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  • Marion Maréchal-Lepen dénonce l’obsession républicaine, par Yves Morel*

     

    La récente critique de l’obsession de la République, caractéristique de la classe politique française, par Marion Maréchal Le Pen a déclenché un signal d’alarme dans la presse.
    De quoi s’agit-il exactement ? La jeune femme, député du Vaucluse, a accordé un entretien au trimestriel Charles (numéro 14, été 2015) en lequel elle s’exprimait sur ses relations avec sa tante, Marine Le Pen, et donnait son avis sur une prise de position de son père adoptif, Samuel Maréchal. Elle n’envisageait pas, initialement, d’émettre un jugement sur la République. C’est son explication d’une recommandation de Samuel Maréchal au FN (au cours des années 1990) de mieux prendre en compte l’islam qui l’ y a amenée.

    Une mise au point salutaire

    Marion Maréchal affirme que son père adoptif invitait simplement son parti à intégrer l’importance de l’islam dans son discours, par souci de réalisme. Elle déclare se ranger à son point de vue. Mais, afin de prévenir toute conclusion hâtive, elle précise que, pour autant, elle ne souscrit pas aux idées de ceux qui entendent placer toutes les religions sur un même plan d’indifférence ; elle vise tout particulièrement le politologue Thomas Guénolé qui préconise la laïcisation des jours fériés liés à des fêtes religieuses. Elle affirme, fort justement : « Il (Guénolé) représente bien la tendance de notre classe politique qui voudrait que la république efface la France ». Et, en effet, les gens comme Guénolé font remonter la naissance de notre nation à 1789 (ou à 1792), et la conçoivent comme étant in essentia, et donc in aeternum (mille pardons, Mme Vallaud-Belkacem), une République absolument laïque fondée sur les « Lumières », la raison et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (merveilleusement complétée par le droit inconditionnel à l’avortement et le mariage homosexuel, en attendant la légalisation de la GPA) .

    Marion Maréchal prend donc le contrepied de cette funeste tendance en ajoutant sans barguigner : « Mais la France n’est pas que la République ». On ne peut qu’acquiescer : la France fut fondée plus de mille ans avant la Révolution, vécut sous une monarchie dès Clovis et sous la dynastie capétienne de 987 à 1792. Elle est donc très antérieure à la République et ne se confond pas avec elle. Les valeurs, principes et institutions de la République ne constituent pas le tout, ni même l’essence ou la quintessence de l’identité de la France, de son peuple, de son ethos, de sa civilisation. Notre nation n’est pas née à Valmy le 20 septembre 1792, ni le 14 juillet 1789, ni dans les salons des « Lumières » du XVIIIè siècle ou les locaux de l’Encyclopédie. Avant cela, elle a été spirituellement, intellectuellement et institutionnellement édifiée par le christianisme, l’Eglise et la monarchie (les « quarante rois qui ont fait la France »).

    Du reste, la république française n’a même pas le monopole de cette démocratie dont elle se targue constamment. Marion Maréchal précise qu’ « il y a des monarchies qui sont plus démocratiques que certaines républiques ». On songe évidemment aux monarchies scandinaves et à la monarchie britannique, laquelle a abouti à une démocratie qui ne doit rien, mais alors rien du tout, à nos « Lumières », à notre « grande » Révolution, à 1848, à notre IIIè République. Au contraire, la Révolution est tenue, en Angleterre et dans tous les pays anglo-saxons, pour la manifestation éclatante de la plus criminelle des barbaries, largement à l’origine des totalitarismes du siècle dernier, et notre tradition jacobine y est tenue pour tyrannique.

    Il convient également de rappeler qu’aux Pays-Bas, l’un des principaux partis politiques fut, de 1879 à 1980, le parti antirévolutionnaire (centriste et non extrémiste) appelé ainsi dans la mesure, où quoique libéral et parlementaire, il tenait la Révolution Française comme un anti-modèle, cause de toutes les aberrations politiques contemporaines. Rappelons enfin que la démocratie américaine ne doit rien, tant au niveau de ses valeurs et principes qu’à celui de ses institutions, à la république française, regardée, là aussi, avec méfiance. Voilà qui devrait rendre modestes notre classe politique et une grande partie de notre intelligentsia, qui s’imaginent (ou feignent de s’imaginer) que la France républicaine est le flambeau des nations, guidant celles-ci vers la liberté et un avenir démocratique parfait.

    Une obsession à visée dissimulatrice et conjuratoire

    Il s’agit bien là d’une obsession, comme le dit Marion Maréchal, qui déclare : « Je ne comprends pas cette obsession pour la République ». Une obsession toujours plus envahissante à mesure que notre modèle républicain s’effondre, en un univers mondialisé largement opposé à ses valeurs, ses principes, sa vision de l’homme et de l’histoire, son idéal égalitaire et socialisant et ses lubies. Quand le paquebot sombre, l’orchestre joue à pleine puissance afin de redonner courage aux passagers qui sentent approcher l’heure fatale.

    Et, aujourd’hui, dans notre pauvre pays qui tombe dans la déchéance politique, morale, économique et sociale, nos dirigeants et nos médias s’efforcent de conjurer la « morosité » ambiante en exaltant à qui mieux mieux la république, ses valeurs et son idéal : les partis politiques et leurs ténors se veulent tous plus républicains les uns que les autres ; et, pour faire bonne mesure, on multiplie les célébrations et les commémorations à propos de tous les événements historiques jugés emblématiques du régime (la Révolution, l’abolition de l’esclavage, la laïcité, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la Résistance) ; et on donne dans la manie de la « mémoire », le culte des « lieux de mémoire » et la confection de lois mémorielles.

    En résumé, la France, c’est la République, et la République, c’est la France, point final. Or, la république, censément consubstantielle à la France, est en réalité le cache-misère d’un système politique et social exsangue et en voie de décomposition.

    Voilà pourquoi la déclaration de Marion Maréchal Le Pen a jeté dans les transes les journalistes « républicains ». Les journaux de gauche, comme Marianne ont évidemment donné de la voix et de la plume ; et ceux de droite, comme Le Parisien, n’ont pas voulu être en reste, zèle républicain oblige.

    Une réaction significative

    Mais l’article le plus instructif sur la déclaration du jeune député est encore celui de Bruno Roger-Petit, du 23 juin, sur le site de Challenges, l’hebdomadaire économique bien connu du groupe Perdriel. Son titre en dit long : « Marion Maréchal Le Pen, la sombre tentation catho-royaliste ».

    Nous ne pouvons pas en commenter ici l’intégralité. Bornons-nous donc aux passages les plus significatifs.

    A l’évidence, Bruno Roger-Petit ne peut admettre l’idée, pourtant évidente, suivant laquelle l’identité de la France ne se réduit pas à la République. Selon lui, – et il n’a pas tort – « la députée du Vaucluse renoue avec la tradition classique de l’extrême-droite française », alors que le Front national oscille entre nationalisme cocardier, exaspération poujadiste et souverainisme gaulliste. Elle se rattache « à l’extrême-droite royaliste » et catholique. Elle « est plus proche de l’Action française que de Pierre Poujade »… lequel avait au moins le mérite de base d’être républicain, doit-on comprendre. Pour M. Roger-Petit, toute mouvance politique, fût-elle nationaliste et autoritaire, vaut mieux que le royalisme.

    Notre journaliste voit, dans la crainte de Marion Maréchal que « la république efface la France », la résurgence de « la frayeur de l’extrême droite royaliste qui juge que 1789 (et ses prolongements, 1848, 1905, 1936, 1945 et 1981) est le pire fléau qui se soit jamais abattu sur la France ». Ainsi s’expliquent, à l’en croire, les propos de la petite-fille de Le Pen suivant lesquels la République ne prime pas sur la France et n’est pas toute la France, suivant lesquels l’islam ne doit pas occulter le christianisme, défini par elle comme une « dimension encore vivante » de notre nation, et suivant lesquels enfin, la république n’est qu’un régime politique parmi d’autres, dans le temps et l’espace, ni meilleur ni pire que d’autres, et qui, de surcroît, n’a pas l’exclusivité de la démocratie.

    Sur le second point (la question religieuse), Bruno Roger-Petit discerne, dans les propos de Marion Maréchal, «le regret d’une France qui ne se vit plus comme la fille aînée de l’Eglise de Rome » et « la revendication d’une transcendance nationale reposant sur le fait religieux catholique », ce qui, on en conviendra, est une interprétation abusive des paroles du jeune député. Interprétation qui confirme ce que nous savions déjà de l’idée de la France que se font nombre de journalistes et toute la classe politique : la seule France qui vaille est la France républicaine, fille de la Révolution, égalitariste, athée et anticléricale.

    La critique de la référence systématique à la République, le simple parti pris de refuser à la République un culte et de la considérer comme un régime politique comme un autre, est une infamie qui met au ban de l’Agora tous ceux qui ne font pas preuve de républicanisme affirmé (et mille fois réaffirmé).

    Marion Maréchal manifeste avec une évidence criante son rattachement à la droite monarchiste et catholique dont Bruno Roger-Petit rappelle (horresco referens, encore pardon Najat) les sources doctrinales : « adhésion à la philosophie réaliste héritée d’Aristote et de saint-Thomas, rejet du contractualisme rousseauiste au profit (sic) d’une soumission au droit naturel, déférence envers l’Histoire et l’héritage de nos pères, référence à la pensée contre-révolutionnaire de Maistre, Burke, Bonald ».

    Et de conclure : « Avec Marion Maréchal Le Pen, on est bel et bien de retour dans le salon de Maurras, bien loin de la librairie-papeterie de Poujade [un fils du peuple, lui, produit de l’école républicaine ferryste, sans doute descendant des volontaires de l’an II] ou de la tombe du général de Gaulle [dont se réclament Marine Le Pen et Philippot]». Bref, elle « démasque d’un coup, à l’évidence sans le réaliser [peu galant, M. Bruno], la vérité du Front national », réduisant à néant tous les efforts de dédiabolisation de sa tante.

    Affaire de génération, pense Bruno Roger-Petit :Marion Maréchal incarne la « jeunesse réactionnaire » d’aujourd’hui, apparue au grand jour lors de la Manif pour tous de 2013, et qui « n’aime pas la République ». Et, la jeune femme ayant appelé au dépassement du clivage « droite-gauche », il voit là une réminiscence de ceux qui, dans les années 1930, en faisaient autant, les situant tous à droite, alors que nombre d’entre eux (la Jeune République, Dandieu, Mounier et l’équipe d’Esprit ) venaient du catholicisme libéral et social et se posaient en ennemis résolus de la droite nationale. S’appuyant sur Zeev Sternhell, il nous avertit qu’une telle attitude nous amène à « Pétain à Vichy », occultant le fait que nombre des membres des divers gouvernements de Vichy demeurèrent des républicains coulés dans le moule (Laval, Darlan), et que le Maréchal ne fut jamais monarchiste.

    Nous ne savons si Marion Maréchal « démasque la vérité du Front national ». Mais, assurément, Bruno Roger-Petit, lui, révèle la vérité du régime. Selon cette « vérité », la vraie France a été mise au monde par la Révolution (elle-même fille des « Lumières »), et tout le millénaire antérieur est une période effroyable d’ignorance, d’erreur, d’obscurantisme, d’intolérance, d’injustice(s), de tyrannie dont seuls de fanatiques intégristes catholiques et monarchistes souhaitent le retour, suivant une conception de l’homme et du monde médiévale et inquisitoriale mille fois pire que celle, républicaine, plébiscitaire et cocardière, du libraire-papetier de Saint-Céré (au départ un bon fils de la république).

    Il faut choisir : la république ou l’acceptation de « ce que l’extrême droite a toujours produit de pire depuis deux siècles ». Si vous ne voulez pas être assimilé à ce « pire », vous devez accepter sans sourciller que l’on vous serve la république matin, midi et soir.

    Ambiguïté du Front national

    Pour notre part, nous nous réjouissons de ce qu’enfin, une personnalité politique ait osé critiquer sans précaution oratoire cette référence systématique à la république, qui ressemble à un réflexe conditionné produit par un totalitarisme moral d’autant plus insistant que le système qu’il défend s’effondre chaque jour un peu plus. Les propos de la petite-fille de Le Pen ne révèlent pas l’essence même du Front national.

    Le Front national, – c’est sa force et sa faiblesse – a toujours rassemblé des gens de sensibilité diverses voire opposées, et les républicains cocardiers, jacobins et libre penseurs y ont constamment prévalu sur les catholiques monarchistes. Jean-Marie Le Pen n’a jamais fait partie de ces derniers.

    Son souci d’accroître l’audience de son parti en caressant les électeurs dans le sens du poil l’a même conduit à exalter toujours davantage la République ; on se souvient de son discours commémoratif de Valmy du 20 septembre 2006. Et sa fille s’est toujours présentée comme le meilleur défenseur de la République ; elle a d’ailleurs inauguré son entrée en fonction à la tête de son parti, en 2011, par un discours en lequel elle se réclamait de Gambetta.

    Un début ?

    Il reste que, pour une fois la référence sempiternelle, lancinante, à la république a été critiquée et qualifiée d’obsession, et que la jeune (cela revêt une grande importance) élue qui a osé le faire, a rappelé que la France ne s’identifiait pas à la république et prévalait sur elle. Espérons qu’il s’agit d’un début. 

     - Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de Politique magazine et la Nouvelle Revue universelle.

     

  • « Le grand rire de l’Immortel ! », par Hilaire de Crémiers.

    Comment le plus normal devient le plus extraordinaire.

    Mercredi 19 février, à l’Institut de France, quai de Conti, face au Louvre et dans la perspective unique de la Seine que rehaussent de symboliques festons les clartés vespérales, au sein de ce Paris royal où bat le cœur de la France, dans les salons du Secrétaire perpétuel de l’Académie française, Madame Hélène Carrère d’Encausse. Cela se passe bien chez elle, dans ce logement qu’elle a voulu aménager elle-même lors de son installation avec son propre mobilier pour bien signifier que, quand elle reçoit, c’est elle qui reçoit, elle et nul autre, et bien sûr tout ce qu’elle représente, dont les portraits en nombre des académiciens d’avant la Révolution qui regardent fixement les invités de l’heure du haut des cimaises de l’une des salles de réception.

    hilaire de crémiers.jpgImpressionnant, donc, mais tout aussi bien familier. Une vingtaine de personnes sont conviées à cette soirée, dont le Prince Gabriel de Broglie, de l’Académie française, chancelier honoraire de l’Institut de France, et le Professeur Georges-Henri Soutou, membre de l’Institut.

    Il y a dans l’assistance de l’étonnement, de l’amusement aussi, une solennité de bon aloi doublée d’une charmante simplicité, bref une ambiance créée par et pour l’occasion. L’événement est historique ; chacun en a parfaitement conscience ; et, cependant, rien n’est plus naturel, plus raisonnable, plus sensé, plus logiquement français que la cérémonie qui se déroule. Madame le Secrétaire perpétuel de l’Académie française reçoit des mains de Madame Nicole Maurras l’épée d’académicien de Charles Maurras. En dépôt perpétuel ! Sont joints à ce don les originaux de tous les documents, notes et papiers divers, que Maurras avait conservés de son voyage à Athènes en 1896, quand il couvrit, à vint-huit ans, comme journaliste pour la Gazette de France, les premiers jeux olympiques organisés par le baron de Coubertin.

    Maurras, quai Conti

    Voilà qu’en ce jour de 2020 Maurras rentre à l’Académie. De nouveau. Mais l’a-t-il jamais quittée, cet Immortel qu’on a prétendu vouer à la mort définitive ? Il y est à sa place en toute honorabilité, sous le regard de ses vieux confrères, toujours vivant et dont l’immortalité ne saurait être remise en cause.

    Madame Carrère d’Encausse ne manque pas de l’affirmer avec vigueur, sans user d’aucune de ces contorsions alambiquées dont il est courant de se servir pour évoquer l’homme et l’œuvre. C’est qu’elle connaît son sujet ! Maurras est assurément un grand écrivain, l’un des plus grands de langue française : il faut être inculte ou d’une mauvaise foi insigne pour ne pas le reconnaître. Elle sait, et dit tout uniment, à la fois, et l’inanité des jugements portés contre l’intellectuel, attaché comme aucun autre à sa petite patrie provençale et à sa grande patrie française, et l’injustice commise envers le polémiste, philosophe autant que politique, le plus anti-allemand de notre histoire nationale. Elle retrace en quelques mots aussi vifs que spirituels les rapports, en effet singuliers, que le Martégal, devenu le plus parisien des parisiens et le plus français des Français, entretint avec l’Académie française. C’était le seul honneur auquel il tint, comme il l’écrivit à son ami Barrès, et qu’il accepta de revendiquer.

    En 1923, l’Académie lui préféra un certain Jonnart, homme politique, alors ambassadeur de France près le Saint-Siège, ambassade dont, d’ailleurs, Charles Maurras avait réclamé inlassablement le rétablissement à l’encontre du stupide anticléricalisme qui dominait encore la République française. Le concurrent abusa de sa situation, note le Secrétaire perpétuel. Et de raconter en souriant comment les camelots du roi se gaussèrent joliment dans le quartier latin de l’élection du politicien dont l’œuvre littéraire n’était composée que de pages blanches. À moins de prendre des discours électoraux pour des chefs-d’œuvre de littérature.

    Maurras fut élu le 9 juin 1938 au fauteuil d’Henri-Robert. Condamné en 1945 à la dégradation nationale à la suite d’un procès inique, comme tant d’autres à cette époque, et dont il récusa l’autorité du verdict jusqu’à sa mort, il aurait dû être radié de l’Académie comme l’exigeaient les maîtres du moment. L’Académie française, précise Madame Carrère d’Encausse, s’honora de ne point obtempérer et de décider, malgré toutes les pressions, comme pour le maréchal Pétain, de ne déclarer vacant le siège qu’à la mort de l’intéressé. Et, donc, très logiquement le duc de Lévis-Mirepois qui fut élu au siège de Maurras en 1953, fit un éloge bien senti de son prédécesseur dont il était un ami. Maurras était bien Immortel : les Immortels, ses collègues, dans leur institution royale et nationale, le garantissaient. Et Madame le Secrétaire perpétuel le certifie aujourd’hui.

    Un bijou de symboles

    Nicole Maurras parle de l’épée. La plume de Maurras en était déjà une, dit-elle, comme l’avait écrit en 1915 l’archevêque de Bordeaux, le cardinal Andrieu, celui-là même qui, en 1926, abusé par une cabale, lança la procédure de condamnation ecclésiastique, aussi absurde et aussi injuste que toutes les autres, et qui sera levée en 1939 par le pape Pie XII et par acte de simple justice, comme disait le Cardinal Villeneuve, archevêque de Québec.

    Cette épée offerte par une souscription nationale, a été ciselée par Maxime Real del Sarte et confectionnée par le joaillier Mellerio, dit Meller, de cette fameuse maison qui se flatte toujours de son antique privilège royal. Elle fut remise à Charles Maurras le 4 mars 1939, salle Wagram, par Charles Trochu, alors président du Conseil municipal de Paris. Il est bon aujourd’hui d’évoquer ces temps-là !

    Nicole Maurras décrit l’étonnant parcours de la superbe épée qui, avant sa remise, pélerina littéralement à Lisieux, sur les traces mêmes de celui qui devait si fièrement la porter et qui laissa dans la chapelle du Carmel son ex-voto de « vieux pèlerin » : elle alla de la châsse jusqu’au lit d’infirmerie d’où s’envola l’âme de la petite Thérèse que Maurras, dans une dévotion profonde – oui, dans son état si singulier – plaçait parmi les plus grandes.

    La France des Bourbon, de Mesdames Marie,
    Jeanne d’Arc et Thérèse et Monsieur Saint Michel.

    Quelle épée connut jamais pareil rite de sanctification ?

    Il revient à Christian Franchet d’Espèrey, petit-neveu du maréchal qui fut académicien au même fauteuil que madame Carrère d’Encausse, celui de Corneille, et qui fut parrain de Charles Maurras à cette même Académie – les choses sont vraiment bien faites –, de donner lecture de la description de l’épée.

