff. Ne fantasmons pas sur les liens entre Macron et la Trilatérale. Liens relevés par Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon : «  Ainsi, information peu relayée par les journalistes dans la profusion de sujets qui lui ont été consacrés : Emmanuel Macron a été l’invité du groupe Bilderberg en 2014 entre son départ du secrétariat général de l’Élysée et sa nomination comme ministre de l’économie16. » En revanche interrogeons nous sur ce que feront les technocrates une fois au pouvoir. Si ils se laissaient aller dans le sens de leur utopie européiste il est probable que Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon aient vu vrai en pensant que l’ordre du jour serait «  la dégradation des services publics au bénéfice des investissements privés.  » C’est-à-dire pour l’Etablissement, la fin de la manne financière issue des travaux du service publique.

    De quoi remettre en cause le modèle oligarchique circulaire des dynasties répuplicaines. L’élite financière serait en opposition avec l’élite des technocrates français et l’enjeu de leur lutte devuendrait alors la maitrise de l’élite médiatico-culturelle.

    Du risque à l’opportunité

    Oui, l’élite financière pourrait être «  menacée de succès  » en cas de réussite la candidature Macron à la présidentielle de 2017 car la Technocratie, porte deux tendances utopistes lourdes et compatibles  : l’expertocratie et l’européisme.

    C’est ainsi que si l’un ou les deux risques négligés par l’Etablissement venaient à s’avérer après la prise de pouvoir politique par la Technocratie, leurs conséquences pourraient devenir une opportunité pour la stratégie d’un prince chrétien du XXI° siècle.

    Depuis les années 1970, le sociologue d’Action française Michel Michel, reprenant17 une des clés de la démonstration maurrassie