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Rechercher : qu'est-ce que le Système

  • LE MOUVEMENT DES GILETS JAUNES ATTESTE DE LA FAILLITE DE LA RÉPUBLIQUE

    Marlène et Cyril, vivantes allégories de « La Politique se réconciliant avec le Peuple ».  

    Par Yves Morel

    Politique. Le mouvement des Gilets jaunes signe-t-il la fin prochaine de la République ? La question est moins incongrue qu’il n’y paraît. Ce qu’a révélé de façon éclatante ce mouvement, c’est le total discrédit de la démocratie républicaine, et l’inanité de ses principes.

    La démocratie républicaine fonctionne grâce à trois éléments constitutifs : les partis politiques, les organisations professionnelles (de salariés et d’employeurs) et les associations à finalité civique ou autre (cultuelle, culturelle, environnementale, sportive, etc.). Or, le mouvement des Gilets jaunes montre que les partis politiques et les organisations syndicales ont perdu tout crédit au sein de la population, que les manifestants fluorescents représentent assez bien (on ne saurait le nier, eu égard à ce qu’ils sont et au soutien populaire massif auquel ils ont eu droit – aujourd’hui en baisse, mais toujours majoritaire), et ne parviennent pas à sortir des limbes en lesquels ils sont tombés. Or, ils sont absolument essentiels – voire consubstantiels – à notre démocratie.

    Les partis et les hommes politiques sont le moteur de la démocratie

    Et les partis le sont plus encore que les autres. Les partis politiques, et les hommes politiques. Il convient de rappeler ici que les uns et les autres sont des inventions et des pièces maîtresses de la démocratie contemporaine, la démocratie anglaise, issue de la monarchie parlementaire à la fin du XVIIe siècle, la démocratie américaine, née au XVIIIe, et la démocratie républicaine et jacobine surgie de la France révolutionnaire entre 1789 et 1792.

    51rUZt68i1L.jpgAvant 1689 en Angleterre, avant 1789 en France, il n’existe ni parti politique, ni homme politique. Des hommes comme Thomas More [ci-contre], Thomas Cromwell, Buckingham, Strafford, Oliver Cromwell en Angleterre, Suger, Nogaret, Sully, Colbert, Louvois, Fleury, Maupeou, Necker, en France, furent des hommes d’État, souvent affectés à un domaine précis, mais ils ne furent pas des hommes politiques. Ces derniers se réclament d’une idéologie, d’une conception philosophique de l’homme, du monde et de l’histoire, et défendent un projet de société et un programme de gouvernement. Ils mettent en avant des idées et des convictions qui, la plupart du temps, ont une orientation humaniste, là où les grands ministres de la monarchie œuvraient selon les lois de la nécessité, au nom du Roi, institué en son royaume par la volonté de Dieu afin d’en assurer la sauvegarde et la prospérité, et d’y maintenir un ordre régi par une morale chrétienne supra-rationnelle soustraite à toute discussion et imprégnant toute la société. L’homme politique et le parti politique sont les produits d’une société laïcisée et libérale, où les individus ne sont plus intriqués exclusivement dans la sphère d’existence constituée par leur naissance et leur situation sociale (liée à celle-ci), et évoluent dans l’espace public selon leurs désirs, leurs ambitions, leurs centres d’intérêt (lesquels ne se limitent plus à ceux de leur classe d’origine), leurs intérêts particuliers et les aléas d’un ordre économique qui n’a pas la stabilité (ou la lenteur d’évolution) de celui d’autrefois. Les partis et les hommes politiques proposent aux hommes (et aux femmes) des projets de société et des programmes de gouvernement répondant (théoriquement et en gros) à leurs besoins et aspirations, à leur idéal, désormais indépendant de toute morale religieuse, et donc variable suivant les personnes et les classes (et autres groupes sociaux). En une société désormais dépourvue de fondements religieux et moraux indiscutés, et où, par conséquent, les individus, les classes, les groupes divers (économiques et autres) poursuivent leurs propres fins sans égard pour les autres ou la communauté, ils jouent le rôle de guides, d’auxiliaires et de garde-fous, d’intermédiaires entre les intérêts divergents, voire opposés, des uns et des autres ; et, de par la synthèse qu’ils opèrent, des revendications les plus disparates, ils garantissent, vaille que vaille, grâce au jeu du suffrage universel, un minimum de cohésion et de continuité sociales. Ils sont le moteur de la démocratie.

    Aujourd’hui oublié, Charles Millon définissait l’homme politique, durant les années 1990, comme un médiateur entre d’une part le citoyen de base et d’autre part le décideur (l’État), lui-même éclairé par le spécialiste et limité, dans son action, par les détenteurs de la puissance économique et les organisations syndicales. Et il déplorait que ce rôle eût pratiquement disparu.

    Les partis ont perdu tout pouvoir réel et toute légitimité

    000_14h4p1.jpgEh bien, si cela était déjà le cas il y a au bas mot vingt-cinq ans, cela n’a fait qu’empirer depuis. Plus exactement, on peut dire que la situation actuelle confirme le diagnostic de Charles Millon. Les Français d’aujourd’hui, plongés dans des conditions d’existence de plus en plus difficiles, sacrifiés à l’ordre économique néolibéral européen et mondialiste, se révoltent directement contre l’État macronien qui représente ce dernier dans leur pays, sans s’en remettre à des partis qui les ont trompés depuis quatre décennies, et qui, de toute manière, ne peuvent absolument pas les aider, dans la mesure même où ils ne pèsent d’aucun poids face aux puissances économiques et financières mues par une logique implacable, et qui se jouent des peuples, des intérêts nationaux et des gouvernements. À l’égard des Français de base comme vis-à-vis de ces puissances, les hommes (et femmes) politiques ont perdu tout pouvoir réel et toute légitimité, et nous assistons à la dilution pure et simple du politique. Il est à craindre que, désormais, notre vie politique se caractérise, non plus par un affrontement entre partis opposés ou entre employeurs et syndicats, mais par un affrontement direct entre l’État et les citoyens, et entre les patrons et les salariés. Cela signifie la fin de la démocratie républicaine. Sous nos yeux, sans que nous en soyons bien conscients, les piliers de la démocratie républicaine s’effondrent. Nos compatriotes n’éprouvent plus le moindre intérêt à l’égard des partis et des hommes politiques, qu’ils ne détestent même plus, tant ils les jugent impuissants et insignifiants. Souvenons-nous que le taux d’abstention atteignit 57% des électeurs inscrits lors de la dernière élection présidentielle. Autrement dit, M. Macron, porté au pouvoir par 66% des suffrages exprimés, n’est que l’élu des deux tiers des 43% d’électeurs inscrits qui ont daigné voter le jour du scrutin. Il n’est d’ailleurs que de constater l’état de déliquescence des partis. Également impuissants à infléchir le cours des choses, tous prisonniers de la logique infernale du nouvel ordre économique mondial, tous condamnés à poursuivre la même politique, contraire aux intérêts vitaux de nos compatriotes, tous pareils et interchangeables, ayant tous répudié leurs convictions propres pour se replier sur les « valeurs de la République », les « Droits de l’Homme » et l’attachement à une société libérale-libertaire frelatée, ils ne représentent plus rien. Il n’est que de considérer les noms insignifiants, insipides et passe-partout qu’ils se donnent : La République en marche, Les Républicains, Rassemblement national, Les Patriotes, Debout la France, La France insoumise. Nous assistons à la mort des idées, des convictions, des valeurs (sauf les « valeurs de la République », bien entendu), et à la mort du politique. Il est à craindre que les prochaines élections (les européennes, puis les autres) se traduisent par des scores phénoménaux d’abstention, ou des listes aussi nombreuses que disparates, qui émietteront l’électorat, ou par des listes anarchiques de Gilets jaunes (ou de Stylos rouges ou de Bonnets rouges). Bref, c’est la République elle-même qui vacille sur ses bases.

    Le système républicain est arrivé dans l’impasse où devaient le mener ses principes mêmes

    C’est le système républicain lui-même qui est implicitement récusé à travers le mouvement des Gilets jaunes (qui ne veut décidément pas s’arrêter) et l’exigence de l’instauration d’une procédure de référendum d’initiative citoyenne, qui est, de fait, la récusation du fonctionnement actuel de la démocratie. Cette exigence référendaire est présentée, par ses partisans, comme la régénération et l’approfondissement de la démocratie républicaine, mais elle n’en est pas moins, en réalité, son rejet, et elle ne pourra pas la sauver (à supposer qu’elle soit satisfaite).

    7795704609_des-gilets-jaunes-a-rochefort-le-24-novembre-2018.jpgEn réalité, elle force la république, d’origine révolutionnaire et d’essence collectiviste, à aller jusqu’au bout de sa logique, et à tenir effectivement ses promesses de démocratie absolue, de justice parfaite et d’égalité intégrale et effective (et non pas seulement théorique et juridique). C’est oublier qu’une telle démocratie idéale ne peut advenir et durer, que la république actuelle n’écorne ou ne viole (suivant les circonstances) ses principes que dans la mesure où elle ne peut pas faire autrement (sous peine de plonger le pays dans le plus grand marasme), et qu’un système politique en lequel un État ou un gouvernement ne pourrait prendre que des mesures approuvées par le suffrage universel se verrait incapable de tenir longtemps et d’œuvrer dans l’intérêt général de nos compatriotes. Il suffit d’ailleurs d’en imaginer le fonctionnement pour comprendre cela.