    « Sa poignée représente sainte Geneviève protégeant des mains un écu fleurdelysé posé à la proue d’une nef où se détache le chapiteau de pierre, dit « bucrâne », qui orne la terrasse de la bastide du Chemin de paradis. Les vagues sont là pour rappeler la vocation de marin à laquelle Charles Maurras dut renoncer en raison de la surdité qui l’atteint à l’âge de quatorze ans. Elles battent contre un mur de pierres surmonté de « merlons », ceux du Mur grec de Saint-Blaise, près de Martigues, espace mystique qui fascina l’écrivain.

    Encadrée des armes de Provence et de Martigues, surmontée du ciel où brille la Grande Ourse en petits diamants, voici la bastide du XVIIe siècle, maison de famille de Maurras que gardent deux cyprès d’émeraude. Lui fait pendant, de l’autre côté, le château de Versailles surmonté, pour sa part, du Bouclier d’Orion, et flanqué des armes de France et de Versailles. Le fourreau de l’épée se termine par une élégante petite amphore grecque. »

    Tout est symboliquement représenté. Il y faudrait encore un commentaire ! Comme pour les poèmes de Maurras !

    Dans son discours de réception à l’Académie, Charles Maurras fit l’éloge de son prédécesseur, Henri-Robert, et de là il fit l’éloge de la France et à travers elle de la féminité – notre siècle en a bien besoin, on ne le sait que trop ! – et, au-delà, l’éloge de la Femme, et de la Femme bénie entre toutes les femmes, la Vierge Mère, Notre Dame. Car c’est en elle que se sublime, pour rejaillir en fontaine de vie, le culte de la France éternelle, dont la sève typiquement française se renouvelle d’âge en âge par la grâce de tant de femmes d’exception où se retrempe constamment, naturellement et surnaturellement, la singularité extraordinaire de cette sainteté française. Il vaut la peine de relire ce morceau d’anthologie ! Aucun discours d’académicien, même ecclésiastique, ne s’était risqué à une telle hymne. Et cet homme a été traité d’impie ! Non, son amour de la France était vrai, et vrai son amour de l’Église. En dépit de toute les condamnations. De son Martigues « plus beau que tout », où repose aujourd’hui son cœur de chair, il n’a point démérité. Jamais !

    Il l’a chanté avec la violence de l’indignation dans les jours sombres où des gens sans aveu qui se croyaient des juges, voulaient le « dénationaliser » et le « désimmortaliser ». Peine perdue ! Les feux de sa vérité de nature sont là, ceux qui lui ont brûlé le cœur, ainsi qu’il le clame,

     … et qui m’emportent l’âme,
    Pour la ravir de ciel en ciel,
    Partout où retentit sur un verdict infâme
    Le grand rire de l’Immortel !   

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  • Michel Onfray : haute trahison (2/3)

    Buzyn, sa vie, son œuvre

    En publiant un article (le 17.III.2020) sur elle, le journal Le Monde vole au secours d'Agnès Buzyn, ex-ministre de la santé qui a quitté le bunker du commandement général alors que, selon ses propres aveux, la guerre était certaine, qu'elle ferait quantité de morts et qu'elle se disait la seule à le savoir!

    Or, les Français ne sont pas débiles: ils savent que ce qui s'écrit dans un journal se discerne bien plutôt entre les lignes que dans ce qui s'y trouve explicitement écrit.

    Quelques phrases retiennent donc mon attention dans ce publireportage qui sauve (un peu) la dame et accable (beaucoup) Macron et les siens, comme si elle n'en avait jamais été. D'abord cette entrée en la matière: "Je me demande ce que je vais faire de ma vie." Ensuite, le plat de résistance: "Je n’ai plus de boulot." Enfin, le dessert, c'est une interrogation de la journaliste: "Si elle est encore à ce poste en 2022 et que Macron échoue, confie-t-elle à des proches, que restera-t-il de sa réputation?" Pauvre petite fille riche...

    Détaillons...

    La dame n'a plus de boulot?

    Au mieux, soyons charitable, n'invoquons pas le pire, on lui souhaite juste de ne pas contracter le coronavirus contre lequel elle n'a rien fait, alors qu'elle en avait les moyens, tout en prétendant, toujours immodeste: "Je pense que j’ai vu la première (sic) ce qui se passait en Chine"! Autrement dit: dès décembre 2019! Quel culot...

    Voilà très probablement la raison pour laquelle, éclairée par cette science prémonitoire, le 24 janvier, soit un mois plus tard, l'année suivante, cette dame dit: "Le risque de propagation du coronavirus dans la population est très faible." Quel cynisme! C'est celui d'un serial-killer sans foi ni loi! Sinon celui d'un apprenti génocidaire, on en reparlera le temps venu...

    La jurisprudence Chevènement permet toujours de démissionner et, le jour dit, de convoquer la presse en expliquant les raisons de son départ du gouvernement. La morale y trouve son compte en même temps que la politique qui manifeste alors sa noblesse.

    Or, y rester, c'est cautionner le gouvernement et s'en trouver solidaire. Il ne sert à rien, une fois qu’on a foiré les élections municipales de Paris, après avoir aussi perdu son poste de ministre, comme le renard et les raisins, de retrouver soudainement son intelligence en même temps que sa liberté de parole ou sa raison, sinon un zeste, mais vraiment un tout petit zeste, de morale: avec son silence complice et ses mensonges, des gens sont morts et la contamination s'est répandue à la vitesse d'un feu de forêt estival.  On imagine que, si Griveaux n'avait pas été pris la main... disons dans le sac, la dame serait toujours ministre et tout autant mutique, voire, pire, qu'elle continuerait à délivrer les messages de propagande du gouvernement du genre: "Dormez je le veux"!    

    Ne pas démissionner, quand on prétend savoir ce qu'elle dit aujourd’hui connaître depuis un trimestre, à savoir que ce serait brutal et mortel, généralisé et violent, c'est clairement se montrer solidaire de l'action gouvernementale en jouant Macron contre le peuple, son petit poste contre la santé publique, sa carrière contre la vie des gens, son statut contre les Français, ses prébendes contre les plus faibles -je songe aux personnes âgées, aux malades immunodéprimés, donc aux cancéreux, aux malades atteintes du sida, et autres victimes de la vie qui vont perdre la leur dans des hôpitaux dépourvus des moyens de faire face. Le chef de l'État parle de guerre, mais il envoie au front des soignants désarmés, sans même un masque protecteur à quelques centimes alors qu’ils sont au contact de la mitraille...  Quand il s'agissait de bombarder en vain la Syrie, Macron trouvait alors de l'argent en quantité.

    En ce sens, cette dame avait bien sa place chez Macron: sa morgue contre les personnels de santé qui lui demandaient depuis des mois de sauver l'hôpital public, son mépris des revendications des gens des métiers de la santé, tout cela l'a montrée telle qu'elle était, telle qu'elle est, et telle que l'éternité ne la changera pas: c'est une cynique carriériste. Son CV est rempli de postes de pouvoir et de puissance: on n'obtient jamais ces aubaines sans mettre un peu, beaucoup, sinon passionnément, la morale de côté. Plus le poste est élevé, plus ils sont collectionnés et plus la morale a été congédiée... La dame connait bien la chanson, elle la chante depuis bien longtemps.

    La dame ne sait plus ce qu'elle va faire de sa vie ?

    Qu'elle prie Dieu, qui n'existe pas, pour qu'après cette pandémie dont elle prétend qu'elle avait les moyens d'en ralentir la propagation sans en avoir rien fait, elle ne se retrouve pas à devoir donner des comptes au peuple français amputé des milliers morts qu'elle aura sur la conscience. Elle pourra toujours donner une seconde vie à la phrase de Georgina Dufoix quand elle fut impliquée dans le scandale du sang contaminé et qui se disculpait en affirmant qu'elle était "responsable mais pas coupable". Pas sûr que cette fois-ci, ceux qui auront connu les joies du confinement, parfois sans disposer de confortables résidences secondaires en province pour s'y replier, ou qui auront perdu un proche, s'en contentent alors...

    Il existe des juridictions pour cela. Il faudrait demander aux juristes. Il faudra... Trahison? Haute trahison? Haute cour de justice? Quand sera venue l'heure des bilans, ceux qui auront failli auront des comptes à rendre. Macron a raison de dire qu'après cette épidémie, ce ne sera plus comme avant ; mais il n'imagine probablement pas ce qui pourrait lui être réservé, à lui et aux siens, dans cet après!

    Cette dame prétend, la queue entre les jambes: "Je dis toujours Ministre un jour, médecin toujours. L’hôpital va avoir besoin de moi. Il va y avoir des milliers de morts."

    Je ne m'avance guère, n'étant pas bien sûr que cette dame redevienne de ces médecins du rang qu'elle a méprisés quand ils lui demandaient pacifiquement de sortir la santé française du trou dans laquelle elle et la politique maastrichtienne qu'elle défend l'ont jetée! Qui peut croire une seule seconde qu'elle pourrait retrouver le chemin du travail au contact d'une kyrielle de malades avec des collègues accorts?

    Car cette dame est un apparatchik de la santé, c'est pourquoi d'ailleurs elle tente de sauver sa peau en geignant aujourd'hui, en larmoyant, en pleurant: elle trouvera à se caser dans une sinécure bien payée... Voici ce que dit son long CV: "présidente du conseil d'administration de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (2008-2013), membre du Comité de l'énergie atomique du Commissariat à l'énergie atomique (2009-2015), membre du conseil d'administration (2009), vice-présidente (2010) puis présidente de l'Institut national du cancer (2011-2016), présidente du collège de la Haute Autorité de santé (2016-2017)". Qui peut croire qu'avec un pareil passé cette dame se retrouvera à la rue ?

     D'autant que son second mari (le premier était l'un des fils de Simone Veil), Yves Lévi, a été nommé directeur de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) dans des conditions, qui, semble-t-il, n'ont pas été très claires, puisqu’il a été obligé d'y renoncer afin d’éviter l'accusation de conflit d'intérêt. Qu'à cela ne tienne: il a ensuite été nommé Conseiller d'État en service extraordinaire sur proposition du ministre de la justice, une certaine Nicole Belloubet.  

    Madame Buzyn n'est donc pas encore sous les ponts...

    La dame se demande ce qui va rester de sa réputation? Probablement pas grand-chose de bien, mais pour ce faire, il eut fallu y songer un peu plus tôt...

    Par exemple fin décembre de l'an dernier, début janvier de cette année, en expliquant au chef de l'État et au Premier ministre que, puisqu’elle avait compris avant tout le monde que le pire allait advenir, elle ne pouvait cautionner la politique suicidaire d'Emmanuel Macron en la matière  -je rappelle, pour mémoire: affréter des avions avec l'argent du contribuable pour aller chercher les expatriés en Chine, les mettre en quarantaine dans des municipalités sans en avertir les élus, envoyer les militaires responsables de ce rapatriement non pas en quarantaine mais en permission après leur mission, probablement générer ainsi le malade zéro dans la Grande Muette qui le restera, exposer la population française donc, laisser se tenir une rencontre sportive entre Italiens et Français, envoyer le 19 février dix-sept tonnes de matériel à la Chine (équipements médicaux, combinaisons, masques, gants, produits désinfectants qui aujourd'hui font défaut...) pour lutter contre leur épidémie, adjurer la population à ne pas sortir de chez elle tout en invitant quarante-huit millions d'électeurs à aller voter au premier tour des municipales dans les 35.000 communes françaises, beugler partout que le virus ignorait les frontières et qu'il n'avait pas de passeport, avant de déclarer quelques semaines plus tard qu'en fait il en avait bien un, mais que c'était le passeport de Schengen, décréter le confinement, sans utiliser le mot, en interdisant aux familles et à leurs amis d'enterrer un défunt mais, en même temps, autoriser le travail des artisans et les sorties que chacun peut s'octroyer en signant un ausweis attestant qu'il effectue ... de l'exercice physique!

    Le nom de cette dame risque d'être associé au pire: sollicitée jadis par François Hollande, puis par François Fillon, embauchée finalement par Emmanuel Macron, elle grossira la longue liste des cyniques qui faisaient passer leur carrière et leur idéologie populicide avant l'intérêt général et le bien public. Elle ne sera, hélas, pas seule.

    Pour faire partie de ceux dont le patronyme aurait pu scintiller au firmament des gens bien, sans plus, je ne parle même pas d'héroïsme, il lui aurait juste fallu préférer la morale à sa carrière, l'éthique aux affaires, la vertu aux petits arrangements, la grande médecine, celle de la santé publique, à la petite politique politicienne, celle des intérêts particuliers, les petites gens à son immodeste personne.

    Cette dame a "des convictions de gauche" écrit la journaliste du Monde. C'est drôle, ça n'est pas du tout l'idée que je me faisais des convictions de gauche -et voilà une fois de plus cette famille politique aux avant-postes des scandales dont le peuple fait les frais.  

    Hypothèse: il lui aurait suffi, en janvier, après en avoir informé Macron & Philippe qui, dit-elle, ne faisaient rien de ses prétendues objurgations, de dire publiquement ce qu'elle savait, puis de dénoncer la surdité et l'aveuglement, donc l'impéritie, du chef de l'État et de son premier ministre; dans la foulée elle aurait démissionné de son poste de ministre de la santé, mais sans pour autant courir la gueuse municipale: elle eut alors été une conscience morale. Comme son ex-belle-mère.

    A l'inverse, en choisissant de se taire, certes elle a perdu son travail et son poste, elle s'en plaint d'ailleurs dans le quotidien du soir non sans vergogne, alors que d'aucuns seront des milliers à perdre la vie. A l'évidence, avec un peu de vertu, elle n'aurait pas arrêté l'épidémie, mais elle aurait épargné des vies, ce qui aurait suffi pour sauver sa réputation...  C'est raté et ce dans les grandes largeurs.

    Michel Onfray

  • Sur le blog de Michel Onfray, au sujet d’Agnès Buzyn : « Trahison? Haute trahison? Haute cour de justice? Quand sera ven

    Buzyn, sa vie, son œuvre

    En publiant un article (le 17.III.2020) sur elle, le journal Le Monde vole au secours d'Agnès Buzyn, ex-ministre de la santé qui a quitté le bunker du commandement général alors que, selon ses propres aveux, la guerre était certaine, qu'elle ferait quantité de morts et qu'elle se disait la seule à le savoir!

    Or, les Français ne sont pas débiles: ils savent que ce qui s'écrit dans un journal se discerne bien plutôt entre les lignes que dans ce qui s'y trouve explicitement écrit.

    Quelques phrases retiennent donc mon attention dans ce publireportage qui sauve (un peu) la dame et accable (beaucoup) Macron et les siens, comme si elle n'en avait jamais été. D'abord cette entrée en la matière: "Je me demande ce que je vais faire de ma vie." Ensuite, le plat de résistance: "Je n’ai plus de boulot." Enfin, le dessert, c'est une interrogation de la journaliste: "Si elle est encore à ce poste en 2022 et que Macron échoue, confie-t-elle à des proches, que restera-t-il de sa réputation?" Pauvre petite fille riche...

    Détaillons...

    La dame n'a plus de boulot?

    Au mieux, soyons charitable, n'invoquons pas le pire, on lui souhaite juste de ne pas contracter le coronavirus contre lequel elle n'a rien fait, alors qu'elle en avait les moyens, tout en prétendant, toujours immodeste: "Je pense que j’ai vu la première (sic) ce qui se passait en Chine"! Autrement dit: dès décembre 2019! Quel culot...

    Voilà très probablement la raison pour laquelle, éclairée par cette science prémonitoire, le 24 janvier, soit un mois plus tard, l'année suivante, cette dame dit: "Le risque de propagation du coronavirus dans la population est très faible." Quel cynisme! C'est celui d'un serial-killer sans foi ni loi! Sinon celui d'un apprenti génocidaire, on en reparlera le temps venu...

    La jurisprudence Chevènement permet toujours de démissionner et, le jour dit, de convoquer la presse en expliquant les raisons de son départ du gouvernement. La morale y trouve son compte en même temps que la politique qui manifeste alors sa noblesse.

    Or, y rester, c'est cautionner le gouvernement et s'en trouver solidaire. Il ne sert à rien, une fois qu’on a foiré les élections municipales de Paris, après avoir aussi perdu son poste de ministre, comme le renard et les raisins, de retrouver soudainement son intelligence en même temps que sa liberté de parole ou sa raison, sinon un zeste, mais vraiment un tout petit zeste, de morale: avec son silence complice et ses mensonges, des gens sont morts et la contamination s'est répandue à la vitesse d'un feu de forêt estival.  On imagine que, si Griveaux n'avait pas été pris la main... disons dans le sac, la dame serait toujours ministre et tout autant mutique, voire, pire, qu'elle continuerait à délivrer les messages de propagande du gouvernement du genre: "Dormez je le veux"!    

    Ne pas démissionner, quand on prétend savoir ce qu'elle dit aujourd’hui connaître depuis un trimestre, à savoir que ce serait brutal et mortel, généralisé et violent, c'est clairement se montrer solidaire de l'action gouvernementale en jouant Macron contre le peuple, son petit poste contre la santé publique, sa carrière contre la vie des gens, son statut contre les Français, ses prébendes contre les plus faibles -je songe aux personnes âgées, aux malades immunodéprimés, donc aux cancéreux, aux malades atteintes du sida, et autres victimes de la vie qui vont perdre la leur dans des hôpitaux dépourvus des moyens de faire face. Le chef de l'État parle de guerre, mais il envoie au front des soignants désarmés, sans même un masque protecteur à quelques centimes alors qu’ils sont au contact de la mitraille...  Quand il s'agissait de bombarder en vain la Syrie, Macron trouvait alors de l'argent en quantité.

    En ce sens, cette dame avait bien sa place chez Macron: sa morgue contre les personnels de santé qui lui demandaient depuis des mois de sauver l'hôpital public, son mépris des revendications des gens des métiers de la santé, tout cela l'a montrée telle qu'elle était, telle qu'elle est, et telle que l'éternité ne la changera pas: c'est une cynique carriériste. Son CV est rempli de postes de pouvoir et de puissance: on n'obtient jamais ces aubaines sans mettre un peu, beaucoup, sinon passionnément, la morale de côté. Plus le poste est élevé, plus ils sont collectionnés et plus la morale a été congédiée... La dame connait bien la chanson, elle la chante depuis bien longtemps.

    La dame ne sait plus ce qu'elle va faire de sa vie ?

    Qu'elle prie Dieu, qui n'existe pas, pour qu'après cette pandémie dont elle prétend qu'elle avait les moyens d'en ralentir la propagation sans en avoir rien fait, elle ne se retrouve pas à devoir donner des comptes au peuple français amputé des milliers morts qu'elle aura sur la conscience. Elle pourra toujours donner une seconde vie à la phrase de Georgina Dufoix quand elle fut impliquée dans le scandale du sang contaminé et qui se disculpait en affirmant qu'elle était "responsable mais pas coupable". Pas sûr que cette fois-ci, ceux qui auront connu les joies du confinement, parfois sans disposer de confortables résidences secondaires en province pour s'y replier, ou qui auront perdu un proche, s'en contentent alors...

    Il existe des juridictions pour cela. Il faudrait demander aux juristes. Il faudra... Trahison? Haute trahison? Haute cour de justice? Quand sera venue l'heure des bilans, ceux qui auront failli auront des comptes à rendre. Macron a raison de dire qu'après cette épidémie, ce ne sera plus comme avant ; mais il n'imagine probablement pas ce qui pourrait lui être réservé, à lui et aux siens, dans cet après!

    Cette dame prétend, la queue entre les jambes: "Je dis toujours Ministre un jour, médecin toujours. L’hôpital va avoir besoin de moi. Il va y avoir des milliers de morts."

    Je ne m'avance guère, n'étant pas bien sûr que cette dame redevienne de ces médecins du rang qu'elle a méprisés quand ils lui demandaient pacifiquement de sortir la santé française du trou dans laquelle elle et la politique maastrichtienne qu'elle défend l'ont jetée! Qui peut croire une seule seconde qu'elle pourrait retrouver le chemin du travail au contact d'une kyrielle de malades avec des collègues accorts?

    Car cette dame est un apparatchik de la santé, c'est pourquoi d'ailleurs elle tente de sauver sa peau en geignant aujourd'hui, en larmoyant, en pleurant: elle trouvera à se caser dans une sinécure bien payée... Voici ce que dit son long CV: "présidente du conseil d'administration de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (2008-2013), membre du Comité de l'énergie atomique du Commissariat à l'énergie atomique (2009-2015), membre du conseil d'administration (2009), vice-présidente (2010) puis présidente de l'Institut national du cancer (2011-2016), présidente du collège de la Haute Autorité de santé (2016-2017)". Qui peut croire qu'avec un pareil passé cette dame se retrouvera à la rue ?