    En définitive, c’est bien la démocratie républicaine elle-même qui, à la faveur de cette contestation des Gilets jaunes, atteste de l’impasse en laquelle elle se trouve, et où ses propres principes et sa propre logique ne pouvaient que la mener.     

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    Les foulards rouges, forces vives de La République en Marche !, défilent triomphalement

    Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de la Nouvelle Revue universelle 
  • Un ancien ministre algérien prédit l’effondrement de l’Algérie en 2019 : de grands risques pour la France

    Ali Benouari, ancien ministre au Trésor (fondateur du parti Nida El Watan).

     

    Par Ziad Alami 

    C'est une analyse importante de la situation algérienne que nous mettons ici en ligne. Nous y adjoindrons un commentaire limité au nécessaire. Cet article publié hier 23.05 sur le journal marocain en ligne Le360 se nourrit des analyses d'un ancien ministre algérien en charge du Trésor qui redoute le pire pour son pays sous deux ans. L'ensemble est donc vu du Maghreb, notamment du Maroc qui a toute raison de s'inquiéter d'un éventuel chaos chez son grand voisin. Mais une telle situation ferait courir aussi de grands risques à la France. Lafautearousseau les a signalés de longue date et à plusieurs reprises. Autour de 1956, le chef du gouvernent de l'époque, le socialiste Guy Mollet, affirmait que l'Algérie était indissolublement liée à la France. Cette dernière y était alors souveraine, ce qui n'est plus. La situation s'est inversée mais, en un sens qui nous est devenu défavorable. La France, volens nolens, reste liée à l'Algérie, non seulement par le voisinage méditerranéen, mais aussi par la présence sur son sol de millions de résidents d'origine algérienne.  Et, parmi eux, un certain nombre constitutifs de lourdes menaces. Un chaos algérien signifierait une nouvelle vague migratoire massive,  sans compter les risques de transposition du chaos algérien en territoire français.  Pour la France l'enjeu est d'une importance majeure et ce serait à Emmanuel Macron, s'il en est capable, de faire face à la situation.  LFAR

    Une nouvelle sinistre prédiction de l’effondrement du régime algérien à l’horizon 2019, établie cette fois par l’ancien ministre au Trésor, Ali Benouari. Il explique comment le président Bouteflika a réuni tous les ingrédients d’un chaos total en Algérie.

    « Attention à ce qui se passe en Algérie ! Ce grand pays, le plus grand d’Afrique et du monde arabe, est menacé d’effondrement, dans l’indifférence générale ». L’alerte n’émane pas cette fois d’une quelconque « partie ennemie », elle n’est donc pas l’oeuvre d’un « complot extérieur », comme le régime de Bouteflika a tendance à le claironner à chaque mise en garde internationale contre le scénario de chute de ce régime rentier, grabataire et en rupture de ban. Non, l’avertissement provient de l’intérieur de l’Algérie, précisément de l’ancien ministre algérien au Trésor, Ali Benouari. Dans une tribune libre publiée sur le site algérien CNP News (Clair, Net et Précis), il détaille les uns après les autres les syndromes d’une faillite inévitable. « Cela ne se voit pas encore, mais tel un meuble mité, il (le pays) est rongé de l’intérieur », diagnostique-t-il, mettant le doigt à la plaie. L’Algérie est « mitée par une gestion désastreuse qui n’a jamais fait l’objet de la moindre autocritique, en cinq décennies de gestion populiste, nourries par la rente pétrolière », assène-t-il.

    A défaut de travail d’auto remise en question, il va donc incomber à d’autres de le faire à la place du régime. Ali Benouari, ancien argentier sous le gouvernement Ahmed Ghozali (91-92), en fait partie. Dans sa tribune libre, il va droit au but et pointe l’index vers  le régime et précisément « l’artisan en chef du Système politique algérien à l’Indépendance », en l’occurence Abdelaziz Bouteflika, qui « a fini par l’incarner totalement à partir de 1991 ». « Son triomphe total aura été paradoxalement l’accélérateur de la débâcle d’un système qui a réussi à diviser les Algériens, détruit le rêve d’une union des peuples nord-africains et compromis la stabilité et l’avenir de la région », pointe Ali Benouari. Elevant la servilité au rang de critère absolu pour accéder aux hautes fonctions, au détriment de la méritocratie, « l’actuel pouvoir a poussé à l’exil des centaines de milliers de cadres et perdu une occasion unique de rattraper les retards accumulés dans tous les domaines », relève M. Benouari, lui-même amené à chercher une autre nationalité, en l’occurence la nationalité suisse, à défaut d’opportunités dans le cadre d’un régime incroyablement méprisant envers les compétences nationales algériennes. « Le refus obstiné (du régime) de voir l’Algérie telle qu’elle est, dans un monde qui a profondément évolué, l’a conduit à refuser d’introduire la moindre réforme à un système de gouvernance aussi inefficace que dangereux », relève-t-il encore. Avant de larguer cette bombe à fragmentation : « Il est quasiment certain qu’en 2019, au terme de son quatrième mandat, le pays sera passé à côté de quelque chose de géant : une manne de près de 1000 milliards de dollars engrangés en 20 ans, fruits de ressources non renouvelables. Qui aurait suffi à financer les besoins en développement de tout le continent africain » !

    Vous avez bien lu : une manne de 1000 milliards qui aurait suffi à financer les besoins en développement de tout le continent africain !

    Circulez, rentrez, il n’y rien à voir. Cette manne « céleste » aura plutôt servi à " créer les conditions d’un chaos indescriptible, au lieu de servir à remettre (rien que) le pays sur les rails grâce à des réformes hardies que personne n’aurait pu contester » !, indique l’ancien Trésorier de l’Algérie, la mort dans l’âme. Pire encore, « les énormes besoins sociaux, dopés par la rente pétrolière et une démographie galopante (un accroissement de plus de 20 millions d’habitants au cours de la période 1999-2019) ne pourront plus être couverts par suite de la dissipation de la rente pétrolière », observe-t-il. Et d’enfoncer encore ce clou : « Le pays ne produit presque rien. Il survit grâce aux importations » ! Rien donc hors des hydrocarbures (98% des exportations), alors que le reste, soit les 2% restants, sont aussi un don de la Nature, en l’occurrence les minerais dont regorge l’Algérie !

    Ce qui risque de se passer à l’horizon de 2019

    L’ancien Trésorier de l’Algérie étaie ses prévisions par des arguments chiffrés. « Le déficit de la balance des paiements atteindra des sommets en 2019, de même que le chômage et l’inflation. Son ampleur exposera le pays à une crise de la dette analogue sinon plus grave que celle qui a résulté de la crise pétrolière de 1986-1987. Il tourne à 30 à 35 Milliards de dollars par an depuis trois ans », chiffre-t-il. « Le déficit budgétaire dépasse déjà 15% du PIB et restera au moins aussi important qu’aujourd’hui. Il ne peut plus être couvert par les recettes fiscales accumulées au titre du Fonds de régulation de recettes, qui sont déjà épuisées », prévient-il. Une prévision qui, qu’à Dieu ne plaise, entraînera des conséquences désastreuses. « Ce déficit empêchera, s’il n’était résorbé d’une manière ou d’une autre, de payer les fonctionnaires, d’assurer les services publics et maintenir les subventions aux catégories sociales les plus vulnérables ». «En 2019, ces déficits ramèneront les avoirs extérieurs du pays à zéro. Ce scénario n’a rien d’exagéré, le pays l’ayant déjà vécu ».

    Il en ressort qu’à l’issue du quatrième mandat du président Bouteflika, l’Etat algérien, ou ce qu’il en reste, n’aura même pas de quoi payer les salaires de ses fonctionnaires, à plus forte raison « acheter la paix sociale » via la subvention tout azimut des besoins de la majorité des citoyens habitués à la rente.

    Une éventualité qui risque de sonner le glas définitivement du régime algérien, qui ne doit sa « survie » qu’à l’ « achat de cette paix sociale ». Le spectre du début des années 90 et donc de la guerre civile, avec son long cortège funèbre (250. 000 morts), risque ainsi de se reproduire. « A mon arrivée au gouvernement en 1992, les caisses étaient vides et la banque centrale ne pouvait plus dénouer les opérations de swaps sur or (c’est-à-dire racheter l’or vendu au comptant) effectuées l’année précédente. Il manquait, pour ce faire, 1,5 milliards de dollars. Autant dire que les réserves de change étaient négatives ! », rappelle Ali Benouari. « Cette situation nous avait conduits à mobiliser tout l’appareil de l’Etat dans une gigantesque opération de mendicité internationale dont les seuls résultats étaient de nous maintenir dans le même état de précarité financière mais avec des abandons progressifs de souveraineté et un enlisement progressif du pays dans la guerre civile ».

    Voilà, le mot est lâché : la « guerre civile » risque de se reproduire au bout du quatrième mandat de Bouteflika. Autant que le spectre d’un « rééchelonnement en bonne et due forme qui fût décidé en 1994, permettant de reporter sur 15 ans les échéances de la dette qui absorbaient la quasi-totalité de nos recettes extérieures ». « Le risque est donc sérieux de se retrouver de nouveau dans la situation de ne pas pouvoir couvrir les besoins du pays en nourriture, biens d’équipements et matières premières pour maintenir l’économie en état de fonctionnement minimal », prévient encore Ali Benouari. Une prévision confirmée par les rapports internationaux mais que le régime de Bouteflika, qui fait de la fuite en avant une " politique d'Etat " !, ne veut pas regarder en face. 