     D'autant que son second mari (le premier était l'un des fils de Simone Veil), Yves Lévi, a été nommé directeur de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) dans des conditions, qui, semble-t-il, n'ont pas été très claires, puisqu’il a été obligé d'y renoncer afin d’éviter l'accusation de conflit d'intérêt. Qu'à cela ne tienne: il a ensuite été nommé Conseiller d'État en service extraordinaire sur proposition du ministre de la justice, une certaine Nicole Belloubet.  

    Madame Buzyn n'est donc pas encore sous les ponts...

    La dame se demande ce qui va rester de sa réputation? Probablement pas grand-chose de bien, mais pour ce faire, il eut fallu y songer un peu plus tôt...

    Par exemple fin décembre de l'an dernier, début janvier de cette année, en expliquant au chef de l'État et au Premier ministre que, puisqu’elle avait compris avant tout le monde que le pire allait advenir, elle ne pouvait cautionner la politique suicidaire d'Emmanuel Macron en la matière  -je rappelle, pour mémoire: affréter des avions avec l'argent du contribuable pour aller chercher les expatriés en Chine, les mettre en quarantaine dans des municipalités sans en avertir les élus, envoyer les militaires responsables de ce rapatriement non pas en quarantaine mais en permission après leur mission, probablement générer ainsi le malade zéro dans la Grande Muette qui le restera, exposer la population française donc, laisser se tenir une rencontre sportive entre Italiens et Français, envoyer le 19 février dix-sept tonnes de matériel à la Chine (équipements médicaux, combinaisons, masques, gants, produits désinfectants qui aujourd'hui font défaut...) pour lutter contre leur épidémie, adjurer la population à ne pas sortir de chez elle tout en invitant quarante-huit millions d'électeurs à aller voter au premier tour des municipales dans les 35.000 communes françaises, beugler partout que le virus ignorait les frontières et qu'il n'avait pas de passeport, avant de déclarer quelques semaines plus tard qu'en fait il en avait bien un, mais que c'était le passeport de Schengen, décréter le confinement, sans utiliser le mot, en interdisant aux familles et à leurs amis d'enterrer un défunt mais, en même temps, autoriser le travail des artisans et les sorties que chacun peut s'octroyer en signant un ausweis attestant qu'il effectue ... de l'exercice physique!

    Le nom de cette dame risque d'être associé au pire: sollicitée jadis par François Hollande, puis par François Fillon, embauchée finalement par Emmanuel Macron, elle grossira la longue liste des cyniques qui faisaient passer leur carrière et leur idéologie populicide avant l'intérêt général et le bien public. Elle ne sera, hélas, pas seule.

    Pour faire partie de ceux dont le patronyme aurait pu scintiller au firmament des gens bien, sans plus, je ne parle même pas d'héroïsme, il lui aurait juste fallu préférer la morale à sa carrière, l'éthique aux affaires, la vertu aux petits arrangements, la grande médecine, celle de la santé publique, à la petite politique politicienne, celle des intérêts particuliers, les petites gens à son immodeste personne.

    Cette dame a "des convictions de gauche" écrit la journaliste du Monde. C'est drôle, ça n'est pas du tout l'idée que je me faisais des convictions de gauche -et voilà une fois de plus cette famille politique aux avant-postes des scandales dont le peuple fait les frais.  

    Hypothèse: il lui aurait suffi, en janvier, après en avoir informé Macron & Philippe qui, dit-elle, ne faisaient rien de ses prétendues objurgations, de dire publiquement ce qu'elle savait, puis de dénoncer la surdité et l'aveuglement, donc l'impéritie, du chef de l'État et de son premier ministre; dans la foulée elle aurait démissionné de son poste de ministre de la santé, mais sans pour autant courir la gueuse municipale: elle eut alors été une conscience morale. Comme son ex-belle-mère.

    A l'inverse, en choisissant de se taire, certes elle a perdu son travail et son poste, elle s'en plaint d'ailleurs dans le quotidien du soir non sans vergogne, alors que d'aucuns seront des milliers à perdre la vie. A l'évidence, avec un peu de vertu, elle n'aurait pas arrêté l'épidémie, mais elle aurait épargné des vies, ce qui aurait suffi pour sauver sa réputation...  C'est raté et ce dans les grandes largeurs.

    Michel Onfray

  • Bioéthique : La France confrontée à une culture de mort (24), par François Schwerer. Annexes (6/6)...

    L'étude de notre ami François Schwerer s'est donc achevée ce vendredi dernier, 3 février. Et c'est aujourd'hui que paraît sa dernière Annexe.

    Cet ensemble constitue une véritable somme, aussi bien par son importance que par son intérêt.

    Nous en avons commencé la publication le vendredi 10 janvier, et l'avons poursuivie du lundi au vendredi inclus, comme nous l'avons fait, par exemple, pour l'étude de Pierre Debray, Une politique pour l'an 2000.

    Pour suivre et retrouver ces textes plus commodément, nous avons regroupé la totalité de cette étude, vu son importance, dans une nouvelle Catégorie : François Schwerer - Bioéthique : culture de mort : vous pourrez donc retrouver donc l'ensemble de cette chronique en cliquant sur le lien suivant :

    François Schwerer - Bioéthique : culture de mort...

    Nous avons redonné chaque jour le plan de l'étude, afin que le lecteur puisse correctement "situer" sa lecture dans cet ensemble; voici maintenant le plan des Annexes et textes divers, que nous publierons jusqu'à vendredi prochain, inclus, date finale de la publication de cet importante contribution :

    Annexe 1 : Les lois de bioéthique.

    Annexe 2 : Le projet de loi bioéthique : une horreur peut en cacher une autre.

    Annexe 3 : La loi de bioéthique est essentiellement une loi discriminatoire.

    Annexe 4 : Bioéthique : on a ouvert la boîte de Pandore...

    Annexe 5 : La loi de tous les dangers.

    Annexe 6 : Sondage IFOP pour les AFC / Prière de Jean-Paul II /Quelques statistiques / Lettre pastorale de l'évêque de Bayonne.

    Schwerer.jpg6. Sondage IFOP pour les AFC / Prière de Jean-Paul II / Quelques statistiques / Lettre pastorale de l'Evêque de Bayonne

     

    • Sondage IFOP pour les AFC(publié le 2 octobre 2019)

     

     Un sondage IFOP pour les Associations Familiales Catholiques révèle l'ampleur de l'opposition des Français à la "révolution de la filiation" imposée par le gouvernement dans le cadre des réformes sociétales menées sous couvert de la révision des lois de bioéthique.

    À de nombreuses reprises, les AFC ont exprimé leur inquiétude sur les dérives éthiques du projet de loi bioéthique en cours de discussion à l'Assemblée Nationale. Elles ont également dénoncé le simulacre de débat que le gouvernement a organisé pour tenter d'imposer cette "loi de tous les dangers".

    Les AFC rendent aujourd'hui publics les résultats d'un sondage exclusif commandé à l'IFOP sur certains articles que le gouvernement préfèrerait passer sous silence. Des sondages généraux sur l'ouverture de droits supplémentaires aux couples homosexuels existent. Mais aucun n'avait sondé plus précisément les Français sur des conséquences concrètes d'une nouvelle loi sur la PMA. Au nom du " progrès ", le gouvernement n'hésite pas à abattre des digues éthiques que la France avait toujours, jusque-là, eu à cœur de préserver, au nom de la dignité de la personne humaine et de la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant.


    1/ Les Français sont quasiment unanimes (83%) pour réaffirmer "le droit pour chaque enfant d'avoir un père".

    Jean-Louis Touraine, rapporteur du projet de loi, lors des débats en Commission, avait posé comme conviction centrale qu'"Il n'y a pas de droit de l'enfant à avoir un père et heureusement !". Il a même dit souhaiter au plus vite l'ouverture à la GPA dans les années à venir, ce qui achèverait définitivement son projet d'une "PMA sans sexe pour tous". Or cet effacement total de la figure du père, qu'elle soit biologique, sociale ou même symbolique, les Français n'en veulent pas ! Même dans le camp de la majorité, les électeurs d'Emmanuel Macron sont 80% à rappeler leur attachement à ce principe fondateur de la filiation.


    2/ Une immense majorité de Français (91%) estime préférable que les enfants ne soient pas élevés par une femme seule, rejetant ainsi, et de manière massive, la création délibérée de familles monoparentales par l'accès à l'AMP des femmes seules.

     

    3/ Une très large majorité de Français (65%) estime que c'est une mauvaise chose d'autoriser des entreprises privées à se lancer sur le marché de la collecte et de la conservation des ovocytes au lieu de réserver ces actes à des organismes publics.

    C'est un jugement que partagent aussi 62% des électeurs d'Emmanuel Macron.


    4/ 82% des Français ne sont pas favorables (et 57% pas du tout favorables) à ce que les chercheurs soient autorisés à créer des " embryons animaux chimériques "c'est-à-dire des embryons d'animaux sur lesquels sont greffées des cellules humaines.


    5/ Enfin, plus d'un Français sur deux (54%) estiment que les Français n'ont pas été suffisamment écoutés et leur avis pris en compte par rapport à ce projet de loi

     

     

     

    Prière de saint Jean-Paul II (Evangelium vitae)

     

     

    Ô Marie, 
    aurore du monde nouveau, 
    Mère des vivants, 
    nous te confions la cause de la vie: 
    regarde, ô Mère, le nombre immense 
    des enfants que l'on empêche de naître, 
    des pauvres pour qui la vie est rendue difficile, 
    des hommes et des femmes 
    victimes d'une violence inhumaine, 
    des vieillards et des malades tués 
    par l'indifférence 
    ou par une pitié fallacieuse. 


    Fais que ceux qui croient en ton Fils 
    sachent annoncer aux hommes de notre temps 
    avec fermeté et avec amour 
    l'Evangile de la vie. 


    Obtiens-leur la grâce de l'accueillir 
    comme un don toujours nouveau, 
    la joie de le célébrer avec reconnaissance 
    dans toute leur existence 
    et le courage d'en témoigner 
    avec une ténacité active, afin de construire, 
    avec tous les hommes de bonne volonté, 
    la civilisation de la vérité et de l'amour, 
    à la louange et à la gloire de Dieu 
    Créateur qui aime la vie.

     

     

     

    • Quelques statistiques

     

    Réservée jusqu’à présent aux couples stériles, l’assistance médicale à la procréation (AMP), également appelée procréation médicalement assistée (PMA), pourrait être prochainement élargie aux couples de femmes et aux femmes seules. Largement commentée dans les médias, la PMA est une réalité au visage complexe.

     

    PRÈS D'UN ENFANT SUR 30 EST ISSU D'AMP

     

    Sur les 798.948 nouveau-nés ayant vu le jour en France en 2015, l’Insee souligne que les enfants conçus après une AMP réalisée en 2015 sont au nombre de 24.839, soit 3,1% des enfants nés de la population générale cette année-là. Ce taux augmente légèrement chaque année depuis 2009 (2,6% en 2009, 2,7% en 2010, 2,9% en 2013, 3,1% en 2014). Un enfant sur 32 est donc issu d’AMP en 2015. Une tendance relativement similaire est observable en 2018 : « En France, en 2018, un enfant sur trente (3,4 %) devrait être conçu grâce à ces techniques, qu’il s’agisse d’une fécondation in vitro (FIV) ou d’une insémination artificielle », précise l’Institut national d’études démographiques dans son bulletin mensuel « Population et Sociétés ». « Cependant la FIV domine désormais le paysage de l’assistance médicale, représentant 70% des enfants conçus par AMP ».

     

    145.255 TENTATIVES D’AMP EN 2015

     

    En 2015, 145.255 tentatives d’AMP ont été recensées. D’après nos calculs, le taux de réussite d’une AMP en 2015 était donc de 17,1%. Ces tentatives regroupent les inséminations, les fécondations in vitro et les transferts d’embryons congelés avec gamètes et embryons de différentes origines, rapporte quant à elle l’Agence de biomédecine. Pour 97% des AMP, les tentatives sont réalisées avec les gamètes des deux membres du couple. Dans 3% des cas, les tentatives utilisent des spermatozoïdes, des ovocytes ou des embryons issus de don.

     

    DES CHANCES DE GROSSESSE QUI VARIENT DE 10 À 22%

     

    La France compte près de 10% de couples infertiles, rapporte l’Inserm. « Le recul de l’âge des femmes désirant concevoir un premier enfant est une cause importante d’infertilité et de recours à l’AMP », détaille l’institut. « L’âge moyen au moment de devenir mère est passé de 26,5 ans en 1977 à 30,4 ans en 2016 d’après la dernière Enquête nationale périnatale. Désormais, 21,3% des femmes ont plus de 35 ans quand elles accouchent et 4,1% plus de 40 ans. Or, après 35 ans, il existe un déclin de la qualité des ovocytes qui augmente significativement le risque d’infertilité ». Les chances de grossesse pour des couples ayant recours à l’AMP varient de 10 à 22% en fonction de la technique utilisée et du profil de la patiente.

     

    UN COÛT ESTIMÉ À 300 MILLIONS D’EUROS PAR AN PAR L'ASSURANCE MALADIE

     

    Qu’en est-il du coût ? Selon les chiffres fournis en 2014 par l’Assurance maladie, une insémination artificielle coûte en moyenne 950 euros, et une tentative de fécondation in vitro 2.883 euros. L’Assurance maladie estime qu’en 2014, les actes d’insémination artificielle, de FIV, de transferts d’embryons congelés et d’injections intracytoplasmiques (qui consiste en l’injection d’un seul spermatozoïde dans l’ovocyte, ndlr), lui auraient en moyenne coûté près de 300 millions d’euros.

    L’offre de soins en AMP est assez bien répartie sur le territoire, note encore l’Agence de biomédecine. En 2015, 101 centres clinico-biologiques ont assuré les activités de fécondation in vitro et un centre réalise des prélèvements epididymo-testiculaires de spermatozoïdes sans réaliser de fécondation in vitro. Les régions les plus dotées sont l’Ile-de-France, Rhône-Alpes, la Bretagne et PACA.

     

    PLUS DE 221.538 EMBRYONS CONSERVÉS EN FRANCE

     

    La pratique de la congélation embryonnaire et la part des embryons congelés dépendent à la fois du nombre d’ovocytes mis en fécondation et donc de l’âge des patientes, des taux de fécondation et de la qualité des embryons obtenus mais aussi de la stratégie de transfert, de culture prolongée et de congélation propres à chaque centre de la région. Au 31 décembre 2015, on dénombrait 221.538 embryons conservés pour 74.144 couples.

    Chaque année, des relances sont faites par les centres pour interroger les couples sur leur souhait de poursuivre ou non la conservation. Les embryons peuvent être conservés pendant plusieurs années sans dommage, dans différentes situations. Celle d’un projet parental en cours pour 70,7% d’entre eux est la situation la plus fréquente.

     

    34.000 EMBRYONS SANS PROJET D'ENFANT

     

    Dans 14,6% des cas (34.089 embryons), les couples n’ont plus de projet parental pour les embryons conservés. « Avec le consentement du couple, les embryons pourront être accueillis par un autre couple ou donnés pour la recherche », souligne encore l’Agence de biomédecine. Ceux-ci sont principalement conservés dans les centres d’AMP où ils ont été conge

  • L’Etablissement et la démocratie apaisée, par Philippe Germain.

    La technocrature, maladie sénile de la démocratie : (10/12)

    Résumé  : En 2017 la technocrature  à pris le pouvoir. Evènement majeur de la République que l’Action française analyse au travers la  physique sociale. Elle découvre que Bonaparte a crée une nouvelle classe de privilégiés. Ce «  pays légal  » est un système oligarchique circulaire où trois élites financière, politique et médiatique s’épanouissent grace à l’Etat Républicain. La Technocratie, constituée en quatrième élite sous De Gaulle, fait prendre le virage mondialiste au pays légal, sous Giscard-Mitterand. Puis l’élite politique connait un énorme discrédit sous Sarkozy et Hollande.

    philippe germain.jpgDégagisme et Etat providence 

    Dès le début 2016, l’Etablissement prend conscience que l’important discrédit des centre-droit et centre-gauche affaisse la démocratie représentative. Ce discrédit multicausal aggrave la pathologie du  vieillissant système démocratique dont la situation commence a devenir critique à la veille de la présidentielle de 2017. 

    Afin de préserver ses intérêts financiers, l’Etablissement se doit de sauver le modèle circulaire de l’oligarchie démocratique, mis au point depuis les débuts de la IIIe République. C’est la condition pour que l’Etablissement puisse continuer à s’enrichir non par le travail mais par le pillage de la Nation. Seuls les marchés de l’Etat intéressent l’Etablissement, les prébendes, la spéculation financière, l’argent gagné sans risque, qui ne s’investit pas en France et tout au contraire obéit à la loi du profit maximal en se portant là ou l’on peut réussir – toujours en utilisant l’Etat – de substantiels bénéfices. L’Etablissement a conscience que le discrédit complet de l’élite politique pourrait remettre en cause certain mécanismes, voire le principe de l’Etat providence. Cet Etat républicain qui asservit les Français considérés uniquement comme des consommateurs indispensables à la croissance, tout en parvenant à leur donner l’illusion de la justice sociale. 

    Maintenir l’Etat en instrument de pillage de l’épargne et du travail des Français pour le seul profit de l’Etablissement : voilà pourquoi l’élite financière juge nécessaire et urgent d’élaborer un remède «  dégagiste  » de l’élite politique.

    Démocratie apaisée 

    Au contraire, l’élite politique de centre-droit et de centre-gauche espère rebondir pour la présidentielle de 2017 grâce à un plan B, s’accommodant du double échec de la démocratie «  forte  » tentée par Sarkozy et Hollande. Ce plan B consiste à faire muter la pathologique démocratie représentative car, explique Pierre-André Taguieff,  « l’indifférence des citoyens, lorsqu’elle se colore de mépris, voir de haine, et se traduit par un abstentionnisme croissant, signe une dépolitisation des esprits qui ne déplait pas aux professionnels de la politique. Ces derniers rêvent de ce qu’ils appellent une «  démocratie apaisée  », réduite au spectacle d’un consensus sur l’essentiel entre gauche et droite, «  libéraux  » (ou progressistes) et «  conservateurs  », sociaux-démocrates et libéraux sociaux.   » 

    Le plan B de l’élite politique repose sur l’affichage d’une sorte de «  en même temps la gauche et en même temps la droite  », remplaçant l’ancienne alternance de façade. Une démocratie d’abstention et de non-participation réduite à un système de règles. Au demeurant, des règles contournables par les malins du pays légal car, rappelle Taguieff, «   la corruption est le virus inéliminable des systèmes démocratiques représentatifs  ». 

    Malheureusement pour l’élite politique, l’Etablissement ne va pas la suivre. L’événement est loin d’être anodin. Si le «  frottement  » entre la Technocratie et l’élite politique a été surmonté sous Mitterrand, cette fois le «  lâchage  » par l’Etablissement constitue une rupture inédite entre les élites du Pays légal. Preuve de la fragilité de l’oligarchie démocratique généralement considérée comme indestructible. 

    Progressistes contre conservateurs

    Pour l’Etablissement, le discrédit de l’élite politique en 2016 est trop avancé dans l’opinion pour ne pas la «  dégager  ». En revanche le plan B d’une démocratie apaisée par la création d’un nouveau centrisme peut constituer le remède cherché par l’Etablissement, à condition d’être administré au pays réel par un nouvel acteur. Un sondage international va bientôt indiquer que seuls 17  % des Français  apprécient les partis politiques et seuls 11  % veulent élire un homme qui aurait déjà exercé le pouvoir. Le renouvellement du personnel politique est donc incontournable. Le nouvel acteur recherché par l’Etablissement ne peut-être que la Technocratie, substituée à l’élite politique  ; jadis dénommée par Maurras le V.P.R. (Vieux Parti Républicain). 

    Ce «  remède  » technocratique implique, pour le pays légal, d’abandonner le bipartisme Droite/Gauche, devenu inopérant à la suite de l’échec de la «  démocratie forte  », au profit d’un nouveau clivage binaire opposant centre et extrêmes. Un nouveau centre regroupant les «  progressistes  » en opposition aux «  conservateurs  » incapables de s’allier. 