    Ziad Alami

  • LIBÉRER LES ÉNERGIES EN ALLÉGEANT LE FARDEAU FISCAL. COMMENT FAIRE ?

    Par Rémi Hugues

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    Comme en 1789, la crise de régime actuelle, provoquée par le mouvement des gilets jaunes, a pour déterminant principal une fiscalité jugée trop lourde.

    L’iconographie révolutionnaire montrait le tiers état voûté, accablé par les privilèges de la noblesse et du clergé. Aujourd’hui les gaulois réfractaires en colère se plaignent d’un État qui ponctionne outre mesure tout en fournissant une qualité de services publics qui, à leurs yeux, est de plus en plus insuffisante. « Si elle se dégrade ainsi, où va l’argent ? » se demandent-ils, remontés contre la classe politique littéralement aux abois.

    Et les grands médias, sots qu’ils sont, de relever cette incohérence dans les revendications des gilets jaunes : entre plus de prestations des collectivités publiques et de l’État et moins de prélèvements obligatoires il faudrait choisir ! Le pays réel est ainsi infantilisé, assimilé à la conduite typiquement puérile qui, entre le chocolat et le nougat, renoncer à choisir, voulant les deux à la fois.

    En même temps mieux d’Etat et moins d’impôts 

    Ceux qui ont porté au pinacle le Président du en même temps se gaussent de la France périphérique qui veut plus de puissance publique et moins d’impôt. Pour eux, ils en sont catégoriques, un telle équation est-elle totalement chimérique.

    Sauf que nos compatriotes disposent d’un tant soit peu de mémoire, et dans leurs souvenirs il y avait, au début de la Vème République, un niveau d’imposition plus faible, alors qu’avec moins de fonctionnaires, l’Etat-providence accomplissait sa mission avec une certaine efficacité.

    3970853321.10.jpgCe qui a radicalement changé entretemps c’est la charge, devenue écrasante, de la dette. Cette même dette qui empoisonna le règne de Louis XVI, lui fut fatale même. Elle fut l’amorce de sa funeste fin que l’on sait. Or le système républicain étant une « bancocratie » – ce que Charles Maurras avait mis en évidence lorsqu’il conchiait cette modernité qu’il entendait comme la substitution de la loi du sang par la loi de l’or – en aucun cas la solution ne peut venir de son sein. Comment Emmanuel Macron, ex-fondé de pouvoir chez Rothschild, pourrait-il ôter à ses maîtres, la coterie ploutocratique transnationale, le levier par lequel ils accumulent une masse édifiante de capitaux ? La loi de l’or, prise concrètement, est en réalité loi de l’usure.

    Les intérêts de la dette, qui grèvent non seulement le pouvoir d’achat des ménages et des entreprises, mais aussi la marge de manœuvre de l’Etat, sont un premier impôt à supprimer. Lequel est un impôt très sournois car c’est un impôt dissimulé.

    La spirale financière infernale

    Si l’Etat peut financer ses investissements de long terme par un « circuit du Trésor » qui s’exonère de tout recours aux marchés financiers privés, il peut en outre contracter des obligations auprès (pas nécessairement usuraires d’ailleurs) de ses sujets les Français. Les enrichissant il s’enrichirait lui-même. Et vice versa.

    printing-euros.jpgLe second cas prédominait dans la France des Trente glorieuses, avant que soit votée la scélérate loi du 3 janvier 1973, dite loi Pompidou-Giscard-Rothschild. Dans son essai La Révolution française[1], au sujet des assignats, Pierre Gaxotte soutient qu’il n’y a rien de plus dangereux qu’un État qui ait les moyens de mettre en branle la machine qui fait tourner la planche à billets. Rien n’est plus vrai.

    Les dirigeants européens, en statuant sur les prérogatives de la Banque centrale européenne avaient cette préconisation en tête. Dou l’indépendance de l’institution de Francfort. Mais indépendance formelle, comme l’a mis en évidence la crise de 2007-2008.

    Le système capitaliste s’est trouvé exsangue suite au krach de Wall Street. Plus d’argent, ce sang des pauvres selon Léon Bloy, plus d’argent frais pour irriguer les organes vitaux du monde économique, les banques. Il fallut le secours des contribuables. Leurs « représentants », les présidents Barack Obama et Nicolas Sarkozy en tête, pour éviter in extremis l’irruption d’un chaos apocalyptique planétaire, les firent cracher au bassinet.

    Fins de mois contre fin du monde

    Contribuables qui, aujourd’hui, n’en peuvent plus. Alors qu’ils travaillent, leur est ôtée par le fisc leur livre de chair, et ils se retrouvent sans le sou. Lors d’interminables fins de mois, nos compatriotes sont rentrés, à partir de novembre 2018, en rébellion ouverte, des ronds-points champêtres aux flamboyants Champs-Élysées, contre le système républicain, capitaliste, démocrate et libéral-libertaire. Une aubaine pour ceux qui s’y opposent depuis des lustres ? Oui. Il s’agit maintenant de mettre des mots sur leurs maux. Et pas seulement du point de vue des institutions politiques. À savoir : émettons des propositions concrètes censées permettre de réduire la pression fiscale.

    D’abord, on l’a dit, mettre un terme à l’impératif du crédit public usuraire. De surcroît, l’Etat français devrait reprendre le contrôle sur l’émission monopolistique de monnaie, via sa banque centrale nationale. Laquelle pourrait prêter « gratuitement », sans intérêts, à l’Etat royal, afin qu’il puisse combler ses déficits. 

    img-quantitative-easing.jpgSi la somme demeure raisonnable, le niveau d’inflation resterait modéré. Et ce ne sont pas les partisans du « quantitative easing » (assouplissement quantitatif), pratiqué depuis la fin des années 2000 par MM. Jean-Claude Trichet et Mario Draghi qui y verraient quelque-chose à objecter. Car voici l’impôt futur, l’impôt des temps du retour du Roi : sachez qu’un zeste bien dosé d’inflation, provoqué par une émission monétaire réalisée afin de rétablir l’équilibre d’un budget public légèrement déficitaire, serait moins coûteux que l’effort consenti par l’administration fiscale, qui s’évertue via ses nombreux fonctionnaires à récupérer une pléthorique variété de taxes et impôts. À cette heure en France il en existe tant que nous nous abstiendrons d’en dresser une liste exhaustive. La République gère mal mais avec elle la pression fiscale croît.   

    Pour un « impôt inflation »

    John Maynard Keynes, commentant les considérations de Lénine sur la monnaie, écrivit ceci : « Grâce à une inflation continuelle, le gouvernement peut secrètement et en toute impunité confisquer une bonne partie de la richesse de ses administrés. »[2]

    51dB0uxhaUL._SX363_BO1,204,203,200_.jpgLa Bible des économistes et de leurs étudiants, le manuel universitaire appelé « le Mankiw », contient l’observation suivante : « le gouvernement crée de la monnaie pour payer ses propres dépenses. Pour pouvoir financer la construction des routes, payer les salaires des forces de police et subvenir aux besoins des personnes âgées et des pauvres, le gouvernement a besoin de fonds. En temps normal, il se les procure par l’impôt et par l’emprunt. Mais il peut aussi imprimer de la monnaie. Quand le gouvernement a recours à la création monétaire, on dit qu’il lève un impôt inflation. Cet impôt est différent des autres, dans la mesure où personne ne reçoit d'avis d’imposition du gouvernement. Cet impôt est beaucoup plus subtil. […] L’inflation est donc un impôt qui frappe les porteurs d’argent. Quand le gouvernement lève cet impôt, il prélève des ressources sur les ménages sans avoir à leur envoyer une facture. »[3]           

    Ce serait  ainsi un moyen plus économique de parvenir à des résultats similaires. Dégraissons ce « mammouth » qu’est l’administration fiscale : ses fonctionnaires sont les mal-aimés par excellence, tandis que chacun sait l’utilité d’un médecin, d’un magistrat, d’un professeur, d’un policier ou d’un militaire. Cette méthode présente l’avantage d’abaisser le coût qu’entraine la gestion du prélèvement des ressources.

    Mais pour autant ne désirons pas l’abolition de tout impôt, de toute taxe. Ne nous laissons pas aveugler par les chimères du libertarisme, pensée politique étrangère à notre culture chrétienne, d’après laquelle faire œuvre de charité, ça n’est pas facultatif, c’est un devoir. L’impôt est au fondement du principe de solidarité nationale, du souci du bien commun. Il est donc un impondérable de la vie au sein d’une société politique, en tant qu’effectivité matérielle du lien social.  

    [1]  Paris, Tallandier, 2014, pp. 175-182.
    [2]  Cité par Gregory Mankiw, Principes de lʼÉconomie, Paris, Economica, 1998, p. 787.
    [3]  Ibid., p. 770-772.

    A lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même ...

    (Cliquer sur l'image)

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  • Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray (18)

    lfar bleu.jpgNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000.  Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFAR

    Maintenir, restaurer, exploiter  notre patrimoine historique ...