    Les progressistes seraient les électeurs des anciens centre-droit et centre-gauche se regroupant dans la croyance que «  l’utopie européiste n’est qu’une figure de l’utopie globaliste, un moment dans la mondialisation présentée comme inévitable  ». Ce camp progressiste n’aura aucun mal à s’unir car les référents idéologiques sont les mêmes pour ces 26 % de la population considérant la mondialisation comme une opportunité. Ces 26  % sont suffisant dans une Ve République où une minorité peut imposer sa domination à l’ensemble du pays réel car dans modèle circulaire, l’élite politique à la maîtrise du pouvoir législatif.

    Les conservateurs seraient constitués de l’électorat des «  nouvelles radicalités  » refusant la croyance dans l’idéologie mondialiste, basée sur «  la trompeuse promesse d’une égalité des chances devant l’instrument miraculeux de l’enrichissement rapide à la portée de tous, dans l’espace sans frontière du néo-marché mondial…  » La dénomination  « conservateurs  » évoluera bientôt en «  populistes  » au pluriel car ils sont divisés. Les populistes de droite désignés comme «  les exclus du Système  » par Pierre Debray,  et nommés  nationaux-populistes par Taguieff ; les populistes de gauche identifiés par Taguieff en 2003 comme des «  néo-progressistes  », mutation du virus progressiste  mélangeant antiaméricanisme et antisionisme. 

    Cette division entre ceux qui traitent l’autre de fasciste et ceux qui ripostent par l’accusation d’islamo-gauchistes s’articule essentiellement autour du thème de l’immigration. Elle est le second atout du progressisme après celui de la maîtrise du pouvoir législatif.

    Le national-populisme comme ennemi unique

    Cette vision de l’élite financière, d’un clivage novateur entre progressistes/conservateurs a, pour le pays légal, l’avantage de contrer la progression du national-populisme autour d’un nouveau tripartisme. Effectivement, le Front National comme bloc «  ni de droite, ni de gauche  » commence depuis 2014, à occuper la place centrale du ring électoral, avec le bloc  UMP à sa droite et le bloc PS à sa gauche. C’est d’ailleurs toute la contradiction d’un Front National se revendiquant comme antisystème tout en cherchant à s’intégrer au système de la démocratie représentative, dont l’obsolescence se dévoile un peu plus à chaque élection. Pour gérer cette contradiction, le national-populisme propose son propre remède pour soigner la pathologie démocratique : celui d’une mutation vers la «  démocratie directe  » permettant au peuple de s’affranchir du filtrage par des médiations dites représentatives. 

    Pour l’Action française, cette proposition supplémentaire d’une nouvelle démocratie rêvée, destinée à sauver la démocratie idéale de l’échec de la démocratie réelle, lui confirme  la nécessité de proposer aux Français autre chose que ce qui existe. Une alternative crédible au vieillissant Système démocratique.

    Par ailleurs, le nouveau clivage proposé par l’Etablissement peu se jouer sur le terrain retenu par le national-populisme, celui de l’Europe. Un national-populisme fort de son retournement d’une position frontiste pro-européenne vers une posture critique de l’«  Europe de Maastricht  ». En 1984 le FN soutenait au nom du patriotisme européen, la mise en place d’une monnaie commune, d’une défense commune, d’une politique de sécurité et de contrôle des frontières commune dans le cadre d’une Europe confédérale.  A partir de 1986, le député maurrassien Georges-Paul Wagner, aidé de Jean-Claude Martinez , s’oppose à la puissante tendance pro-européenne de Bruno Megret, appuyée sur la ligne «  culturelle d’abord  » de la Nouvelle-Droite. Finalement en 1989, l’euromanifeste du FN  commence à dénoncer une politique européenne dirigiste et prône une «  Europe des Patries, respectueuse de la souveraineté  ». Le durcissement anti-européiste s’opère à partir de 2010 pour évoquer la sortie de l’euro et ensuite celle de l’Union européenne. 

    Pour l’Etablissement, grâce aux oppositions frontales démocratie apaisée/démocratie directe et européisme/ euroscepticisme, le clivage progressistes/conservateurs semble parfaitement adapté pour répondre à la règle de l’ennemi unique. Ceux qui ne rentreront pas dans le clivage seront broyés et jetés aux oubliettes du vieux monde politique.

    Incohérence de la mentalité antisystème

    Qui mieux est l’Etablissement dispose d’un dernier atout dans son jeu. Le néo-droitiste Thibault Isabel l’a bien mis en évidence grâce au sondage Ipsos. Il montre la montée des idées populistes à 56  % dans le pays réel tout en mettant en avant une contradiction majeure. Certes  «  80  % de nos compatriotes estiment que pour améliorer la situation, nous aurions besoin d’un dirigeant “prêt à changer les règles du jeu”…. Mais lorsqu’il s’agit de “changer radicalement le statu quo”, nous nous retrouvons parmi les pays les plus timorés (40 %)   »… Autrement dit, beaucoup de personnes en France disqualifient le clivage droite-gauche et critiques les politiciens classiques pour leur inefficacité, sans pour autant demander un véritable infléchissement de la politique..

    L’Etablissement va choisir Emmanuel Macron comme premier de cordée pour déployer son plan B avec la Technocratie. En novembre 2016, sept mois après le lancement de son mouvement  La République En Marche, deux mois après sa démission du gouvernement Hollande, Macron se lance officiellement dans la course à la présidentielle. Prouvant qu’il a parfaitement intégré l’incohérence de la mentalité antisystème, au début 2017, il cherche à capitaliser «  à la fois sur le rejet des anciens appareils politiques du système et la défense des principes fondamentaux du système lui-même. C’est cette position hybride et paradoxale qui cristallise le mieux l’état d’une partie importante de l’opinion…. Tout changer pour ne rien changer, ou appliquer de vieilles recettes avec de nouvelles têtes, voilà ce que veulent en réalité nombre de Français, écartelés entre leur adhésion aux valeurs dominantes et le constat patent du déclin de la nation  ».

    Reste à savoir comment la Technocratie va remplir son rôle dans la constitution de ce que Jérôme Sainte-Marie nomme le «  bloc élitaire  », orienté par la haute administration et la haute finance.

  • Trouvères et troubadours, par Frederic Poretti-Winkler.

    2737274333.76.jpgLa femme alors était sublimé dans les rapports comme dans les approches et parfois jusqu’à l’excès. C’est alors un véritable « culte » de celle-ci dans un respect profond. Thibaut IV de Champagne écrira des vers inoubliables déposés aux pieds de la reine Blanche de Castille : « Dame quand je fus devant vous. La première fois que je vous vis. Mon cœur allait si bondissant. Qu’il vous resta quand je m’en fus. Alors il fut mené sans rançon. Captif dans la douce prison. Dont les piliers sont de désir. Les portes de belle vision. Et les anneaux de bon espoir. » Plus tard Joinville, champenois, écrira en prose, accompagnant Louis IX (Saint Louis) en croisade en 1248. Vaucouleurs obtint sa charte de franchise lors de son passage, il était alors sénéchal de Champagne.

    frédéric winkler.jpg« Cette charte existe encore aux Archives nationales et porte au revers, de la main du chevalier : « Ce fut fait par moy » » (Georges et Régine Pernoud, Le tour de France médiévale, L'histoire buissonnière).
    Les trouvères et troubadours furent de toutes les couches de la société du plus grand au plus humble, écoutons Adam de la Halle :
    « Or verrai a vostre don. Se courtoisie i est fine. Je vous aim sans traïson…
    De biauté sans mesprison. Plus fort cuers s’i enrachine ».
    A votre don je verrai. Si la courtoisie y est fine. Je vous aime sans traîtrise…
    De beauté sans méprise. Plus fort un cœur s’y enracine.
    Ou ce chevalier champenois Gace Brulé :
    « De bien amer amors grant sen me baille, Si me trahit s’a ma dame n’agree. La voluntez pri Deu que ne me faille, Car mout m’est bon quant ou cuer m’est entree; Tuit mi panser sunt en li, ou que j’aille, »
    De bien aimer Amour me donne grand goût, Et il me trahit si je ne plais à ma dame.
    Je prie Dieu que sa volonté ne me fasse défaut, Car cela m’a fait du bien quand elle est entrée dans mon cœur. Toutes mes pensées vont à elle, où que j’aille…
    « En baisant, mon cuer me toli. Ma dolce dame gente ; Trop fu fols quant il me guerpi. Por li qui me tormente.
    En me donnant un baiser ma douce et gente dame me vola mon cœur. Je ne fus que trop fou quant il me laissa pour celle qui me tourmente… Disait Gui de Pontiaux. Une légende, le « Roman du châtelain de Coucy » (XIIIème s.) que je cite, afin de montrer l’époque et le tableau des mœurs vécues, est celle du châtelain Gui de Coucy, mort lors de la IVème croisade sous les murs de Saint Jean D’Acre, en 1191. Celui-ci avait laissé comme mission à son écuyer d’apporter son cœur à la dame qu’il honorait : la châtelaine Gabrielle de Vergy, sans doute en réalité la Dame de Fayel (ou Faël). Le mari de la dame, prévenu, fit préparer ce cœur lors d’un repas, qui fut mangé avant d’en révéler la vérité. La dame refusa après de se nourrir et mourut…

    Tant ai en li ferm assis mon corage. Qu'ailleurs ne pens, et Diex m'en lait joïr !
    C'onques Tristanz, qui but le beverage, Pluz loiaument n'ama sanz repentir ;
    Quar g'i met tout, cuer et cors et desir, Force et pooir, ne sai se faiz folage ;
    Encor me dout qu'en trestout mon eage. Ne puisse assez li et s'amour servir.
    Je ne di pas que je face folage, Nis se pour li me devoie morir,
    Qu'el mont ne truis tant bele ne si sage, Ne nule rienz n'est tant a mon desir;
    Mout aim mes ieuz qui me firent choisir; Lors que la vi, li laissai en hostage
    Mon cuer, qui puiz i a fait lonc estage, Ne ja nul jour ne l'en quier departir.

    Mon coeur lui est profondément attaché.
    Je ne pense à nulle autre. Dieu ! Être un jour avec elle !
    Jamais Tristan, lui qui but le philtre, n'a aimé sans réserve d'un amour plus loyal.
    Je m'y donne tout entier, cœur, corps, désir, force et pouvoir. J'ignore si c'est folie,
    pourtant que je doute encore que ma vie soit assez longue. Pour la servir et pour l'aimer.
    Ma conduite, je l'affirme, n'a rien d'insensé, même si son amour me mène à la mort,
    car je ne trouve au monde ni plus belle ni plus sage. et personne autant qu'elle ne comble mon désir ; J'aime mes yeux qui surent la remarquer. Au moment où je l'ai vue, je lui ai laissé mon cœur en otage; depuis il ne l'a pas quittée, jamais je ne chercherai à le reprendre…

    D’autres chevaliers malheureux se retrouvèrent dans cette légende, écoutons Colin Muset :
    Li chastelains de Couci ama tant. Qu'ainz por amor nus n'en ot dolor graindre;
    Por ce ferai ma conplainte en son chant, Que ne cuit pas que la moie soit maindre.
    La mort mi fet regreter et conplaindre. Vostre cler vis, bele, et vostre cors gent;
    Morte vos ont frere et mere et parent. Par un tres fol desevrement mauvés.

    II. Por qui ferai mes ne chançon ne chant, Quant je ne bé a nule amor ataindre
    Ne jamés jor ne quier en mon vivant. M'ire et mon duel ne ma dolor refraindre?
    Car venist or la mort por moi destraindre, Si que morir m'esteüst maintenant!
    C'onques mes hom n'ot un mal si tres grant. Ne de dolor au cuer si pesant fais.

    Le châtelain de Coucy aima si profondément que jamais personne n'éprouva, à cause de l'amour, une plus grande douleur; aussi dirai-je ma complainte en reprenant son chant : je ne crois pas que la mienne soit moindre. La mort me fait regretter et plaindre votre clair visage beau, votre gentil corps. Frères, mère et parents vous ont mise à mort, par une très folle et mauvaise séparation.
    Pour qui ferai-je désormais chansons et chants quand je n'aspire plus à atteindre aucun amour, quand je n'aspire plus, jusqu'à la fin de mes jours, qu'à maîtriser mon ire, ma tristesse et ma douleur? Que la mort vienne pour me délivrer! Si seulement il fallait que je meure maintenant ! Jamais homme n'eut un mal aussi grand, ni de douleur au cœur un si lourd fardeau.
    Il est intéressant de lire dans le poème courtois de Conon de Béthune les valeurs de la chevalerie, dans ses chansons de croisade lorsqu’il dit :

    Ahi ! Amours, con dure departie. Me convendra faire de la meillour
    Qui onques fust amee ne servie ! Deus me ramaint a li par sa douçour
    Si voirement que m'en part a dolour ! Las! qu'ai je dit ? Ja ne m'en part je mie!
    Se li cors vait servir Nostre Seignour, Li cuers remaint du tout en sa baillie.

    Pour li m'en vois souspirant en Surie. Quar nus ne doit faillir son Creatour.
    Qui li faudra a cest besoig d'aïe. Sachiez que il li faudra a greignour ;
    Et saichent bien li grant et li menour. Que la doit on faire chevalerie,
    Qu'on i conquiert paradis et honor, Et pris et los et l'amour de s'amie.

    Dieus est assis en son saint hiretage ; Or i parra se cil le secourront
    Cui il jeta de la prison ombrage, Quant il fu mors en la crois que Turc ont.
    Sachiez cil sont trop honi qui n'iront, S'il n'ont poverte u vieillece ou malage ;
    Et cil qui sain et joene et riche sunt. Ne pueent pas demorer sans hontage...

    Qui ci ne veut avoir vie anuieuse, Si voist pour Dieu morir liez et joieus,
    Que cele mors est douce et savereuse. Dont on conquiert le regne precïeus,
    Ne ja de mort nen i morra uns seus, Ainz naisteront en vie glorieuse.
    Qui revendra, mout sera eüreus : A touz jours maiz en iert Honors s'espeuse.

    Dieus! tant avom esté preu par huiseuse ! Or i parra qui a certes iert preus.
    S'irom vengier la honte dolereuse. Dont chascuns doit estre iriez et honteus
    Car a no tanz est perdus li sains lieus. U Dieu soufri pour nous mort angoiseuse.
    S'or i laissom nos anemis morteus, A touz jours mais iert no vie honteuse.

    Las! Je m'en vois plorant des ieus du front. La u Dieus vuet amender mon corage ;
    Et sachiez bien qu'a la meillour du mont penserai plus que ne di au voiage.

    Hélas! Amour, comme il sera dur de me séparer de la dame meilleure qui fût jamais aimée et servie! Que Dieu me ramène à elle, dans sa douceur, aussi vrai que je me sépare d'elle avec douleur! Pauvre de moi! Qu'ai-je dit? Je ne la quitte pas vraiment. Si le corps s'en va servir Notre Seigneur, le cœur demeure du tout en son pouvoir.
    A cause d'elle, je m'en vais en soupirant en Syrie, car nul ne doit manquer à son Créateur. Celui qui, en ce besoin, lui faillera, sachez qu'il lui faillera en plus grand; et sachez bien, les grands et les petits, que c'est là que l'on doit faire chevalerie, que là on conquiert paradis et honneur, prix et louange et l'amour de son amie.
    Dieu est assiégé en son saint héritage. Maintenant il apparaîtra comment le scourront ceux qu'Il jeta hors de la prison ténébreuse quand Il fut mis à mort sur la croix, que les Turcs ont. Sachez que ceux-là sont honnis qui ne partiront pas, à moins qu'ils soient dans la pauvreté ou la vieillesse ou la maladie ; et ceux qui sont sains et jeunes et puissants ne peuvent rester ici sans honte…
    Qui ne veut vivre ici-bas une vie pleine d'ennuis, qu'il aille mourir pour Dieu dans la liesse et la joie, car la mort est douce et savoureuse, par laquelle on conquiert le royaume précieux; et pas un seul ne mourra de mort, mais tous naîtront à une vie glorieuse; celui qui reviendra sera très heureux: à tout jamais Honneur sera son épouse.
    Dieu! Nous avons longtemps été preux par oisiveté ! Maintenant il apparaîtra qui sera preu en vérité, et nous irons venger la honte douloureuse dont chacun doit être irrité et honteux, car en notre temps a été perdu le lieu saint où Dieu souffrit pour nous une mort d'angoisse; si maintenant nous y laissons nos ennemis mortels, notre vie en sera honni à jamais.
    Hélas! Je m'en vais, pleurant des yeux de mon front, là où Dieu veut amender mon cœur; et sachez bien qu'à la meilleure (femme) du monde je penserai en ce voyage plus que je ne dis.
    Pardonnez cette citation un peu longue mais elle représente l’esprit de nos ancêtres, comme leurs priorités dans leur vie d’homme. L’essentiel alors était l’invisible et non les fruits du matérialisme comme aujourd’hui. Il serait intéressant d’analyser d’ailleurs si cela rend plus heureux les hommes, permettez-moi d’en douter. Il ne serait pas long d’observer autour de soi, la réalité de notre monde contemporain avec sa misère morale, dont le taux de suicide, tabou sociétal, doit être caché…

    Et li chevaliers qui l'a escoutee mist pié fors d'estrief, descent en la pree, devant li se mist a genouz : «Bele, vez ci vostre ami douz.». Merci, merci, douce Marote, n'ociez pas vostre ami douz !
    Quand il l'a entendue,le chevalier hors de l'étrier a mis le pied. Dans la prairie, il est descendu, devant elle, il s'est agenouillé. - Belle, le voici, votre ami doux. Pitié, pitié, douce Marote, ne tuez pas votre ami doux ! (A la Fontenele)

    F. PORETTI-Winkler (L'Ethique de la Reconquete, à suivre...)

  • Patrimoine • Versailles ou le Soleil à la fête [I]

    Illuminations du palais et des jardins de Versailles, estampe, 1679, par Jean Le Pautre (1618-1682), Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon © EPV/ Jean-Marc Manaï 

     
    « Cette société de plaisirs, qui donne aux personnes de la cour une honnête familiarité avec le Souverain les touche et les charme plus qu’on ne peut dire. »
    Louis XIV, Mémoires pour l’instruction du Dauphin, 1661. 

    Le 23 février 1653, au théâtre du Petit-Bourbon à Paris, le Ballet royal de la nuit voit asseoir le pouvoir naissant de Louis XIV, dont le royaume est encore sous le contrôle de Mazarin et de la Reine-Mère. Toute la noblesse, soit près de trois mille personnes, s’assemble dans ce théâtre accolé au Louvre. Ce divertissement fait participer les anciens frondeurs, réunis autour du Soleil levant, le jeune Louis XIV, qui entend imposer un ordre du goût nouveau. Ce ballet fonde le mythe apollinien du Roi-Soleil, et bien que joué une seule et unique fois en cette circonstance, il a un impact particulièrement important. À cette occasion, le roi Louis XIV, âgé de quinze ans, joue le rôle du dieu Apollon, travesti en soleil autour duquel gravitent des seigneurs représentant les planètes. À travers cette mise en scène, le roi pose le premier jalon de l’affirmation de son pouvoir et fait partager à l’ensemble de la cour son goût pour la fête et les divertissements. Goût qui rythmera l’ensemble de son règne, entre art du gouvernement et gouvernement des arts.

    Les divertissements prennent ainsi plusieurs formes : les spectacles publics comme le comédies, opéras, concerts, feux et illuminations, et les rassemblements plus privés quand les courtisans deviennent eux-mêmes acteurs : les jeux d’argent, la chasse, les bals, les mascarades. Il s’agit d’étonner du plus grand pour qu’en parle le plus petit, le royaume pour qu’en parle toute l’Europe.

    Versailles au rythme des grands divertissements

    Le Grand Divertissement royal de 1668 célèbre la victoire de Louis XIV sur l’Espagne, la paix d’Aix-la-Chapelle et le rattachement de plusieurs places flamandes – Douai, Lille, Dunkerque – à la France. À cette occasion, le Grand Divertissement royal se pose en summum de la fête baroque par la richesse de ses décors, costumes et la complexité de ses mises en scène. Du Soleil levant, Louis XIV entend, à travers son goût, se poser en Soleil triomphant de l’Europe. Deuxième fête du souverain à Versailles, la somme extravagante de 117 000 livres est dépensée, soit un tiers de ce qu’il consacre à Versailles durant toute l’année. Ce divertissement marque le goût prononcé du roi pour l’idée-même de la fête : sans thème particulier, elle est un déluge de faste et de surprises. 