     

    2235704335.jpg2ème partie : Une révolution copernicienne 

    LE RÈGNE DE LA QUANTITÉ S'ACHÈVE

    Trois types de services sont appelés à se développer, là-dessus l'accord est presque total et dans ce domaine également la reconstitution d'un marché plus large, constitué par les classes aisées s'impose : la restauration, le gardiennage, le nettoiement. Pour la restauration, il est évident qu'il faut une clientèle capable de dépenser davantage, sinon ce sera « le fast food », dans le pire des cas et dans le meilleur le sandwich. Une société de plus en plus fragile ne sera pas protégée par la seule police. La multiplication des entreprises de gardiennage répond à un besoin. La multiplication des résidences secondaires, abandonnées une partie de l'année, exigera que les particuliers fassent appel à ces entreprises. Encore convient-il qu'ils en aient les moyens. Le nettoiement lui aussi devra s'adresser aux particuliers. La domesticité, au sens ancien, ne se reconstituera pas. Ni l'évolution des mentalités ni l'exiguïté des appartements ne la favorisent. Par contre, déjà les traiteurs fournissent du personnel pour les réceptions. De plus en plus, des équipes effectueront les travaux pénibles, à condition de trouver un nombre suffisant de ménages susceptibles de conclure un contrat d'entretien, comme cela se passe aux Etats-Unis.

    Il est remarquable qu'en Lorraine le gouvernement socialiste, après avoir rêvé du développement de l'industrie électronique ait dû constater que celle-ci ne provoquait que peu d'emplois. Par contre un parc d'attraction en susciterait plusieurs milliers, sans exiger des efforts de formation coûteux, dont les résultats, sur une main d'œuvre mal préparée, restent aléatoires. Une prise de conscience s'opère, dans tous les secteurs de l'opinion, en dehors de celui, qui se marginalise, qu'occupe le parti communiste.

    Le mouvement général de la société la porte d'ailleurs vers l'amélioration de la qualité de la vie. La défense de l'environnement, la protection des sites, la rénovation des quartiers anciens, le régionalisme, le désir de « vivre au pays » afin de maintenir les solidarités familiales furent longtemps tenus pour « réactionnaires ». Une certaine extrême gauche s'en est emparée, les déformant, les travestissant, au point de les utiliser contre le progrès technologique (les centrales nucléaires) ou l'unité nationale. Il reste que, même mystifiées, les valeurs de la société préindustrielle retrouvent toute leur puissance. L'écologie a pris un tour idéologique, hostile au progrès des techniques qui la rend insupportable. Expression d'un retour à la qualité de la vie, en rupture avec la notion quantitative de « niveau de vie », elle s'accorde avec les nécessités économiques.

    Le gouvernement Fabius, en créant les TUC s'est engagé dans la bonne voie, encore qu'on doive craindre qu'il ne gâche une excellente idée. Il est absurde de payer des gens à ne rien faire. Ce gaspillage d'argent et de force de travail paraît aberrant. Pourquoi ne pas utiliser les chômeurs afin d'améliorer la qualité de la vie ? Dans le cas des TUC tout donne malheureusement à penser qu'il s'agit d'un gadget électoral destiné à camoufler ses échecs économiques. Le parti communiste n'a pas tort qui parle de tucs en toc à propos des « travaux d'utilité collective » (TUC). Une initiative heureuse, en soi, risque d'être gâchée dans la mesure où elle se traduira par une résurgence des « ateliers nationaux » de 1848, qui ont laissé de fâcheux souvenirs.

    Les TUC ne sont, dans trop de cas, une manière d'occuper des jeunes. Le souci de rentabilité, sinon financière, du moins sociale, reste insuffisant. Pour être efficaces, il faudrait les confier à des entreprises, déjà existantes ou à créer, avec le risque d'échec que cela implique. Certes, tout ce qui fut accompli par le Troisième Reich reste frappé de malédiction. Pourtant il serait opportun de s'inspirer de l'arbeitschaffung. Hitler pour combattre le chômage lança une politique de grands travaux. Les caisses étaient vides. Le docteur Schacht eut l'idée des traites de travail. Une municipalité décide de construire une cité ouvrière. Elle n'a pas le premier sou. Un établissement ad hoc, la Bank der deutschen arbeit lui donne un bon qui, placé sur un compte bancaire, permettra de payer, par un jeu d'écritures. La municipalité remboursera grâce aux locations d'appartements et aux impôts sur les bénéfices. Il ne s'agit pas de copier un système qui ne pouvait fonctionner que dans le cadre de l'autarcie économique. N'empêche qu'en deux ans le nombre de chômeurs a diminué de moitié.

    Il existe de nombreux besoins sociaux qui ne sont pas satisfaits : maintien des vieillards à domicile, haltes garderies pour permettre aux mères de famille de faire leurs courses, extension du système à tous les foyers où la femme travaille, des aides ménagères etc... De même, pour s'adapter à la révolution industrielle villes et régions seront contraintes de faire d'immenses efforts d'amélioration de la qualité de la vie. Les industries nouvelles ne s'implanteront pas n'importe où. Trois conditions devront être réunies : proximité d'une université de renom, existence d'une main d'œuvre qualifiée, possédant des traditions ouvrières de savoir-faire et de conscience professionnelle et de ce point de vue le Nord ou la Lorraine disposent de sérieux atouts, environnement naturel et culturel, susceptible d'attirer ingénieurs, chercheurs et cadres. Le développement du tourisme, des activités de loisir, de la consommation de biens « qualitatifs » suppose lui aussi l'amélioration de l'environnement naturel et culturel. Chaque ville, chaque « pays », chaque région devra, pour survivre, protéger ses sites et, à l'occasion, se débarrasser de ses friches industrielles, restaurer son patrimoine historique, planter des arbres, multiplier les jardins publics, les parcs d'attraction, les musées, les bibliothèques. Il ne s'agira plus de superfluités auxquelles un conseil municipal accorde, avec condescendance, de maigres crédits mais d'investissements dont la rentabilité économique, même si elle ne peut être calculée, se manifestera par les retombées industrielles (implantation d'entreprises) ou commerciales. Beaucoup de collectivités locales en prennent conscience.

    Le système que l'on peut envisager se fonde sur la mise en œuvre de plans d’aménagement communaux, intercommunaux, départementaux ou régionaux. Pour les financer les collectivités locales disposeraient d'un fonds où seraient versées les allocations-chômage correspondant aux emplois engendrés ainsi que, pendant trois ans, les cotisations de sécurité sociale que leur verseraient les entreprises bénéficiant de ces emplois. Cette mesure vise à dissuader les chasseurs de prime, ces entrepreneurs attirés par des avantages fiscaux ou des exonérations de charges sociales, qui ferment sitôt qu'ils n'en bénéficient plus. Les caisses de sécurité sociale de leur côté ne souffriraient aucun préjudice réel, les chômeurs ne leur rapportant rien. Ainsi chaque salaire serait couvert pour plus de moitié. Les communautés locales, pour compléter ce fonds, recourraient à des traites de travail qu'elles rembourseraient grâce au surcroît des impôts locaux provoqué par ces investissements, avec le risque normal d'erreurs d'appréciation, dont la population supporterait les conséquences puisque de toute façon il faudrait rembourser. Ces erreurs seraient moins nombreuses et surtout moins graves que si les décisions étaient prises par des technocrates irresponsables, les municipalités ou les conseils généraux, saisis pas la folie des grandeurs ou la démagogie, payant leur mauvaise gestion de leur renvoi par les électeurs.

    Ces travaux et ces services ne sauraient être accomplis directement par les communautés locales, qui, pour élargir leur clientèle électorale sont tentées de « créer » des emplois, sinon inutiles, du moins superflus, mais par, des entreprises, coopératives ou sociétés, déjà existantes ou qui se constitueraient pour bénéficier de ce marché. Soumise à la concurrence, elles s'engageraient, par contrat, à embaucher et à former des chômeurs pour l'exécution de ces travaux ou de ces services. Certains de ces emplois deviendraient permanents, d'autres, temporaires, susciteraient, du fait de la relance de l'économie locale, des emplois permanents. Il va de soi qu'un chômeur qui refuserait, deux fois de suite, un travail conforme à ses compétences et à ses capacités, serait trop souvent absent, ferait du mauvais esprit perdrait tout droit aux allocations.    

    A suivre  (A venir : Le règne de la quantité s'achève 3).

     

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    Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray     

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  • Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray (19)

    lfar bleu.jpgNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000. 

    Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener.

    Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFAR

    L'admirable série que nous réaliserions en mettant en images le Gil Blas de Lesage ... 

     

     

    2235704335.jpg2ème partie : Une révolution copernicienne 

    LE RÈGNE DE LA QUANTITÉ S'ACHÈVE

    Il convient de revenir au précepte de Saint-Paul : « qui ne travaille pas ne mange pas ». L'allocation chômage fut conçue comme un expédient économique : il fallait, pour écouler les stocks permettre aux chômeurs de continuer de consommer. On a justifié ce qui n'était qu'une habileté tactique par des considérations morales. Des hommes qui perdent leur emploi recevraient ce droit d'être nourris, logés, blanchis aux frais de la nation. Ils n'ont aucun droit de ce genre. Par contre, en stricte justice, tout citoyen a droit au travail, le droit de faire vivre sa famille de son travail. L'imposture c'est de s'accommoder de la violation par la société de ces deux droits là, qui sont fondamentaux puisque liés à la nature de l'homo faber, sous prétexte qu'elle prend momentanément leur entretien à sa charge. Puisque ce n'est pas le travail qui manque mais l'argent pour le payer elle a le devoir de trouver cet argent. Ce qui suppose une réforme fiscale et une réorganisation du système bancaire, par le recours aux traites de travail. L'argent existe. Il ne s'agit que de mieux l'utiliser.

    Mais les évidences deviennent des utopies quand elles se heurtent à la résistance de corps sociaux assez puissants et si bien organisés qu'ils leur font écran. L'Etablissement a laissé proliférer une plèbe moderne, plusieurs millions de manœuvres aux écritures dans la fonction publique, les banques, les caisses d'épargne, les assurances. Ces gens ont un emploi. Officiellement, ils travaillent mais ce qu'ils font est soit inutile, soit nuisible, soit se ferait mieux à moindre frais par la machine. Assez mal payés, donc revendicateurs, ils ont obtenu, par un système de primes, d'avantages sociaux, de privilèges financiers, un sursalaire, d'ordinaire dissimulé.

    De jeunes français refusaient de devenir ouvriers d'usine. On ne le leur reprochera pas. Le système Taylor a disqualifié le travail manuel. Si l'on avait automatisé, on aurait pu, comme au Japon, attirer des bacheliers dans les ateliers. Le rendement financier, envisagé à court terme, poussait à con­server, aussi longtemps que possible des O.S., astreints à des tâches ennuyeuses, au milieu d'un bruit assourdissant que seuls les immigrés acceptaient. On a donc utilisé une partie des bénéfices obtenus grâce aux gains de productivité, non à moderniser l'industrie et à financer la recherche mais à créer ex nihilo, des emplois de bureau. De 1950 à 1982, on a systématiquement camouflé le chômage des jeunes en les utilisant d'une façon séduisante. En France, l'employé de bureau a toujours été mieux considéré que l'ouvrier. Faire de son fils un fonctionnaire est le rêve du travailleur manuel.

    Il se trouve qu'absurdement gonflée, la plèbe moderne est condamnée à disparaître. Les entreprises privées commencent à « dégraisser » leurs sièges sociaux. Les banques, les assurances, les caisses d'épargne qui sont nationalisées, la Sécurité Sociale aux mains des syndicats se débrouillent pour que l'introduction de l'informatique n'ait aucune incidence sur le niveau de l'emploi. La durée effective de travail ne dépasse pas trente heures par semaine. Elle est plus près de vingt-quatre dans certains établissements, l'absentéisme étant admis, parfois encouragé. Une partie du personnel « libéré » est affecté à l'accueil du public ou au renforcement des contrôles. Ce gaspillage de main-d'œuvre coûte cher. Obtenir que la semaine de 39 heures soit respectée, supprimer les postes inutiles provoquerait du chômage. Sans doute, du moins dans un premier temps. Mais les économies réalisées favoriseraient la relance des investissements en réduisant les charges sociales, les frais de banque ou d'assurances et, par l'effet de déversement, engendreraient des emplois. L'existence de centaines de milliers de parasites, dans le meilleur des cas improductifs, dans le pire anti-productifs constitue l'une des causes de la crise.

    Certains ministères devraient être purement et simplement supprimés, à commencer par celui de la culture. L'Etat exerce son mécénat de façon déplorable. Les divers régimes qui se sont succédé depuis 1789 ont fait la démonstration de la médiocrité de leur goût. Systématiquement, ils ont encouragé les pompiers d'arrière puis d'avant-garde au détriment des créateurs. Il s'est trouvé des amateurs, des marchands pour s'intéresser aux impressionnistes. Pas beaucoup mais qu'achetait donc l'Etat ? La meilleure façon, pour l'administration d'encourager les lettres et les arts reste encore de ne pas s'en occuper. Qu'un film, qu'une pièce connaissent le succès, les voici frappés de lourdes taxes, tandis que des troupes ringardes et des films minables sont arrosés de la manne ministérielle. Le principe égalitaire, qui pénalise la réussite pour secourir l'échec n'est jamais plus néfaste que dans le domaine culturel. L'on nous explique que l'Etat a le devoir de soutenir des œuvres ambitieuses, qui ne sauraient, d'elles-mêmes atteindre un public suffisant pour assurer leur rentabilité. Ce raisonnement se fonde sur l'idée qu'lin fonctionnaire, du moment qu'il appartient au ministère de la culture, possède un jugement esthétique supérieur à celui des contribuables. L'Etat qui s'est arrogé bien des monopoles s'approprie aussi, celui du goût. L'expérience, malheureusement, prouve qu'il est, comme la majorité des citoyens d'ailleurs, conformiste. Rien là que de normal. Au début, un créateur véritable n'est reconnu que par un petit nombre.

    Que l'Etat favorise donc le mécénat privé. Sur cent amateurs quatre-vingt-quinze se trompent. Ils préfèrent Rosa Bonheur à Manet. Il en reste cinq qui savent reconnaître le génie à l'état naissant. Ce qui laisse cinq pour cent de chances au créateur. L'Etat ne lui en accorde aucune.

    Devons-nous pour autant souhaiter, comme le font certains, que la culture soit livrée à la seule initiative privée ? Dans tous les domaines peut-être, sauf un, celui de l'audio­visuel. Les enjeux sont trop importants pour qu'il s'en désintéresse. En effet, nous entrons dans ce que l'on nomme, bien improprement, une société de communication. L'on entend par là non que les gens communiqueront de plus en plus entre eux mais qu'ils auront davantage de moyens, de « médias », à leur disposition.

    La libéralisation de la télévision risque de se révéler désastreuse, culturellement. Nous serons submergés de « séries » américaines ou, pis, brésiliennes, à bon marché. Il convient que l'Etat conserve au moins une chaîne, la confie à un professionnel sérieux — Il y en a encore quelques-uns —et lui accorde des fonds considérables. Cette chaîne devrait défendre la chanson française et produire, à _partir des grandes œuvres de la littérature française et européenne, des films de valeur que nous vendrions, à des prix relativement bas, aux télévisions francophones. Sur cette chaîne seuls les produits fabriqués dans notre pays, seraient autorisés à faire de la publicité. Gérée comme une entreprise privée, indépendante du pouvoir politique, cette chaîne se donnerait pour objectif non le taux d'écoute mais la qualité des programmes. On n'empêchera pas les gens de préférer un chanteur américain à l'adaptation d'un roman de Balzac. Par contre on peut acquérir, dans le monde, une réputation indiscutée. La B.B.C. y est bien parvenue. Il faudra, dans un proche avenir considérer les « biens culturels » sous l'angle économique. On exportera de plus en plus de disques, d'émissions de télévision et même de livres. Notre seule chance, compte tenu de l'étroitesse du marché national, reste d'utiliser notre réputation. Il faut jouer la carte de la qualité. Jamais nous ne réaliserons l'équivalent de « Dallas », une tentative récente le prouve. Par contre, imagine-t-on l'admirable « série » que nous réaliserions en mettant en images le « Gil Blas » de Lesage ?   •  

    A suivre  (A venir : Une machine à fabriquer des chômeurs).

     

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    Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray     

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  • Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray (9)

    Au centre Daniel Cohn-Bendit

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    Nous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000.  Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFAR

     

    2235704335.jpg1ère partie : l’Homme Masse 

    Mai 68 : la révolution du prolétariat intellectuel

    Une révolution s'est produite, en mai 68 dont les acteurs eux-mêmes n'ont pas mesuré la portée. Elle a discrédité le travail, en même temps que la famille et la patrie, transmutation de toutes les valeurs dont les conséquences ne pouvaient apparaître que progressivement. Les barricades qui ont tant effrayé le peuple travailleur ne relevaient que du théâtre. Sociodrame, a-t-on dit. Sans doute mais surtout entrée bruyante sur la scène de l'histoire du prolétariat intellectuel, nouvelle classe révolutionnaire qui se substituait au vieux prolétariat ouvrier, en voie de désagrégation. Renault refusa d'ailleurs la main tendue par la Sorbonne, profitant de l'occasion pour obtenir les augmentations de salaire, qui lui permettaient de jouir des délices de cette société de consommation, contestée par les émeutiers.

    Le prolétariat intellectuel avait d'ailleurs les meilleures raisons de s'en prendre à un type de société dont il tenait son existence, une existence malheureuse qu'il reprochait à son géniteur. La révolution de 1968 n'est pas partie par hasard de la faculté des lettres de Nanterre, qui en restera, jusqu'au bout le fer de lance. Alors que les effectifs s'étaient démesurément gonflés, les facultés des lettres n'offraient que peu de débouchés, en dehors de l'enseignement. Elles formaient des Masses de psychologues et de sociologues, qui n'avaient aucun espoir de trouver un emploi. Ce prolétariat intellectuel végétait dans les universités avec pour unique ambition de profiter le plus longtemps possible des avantages matériels de la condition étudiante. Comme dans tout rassemblement d'oisifs, une intense fermentation idéologique agitait les campus, analogue à celui qui se manifestait dans les jardins du Palais Royal, à la veille de la Révolution de 1789. Elle s'alimentait de vagues notions, de mots-fétiches tels qu'aliénation ou impérialisme, résidus d'un enseignement mal digéré. Pendant quelques années la guerre d'Algérie devait fournir un exutoire à la turbulence du prolétariat intellectuel. Défilés, réunions, confection de tracts servaient d'alibis à la paresse. Une fois la guerre d'Algérie terminée, la guerre du Viêt-Nam la remplaça. Quand elle s'acheva à son tour, ce fut le vide, comment le remplir ?