    André Félibien, dans sa Relation de la Feste de Versailles, nous en donne chaque étape. Elle est organisée le 18 juillet sur une seule soirée et s’ouvre par l’arrivée du roi, de la reine et du Dauphin, venant de Saint-Germain, recevant dans les salles du château aménagées pour l’occasion et pourvues de quoi se rafraichir. Vers six heures du soir, après que la cour est passée par le grand parterre, commence la visite de la dernière réalisation du roi : le bassin du Dragon. Disposés près de la pompe, les participants peuvent contempler ce dragon de bronze, percé d’une flèche et semblant vomir le sang par la gueule, poussant en l’air un bouillon d’eau retombant en pluie et couvrant tout le bassin. Autour du dragon, quatre Amours sur des cygnes forment chacun un grand jet d’eau. Entre ces amours, des Dauphins de bronze agrémentent le déluge.

    La promenade se perd ensuite dans les bosquets frais, gardant de la chaleur du soleil. Celui dans lequel se tient cette collation est arrangé de palissades, arcades de verdure et pilastres laissant découvrir des satyres, hommes et femmes, se mouvant dans des melons surprenamment massifs pour la saison. Un cabinet de verdure pentagone dispose d’une fontaine bordée de gazon, autour de laquelle sont dressés des buffets garnis. L’un d’eux représente une montagne cachant des cavernes dans lesquelles on trouve plusieurs viandes froides. Un autre est déguisé en palais bâti de massepain et de pâte sucrée, un de plus est chargé de pyramides de confitures, et encore un de vases contenant force liqueurs. Le dernier est composé de caramels. Entre les mets se déploient des festons de fleurs soutenus par des Bacchantes, et sur une avancée de mousse verte prenant place dans le bassin, se trouvent un oranger et d’autres arbres de différentes espèces, chacun garni de fruits confits. Le jet de la fontaine, lui, atteint trente pieds de haut et sa chute occasionne un bruit très agréable. La disposition générale semble alors reconstituer un petit monde en forme de montagne duquel jaillit l’eau.

    Après la collation, le roi entre dans une calèche et la reine dans sa chaise et se rendent à la Comédie suivis des carrosses de la cour. Le parcours se fait à travers des allées bordées de rangs de tilleuls, autour du bassin de la fontaine des cygnes terminant l’allée royale vis-à-vis du château. Vigarani a disposé son théâtre au carrefour de ce qui est aujourd’hui le bassin de Saturne. Il est somptueusement orné de colonnes torses de bronze et de lapis environnées de branches et de feuilles de vigne d’or. Entre chacune d’elles sont disposées des figures de Paix, de Justice, de Victoire, etc., montrant que le roi est toujours capable d’assurer le bonheur de ses peuples. Monsieur de Launay est chargé de distribuer le programme de la comédie agrémentée d’un ballet – de Lully – qui doit être jouée. Il s’agit de Georges Dandin de Molière. Trente-deux lustres de cristal luisent alors de concert dans ce théâtre en trompe-l’œil féérique, tendu de tapisseries et couvert d’une toile fleurdelisée à fond bleu.

    Le festin est organisé à l’endroit du futur bassin de Flore, dans un bâtiment octogonal en treillage, haut de cinquante pieds et surmonté d’un dôme. Une table y est dressée et accueille un grand buffet orné d’une fontaine et d’une vaisselle en argent composée de vingt-quatre bassins, séparés par des vases, cassolettes et girandoles. La place du roi est identifiable à sa nef, réalisée par Gravet, probablement avant 1670, d’après un dessin de Le Brun. La table est de forme octogonale, accueille soixante-quatre couverts, et voit son centre orné d’un immense rocher sur lequel trône une fontaine à l’effigie de Pégase le cheval ailé, lequel déverse son eau sur des coquillages exotiques et plusieurs divinités. Le bal est organisé au carrefour de l’actuel bassin de Cérès. On y accède par un tunnel de verdure et la salle est fermée par une grotte de rocailles semblant couverte de marbre et de porphyre réalisée par Le Vau, au fond de laquelle on peut voir deux tritons argentés formant un bouillon d’eau.

    Enfin, la fête se termine par deux feux d’artifice dont tout le monde savait l’existence mais dont personne, de jour, n’avait pu entrevoir la disposition dans les jardins. Mille flammes s’élevèrent ensemble, sortant des parterres, des bassins, des fontaines, des canaux… Les premières depuis le bas de la grande perspective, où l’on aperçoit le château éclairé de l’intérieur. Les secondes, au-dessus de la pompe de Clagny. Se termine ainsi la fête qui eût un retentissement par le biais de nombreux commentateurs tels que ceux de l’abbé de Montigny ou de Mademoiselle de Scudéry, et jusqu’en Espagne : Pedro de la Rosa, dans une lettre destinée à la reine Marie-Thérèse, dresse le portrait à la manière de Félibien de cette fête fastueuse.

    Déployer le pouvoir du monarque

    Les premières heures de Versailles sont marquées par des divertissements se tenant sur des scènes éphémères, au détour des nombreuses allées, bassins et pavillons garnissant les jardins. Les fêtes se déroulent sur plusieurs jours, dans différents lieux montrant la virtuosité du souverain, capable à la fois de dresser de grands théâtres de verdure dans des marais envahis de moustiques et de faire voguer ses galères sur d’immenses canaux prévus à cet effet. Il s’agit pour le roi de montrer son château à la cour qui s’y est nouvellement installée et de l’impressionner.

    Les Fêtes de l’été de 1674 sont données à Versailles au prétexte de la reconquête de la Franche-Comté. Elles se déroulent sur six jours qui ne se suivent pas. Le 4 juillet, on prend une collation dans le bosquet des Marais, embelli d’orangers caisse pour l’occasion et de guirlandes de fleurs. À 8h, on représente Alceste de Quinault, qui compose le livret, et de Lully pour la musique, se posant pour l’évènement en véritable maître des fêtes de la cour de Versailles. La représentation a lieu dans la Cour de Marbre, et donne lieu à un dispositif plutôt humble : un plancher de bois surélevant la scène, mais sans aucun décor ni machine à l’exception d’une fontaine habillée de fleurs trônant au centre. La journée se termine avec le souper donné dans les Grands appartements nouvellement aménagés.

    Le 11 juillet, on joue l’Églogue de Versailles composé en 1668, fruit de la première rencontre entre Philippe Quinault et Jean-Baptiste Lully. L’œuvre prend déjà la forme d’un petit opéra pourvu d’une ouverture à la française et mettant en scène les bergers Silvandre et Coridon parlant ouvertement du retour de « Louis », fait peu courant puisque la plupart du temps le souverain endosse le costume d’une métaphore livrée à l’interprétation du public. La journée se poursuit par une promenade dans les jardins de Trianon puis du retour à Versailles vers neuf heures du soir pour le souper. Le repas pris est somptueux, dans la salle du Conseil aménagée à la manière d’un bosquet prenant la forme d’une île entourée de jets d’eau, entourée par soixante-treize girandoles de cristal et surplombée par cent cinquante lustres.

    Le 19 juillet, on prend la collation dans le jardin de la Ménagerie, suivie de la représentation du Malade imaginaire de Molière et Marc-Antoine Charpentier devant la grotte de Thétis servant de décor, avant de clore la journée sur des gondoles que l’on fait voguer en musique sur le Grand canal. Plus somptueux encore : au 28 juillet, le début de la journée est encore une fois rythmé par la collation prise dans le théâtre d’Eau. Les plats sont disposés sur les gradins de gazon encadrant le bosquet. L’ornementation est un hymne à la nature, et voit se déployer de nombreux arbres fruitiers parmi lesquels pêchers, abricotiers, pommiers, orangers, décorés de guirlandes de fleurs et abritant des pyramides de fruits, glaces, corbeilles de pâtes de fruits et de confitures. On joue ensuite les Fêtes de l’Amour et de Bacchus sur une scène aménagée près des machines alimentant les fontaines en eau, proches du Bassin du Dragon. Vigarani collabore avec Lully et conçoit le théâtre formé de deux pilastres soutenant les statues en bronze doré de la Justice et de la Félicité. On interprète le livret de 1672, rassemblant les plus beaux extraits des ballets et comédies-ballets de Lully. Le dernier acte voit la scène se transformer complètement en laissant apparaître le chœur de l’Amour et ses bergers prenant place sur des portiques de verdure. Le chœur final est chanté par cent-cinquante satyres de Bacchus. On tire le feu d’artifice depuis le Grand Canal, conçu par Lebrun et Vigarani, entre le Parterre d’Eau et le Bassin de Latone. On sert enfin le souper au son des hautbois et des violons dans la Cour de Marbre sur une table octogonale disposée autour de la fontaine, garnie de fleurs de lys dorées, symboles du pouvoir royal. (à suivre)   

    La prochaine partie de cet abrégé s’attardera sur la diversité des jeux et des lieux dans lesquels prennent place ces divertissements rythmant la pratique du pouvoir.

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    Fête donnée par Louis XIV pour célébrer la reconquête de la Franche-Comté, à Versailles, en 1674. Cinquième journée. Feu d’artifice sur le canal de Versailles, par Jean Le Pautre (1618-1682). Tiré de l’ouvrage en 1 volume avec les fêtes « Les plaisirs de l’Isle enchantée », Ex-libris Grosseuvre. © Paris, musée du Louvre/RMN-GP/Thierry Le Mage

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    Le Rouge et le Noir

  • Patrimoine • Versailles ou le Soleil à la fête [II]

    Henri de Gissey, Le Grand Carrousel donné par Louis XIV dans la cour des Tuileries à Paris, pour célébrer la naissance du dauphin 

    La diversité des lieux

    En chantier permanent, Versailles et ses jardins sont le théâtre de nombreuses improvisations. Saint-Germain et Fontainebleau offrent de grandes salles de spectacles, mais c’est l’éphémère et le surprenant qui dicteront l’organisation des divertissements non moins somptueux à Versailles. Comme nous l’avons vu plus avant, c’est à travers d’ingénieux mécanismes, de scènes et décors démontables, de théâtres de verdure et en trompe-l’œil, que le roi divertit sa cour. Le château ne pouvant, quand les Plaisirs de l’île enchantée sont joués, accueillir les six cents invités. À travers ces architectures provisoires faites de treillages et de jeux d’eau, le roi permet aussi au peuple de se divertir et de piller les buffets.

    Cependant, à mesure que les travaux du château avancent, le roi accueille de plus en plus souvent en intérieur, en témoigne le premier souper donné dans le château à l’occasion d’une grande fête telle que les Fêtes de l’Eté de 1674. Ce n’est qu’en 1682 que Louis XIV décide de construire un théâtre dans l’aile Nord du château. Jules Hardouin-Mansard et Vigarani sont sollicités pour cette entreprise mais les travaux commencés resteront inachevés. Les pièces de théâtre et de musique continuent ainsi d’être jouées sur des scènes éphémères avec cependant une évolution : le manège de la Grande Écurie récemment bâtie accueille Persée de Lully, puis un théâtre est construit dans la cour des Princes, où sont jouées des comédies. Au Trianon de marbre, Louis XIV assiste à des opéras dans une salle initialement dévolue à la comédie. Progressivement, les divertissements prennent place dans des lieux dédiés, à l’image de l’appartement, au cœur de l’agenda festif des gentilshommes de la cour.

    Les soirées d’appartement sont une occasion privilégiée pour les sujets de se rapprocher du roi. L’étiquette est suspendue le temps d’une soirée pour qui a été invité. Dans ses Mémoires, le duc de Saint-Simon en parle ainsi : elles se déroulent trois fois par semaine, entre sept et dix heures du soir. À cette occasion, le roi offre à ses invités musique, jeux et rafraîchissements. Le Mercure galant, journal fondé en 1672 par Donneau de Visé, traite ainsi des soirées d’appartement à la cour de Versailles : elles suivent un protocole particulier, en dehors des grandes cérémonies publiques. Le duc d’Aumont, Premier Gentilhomme de la Chambre, s’occupe des invitations en accord avec le roi. La garde est restreinte et la liberté de parler est entière. Les appartements, richement ornés, sanctuarisent un espace d’intimité entre le souverain et sa cour. Le roi passe ainsi de table en table, d’un jeu à un autre, et ne souhaite pas que l’on s’interrompe ni ne se lève pour lui. Donneau de Visé écrit : « On dirait, d’un particulier chez qui l’on serait, qu’il fait les honneurs de chez lui en galant homme. » Le cabinet du Billard est installé dans le salon de Diane, le salon de Mercure est réservé au jeu de la famille royale. Avec le temps, le roi se rend de moins en moins à ces soirées, leur préférant les soirées chez Madame de Maintenon pour travailler avec ses ministres. Cependant, il désirait toujours que ses sujets jouissent des plaisirs qu’il leur prodiguait. Quiconque s’attachait à plaire au roi se rendait à ces soirées.

    Les nombreux jeux de la cour

    Les grandes fêtes comptent de nombreuses déclinaisons hétéroclites. « Louis XIV aimait les femmes et le pouvoir […] il s’amusa et amusa la noblesse à des ballets et à des carrousels. » [1] dit Anatole France. Cette diversité des jeux sanctuarise le rythme de vie de la cour, habituée aux grandes manifestations festives comme aux événements plus intimes. Parmi les jeux de soirée d’appartements, on compte les cartes ou le billard que Monsieur et Monseigneur affectionnent particulièrement. De nombreux jeux apparaissent et disparaissent ainsi au gré des modes : le piquet, le trictrac, le whist, ou encore le brelan, le joc vers 1675, le lansquenet en 1695.

    Mais les jeux prennent souvent plus d’ampleur. À l’occasion de la naissance du Dauphin, le 1er novembre 1661, est organisé un carrousel l’année suivante les 5 et 6 juin 1662. Le carrousel est d’origine italienne, le terme est issu de la contraction de deux mots latins : « carrus-soli », qui signifie « char du soleil ». Il est hérité des tournois médiévaux, intermédiaire entre les parades équestres et les jeux de guerre italiens, et consiste en un jeu militaire composé d’une suite d’exercices à cheval exécutés par des quadrilles de seigneurs richement vêtus, entremêlés de représentations allégoriques tirées de la fable ou de l’histoire.

    L’événement se tient devant le palais des Tuileries. On aménage pour l’occasion la place en carrière, en plaçant devant un amphithéâtre. Un pavillon destiné à recevoir les reines, Marie-Thérèse et Anne d’Autriche, est dressé et prend la forme d’une architecture croisant les ordres dorique et ionique. Dans les étages supérieurs et inférieurs de la tribune richement ornée de velours violet garni de fleurs de lys, plusieurs personnalités de la cour prennent place. Le premier jour, entre dix-mille et quinze-mille personnes sont rassemblées sur la place, parmi lesquelles beaucoup d’étrangers et les notables parisiens. Le roi entre en scène suivi de Monsieur – le frère du roi –, du prince de Condé, du duc d’Enghien et du duc de Guise. Ils arrivent par la rue Richelieu, vêtus à la romaine dont le roi prend la figure de l’empereur portant un casque d’or serti de diamants et paré de roses. Son costume est fait de brocart d’argent rebrodé d’or et de pierres précieuses. Le harnois de son cheval et de couleur feu et d’éclats d’or, d’argent et de pierreries. Il est entouré de cavaliers musiciens dits de la brigade romaine et s’en va saluer la reine. Le second groupe de cavaliers est vêtu à la perse, et commandé par Monsieur. Le troisième est vêtu à la turque, et commandé par le prince de Condé. Le quatrième est vêtu à la mode des Indes, et commandé par le duc d’Enghien. Paraît enfin le duc de Guise, vêtu en roi des sauvages d’Amérique, dont le chapeau est garni de branchages. Au total, on estime à plus de mille le nombre de cavaliers lors de ce ballet équestre qui se poursuit par les courses de têtes contre une tête de turc et une autre de méduse. Le second jour est celui des courses de bagues : elles consistent à enfiler à la lance, en plein galop, une bague pendue par une ficelle à une potence. D’origine guerrière, cette tradition s’est adoucie depuis la mort d’Henri II en 1559, blessé à l’œil par un éclat de lance de bois. Bien que ce type de divertissement tende à s’effacer, le Grand Dauphin lui-même organise des carrousels en 1685 et 1686 : le premier est celui des « Galans Maures », où les participants sont coiffés de têtes de dragons, de harpies, trompes d’éléphants, bouquets de plumes, le second celui des « Galantes Amazones », donné dans la cour des grandes écuries. Il s’agit d’un divertissement galant, où « trente dames et trente seigneurs auront le plaisir de divertir la cour à leurs dépens. » [2] écrit la marquise de de Sévigné dans une de ses lettres.

    Au contact de la nature dans la campagne giboyeuse de Versailles, la chasse est un sport particulièrement prisé par les Bourbons, notamment par Louis XIII qui aimait à se retirer dans son pavillon de chasse pour chasser le gibier à plumes ou le gros. Sous Louis XIV, la vénerie royale a la taille d’un petit village, et représente plusieurs centaines de chiens et de chevaux, et six cents personnes en ont la charge. La chasse à courre est un divertissement marquant la domination du roi sur la nature, à laquelle participe un public restreint resserré autour de la figure du souverain. À la fin du XVIIe siècle, Louis XIV crée le Grand parc de chasse. C’est un vaste domaine clos par un mur dès 1683, avec une superficie de 11 000 hectares, forêt de Marly comprise, à la fin du règne. Pour assouvir son amour de la chasse, Louis XIV l’inscrit à l’étiquette : le matin, le roi gouverne, l’après-midi, il chasse. Parfois mais rarement, elle remplace même le conseil quand la journée est belle. Cette chasse prend deux formes : la chasse à tir se tient dans le grand parc, la chasse à courre en forêt. Le grand veneur accompagne le roi et a le privilège de se tenir à sa proximité. Ce privilège est tel que, sous le règne de Louis XV, Dufort de Cheverny rapporte : « Mon assiduité à la chasse plaisait au Roi. Je redoublai et M. le duc de Penthièvre me rencontrant un jour me dit : « Le Roi vous permet de prendre l’habit de l’équipage ». Il m’aurait donné un gouvernement, il ne m’aurait pas fait plus plaisir. » [3] À l’instar des soirées d’appartement, la chasse est un divertissement prisé des gentilshommes désireux de participer aux heures de détente royale.

    La France fait une spécificité de ces fêtes qui, peu à peu, font du royaume le cœur du divertissement européen où s’épanouit le mythe français. Cette idée fait l’objet de la troisième partie de cet abrégé.  (à suivre)   

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    Antoine Trouvain, Le Jeu de Portique, Deux fils du Grand Dauphin : duc d’Anjou (futur Philippe V d’Espagne) et duc de Berry (Charles de France), prince de Galles et comte de Brionne


    [1Anatole France, Le Génie latin, p. 140.

    [2Lettre 899

    [3N. Dufort de Cheverny (1731-1802), Mémoires sur les règnes de Louis XV et Louis XVI et sur la Révolution. 

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    Le Rouge et le Noir

  • Une réflexion d'Annie Laurent : L’islam n’est-il qu’une religion ?

     

    Le Figaro daté du 20 mars 2018 a publié une tribune intitulée « Non au séparatisme islamiste ». Signée par 100 intellectuels, parmi lesquels plusieurs sont de souche musulmane, ce texte s’alarme du « ségrégationnisme » qui accompagne le développement de l’islam en France. « Le nouveau séparatisme avance masqué. Il veut paraître bénin, mais il est en réalité l’arme de la conquête politique et culturelle de l’islamisme ».

    Ce texte pose en filigrane la question de l’identité réelle de l’islam. Est-il seulement une religion, à considérer comme les autres, ainsi que le répète le discours officiel, ou bien doit-on le définir comme une idéologie ? A l’heure où le gouvernement cherche à organiser un « islam de France », cette question doit être posée en toute clarté. C’est à une réflexion sur ce thème difficile qu’Annie Laurent vous invite aujourd’hui. Et, naturellement, l'on peut en débattre.