    Faute de cause à défendre, le prolétariat intellectuel entreprit de s'occuper de ses propres intérêts de classe, réclamant la suppression des diplômes, l'abandon des cours magistraux, l'autogestion, toutes revendications destinées à le libérer de la corvée des examens. Plus de sélection. Chaque étudiant devait pouvoir développer librement sa créativité. En 1848 le prolétariat ouvrier avait fait la révolution au nom du droit au travail. En 1968, le prolétariat intellectuel la faisait au nom du droit à la paresse. Il le justifiait en critiquant les besoins artificiels développés par la société de consommation, qui aliénaient le peuple, obligé de s'épuiser, afin de les satisfaire. Les plus naïfs ou les plus sérieux partirent dans les Cévennes, élever des chèvres. L'expérience se révéla décevante. Ils découvrirent que promener un troupeau, cela fatiguait. Les plus nombreux préférèrent passer, un compromis avec le pouvoir politique. Celui-ci, désireux de payer le prix de la paix civile, décida d'abandonner au prolétariat intellectuel deux secteurs, le culturel et le social, où la fainéantise et l'incompétence lui paraissaient peu dommageables.

    images.jpgLes soixante-huitards colonisèrent les maisons de la culture, les centres dramatiques, le cinéma, la télévision. Sous prétexte d'apporter la culture au peuple, ils lui infligèrent des spectacles prétentieux et bavards. D'autres devinrent animateurs de ceci, éducateurs de cela, conseillers d'on ne sait quoi. Les plus doués s'infiltrèrent dans la magistrature, les moins chanceux se résignèrent à devenir instituteurs. Certes l'idéologie gauchiste est bien oubliée mais la révolution de 1968 finalement s'est révélée plus durable que celle de 1848, même si elle risque de tenir moins de place dans les manuels scolaires. Pour la première fois une révolution visait à changer non les structures mais les mentalités. La plupart des objectifs qu'elle s'était fixés furent atteints : libéralisation de l'avortement, divorce par consentement mutuel, reconnaissance du concubinat, aménagement du système fiscal afin de pénaliser les gens mariés. Les Français renoncèrent à épouser et à faire des enfants. La vente libre du ciné-cochon, l'ouverture des sexshops attesta qu'il était désormais interdit d'interdire. Mais surtout la liquidation de l'enseignement fut menée à bien, par une série de ministres, réputés de droite. Il fallut M. Haby pour réaliser le projet du socialiste Langevin et du communiste Wallon, d'école unique, tous les enfants coulés dans le même moule afin que l'idéologie égalitaire puisse triompher.

    La réforme Haby acheva de désarticuler notre système éducatif. Certes, la dérive avait commencé bien avant, lorsque la poussée démographique de l'après-guerre gonfla les effectifs, dans le primaire. Des gouvernements imprévoyants furent contraints d'improviser. Il fallut construire à la hâte des locaux, aux moindres frais. D'où des catastrophes, comme l'incendie du « C.E.G. Pailleron ». Et surtout, le ministère de l'éducation nationale embaucha, comme instituteurs, des bacheliers, sans vocation ni formation, qui choisissaient l'enseignement comme pis-aller, parce qu'il n'exigeait pas de capacités et qu'il procurait de longues vacances. Mal payés, peu considérés, ces instituteurs d'occasion grossirent les rangs du prolétariat intellectuel. Le primaire fut donc rapidement gangréné par l'idéologie soixante-huitarde. Des pédagogies aberrantes permirent la fabrication à la chaîne d'illettrés. Les enfants, versés automatiquement dans le secondaire sous prétexte de démocratiser l'enseignement arrivèrent en sixième sans une suffisante maîtrise de la langue.

    La mise en place du « tronc commun » aggrava le désastre. Les instituteurs, rebaptisés « professeurs d'enseignement général », (P.E.G.) investirent le premier cycle du secondaire. D'où une baisse du niveau des études, des élèves qui, faute d'une formation de base, s'ennuient, des enseignants menacés de dépression nerveuse. L'enseignement technique, qui aurait dû être privilégié, fut le plus sévèrement atteint : locaux délabrés, outillage vétuste, spécialités obsolètes, corps professoral médiocre et, en tous cas, découragé. Chaque année cent mille jeunes sortent de l'école sans la moindre compétence professionnelle, incapables de trouver un emploi. On multiplie, à grands frais, les stages de formation. Les résultats se révélèrent le plus souvent décevants. Des garçons et des filles qui ont, jusqu'à seize et même jusqu'à dix-huit ans, perdu leur temps dans un système scolaire inadapté, ont pris des habitudes de paresse... Mal alphabétisés, comment pourraient-ils devenir électroniciens ? Ils le savent et perdent pied.

    Ceux mêmes qui ont eu la chance d'obtenir un diplôme sont mal préparés à la compétition impitoyable qui, peu à peu, sous l'empire de la nécessité, se rétablit dans les universités. Une sélection sournoise s'introduit. Dans la période de prospérité, ceux qui ne pouvaient faire des études supérieures ou sortaient de l'université sans diplôme sérieux, trouvaient assez facilement un emploi dans le secteur « tertiaire », l'enseignement, la fonction publique, les banques, les assurances. L'Etat, afin d'utiliser cette masse de diplômés sans véritables compétences poussait d'ailleurs le secteur nationalisé à embaucher des « manœuvres aux écritures ». Tout le monde ne pouvait pas devenir animateur culturel, inspecteur du travail ou travailleur social. Le secteur tertiaire semblait destiné à absorber ce surplus. Ainsi se constitua une plèbe moderne d'employés de bureaux, revendicative et aigrie, accomplissant des tâches ennuyeuses et souvent inutiles, d'autant que les sureffectifs favorisaient l'absentéisme et les faibles rendements.

    Encadrée par le prolétariat intellectuel, la plèbe moderne des manœuvres aux écritures a fourni ses troupes au parti socialiste. Elle jalouse le peuple travailleur, le méprise, vit à ses dépens et quand elle se trouve en situation d'entraver la production elle n'en manque pas l'occasion. Deux ou trois millions de français sont ainsi employés à empêcher les autres de travailler. Parfois, elle le fait avec hargne, le plus souvent pour s'occuper et en tous cas justifier ses émoluments. Cette plèbe effraie les gouvernements de droite et de gauche. Elle est nombreuse ; elle a le temps de s'occuper de politique, peut trouver parmi les lycéens désœuvrés et les loubards des troupes de choc. Aussi s'efforcent-ils de la divertir. Les rares constructions de la Ve République, le centre Pompidou, le parc omnisports de Paris-Bercy, le Zénith, demain l'opéra de la Bastille ou l'immense foire culturelle que risque de devenir « le grand Louvre », sont les équivalents des cirques et des amphithéâtres de l'Empire romain, des lieux gigantesques où la plèbe se rassemble afin de se distraire. Il s'agit d'une sage précaution. Outre que cela fournit de nouveaux débouchés au prolétariat intellectuel, la plèbe trouve dans ses manifestations de masse un exutoire à sa turbulence et un remède à son angoisse.   

    A suivre  (A venir : Demos désintégré)

     

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    Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray     

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  • Maurras et le Fascisme [10]

    Mussolini - Marche sur Rome 

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgCette étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions depuis quelques jours, s'achève ici. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'est étalée sur une dizaine de jours. Ceux qui en auront fait ou en feront la lecture - car elle reste disponible - en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    Le fascisme français (suite et fin)  

    Sans doute, le fascisme se donne-t-il pour un nationalisme, mais le stalinisme, quand il sera menacé, n’utilisera-t-il pas, lui aussi, la passion patriotique du peuple russe ? C’est qu’en effet, pour l’un et l’autre, le nationalisme spontané, quasi viscéral ne représente qu’un instrument au service d’une révolution. Là-dessus, Drieu, toujours lui, s’est exprimé avec le plus de franchise ou si l’on veut de cynisme. « Le nationalisme, écrit-il, est l’axe de l’activité fasciste. Un axe, ce n’est pas un but. Ce qui importe pour le fascisme, c’est la révolution sociale, la marche lente, effacée, détournée, selon les possibilités européennes, au socialisme. S’il y avait encore des défenseurs conscients et systématiques du capitalisme, ils dénonceraient le fascisme comme usant du chantage nationaliste pour imposer le regard de l’État sur les grandes affaires. Ses défenseurs les moins inconscients et hasardeux ne sont pas loin maintenant de le faire, mais la négation furieuse des socialistes et communistes masque cette vérité. Non seulement le nationalisme n’est qu’un prétexte, mais ce n’est aussi qu’un moment dans l’évolution sociale du fascisme. » 

    Sans doute, Drieu demeurait-il un intellectuel isolé. Pourtant, certaines de ses vues les plus originales et, sur le moment les moins bien comprises, connaîtront une singulière fortune. C’est ainsi qu’il considérait le parti radical comme « un vieux 15036_543_Doc-7_26_J-Rougeron_L-Emancipation-nationale-aout-1943.jpgfascisme sclérosé ». Le 17 septembre 1937, il remarquait, dans L’Émancipation nationale de Doriot (photo 1) qu’en 1792, « il y avait dans toute la France des soviets ou des faisceaux de combat, c’est-à-dire que dans chaque village, dans chaque quartier, il y avait un groupe de militants autour d’un meneur », et que ce meneur obéissait aux mots d’ordre décidés « dans les conseils étroits du parti unique », club des Cordeliers ou Club des Jacobins. 