    Rappelons qu'Annie Laurent nous honore de son amitié ; qu'elle est intervenue dans plusieurs de nos cafés politiques et réunions, dont les vidéos existent ici ; qu'elle a collaboré à LafautearousseauNous recommandons d'ailleurs à nos lecteurs de suivre ses publications et ses interventions diverses.    LFAR

     

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    Après un XXème siècle marqué par l’émergence d’idéologies totalitaires prétendant imposer leurs systèmes au monde, le XXIème siècle s’est ouvert sur l’apparition d’un autre projet dominateur : celui de l’islam conquérant. Les attentats spectaculaires et très meurtriers commis le 11 septembre 2001 contre les Tours jumelles de New-York ont inauguré cette nouvelle forme de totalitarisme paré de couleurs religieuses qui, depuis lors, se répand dans tout l’univers, perturbant un monde largement touché par la sécularisation. Face à cette situation imprévue et déroutante, une interrogation revient de plus en plus souvent : l’islam est-il vraiment une religion ? N’est-il pas plutôt une idéologie ?

    Il convient d’abord de situer la question dans l’ordre général, comme le fait le philosophe Rémi Brague dans son dernier ouvrage, Sur la religion (Flammarion, 2018), où il développe une pensée puissante sur ce thème, en accordant à l’islam une place importante. Observant le foisonnement de réalités que le terme « religion » recouvre (panthéon de dieux, monothéisme, religion séculière, etc.), l’auteur refuse d’y voir un concept unique qui répondrait à une seule et même définition. En fait, écrit-il, « le christianisme est la seule religion qui ne soit qu’une religion et rien d’autre ». Et de remarquer : « Toutes les autres religions ajoutent au religieux une dimension supplémentaire » (p. 40). C’est pourquoi « la nature exclusivement religieuse du christianisme explique le fait que le concept de religion, appliqué à des phénomènes aussi divers que le bouddhisme, l’islam, le confucianisme, le shinto, etc. – bref, ce que nous avons pris l’habitude d’appeler “des religions” – ait été forgé dans un contexte intellectuel chrétien et s’applique mal aux autres “religions” » (p. 42).  L’auteur exprime bien la complexité de la question posée. Il ne nie pas la dimension religieuse de l’islam mais il sait que celle-ci n’est pas exclusive.

    I. L'islam comme religion

    Les musulmans se placent sous le regard d’un Dieu unique (Allah) en qui ils reconnaissent leur Créateur, auquel ils rendent un culte dans des lieux appropriés (mosquées) et dont ils espèrent la miséricorde, tout comme ils aspirent à une vie après la mort. Il n’est donc pas possible de refuser à l’islam la qualité de religion. Mais de quel genre de religion s’agit-il ?  

    RELIGION OU RELIGIOSITÉ ?

    En 1994, évoquant l’islam dans son livre Entrez dans l’espérance, saint Jean-Paul II parlait de « la religiosité des musulmans », sans définir le sens du mot « religiosité » (Plon-Mame, p. 153). Or, comme l’explique le philosophe Patrice Guillamaud dans un ouvrage d’une profonde intelligence, religiosité n’équivaut pas à religion. La religiosité se réfère à l’attitude de tout homme, naturellement religieux et donc disposé « à rapporter chacune de ses actions à l’absolu divin », tandis que la religion est un ensemble d’éléments de doctrine et de culte (cf. Le sens de l’Islam, éd. Kimé, 2017, p. 21-26).

    En ce sens, la religiosité est d’autant plus frappante chez les musulmans pratiquants que le culte se doit d’être ostensible et sonore. En admirant « le musulman superlativement pieux », les chrétiens « confondent sa vertu de religion avec celle de foi », constate avec pertinence l‘historien Alain Besançon (Problèmes religieux contemporains, Ed. de Fallois, 2015, p. 181). Cette visibilité a frappé le bienheureux Charles de Foucauld et l’a conduit à s’interroger sur la religion de son baptême qu’il avait délaissée (cf. Pierre Sourisseau, Charles de Foucauld, Biographie, Salvator, 2016).

    RELIGION OU FOI ?

    Ch. de Foucauld a néanmoins compris que si la religiosité des musulmans peut s’accorder avec la vertu de religion, classée par saint Thomas d’Aquin parmi les vertus morales (la justice), elle ne ressort pas de la foi.

    Je voyais clairement qu’il [l’islam] était sans fondement divin et que là n’était pas la vérité »

    écrivit-il à Henry de Castries (cité par A. Laurent, La Nef, n° 287, décembre 2016). La foi est une vertu surnaturelle, infuse dans l’âme par le baptême ; elle est précisément théologale parce que relative au Dieu trinitaire (au même titre que l’espérance et la charité).

    FOI ET CROYANCE

    La Déclaration Dominus Iesus sur l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus-Christ et de l’Eglise (2000), rédigée à la demande de Jean-Paul II par le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, a rappelé cet enseignement traditionnel de l’Eglise catholique. Puis, le texte précise : « On doit donc tenir fermement la distinction entre la foi théologale et la croyance dans les autres religions […]. Cette distinction n’est pas toujours présente dans la réflexion actuelle, ce qui provoque souvent l’identification entre la foi théologale, qui est l’accueil de la vérité révélée par le Dieu Un et Trine, et la croyance dans les autres religions, qui est une expérience religieuse encore à la recherche de la vérité absolue, et encore privée de l’assentiment à Dieu qui se révèle » (n° 7).

    Cette distinction s’applique à l’islam, qui n’est pas accueil de la Révélation de Dieu mais, selon le Coran, religion originelle de l’humanité, voulue par Dieu parce qu’elle est appropriée à la nature de l’homme, innée en quelque sorte.

    . Aujourd’hui, j’ai rendu votre Religion parfaite ; j’ai parachevé ma grâce sur vous ; j’agréée l’islam comme étant votre Religion (5, 3) ;

    . Acquitte-toi des obligations de la Religion en vrai croyant et selon la nature qu’Allah a donnée aux hommes, en les créant. Il n’y a pas de changement dans la création d’Allah. Voici la Religion immuable ; mais la plupart des hommes ne savent rien (30, 30). 

    DIEU L’INCONNAISSABLE

    Pour l’historien des religions Gérard Van der Leeuw, la foi est « la confiance de l’homme envers Dieu personnellement rencontré ». C’est pourquoi sa première spécificité « ne consiste donc pas à croire que Dieu existe mais à croire que l’homme existe pour Dieu » (cité par le P. Bernard Sesbouë, Actes du colloque « Qu’est-ce que croire ? », Institut Catholique d’Etudes Supérieures, 15-16 avril 2013, p. 26).

    Dans l’islam, Dieu est « l’Inconnaissable » (Coran 6, 50 ; 7, 188 ; 11, 31 ; 27, 65). Il ne se fait pas connaître des hommes, comme Il le fait à travers Jésus-Christ dans le christianisme ; Il ne dialogue pas avec eux dans une relation d’amour ; Il ne s’engage pas par une Alliance, comme Il le fait par Abraham dans la Bible (cf. François Jourdan, Islam et christianisme, comprendre les différences de fond, L’Artilleur, 2015, p. 254-260). La Révélation d’Allah ne concerne que sa volonté et sa loi. « Entre Créateur et créature, un abîme est béant » (R. Brague, Sur la religion, op. cit., p. 186).

    L’islam serait-il donc une religion païenne ? Alain Besançon l’exclut.

    « Si nous restons dans la logique de la théologie chrétienne, on ne voit pas que l’islam connaisse le Dieu que cependant il adore. […] Ne connaissant pas le vrai Dieu et l’adorant néanmoins, il en résulte des conséquences qui mettent l’islam à part des paganismes antiques contre lesquels il s’est dressé. Les païens, même quand ils adoraient le dieu unique, adoraient un dieu immanent, qui faisait partie du monde. Un Dieu “moindre” par conséquent que le Dieu d’Israël, créateur du ciel et de la terre, omnipotent, transcendant. Mais à l’égard de ce Dieu incommensurable, l’islam demeure dans une position idolâtrique » (op.cit., p. 178).

    UNE RELIGION D’OPPOSITION 

    L’islam n’est pas une religion anodine ou neutre puisqu’il se veut réaction dogmatique au christianisme. Le Coran combat le cœur de la Révélation divine. « La négation de la Trinité est le sens premier de l’islam » ; elle est « son élément primordial de fondation […], le principe même de sa genèse » (P. Guillamaud, op. cit., p. 119).

    Son monothéisme – concept que l’on rencontre aussi en dehors du champ religieux (cf. le Divin Premier Moteur d’Aristote, le déisme des Lumières, signalés par R. Brague) -, et la présence de personnages « bibliques » dans le Coran ne font pas de l’islam une religion apparentée au judaïsme et au christianisme. « En son sens premier, l’islam est fondamentalement, non pas la simple continuation de la révélation biblique mais sa reprise dans la négation même de son accomplissement chrétien » (Guillamaud, ibid.).

    Dans Le malentendu islamo-chrétien (Salvator, 2012), le Père Edouard-Marie Gallez explique que l’on considère généralement l’islam comme une religion « d’avant » le Christ au sens théologique, et pouvant éventuellement y conduire, alors qu’il se revendique comme post-chrétien au sens où il entend dépasser le christianisme et s’y substituer.

    C’est pourquoi,

    « que ce soit du côté islamique ou du côté chrétien, il apparaît évident que la notion d’Ecritures saintes ne revêt pas la même réalité. Si le Coran voit dans les révélations qui ont précédé le temps de l’islam des “portions” du “Livre-Mère” envoyées par Allah sur des prophètes eux-mêmes envoyés à des peuples, l’Eglise catholique, elle, ne voit pas dans le Coran une quelconque continuité ou récapitulation de la Révélation judéo-chrétienne » (P. Laurent de Trogoff, « Révélation et Coran », in Sous le regard de Dieu, abbaye Sainte-Anne de Kergonan, n° 2017/2, p. 12-21).

    Cette position a été rappelée par le Concile Vatican II : « L’économie chrétienne, étant l’Alliance nouvelle et définitive, ne passera donc jamais et aucune nouvelle révélation publique n’est dès lors à attendre avant la manifestation glorieuse de Notre-Seigneur Jésus-Christ » (Dei Verbum, n° 4). L’Eglise n’a jamais considéré Mahomet comme un prophète ni le Coran comme un Livre révélé.

    Père Samir-Khalil Samir, islamologue égyptien :

    « Je ne dirai pas globalement : “Oui, l’islam vient de Dieu”, et je ne dirai pas globalement : “L’islam est l’œuvre de Satan”. Je ne le pense pas non plus. L’islam est l’œuvre d’un homme qui a vécu une expérience spirituelle réelle, mais qui vivait en son temps, dans son contexte socio-culturel désertique fait de guerres et d’attaques de tribus contre tribus » (Site Aleteia, 10 janvier 2018). 

    On ne peut donc porter sur l’islam un regard indifférencié avec le judaïsme et le christianisme. D’où l’inexactitude de formules telles que « les religions monothéistes », « les religions abrahamiques » et « les religions du Livre ».

    Leur usage banalisé fausse la compréhension des fondements anthropologiques, cultuels, sociaux, juridiques et culturels sur lesquels misent les dirigeants européens héritiers du christianisme pour organiser un « islam européen ». 

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    L'ISLAM, Annie Laurent,
    Editions Artège, 285 p., 19,90 €

  • DU FRONT NATIONAL AU RASSEMBLEMENT NATIONAL

     Un congrès pour définir une stratégie d'investissement de la République.

     

    Par Yves Morel

    Le Front national a porté incontestablement un espoir patriotique pendant de longues années, en dépit des innombrables difficultés, cassures, revirements qu’il a connus. Mais est-il possible de vouloir s’emparer du « système », tout en prétendant être « anti-système » ? Toute la question est là. Le dernier congrès est le ralliement annoncé des « lepénistes » au système. 

    Le Front national fait peau neuve et devient Rassemblement national. Marine Le Pen a justifié ce changement par la nécessité de faire de sa formation un « parti de gouvernement ». Ainsi, le FN poursuit le lent cheminement qui le mène de l’opposition trublionne et marginale à l’accès aux responsabilités.

    Une progression continue

    Un coup d’œil synoptique sur les grands moments de l’histoire du FN atteste de la cohérence de cette démarche. En octobre 1972, le parti naît, porté sur les fonts baptismaux par les dirigeants d’Ordre Nouveau, désireux d’élargir leur assise en satellisant les survivants du tixiérisme, et les jeunes nationalistes de la FEN, du GUD et autres groupuscules. En 1974, Jean-Marie Le Pen se fait connaître des Français en présentant sa candidature à la présidentielle, même s’il ne glane que 0,74% des suffrages. En 1984, le même JMLP fait un tabac à L’heure de vérité, émission politique de forte audience, et son parti réalise une percée aux européennes. En 1986, grâce à l’instauration éphémère de la proportionnelle, le FN obtient 35 sièges de députés. Deux ans plus tard, JMLP obtient 14% des voix à la présidentielle. Le FN devient incontournable et perturbe la vie politique. Rien ne semble pouvoir arrêter sa progression. La scission mégrétiste de 1998 ne l’entame pas, et JMLP est présent au second tour de la présidentielle de 2002. Sa fille dédiabolise le parti, et figure au second tour de la présidentielle de 2017.

    Des succès certains, mais limités

    Mais cette montée est toute relative : sa représentation parlementaire est insignifiante. On a beaucoup parlé des mairies conquises par le FN, mais elles sont au nombre de 27 sur 36 365, et il en va de même de sa présence dans les conseils départementaux ; seul son nombre de conseillers régionaux a quelque importance numérique (333 sur 1758). D’autre part, la prestation de Marine Le Pen face à Macron a été désastreuse ; et son score de 33,9% des voix (parmi seulement 43% de suffrages exprimés, il convient de le rappeler), s’il constitue un net progrès par rapport à celui de son père en 2002 (17,79%), a fait figure d’échec et de sanction d’incompétence. Le FN reste un parti mésestimé et suspect.

    Des orientations inévitablement fluctuantes

    Et ce ne sont pas ses variations programmatiques qui vont lui donner une crédibilité. Pour mémoire, rappelons que le FN a été successivement poujadiste, néo-libéral, de nouveau poujadiste, dirigiste et protectionniste (en économie), européen, puis anti-européen, atlantiste, puis « gaulliste », puis russophile, pro-israélien, puis pro-arabe (en politique étrangère), partisan de l’abrogation de la loi autorisant l’IVG, puis simplement du non-remboursement de celle-ci par la Sécurité Sociale, et variant sur la question du mariage homosexuel (en matière sociale). Pour nous en tenir à la période la plus récente, il a campé sur une position gaulliste équidistante de la gauche et de la droite, hostile à l’Europe et à l’euro, entée sur la défense du modèle social français, sur le patriotisme économique et le refus du nouvel ordre libéral mondial. La rupture avec Philippot a entraîné l’abandon de cette ligne et l’a fait revenir à une conception plus classiquement conservatrice de l’économie.

    Ces fluctuations étaient inévitables. Elles sont le lot rédhibitoire de tout mouvement politique opposé au système, mais qui tente de s’y intégrer pour l’infléchir, avec l’espoir, à terme, de le dominer.

    Une telle entreprise est une gageure. Le système ne peut engendrer que le fruit de sa chair et de son âme. Et tout essai d’intégration implique obligatoirement la conversion à ses valeurs, ses principes, ses habitudes de penser et de sentir, et ses interdits. Autant dire, pour un parti antisystème, un reniement total.

    Avantages et limites de la stratégie philippotiste

    C’est la voie choisie par Marine Le Pen depuis son accès à la présidence du Front le 16 janvier 2011. La fille du père fondateur a entrepris un aggiornamento, reposant sur le dépassement du clivage droite/gauche et l’abandon de la question identitaire. Ainsi, guidée par Florian Philippot, le FN s’est opposé aux contraintes budgétaires européennes, a réclamé la sortie de la zone euro, a opté en faveur d’un protectionnisme favorable à la défense des entreprises françaises, et a dénoncé le néolibéralisme mondial, fauteur de délocalisations industrielles, de dumping social et de pénétration conquérante des capitaux étrangers dans notre pays. Corollairement, il a préconisé une politique étrangère indépendante à l’égard de l’Europe et des États-Unis.

    Il adoptait donc un programme typiquement jacobin de défense de la nation et du peuple français contre un monde hostile, à l’image de la France révolutionnaire en lutte contre l’Europe des monarchies. Ainsi, il s’inscrivait dans la vieille tradition républicaine et gaulliste, avec un adjuvant de populisme poujadiste. Un tel programme semblait de nature à unir une large base populaire. D’autant plus que Philippot affichait son attachement à certains des fondamentaux de la République (laïcité de l’État, libertés publiques), et éliminait de son discours les faits de société sur lesquels les positions traditionnelles du Front tenaient à distance de lui les électeurs déçus du système, certes, mais imprégnés des valeurs de la gauche : libération des mœurs, mariage homosexuel, avortement, immigration.

    Cette stratégie fut payante. Le Front fit une percée électorale parmi les ouvriers, les travailleurs précaires, les chômeurs, les petits entrepreneurs, commerçants et exploitants. Dans les régions industrielles sinistrées du nord et du nord-est, le ralliement des ouvriers valut au Front de beaux succès électoraux. Et, lors de la présidentielle de 2017, Nicolas Dupont-Aignan, le gaulliste, conclut une alliance avec Marine (avant de revenir en arrière, après la défaite).

    Mais cette stratégie avait aussi ses limites. Elle éloignait du FN sa clientèle habituelle : conservateurs et libéraux de la vieille école, catholiques peu ou prou traditionalistes, militants nationalistes à la fibre identitaire et régionaliste (et non jacobine), tous déconcertés par ce populisme et cet oubli des combats passés de la droite nationale pour la défense de l’identité française. Or, ces catégories étaient le substrat pérenne du Front, et représentaient un nombre d’électeurs supérieur à celui que l’orientation philippotiste permettait de prendre à la gauche. Ce fait a été attesté durant la dernière présidentielle : 20% des électeurs de Fillon se sont reportés sur Marine Le Pen, contre seulement 7% de ceux de Mélenchon. En cherchant à conquérir un électorat de gauche, afin de devenir un parti néo-gaulliste, le FN risquait d’apparaître comme un simple mouvement protestataire de type poujadiste. Et l’échec du mouvement Poujade, à la fin des années 1950, rend l’analogie particulièrement inquiétante. A fortiori quand on considère l’irréalisme du programme de gouvernement du FN proposé par Philippot, en matière économique : abandon de l’euro, protectionnisme, dirigisme colbertiste, maintien de la retraite au terme de 40 annuités, Sécurité Sociale intégrale, maintien du nombre de fonctionnaires. Un irréalisme dont tous les Français, y compris les électeurs lepénistes, sont conscients, et qui interdit au FN d’acquérir la majorité propre à lui permettre l’accès au pouvoir.

    Vers le ralliement à la droite républicaine

    Consciente de ce danger de marginalisation, Marine Le Pen s’est séparée de son trop hardi collaborateur et a opté pour une ligne plus réaliste. Cela implique, fort logiquement, l’abandon de ce que le programme de Philippot comportait de radical, tout en conservant la défense des intérêts nationaux contre les exigences européennes et en ne revenant pas sur les concessions à l’air du temps en matière de mœurs.

    L’évolution à venir est on ne peut plus prévisible. Pour notre part, nous l’avons décrite en un article passé : une évolution à l’italienne, analogue à celle qui, sous la direction de Gianfranco Fini, a abouti à faire du MSI un parti modéré, participant aux gouvernements, dirigé par des caciques régulièrement pourvus en maroquins et autres prébendes, converti au néolibéralisme et au fédéralisme européen, acquis à l’évolution des mœurs. Signe annonciateur de cette transformation : le soutien public apporté par Marine Le Pen au candidat LR à l’occasion de la présente législative partielle à Mayotte. Désormais, la présidente de ce qui est devenu le Rassemblement national ne renvoie plus dos à dos gauche et droite « républicaine », comme les deux faces d’un « système », jugé mortifère pour la nation ; elle marque sa préférence pour la seconde ; il s’agit là de l’amorce d’un rapprochement qui ne cessera de s’approfondir.

    Il n’est cependant pas évident que la route du Rassemblement national vers son intégration à la droite républicaine soit aussi aisée que celle du MSI, tant, en France, les idées et les tabous de la gauche règnent en maîtres absolus sur les esprits, les médias, l’intelligentsia et la classe politique.

    Le système voue la droite nationale à l’échec

    Ce qui est cependant certain, c’est qu’une telle évolution était courue d’avance. Notre système politique interdit tout triomphe de la droite nationale, il faut le comprendre une fois pour toutes. Il fonctionne comme un laminoir sidérurgique : tout ce qui passe par lui en sort à l’état de produit standard. Il était donc parfaitement logique qu’après avoir défendu contre vents et marées (et contre tout le monde) la nation française, sa civilisation, son identité et ses intérêts vitaux, après avoir bravé les tempêtes et l’opprobre publique, essuyé les pires injures, le Front national devint une composante du « système » qu’il dénonçait. Le changement de nom du parti confirme ce que nous avons déjà écrit en une autre occasion : Le Front national, c’est Fini ■

     Yves Morel

    Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de la Nouvelle Revue universelle 

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    Marion Maréchal-Le Pen au « Conservative Political Action Conference » aux USA, le 22 février 2018. Son nom rassemble toute une droite conservatrice qui cherche une expression politique.

  • Samedi 1er septembre, Martigues, Chemin de Paradis : mieux qu'un ”devoir de mémoire”, un ”bonheur de mémoire”...

    (Pour ceux qui ne connaissent pas la maison du Chemin de Paradis, voici un album de 125 photos, Une visite chez Charles Maurras) 

     

    maurras,martigues,chemin de paradis"Parlement, Mistral et Durance sont les trois fléaux de la Provence" : tous les Provençaux connaissent bien le dicton, et le redoutent, ce satané mistral, ce "vent furieux" contre lequel nul ne peut rien, et dont Maurras lui-même écrit (dans "Les collines battues du vent", dédié "A Jacques Bainville") : "... à voix basse, comme un Ancien, je prie le vent furieux d'épargner, ce soir, ma colline..."

    Ce vent furieux, ce mistral, qui est pourtant, toujours pour Maurras, "la sixième beauté de Martigues..." s'était malheureusement invité depuis la veille, du Rhône jusqu'au Var. Il n'aura, malgré tout, pas gâché la fête, même si on ne l'avait pas invité, et qu'on s'en serait bien passé...

    Voici donc, avant la vidéo et nos commentaires sur l'hommage à Maurras, et les réactions qu'il a suscitées, un rapide mais fidèle compte-rendu de la journée, soigneusement imaginée dans ses moindres détails depuis longtemps déjà : c'est pour cela qu'elle a été si réussie.

            (Illustration : Le "Coup de Mistral", santon créé en 1952 par Paul Fouque).

    Dès le début, il avait été prévu que la journée se déroulerait en deux lieux, et en cinq parties : la première partie à Roquevaire, sur la tombe familiale des Maurras; les quatre autres à Martigues.

    maurras,martigues,chemin de paradis1. A Roquevaire : Tandis que Nicole Maurras était déjà à Martigues, pour accueillir les participants, Dominique Paoli réunissait autour d'elle, dès 9 heures, celles et ceux qui avaient souhaité, et pu, se rendre à Roquevaire, devant le caveau de la famille Maurras.

    Elle était entourée, entre autres (on comprendra que nous ne pourrons citer tout le monde, et on nous en excusera...) d'Hilaire de Crémiers, directeur de Politique magazine et Délégué général de la Restauration nationale, accompagné de son épouse; d'Yves-Henri Allard, de Joël Broquet...

    Il n'y a pas si longtemps, Pierre Navarranne, lors de son passage de témoin à Philippe Lallement, à Toulon, rappelait combien de fois nous nous étions retrouvés, en ce lieu symbolique, n'omettant jamais de réciter le Je vous salue Marie, dont Maurras avait écrit la transcription en provençal :

    Te saludo Mario, plèno de gràci,

    Lou Sègne Mestre es emé tu.

    Benesido siés entre touti li fèmo,

    E benesi lou fru dou ventre tiéu, Jésus.

    Santo Mario,

    Maïre de Diéu,

    Prègo per nàutri, li pecadou,

    Aro, e  dins l'ouro de la mor nostro.

    Ansin siègue.

     

     

    maurras,martigues,chemin de paradis2. A Martigues (I), la Messe : La Messe était prévue à 11h15. Pour honorer sa promesse d'être à Martigues ce 1er septembre, d'y célébrer et d'y prononcer l'homélie - ce qu'il fit - l'Abbé Guillaume de Tanouärn, en Pologne la veille, dut prendre trois avions ! Pas plus que l'homme n'est maître du mistral, il n'est maître des contraintes horaires et des retards...

     

    On attendit donc le célébrant, occasion de se retrouver entre vieux amis et d'accueillir de nouveaux venus, de nouveaux visages : on venait de Paris (Georges Rousseau et son épouse...), de Nice (Gérard de Gubernatis...), de Perpignan, du Languedoc (Henri Bec et son épouse, Pierre Daudé...), d'Aix, de Ventabren, de Marseille... et bien sûr, de Martigues : avec la présence des Anciens (des "Avi", comme les chantait Mistral), on côtoyait ceux qui avaient connu Maurras, pour qui il n'était que "Charles", tout simplement; et ces anciens retrouvaient trois frères, les petits-fils de leur ami et parent Émile, qui fut l'un des neuf fondateurs de la section d'Action française de Martigues : Tradition, transmission...

     

    Enfin l'abbé de Tanouärn  arriva, célébra et prononça son homélie : il y évoqua, entre autres, la grande et belle figure de l'abbé Penon - qui devait devenir évêque - et qui tendit la main au tout jeune Charles, atteint d'une très sévère déficience auditive (voir le bel ouvrage d'Axel Tisserand : Dieu et le roi : Correspondance entre Charles Maurras et l'abbé Penon (1883-1928) - Privat).

     

     

    maurras,martigues,chemin de paradis2. A Martigues (II), le repas de "midi" : "De midi", mais presque à l'heure espagnole !

     

    Heureusement, Martigues n'est pas si grande, et le restaurant est à un jet de pierre de "la cathédrale" (c'est ainsi que les martégaux appellent, volontiers, l'église de l'Île, ou de la Madeleine) : une trentaine de mètres, tout au plus, sur ce magnifique "miroir aux oiseaux", quai Brescon, qui est le quai natal de Charles Maurras. Celui-ci est né dans une maison très étroite, située exactement à l'autre extrémité (ouest) de ce quai, dont vous voyez ici l'extrémité est, et qui s'étire en forme de parenthèse, regardant vers le sud...

     

    La centaine de convives ne put ni manger en terrasse, évidemment (sauf quelques amis arrivés un peu après, comme Danièle et Michel Masson...), ni même prolonger ce bon moment, vu le retard pris par la Messe; il n'empêche : répartis en une douzaine de tables, par groupes de six à douze, dans ce restaurant à plusieurs niveaux à l'intérieur, le temps du déjeuner fut fort chaleureux, et Nicole Maurras, passant de table en table pour s'assurer que tout allait bien, voyait qu'effectivement, "tout allait bien"... 

     

     

    maurras,martigues,chemin de paradis2. A Martigues (III), dans le jardin du Chemin de Paradis : Heureusement, la partie du jardin où était prévue l'évocation forme un espace relativement protégé : la sono a pu ainsi "tenir", malgré le "vent furieux", et les paroles être entendues, et enregistrées.

    C'est un Jacques Trémolet de Villers lyrique et chaleureux qui prit la parole en premier : venu en voisin de sa chère Corse, il enchanta l'auditoire en présentant avant tout et surtout, et d'abord, Maurras poète, car Maurras était poète, et il était poète parce qu'il aimait, comme le dit également Thibon dans l'extrait magistral que donne de lui le récent Cahier de l'Herne...

    On ne s'étendra pas ici sur les interventions, puisque vous les écouterez dans la vidéo qui vient; et vous pourrez même lire la deuxième d'entre elles, celle de Jean-François Mattéi : lui qui, d'habitude, improvise, s'en est tenu, cette fois-ci, à ses notes; et, comme il nous l'avait promis samedi, il vient de nous envoyer le scripte de sa magistrale réflexion, dans la quelle il rebondissait sur les propos de Jacques Trémolet de Villers et se livrait également à une fine analyse des neuf contes du livre de Maurras Le Chemin de paradis.

    A la suite de Jean-François Mattéi, Jean-Baptiste Donnier se montra, une fois de plus, clair et rigoureux, comme il nous y a habitués à chacun des Cafés politiques où il est intervenu.

    Enfin, il appartenait à Hilaire de Crémiers de conclure, en revenant lui aussi sur ces neuf contes du Chemin de Paradis, dont on sait qu'il en propose une analyse très fine et très érudite (analyse que nous relayons dans l'une de nos Pages).

     

     

    maurras,martigues,chemin de paradis2. A Martigues (IV), à la Villa Khariessa : où règne le souvenir de Maurice Pommé, fervent admirateur et disciple fidèle de Maurras.

    Les meilleures choses ont une fin. En l'occurrence, le mot "hélas" est - hélas - le seul qui convienne ! Il a bien fallu finir par se résoudre à quitter ce jardin presqu'enchanté, ces intervenants enchanteurs.

    La dernière séquence avait été programmée Villa Khariessa, et permit à tous de se retrouver une dernière fois - pour cette fois... - de partager encore quelques instants d'amitié, de sympathie, de bonheur simple, dû à la réussite de cette journée que l'on venait de vivre. 

    On était tout au bord de l'Etang de Berre, à un jet de pierre de ces "deux frères" qu'évoque Maurras dans son magnifique poème Où suis-je ? : "..de la conque de Fos aux Frères de La Mède / Laissez-moi chanter : Je suis vous !"

     

    C'est d'ailleurs "en poésie", et par ce poème, Où suis-je ?, puisque l'on a tant parlé de Maurras poète, que nous finirons notre récit de cette magnifique journée. On mesurera encore mieux la beauté de ce poème lorsqu'on y verra la force d'âme de l'homme : Maurras écrit ce poème en 1945, après avoir été injustement condamné; il sait qu'il ne reverra plus jamais "son" Martigues, sa maison, son jardin... Mais il écrit : 

    Ce petit coin me rit de toutes de les lumières
    De son magnifique soleil ;
    Ô mon Île natale, ô jardin de Ferrières,
    Qui fleurira sur mon sommeil,

    C’est peu de vous crier que mon cœur vous possède,
    Mon Martigues plus beau que tout,
    De la conque de Fos aux Frères de la Mède,
    Laissez-moi chanter : Je suis Vous !

    Mes cinq arpents de fruits, de fleurs, d’herbes arides,
    De pins dorés, de cyprès noirs,
    Et ma vieille maison que nul âge ne ride,
    Est-il besoin de vous revoir ?

    Que l’agave, métèque aux écorces barbares,
    Dise à sa fleur qui le tuera
    D’arborer notre deuil tant qu’une grille avare
    De ses barreaux nous couvrira !

    Mais vous, mes oliviers, vous, mon myrte fidèle,
    Vous, mes roses, n’en faites rien ;
    Je n’ai jamais quitté nos terres maternelles,
    Frères, Sœurs, vous le savez bien !

    Vous vous le murmurez au secret de vos branches,
    Nous sommes nés

  • Face à l'islamisme. Partie 1 : Liberté d'expression, et liberté de discussion, par Jean-Philippe Chauvin.

    Depuis quelques jours, nombre de personnes, connues ou inconnues, me présentent des vœux de courage et des marques de solidarité, me prouvant, au-delà de ma simple personne, que les professeurs gardent une certaine popularité et une estime certaine au sein de la population, et cela malgré les procès d’intention qui peuvent leur être faits et les comportements de plus en plus consuméristes et individualistes au sein de notre société.

    jean philippe chauvin.jpgCes quelques gestes et ces paroles sympathiques sont-elles suffisantes pour nous protéger des prochains assassinats islamistes ? Il faudrait l’espérer mais, malheureusement, les fanatiques qui frappent n’ont que faire des sympathies et des qualités, aveuglés par ce qu’ils croient être une « mission » motivée par les atteintes à leurs conceptions du monde et du sacré.

    Qu’on le regrette ou non, nous savons qu’il y aura d’autres massacres, d’autres victimes, d’autres meurtriers : rien de réjouissant, certes, mais cela ne doit pas empêcher de réfléchir et d’agir, l’un ne devant pas se faire sans l’autre au risque de tomber dans un activisme stérile ou dans un intellectualisme impuissant. Bien sûr, « il est bien tard », mais il n’est jamais trop tard, dit-on, même si l’histoire est parfois bien cruelle à l’égard de cet adage. Et je ne suis pas certain que toutes les déplorations qui suivent le cercueil du professeur Samuel Paty soient toujours de bon aloi quand elles s’accompagnent de grands mots et de beaux discours déjà mille fois dits et redits depuis 2012, quand un premier professeur est tombé sous les balles de la Bête, et que trois jeunes élèves ont été froidement exécutés, sous les yeux de leurs parents respectifs, par la même froide détermination homicide que celle animant l’islamiste d’origine tchétchène de l’autre vendredi. D’ailleurs, qui se souvient de Jonathan Sandler, professeur de religion, de ses deux fils de 3 et 6 ans (Gavriel et Arié) et de la petite Myriam âgée de 8 ans, tous assassinés devant et dans la cour de l’école juive Ozar Hatora de Toulouse ? Bien sûr, nous objectera-t-on, ce n’est pas « l’école de la République » qui était alors visée, mais c’était bien une école, des élèves et leurs parents, voire leurs professeurs qui étaient ciblés ! Huit ans après, les larmes ont fait place à l’oubli, ou au déni, ce qui me semble plus grave encore.

    M. Samuel Paty est mort, dit-on, d’avoir montré quelques caricatures à ses élèves dans le cadre d’une séance d’éducation civique et morale, et cela donne l’occasion à certains de regretter que celles-ci soient encore montrées, ou simplement visibles : je les entends, mais je ne partage pas leur souhait. Les islamistes arguent de celles-ci pour expliquer la violence meurtrière. Mais, là encore, certains des contempteurs des dessins semblent oublier que le monstre de Toulouse, en 2012, n’avait même pas cette raison pour tuer de sang-froid des adultes comme des enfants, même pas des adolescents, mais presque des bébés ! Caricatures ou pas, les fanatiques frappent qui leur déplaît, de naissance, de parole ou d’actes. Que certains croient que les caricatures sont la raison de tout ce sang versé montrent une erreur de discernement de ceux-ci. Que l’on me comprenne bien : ayant revu les caricatures incriminées par le meurtrier de vendredi, je ne les trouve pas forcément toutes de bon goût, ni même (pour quelques unes d’entre elles) utiles à la réflexion. Mais elles existent, sans que je me sente obligé de les voir ou de les acclamer, et elles ne me semblent pas autoriser le meurtre de qui les montre ou de qui les dessine. A défaut de toutes les apprécier, je considère qu’il ne me revient pas de les dénoncer ou de les effacer : mais l’esprit critique peut s’appliquer à elles comme à toute production intellectuelle, et cela fait partie, dans une société apaisée (celle qu’il faut souhaiter et à laquelle il faut travailler), de la « disputatio », de cette liberté d’expression et de formulation que notre République contemporaine n’est pourtant pas la dernière à maltraiter, de plus en plus aidée (voire précédée en cela) par les plateformes numériques de communication et de loisirs. Et les mœurs anglo-saxonnes qui s’imposent sous le nom de « décolonialisme » ou de « culture de l’effacement » peuvent légitimement nous inquiéter dans sa logique d’interdits multiples pour des raisons raciales, communautaristes ou sociétales… Les cris d’orfraie contre Zemmour, Dieudonné, ou Agacinski (entre autres), ou les attaques contre Colbert, Bigeard (à Dreux la semaine dernière), ou Napoléon (que, personnellement, je n’aime guère, en bon héritier des chouans de Bretagne que je revendique d’être), m’agacent toutes à divers degrés. Cela ne signifie pas que je ne combats pas certains de ceux que j’évoque ici, mais que, quoiqu’ils puissent dire ou faire (ou avoir commis), je souhaite qu’ils puissent, pour les vivants, s’exprimer librement et, pour les défunts, être étudiés et, éventuellement, honorés au regard des contextes historiques et non d’idéologies du moment, destinées elles-mêmes, un jour, à être remises en cause, voire totalement invalidées.

    Mais les dernières années ont marqué un net recul de la liberté d’expression et la montée d’une autocensure qui touche tous les secteurs, toutes les administrations, toutes les sphères de l’éducation et de la formation intellectuelle. La peur… En fait, notre histoire nationale nous explique que, justement, la période de la Première République fut aussi, en quelques mois sombres, celle de la Terreur (avec un T majuscule) et qu’elle a donné le qualificatif de « terroristes » à ceux qui l’avaient dirigée autant que prônée : Robespierre et Saint-Just la justifièrent comme le moyen d’en finir avec les résistances « du passé » dont, d’ailleurs, il fallait faire « table rase »… Que de têtes alors tranchées, légalement, sous le fer de la Louison, surnom charmant donné à la guillotine, quand d’autres terminaient au bout des piques sans-culottes, et cela avait commencé dès le 14 juillet 1789 avec celles du gouverneur de la Bastille et de quelques uns de ses défenseurs. Mais, en 1793, ce n’est plus l’émeute qui tranche les têtes, c’est la République qui les jette en défi à l’Europe entière (comme celle de la reine Marie-Antoinette, un certain… 16 octobre, macabre coïncidence dans laquelle Léon Daudet aurait sans doute vu un sinistre « intersigne ») et qui terrifie la population française pour imposer son règne et sa « régénération » républicaine qui se veut, aussi, anthropique. C’est le même processus qui est à l’œuvre aujourd’hui à travers les actes sanguinaires commis, non pour convertir, mais pour décourager les résistances à l’idéologie des assassins. Et, malheureusement, cela marche, d’une certaine manière !

    Une des preuves de la réussite idéologique des islamistes est le renversement de perspective qu’il entraîne, comme le souligne l’essayiste Caroline Fourest dans le dernier numéro de l’hebdomadaire Marianne : « Un critique littéraire a osé tweeter, au lendemain de l’attentat, qu’il y aurait « des morts atroces » tant qu’on défendra le droit de blasphémer (…). On hésite entre vomir et pleurer. Ce sont les tueurs qui provoquent ces morts, pas l’usage de nos libertés. Faire passer les victimes pour les bourreaux, voilà ce qui encourage les bourreaux à recommencer. Rien n’est plus vital, plus urgent, que remettre la pensée à l’endroit. » Je n’aime pas ce que l’on nomme le blasphème, et j’accorde une grande importance au respect du sacré, tout en considérant que les crachats sur le visage du Christ, le Christ lui-même les a acceptés, non par masochisme mais parce qu’ils étaient une épreuve qu’il se devait, au regard de ce qu’il était et de sa mission, de supporter. Je comprends que tous les croyants, de quelque religion qu’ils soient, n’aient pas forcément la même patience mais je ne leur reconnais aucunement le droit de tuer au nom de Dieu, car, là, est à mon sens le vrai blasphème. Puisque « si Dieu donne la vie, qui es-tu, toi, pour la reprendre en Son nom ? » Bien sûr, je parle aussi en croyant, catholique pour mon cas, au-delà de ma fonction professorale elle-même. Et l’État, lui, se doit de parler, non pas au nom des croyants, mais au nom des sujets/acteurs du droit que sont les membres de la Cité, au sens grec du terme.

     L’islamisme se nourrit aussi de la difficulté de la Société de consommation à fonder « un idéal de l’être », celle-ci se contentant, en fait, d’être « le triomphe de l’avoir » sans beaucoup de conscience. Ce qui manque au matérialisme contemporain, l’islamisme semble le proposer ou l’offrir aux « âmes insatisfaites », même s’il s’agit d’un leurre qui se pare des aspects ou des atours du spirituel pour mieux capter ceux que, trop souvent, notre mode de vie fascine et révulse tout à la fois, celui-ci (malgré ses objets et son temps libre, mais marchand) ne parvenant pas à combler ce besoin de croire qui, qu’on le veuille ou non, est consubstantiel à l’être humain, « être politique tout autant que religieux » comme le pressentait André Malraux. L’islamisme ne sera pas vaincu par la Consommation, contrairement à ce que l’on pouvait, parfois, espérer, mais par ce supplément d’âme qui permet de nous émerveiller devant un simple coucher de soleil ou devant les pierres de notre passé, mémoire des ancêtres élevée vers le Ciel, mais aussi devant l’enfant qui naît, éternel renouvellement de la vie et de la civilisation…

     

    (à suivre)

    Source : https://jpchauvin.typepad.fr/

  • Pédophilie : prudentes leçons, par Aristide Renou.