    La tradition jacobine, ajoutait-il, s’est sans doute maintenue dans le parti radical, mais celui-ci, faute d’avoir pu « se constituer en parti solide, viril », n’a conservé que les inconvénients du système et pas ses avantages. Déjà, dans Socialisme fasciste, Drieu rêvait de ce grand parti du centre, rassemblant les classes moyennes, qui aurait remplacé le syndicalisme ou l’aurait rénové. Ce n’était pas une billevesée de l’imagination puisqu’il se retrouvera 800px-20.01.1962._Mendes_France_et_Raymond_Badiou._(1962)_-_53Fi3369.jpgquelqu’un pour tenter de l’accomplir. Ce quelqu’un, ce sera Mendès (photo). Ne nous y trompons pas, en effet, l’idéologie mendésiste des années 1955 exhalait des relents fascistes dont les narines des parlementaires furent désagréablement chatouillées. Ce qui, bien plutôt que sa politique coloniale, provoqua la chute de « superman ». Par beaucoup de points, Mendès s’apparente du reste à un autre Israélite qui, celui-là, opérait en Allemagne, Rathenau, qui fut assassiné par les « réprouvés » qui devaient fournir plus tard ses cadres militaires à l’hitlérisme, mais qui n’en avait pas moins été l’un des premiers à proposer aux Allemands la formule d’un socialisme national. 

    Quoiqu’il en soit, en France comme ailleurs, le fascisme a constitué un phénomène idéologique de « gauche ». Qu’il ait su rallier un certain nombre de militants d’extrême droite qui lui fournirent d’ordinaire ses troupes d’assaut, c’est à la suite d’une double mystification qui porte sur la notion d’ordre d’une part, sur la conception de l’antiparlementarisme d’autre part. L’ordre fasciste n’est pas fondé sur l’harmonie naturelle des groupes humains, mais sur un encadrement totalitaire qui impose à la nation la discipline toute extérieure de « l’organisation industrielle » telle que la conçoit le système Taylor. Quant à son antiparlementarisme, il dissimule un attachement à d’autres formes de démocratisme, car le chef ne tient certes pas son pouvoir du suffrage, mais sa légitimité n’en repose pas moins sur la seule acclamation populaire. 

    Cependant, le fascisme latent d’un Drieu la Rochelle, d’un Marcel Déat et des innombrables faiseurs de plans moins talentueux qui s’agitèrent aux alentours des années 30, n’a finalement débouché sur rien de concret. On peut trouver à cette solution un certain nombre d’explications. 

    1. Économiquement, le fascisme suppose, pour réussir, une industrie soumise à des rythmes tempétueux d’expansion et de récession. Ce qui était le cas dans l’Italie du lendemain de la première guerre mondiale, comme dans l’Allemagne pré-hitlérienne. Par contre, la France, à la même époque, subissait les effets anesthésiants de la politique malthusienne des dirigeants républicains. 

    2. Politiquement, le fascisme exige un climat d’humiliation nationale, un sentiment généralisé de dégoût et de lassitude, qui porte l’opinion à préférer n’importe quelle aventure à la chute sans fin dans l’abîme. À l’époque, la France conservait encore ses illusions de grande puissance victorieuse.  

    ob_c16131_maurras-charles06.jpg3. Idéologiquement, le fascisme a besoin de rallier autour du noyau originel de doctrinaires venus de la gauche, une masse de manœuvre que seule la droite est capable de lui fournir. L’influence de Maurras (photo) a sans aucun doute empêché la fraction la plus courageuse de la jeunesse française de se lancer à corps perdu dans une désastreuse équipée, en lui révélant les conditions réelles de l’ordre, en lui montrant qu’un antiparlementarisme purement sentimental n’était qu’un attrape-nigauds, s’il ne s’accompagnait pas de la volonté de détruire le système démocratique sous toutes ses formes. Il n’est besoin que de relire les pages lumineuses consacrées par Maurras à Napoléon pour se convaincre qu’il a élevé entre cette magnifique jeunesse qui le suivait et la tentation fasciste le plus solide des remparts. Rebatet, dans sa haine furieuse, a eu du moins le mérite involontaire de mettre en pleine lumière ce magnifique service rendu par notre maître. 

    Nous en mesurons mieux aujourd’hui l’étendue, puisque nous vivons sous un régime techno-bureaucratique, qui, sans doute, a renoncé aux liturgies extérieures du fascisme comme à la construction, après l’échec du R.P.F., d’un parti unique, mais qui n’en demeure pas moins le véritable équivalent français d’un fascisme, c’est-à-dire un jacobinisme adapté à la révolution industrielle. Le caractère thaumaturgique de l’autorité de Charles De Gaulle, sa prétention d’être l’expression immédiate de la volonté nationale, son antiparlementarisme doublé d’un respect obséquieux des dogmes démocratiques, sa démagogie nationalitaire et son mépris des intérêts réels du pays, l’inscrivent dans la lignée des Césars modernes. 

    InaEdu00070.jpgSi De Gaulle (photo) est parvenu à mystifier la révolution du 13 mai, c’est sans doute que les conditions économiques et politiques d’un fascisme se trouvaient cette fois-ci réunies, mais surtout, parce que la République, en jetant Maurras en prison, en faisant de lui le grand maudit, en démantelant pour une part le barrage qu’il dressait contre l’idée folle et fausse du césarisme, a permis que l’imposture gaullienne puisse, pour un temps, triompher. 

    Il n’est que trop certain que si De Gaulle était remplacé par un autre avatar du fascisme, celui-ci conduirait la France à d’autres désastres ou au même. C’est pourquoi il importe plus que jamais que l’intelligence politique, dont Maurras nous a laissé l’héritage, soit assez bien enracinée, en particulier dans cette jeunesse qui lutte pour l’Algérie française, afin qu’elle ne soit pas trompée une nouvelle fois. Nous n’avons pas d’autre choix qu’entre Maurras et le démocratisme – démocratisme parlementaire, fasciste ou communiste.    (FIN)

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

    Lire les article précédents ...

    Maurras et le Fascisme  [1]  [2]  [3]  [4]  [5]  [6]  [7]  [8]   [9]

  • Covid-19 : la fin de nos libertés ?, par Jean Bouër.

    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

    Gavés d’interdictions, les Français n’ont jamais si bien senti à quel point l’État voulait leur bonheur. Le juge administratif a néanmoins tempéré ces ardeurs.

    Sous prétexte de lutter contre l’épidémie de Coronavirus, on est allé loin dans la restriction des libertés publiques. Plus besoin de guerre ou d’émeutes. Non seulement en plein confinement mais même après, car la vie « normale » est loin d’avoir repris. Le 11 mai 2020 met juste fin à un régime d’interdiction. En effet, si, avant cette date, l’interdiction de sortir était la norme et la liberté l’exception, strictement, les libertés restent toujours aménagées, car soumises à un certain nombre de conditions. Ce n’est pas parce que l’on est dispensé d’attestation que l’on fait ce que l’on veut. En fait, jamais dans l’histoire d’une République qui se dit libérale et démocratique on n’a autant accepté de limites aux libertés.

    Revenons sur ces mesures inquiétantes décidées pour le « bien » des Français… Prenons la mesure la plus emblématique : l’interdiction des rassemblements. Imposée initialement par décret du 23 mars 2020, elle a été maintenue avec une barre faisant office de seuil fatidique : ne pas dépasser 10 personnes. « Tout rassemblement, réunion ou activité sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public, mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes, est interdit sur l’ensemble du territoire de la République », affirmait le décret du 31 mai 2020. La situation n’aurait pas été ironique si les Parisiens, médusés, n’avaient immédiatement assisté, le 2 juin dernier, au rassemblement sauvage de plus de 20 000 personnes pour Adama Traoré, devant le tribunal judiciaire de Paris ! Illégalement, ces milliers de personnes ont pu se réunir pour protester contre la supposée mort par plaquage ventral d’un jeune poursuivi pour extorsion de fonds en juillet 2016. Ironie du sort : certains manifestants ont porté un masque, tout en cassant ou en mettant le feu aux poubelles… Finalement, il a fallu attendre que l’interdiction des rassemblements de plus de 10 personnes soit neutralisée en passant sous les fourches caudines du juge administratif. En effet, le Conseil d’État, saisi par des syndicats, a suspendu la mesure. Dans une ordonnance rendue le 13 juin 2020, il estimait que cette interdiction ne pouvait être justifiée que si les « mesures barrières » ne pouvaient être respectées ou que si l’événement risquait de réunir plus de 5 000 personnes. Le Gouvernement a donc été prié de revoir sa copie. Cela ne met pas pour autant fin à l’interdiction des réunions de plus de 5000 personnes prévue jusqu’au 31 août 2020. Au passage, certains n’ont pas attendu que le Conseil d’État tranche. Les partisans d’Adama Traoré ont saccagé la place de la République le jour même où le juge demandait à l’État d’assouplir les interdictions…