    Illustration : Christine Ockrent et son fils Alexandre Kouchner. Hommage à la comédienne Marie-France Pisier lors d’une cérémonie en l’église Saint-Roch. Paris, 05/05/2011. © LE FLOCH/NIKO/SIPA

    Les cris d’effroi accompagnent rituellement les dénonciations médiatiques de mœurs corrompus. On peut douter que la puissance publique aille véritablement à la racine du mal.

    Nous avons eu, en moins d’un an, deux affaires d’abus sexuel sur mineurs extrêmement médiatiques, avec la parution des livres de Vanessa Springora et de Camille Kouchner.

    Ces deux affaires présentent de nombreux points de ressemblance et pourraient nous apprendre – ou nous rappeler – bien des choses intéressantes sur un sujet censé nous tenir très à cœur : la lutte contre la pédophilie.

    Mais allons-nous tirer les bonnes leçons de ces deux sordides histoires, emblématiques à plus d’un égard ? On peut en douter. Car certaines des conclusions évidentes qui découlent des récits de Vanessa Springora et Camille Kouchner (et de beaucoup d’autres, bien moins médiatiques) ne vont pas exactement dans le sens du politiquement correct.Commençons par énoncer les faits avant d’en tirer les conclusions qui s’imposent.

    Le caractère pathogène des familles décomposées

    La première évidence est que les abus sexuels sur mineurs prolongés, et non ponctuels – comme dans les deux cas qui nous occupent –, ne sont pas une histoire qui se réduit aux deux protagonistes principaux, l’adulte et l’enfant ou l’adolescent. Ce sont des histoires de famille. Pour le dire simplement et brutalement : ce genre de crime se produit beaucoup plus souvent dans des familles recomposées ou décomposées que dans des familles intactes. Les statistiques sont impitoyables. Je vous en donne juste deux, venue des États-Unis, parce que je les ai sous la main : d’une part le taux d’infanticide augmente de 6000 %, et les abus sexuels augmentent d’un facteur de huit dans les familles recomposées par rapport aux familles traditionnelles. D’autre part, les jeunes filles ont plus de deux fois plus de chance (ou de risque) d’être sexuellement actives et de tomber enceinte avant l’âge de seize ans lorsque leur père a quitté le foyer avant leur sixième année. Le premier cas correspond à l’histoire des jumeaux Kouchner. Le second cas correspond à l’histoire de Vanessa Springora (ses parents se sont séparés l’année de ses six ans).

    Le rôle des femmes

    La seconde évidence, étroitement liée à la première est que si, presque toujours, les prédateurs sexuels sont des hommes, les femmes de l’entourage des victimes ne sont pas nécessairement innocentes pour autant, et plus particulièrement les mères. Lorsque son fils s’est ouvert à elle des agissements de son beau-père, Evelyne Pisier a pris la défense d’Olivier Duhamel et, semble-t-il, l’a défendu jusqu’à sa mort. Camille Kouchner lui prête les propos suivants : « Il regrette, tu sais, il n’arrête pas de se torturer… il a réfléchi, tu devais avoir déjà plus de 15 ans. Et puis, il n’y a pas eu sodomie. Des fellations, c’est quand même très différent. » Et on peut bien sûr se demander si Evelyne Pisier ignorait vraiment tout avant que son fils lui en parle. Cela semble très difficile à croire, surtout si l’on ajoute foi à cette autre déclaration rapportée par sa fille : « J’ai vu que vous l’aimiez, mon mec. J’ai tout de suite su que vous essayeriez de me le voler. C’est moi la victime. »

    D’ailleurs Camille Kouchner n’a aucun doute : « Ma mère, ce n’est pas qu’elle n’a pas compris, elle a très bien compris. Ce n’est pas qu’elle a refusé, elle a tout à fait admis. C’est encore pire. Elle a minimisé. Elle s’est mise à le protéger lui, qui n’a même pas nié. » (Le Figaro).

    À propos de sa mère, Vanessa Springora écrit : « ma mère a donc fini par s’accommoder de la présence de G. dans nos vies. Nous donner son absolution est une folie. Je crois qu’elle le sait au fond d’elle-même. (…) Parfois elle l’invite à dîner dans notre petit appartement sous les combles. À table, tous les trois, autour d’un gigot haricot-verts, on dirait presque une gentille petite famille, papa-maman enfin réunis, avec moi, au milieu, radieuse, la sainte trinité, ensemble, à nouveau. » Mais, bien sûr, la mère de Vanessa Springora sait que le monsieur qu’elle invite à partager le gigot dominical couche avec sa fille mineure, comme il a couché avec beaucoup d’autres avant elle et couchera avec beaucoup d’autres après. Et elle sait, en effet, au fond d’elle-même, que cela n’est ni normal ni bien. « Tes grands-parents ne doivent jamais savoir, ma chérie. Ils ne pourraient pas comprendre. »

    Libération des déviances

    Troisièmement, aucune famille n’est une île. Les lois, les mœurs et les opinions dominantes de la société dans laquelle se situent les familles ont toujours une grande importance sur le comportement de leurs membres, y compris, bien sûr, sur leur comportement sexuel. Dans le cas des deux affaires qui nous occupent, il est clair comme de l’eau de roche que ces abus sexuels ont été grandement facilités par ce que l’on peut appeler l’idéologie de la libération sexuelle. Ce sont ces opinions dominantes, au moins dans le milieu social où opéraient Duhamel et Matzneff, qui les ont aidés à se persuader qu’ils ne faisaient rien de mal et surtout à persuader leurs victimes qu’il ne leur arrivait rien de mal. Ce sont également ces opinions acceptées qui ont contribué à ce que, pendant si longtemps, tant de gens aient pu comprendre ce qui se passait sans s’en offusquer. Bref, l’idéologie de la libération sexuelle a grandement contribué à la bonne conscience des prédateurs, à la confusion des victimes et au silence de l’entourage.

    « Est-ce mal » ? ce que fait leur beau-père, se demandaient les jumeaux Kouchner : « Ben non, puisque c’est lui. Il nous apprend, c’est tout. On n’est pas des coincés ! » Être « coincé », c’est considérer la sexualité comme une affaire morale, c’est affirmer qu’il existe en la matière des interdits et aussi des conduites plus ou moins honorables. Mais les désirs sexuels ne sont-ils pas essentiellement innocents et tous les plaisirs ne sont-ils pas également respectables ?

    « Dans les années 70 », explique Vanessa Springora, « au nom de la libération des mœurs et de la révolution sexuelle, on se doit de défendre la libre jouissance de tous les corps. Empêcher la sexualité juvénile relève donc de l’oppression sociale et cloisonner la sexualité entre individus de même classe d’âge» Or « dans le courant des années quatre-vingt, le milieu dans lequel je grandis est encore empreint de cette vision du monde. Pour sa mère, ajoute-t-elle, “il est interdit d’interdire” est sans doute resté pour elle un mantra. »

    Le bouclier d’une famille intacte

    Tirons maintenant les conclusions qui s’imposent de ces faits. Tout d’abord, la meilleure protection contre les abus sexuels de ce genre, c’est une famille intacte, raisonnablement aimante et qui professe des opinions « conservatrices » en matière de sexualité, c’est-à-dire des parents qui apprennent à leurs enfants que, certes, la sexualité peut être une chose merveilleuse mais seulement si elle est vécue dans un cadre approprié, en ayant pleinement conscience de ses implications morales et sociales. Bref, idéalement, au sein du mariage, ou à défaut dans une relation qui s’en rapproche autant que possible.

    Ensuite, les abus sexuels sur mineurs, ce n’est pas le grand méchant patriarcat ou la prétendue « culture du viol » si chers à nos féministes, c’est, plus banalement, la nature humaine dans toutes ses imperfections, imperfections auxquelles les femmes participent pleinement. Et le remède à une enfance ou une adolescence abimée par des agissements de cette nature, ce n’est pas de fuir loin des hommes et de la famille. Bien au contraire. Nombreuses sont celles à témoigner que c’est l’amour, et la maternité, qui les a sauvées des abus subis durant l’enfance.

    Camille Kouchner : « Mes enfants m’ont donné le droit d’exister, ce qui est déjà beaucoup. Mais pour moi la réparation vient avant tout de l’intérieur. Le père de mes enfants m’a sauvé la vie […] »

    Vanessa Springora : « Après tant d’échecs sentimentaux, tant de difficultés à accueillir l’amour sans réticences, l’homme qui m’accompagne dans la vie a su réparer beaucoup des blessures que je porte. Nous avons maintenant un fils qui rentre dans l’adolescence. Un fils qui m’aide à grandir. »

    Ajoutons aussi le témoignage de la réalisatrice Andréa Bescons, qui a écrit et réalisé Les Chatouilles, violée dès l’âge de neuf ans par un ami très proche de ses parents : « De 26 à 28 ans, j’ai enchaîné les comportements à risque, les drogues, l’alcool… Si je ne rencontre pas mon compagnon Éric Métayer à 28 ans, je me jette sous un métro […] Dans les yeux d’Éric, j’ai trouvé quelqu’un qui enfin ne jugeait pas mes failles. »

    Libération ou poison ?

    Enfin, l’idéologie de la libération sexuelle est un poison, aussi bien pour les individus que pour le corps social. Un poison qui a abimé ou même détruit d’innombrables existences et qui a puissamment contribué à faire de la France ce corps politique débile qu’elle est devenue.

    Je pourrais amplifier et ramifier ces considérations mais je m’arrêterais là, puisqu’aussi bien il suffit d’énoncer ce qui précède pour comprendre qu’aucune action sérieuse n’est à attendre pour diminuer ce qui est pourtant présenté comme un « fléau ».

    En lieu et place de quoi, puisqu’il est impossible de rester sans rien faire face à un « fléau », nous devrions avoir une augmentation des lynchages médiatiques, dont certains, c’est fatal, toucheront des innocents, et des attaques répétées – et peut-être finalement victorieuses – contre des dispositions juridiques essentielles pour garantir la sureté de tous, comme le principe de la prescription ou celui de la présomption d’innocence. Nul besoin d’être grand clerc pour le prévoir : c’est déjà ce qu’on peut observer à propos des « féminicides », et pour des raisons très semblables.

    Dieu étant par définition bon, je ne pense pas qu’il se gausse de nous voir chérir les causes des maux dont nous nous plaignons. Si la divinité est capable d’avoir des sentiments (ce qui, certes, peut se discuter), le plus approprié serait sans doute la pitié. Et peut-être, également, un peu de mépris.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Taguieff – L’illusion perdurante de la discrimination positive.

    Par Pierre-André Taguieff*, de l'Observatoire du Décolonialisme**

    Pour le spécialiste de l’antiracisme, les dispositifs de discrimination positive ont encouragé une dynamique multiculturelle dans la société.

    Fin janvier 2021, un certain Mehdi Thomas Allal a publié dans Marianne un article se voulant audacieux, intitulé « Pour réduire les inégalités, osons la discrimination positive ».

    La trajectoire professionnelle de ce militant de gauche, qui se présente comme un spécialiste des « politiques de lutte contre les discriminations », est emblématique : maître de conférences à Sciences Po Paris, où il enseigne depuis 2005 sa spécialité, coanimateur du pôle anti-discriminatoire de la fondation Terra Nova depuis juin 2009, conseiller pédagogique à la « diversité » auprès du directeur de l'ENA (2011), chef de cabinet de l'adjointe au maire de Paris en charge de l'égalité femmes-hommes (2012-2014), membre du club socialiste La Gauche forte (créé en janvier 2013) et responsable du pôle « Vivre ensemble » du think tank Le Jour d'après (créé en septembre 2016). J'espère qu'il me pardonnera de le traiter comme un individu représentatif, en tant qu'intellectuel de gauche ayant fait de son engagement antiraciste en faveur des politiques « diversitaires » et anti-discriminatoires une spécialité professionnelle.

    Dans son article, Mehdi Thomas Allal récite avec conviction la prière néo-antiraciste standard, fondée sur l'éloge de la « diversité », terme désignant désormais le Bien en soi qu'il faut cependant toujours « améliorer », et de la discrimination positive, baguette magique censée rendre possible le « vivre ensemble ». Son postulat, emprunté au discours antiraciste construit par les généticiens des populations depuis les années 1960 (différence ou diversité = richesse ), est le suivant : « Les différentes identités qui composent notre pays ont toujours constitué une source de richesse. » Nous sommes dans l'élément de la pensée-slogan diversitaire. Il s'ensuit que la nation française ne se définit pas comme une communauté de citoyens, mais comme un ensemble d'identités communautaires qui doivent trouver la meilleure manière de coexister, c'est-à-dire de construire le « vivre ensemble ». C'est là le modèle d'une société multiculturelle ou plus exactement multicommunautariste, s'inscrivant dans l'imaginaire utopiste du post-national.

    Critique de la race

    La thèse principale de cet expert autoproclamé s'énonce comme suit : « Les sciences sociales nous enseignent que cette diversité est un atout et constituerait même un gage de performance. » Ce serait donc là le plus précieux enseignement transdisciplinaire des sciences sociales, de toutes les sciences sociales, nous assure le diplômé de Sciences Po. À le suivre, l'action politique doit traduire les leçons théoriques provenant des lumières de la science, dont il se fait le porte-parole. La redéfinition conceptuelle de la « race » que propose ce penseur omniscient s'inspire du discours décolonial et de la « théorie critique de la race » : « Plutôt que d'effacer le terme de “race” de la Constitution, mieux vaut en faire un outil de différenciation positif, à la fois pour la société et les individus qui la composent. » Il s'agit donc de faire de la « race », cette nouvelle clé de l'analyse sociologique, de la critique sociale et de l'action politique, « un authentique instrument de réussite sociale ».

    Échecs

    L'outil juridico-politique préconisé est la discrimination positive, « en tant que moyen de promotion sociale et parcours d'insertion ». Alors que le phénomène est bien documenté, les échecs répétés et les nombreux effets pervers des politiques de discrimination positive dans le monde depuis les années 1960 ne sont pas pris en considération par l'activiste du « vivre ensemble ». Dans la France de 2021, l'affirmative action est présentée comme le remède miracle pour lutter contre les inégalités et/ou les discriminations. Naïveté, ignorance ou mauvaise foi ? Par charité, je n'évoquerai que furtivement une quatrième hypothèse : ses propos illustrent une forme particulière de sottise, disons une sottise idéologisée, au service d'une cause. Mais d'une cause si politiquement correcte qu'elle ne peut qu'ouvrir des portes. Une cause socialement avantageuse.

     

    C’est ainsi, au nom de la compassion « progressiste » et de la sainte « diversité », qu’on démolit la méritocratie républicaine et qu’on s’assure que le niveau baisse, ouvrant la voie aux imposteurs décolonialistes et pseudo-antiracistes

     

    C'est la sottise pour ainsi dire fonctionnelle qu'on rencontre dans tous les milieux militants, voués à réciter leurs bréviaires respectifs en donnant dans le psittacisme. Ce professionnel du « vivre-ensemblisme » est cependant entré à Sciences Po avant la mise en œuvre des mesures feutrées de discrimination positive prises en 2001 à l'initiative de Richard Descoings, dit « Richie », incarnation d'Homo festivus et artisan de l'américanisation dévastatrice de Sciences Po entre 1996 et 2002, symbolisée notamment par la suppression démagogique de l'épreuve de culture générale pour ne pas avantager les candidats favorisés socialement et ne pas désavantager ceux qui sont issus de « minorités ».

    Diversité

    Aujourd'hui, l'héritage de Richard Descoings est toujours vivant, comme en témoigne la décision, annoncée le 25 juin 2020 par la direction de Sciences Po, de supprimer les épreuves écrites au concours d'entrée dans l'établissement, pour aller plus loin dans l'ouverture à la « diversité sociale ». On sait que la fameuse dissertation d'histoire était jugée discriminatoire depuis longtemps par les candidats malheureux. D'une façon plus générale, les épreuves écrites seraient un « frein à la diversité ». L'idéal poursuivi est donc un concours non discriminatoire, chimère s'il en est. En attendant que l'utopie se réalise, les épreuves se réduisent à l'examen d'un dossier et à un entretien. L'argument d'autorité avancé est parfaitement dans la ligne : aucune grande université anglo-saxonne n'organiserait d'examens écrits à l'entrée. Comment ne pas suivre l'exemple anglo-saxon ?

    C'est ainsi, au nom de la compassion « progressiste » et de la sainte « diversité », qu'on démolit la méritocratie républicaine et qu'on s'assure que le niveau baisse, ouvrant la voie aux imposteurs décolonialistes et pseudo-antiracistes qui s'installent depuis le milieu des années 2000 dans le champ universitaire français, sous les applaudissements des belles âmes engagées de l'Union européenne et en particulier du Conseil européen de la recherche, ralliées au multiculturalisme et idolâtrant les « minorités » supposées stigmatisées, opprimées et discriminées.

    Charlatanisme

    Ce que la juriste Anne-Marie Le Pourhiet appelle le « charlatanisme rémunéré » a de l'avenir. La rhétorique décoloniale et néo-antiraciste charrie des énoncés tels que « les sciences sociales enseignent que… », qu'on peut considérer comme des indices de la banalisation d'un nouveau scientisme, propre aux « sciences molles » politisées. Cette rhétorique figée se caractérise par une alliance entre la naïveté, le dogmatisme et l'esprit de sérieux dans un discours prétendant relever de la science. Disons les choses simplement, au risque de scandaliser ou de décevoir les experts sûrs de leur savoir : les sciences sociales telles qu'elles se font, et ce, jusqu'à nouvel ordre, enseignent tout et son contraire, de telle sorte que leurs résultats sont tous contestables et discutables. Chaque école, incarnée par un maître et son cercle de disciples, a sa méthodologie, sa batterie conceptuelle, son corps d'hypothèses, ses résultats provisoires. Dans le meilleur des cas, les représentants de ces diverses écoles acceptent de s'engager dans des controverses savantes et arrivent parfois à se mettre d'accord sur les raisons de leurs désaccords. Mais ils ne sauraient parvenir à un consensus portant sur les résultats de leurs travaux respectifs. Seuls les dogmatiques et les sectaires prétendent parler au nom des « sciences sociales » en général et osent présenter leurs convictions idéologiques comme les résultats de « la recherche en sciences sociales ».

    Naguère, le marxisme ou plus précisément le matérialisme historique, fondé sur la critique « scientifique » du capitalisme, était célébré comme « la science de l'histoire ». Aujourd'hui, le décolonialisme, fondé sur la critique du racisme et plus précisément du « racisme systémique », est pris pour une approche scientifique des sociétés contemporaines. Après les illusions militantes de la « sociologie critique », qui prétendait débusquer « scientifiquement » toutes les formes de « domination », surgissent les hallucinations pseudoscientifiques de la « théorie critique de la race » et du décolonialisme, qui incitent à des chasses aux sorcières contre d'imaginaires « racistes » et banalisent les pratiques de délation et de censure mises en œuvre par les adeptes néogauchistes de la « cancel culture ». L'histoire des fausses sciences alimentées par le ressentiment, l'esprit du soupçon et le goût de la dénonciation est loin d'être terminée. Surtout si ces fausses sciences assurent à ceux qui s'en réclament une confortable bonne conscience, un accès facile à des postes universitaires et la possibilité d'obtenir des financements pour de fumeux projets de recherche.

     

    *Pierre-André Taguieff est philosophe, politiste et historien des idées, directeur de recherche au CNRS. Dernier ouvrage paru : L'Imposture décoloniale. Science imaginaire et pseudo-antiracisme (Éditions de l'Observatoire).

     

    **Cet article est issu des travaux de l'Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires, un collectif d'universitaires qui se sont donné pour mission d'analyser les thèses dites « décoloniales » et intersectionnelles. Ces discours, qui s'ancrent dans des courants militants, favorisent les lectures essentialisantes et racialistes des rapports sociaux. Ces idéologies pénètrent peu à peu le monde universitaire, entravant divers travaux et controverses académiques​. Le Point entend libérer et partager cette parole ici avec ses lecteurs​.