    La contestation des normes et « archipélisation » de la France

    Bien sûr, l’État n’avait pas osé interdire après le 11 mai les déplacements dans les transports – on est effectivement plus de 10 dans le bus ou dans le métro… –, mais les parcs et jardins ont pu être ouverts, et sur les charmantes pelouses vertes, on a souvent été plus de 10 à prendre l’apéro… Autre exemple de contradiction : les bars et les restaurants. Pas question de boire ou de manger dedans mais cela a été permis en terrasse dans les départements classés en zone dite orange, ce qui visait l’Île-de-France. Finalement, l’interdiction – quelque peu hypocrite – a été levée le lundi 15 juin 2020, le lendemain de l’annonce d’Emmanuel Macron à 20 h… Les restrictions auront été rudes, mais aussi cacophoniques, ce qui résume assez bien la situation actuelle. Plus près de nous, toujours à Paris, on s’est encanaillé près du canal Saint-Martin pour siroter lors de la fête de la musique le 21 juin dernier. Cette fois-ci, les interdits marchent difficilement au nom de la « teuf ». Il y a une chose que ce régime d’interdiction a révélé : les cassures profondes de la société française, son « archipélisation » (Jérôme Fourquet), qui fait que les normes ne sont pas les mêmes partout et pour tous, parce qu’au fond, personne n’y croit vraiment, les « Gaulois » pas plus que ceux d’origine étrangère. Les interdictions, ce n’est donc pas pour tout le monde, que ce soit avant le 17 mars ou après le 11 mai. Et certainement après le 10 juillet 2020, la date officielle retenue pour la fin de l’état d’urgence sanitaire. D’ailleurs, ce sont les communautés – au sens large – qui ont contesté – violemment ou pacifiquement – ces interdits.

    Des libertés sauvées par le juge ?

    Finalement, c’est le juge administratif qui a retoqué certaines interdictions. Un autre exemple de restriction mal vécue, mais corrigée par le juge administratif, peut être cité : la liberté de culte, ressuscitée – sans ironie pour les chrétiens qui nous lisent – par une décision du 23 mai dernier. En effet, dans son décret du 11 mai 2020, le Gouvernement avait interdit tout exercice du culte. Il aurait donc fallu attendre le 2 juin pour que les fidèles puissent participer à des offices religieux. Saisi par plusieurs associations catholiques et par des particuliers, le Conseil d’État estime que l’interdiction est trop générale et absolue par rapport aux circonstances sanitaires qui l’ont justifiée. Sous huitaine, le Gouvernement a donc dû revoir sa copie. Le 23 mai 2020, il a autorisé la reprise du culte en exigeant le port du masque et le respect des gestes barrières (ouf !). Depuis, les catholiques sont contents de pouvoir pratiquer, même si d’autres restrictions peuvent poser problèmes (l’inscription obligatoire à la participation au culte, etc.). On mesure comment une liberté a pu être restaurée, mais en acceptant de saisir le juge. Et surtout comment, dans la léthargie générale, ce sont les « minoritaires » qui demandent à remettre les points sur les « i ». Pas besoin d’être racaille pour le demander… Non seulement l’État impose des restrictions, mais c’est son appareil lui-même (les juges administratifs en l’espèce) qui reconnaît que quelque chose ne va pas…

    La perpétuation du système

    Il serait insuffisant de lire ces mesures à la lumière de la seule pandémie qui a touché notre pays. Ce que révèlent les restrictions est loin d’être circonstanciel. Covid-19 ou pas, les atteintes aux libertés publiques sont dans l’air du temps. Ces interdictions traduisent une singulière tournure qui affecte les sociétés contemporaines. C’est l’ère du « capitalisme autoritaire » ou du « capitalisme policier ». La démocratie devenant atone et fatiguée, le système partisan étant sérieusement affaibli et géré par un « bloc central » qui ne représente que 20% des électeurs, il ne reste plus que la contrainte pour gérer le « gros animal ». Les croyances sont liquéfiées. Ainsi, aux dernières élections municipales, les candidats de centre, de droite et de gauche ont proposé les mêmes programmes dans les métropoles : ils sont tous paysagistes ou veulent planter des arbres à chaque coin de rue. On se rattrape donc sur les normes et le bâton coercitif. Car sinon, comment faire tenir ensemble des Français qui se communautarisent ou qui sont encore plus consommateurs que citoyens ? Les Français ne croient plus en rien, mais il reste encore la peur du gendarme. Le Covid-19 permet donc au système de se perpétuer avec une crise de nature inédite, qui n’avait pas de précédent dans la mémoire collective. À quand de vraies libertés ? Au fond, la situation actuelle – et cocasse – peut rappeler un ouvrage d’un éminent professeur de droit public : la République contre les libertés[1]. On est en plein dedans.

    [1]. Jean-Pierre Machelon, La République contre les libertés ?, Paris, Presse de la Fondation nationale des sciences politiques, 1976.

    Illustration : Qu’importe l’émotion pourvu que vous ayez un masque ! La République et ses Normes à Géométrie Variable ®.

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  • L'alerte démographique, par Jean-Philippe Chauvin.

    La question démographique n’est pas une question secondaire, et le croire serait une erreur autant vitale que sociale : l’avenir d’un pays repose sur sa capacité à vivre et à transmettre et, quand la vie semble négligée, seules les ruines encombrent le paysage sans qu’elles ne parlent d’autre chose que d’un monde disparu, mort.

     jean philippe chauvin.jpgLes peuples et les nations sont mortels, et pas seulement comme sociétés : l’histoire est un immense cimetière de civilisations, et de nombreuses chaînes de transmission ont été brisées faute d’entretien démographique, moral ou politique. Il serait fort dommage que la France (ce qu’elle est et porte dans l’histoire du monde et des hommes) disparaisse à son tour dans une globalisation d’amnésie bien-pensante et de féodalismes identitaires et techno-financiers, d’où ce souci démographique qui anime ceux d’entre nous qui veulent un avenir français sans, pour autant, méconnaître les autres manières d’être au monde.  

     

    Or, les chiffres de la natalité et de la fécondité françaises de cette dernière année ne sont pas bons et peuvent même paraître inquiétants : le taux de fécondité (le nombre d’enfants par femme en âge de procréer) s’établit pour 2020 à 1,84 et le nombre des naissances n’a jamais été aussi bas depuis… 1945 ! Entrons-nous dans un nouvel hiver démographique, ou n’est-ce que la conséquence passagère d’une crise sanitaire dont nous ne savons pas encore la fin ? Or, au début du premier confinement, l’idée courante (mais fausse) était que l’enfermement contraint allait provoquer une embellie démographique neuf mois après, ce que la réalité vient de cruellement démentir. En fait, la crise sanitaire a accéléré un processus antérieur qui voit la fécondité française diminuer et la natalité avec, sachant que, déjà, le nombre de femmes en âge de procréer a logiquement diminué ces dernières années, conséquence du premier « baby krach » du milieu des années 1970 et de l’élévation de l’âge de la première maternité (presque 31 ans en moyenne pour les femmes françaises aujourd’hui) qui « étire » ainsi la natalité dans le temps.

     

    Mais l’une des causes principales de la baisse de la natalité est politique, ce que rappelle le démographe Gérard-François Dumont dans un entretien très instructif publié par Le Figaro dans son édition du vendredi 12 mars dernier, intitulé, avec raison, « La France paie le démantèlement de sa politique familiale » : « Si l’on considère les niveaux de fécondité des pays européens et les différentes politiques familiales, le résultat est clair : les pays dont la politique familiale est faible ont les fécondités les plus basses. Ceux dont la politique familiale est moins timorée ont les fécondités les plus élevées. Jusqu’au milieu des années 2010, la politique familiale de la France lui permettait d’avoir la fécondité la plus élevée d’Europe, un temps devancée seulement par l’Irlande. C’était une politique qui, avec ses multiples déclinaisons financières, fiscales et de facilitation de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, satisfaisait les Français. Puis, sous le quinquennat Hollande, un démantèlement systématique est intervenu : fin de l’universalité des allocations familiales ; diminution de l’équité fiscale ; réforme du congé parental rendant celui-ci considérablement moins attractif ; forte diminution de l’autonomie fiscale des collectivités locales contraintes de revoir à la baisse leurs systèmes de grade de jeunes enfants. » Ainsi, la politique pratiquée par les socialistes au pouvoir a oublié qu’il ne faut jamais mélanger les genres et que confondre politique sociale et politique familiale entraîne une déstabilisation de cette dernière : c’est bien ce qui s’est passé, et la chute fut brutale, le taux de fécondité passant de 2,01 en 2014 à 1,84 en 2020, ce qui s’est concrètement traduit par une baisse significative du nombre de naissances.

     

    Or, cette nouvelle situation démographique a des conséquences sociales et pas seulement sur les moyen et long termes, comme le souligne M. Dumont : « La dénatalité exerce des effets économiques à court terme sur la demande et sur le dynamisme économique, puisque l’enfant est un élément « actif » de l’économie. A moyen terme, c’est la population active qui diminue, par conséquent un potentiel moindre de création de richesses. » Des naissances en moins, ce sont des classes en moins, des professeurs en moins, des écoles en moins, et cela dès les premières années après le « creux » de la natalité : « En France métropolitaine, il naît désormais 100.000 enfants de moins qu’il y a dix ans. C’est un phénomène spectaculaire », explique dans la même édition du Figaro Yvon Sérieyx, chargé de la conciliation vie familiale-vie professionnelle à l’Unaf, et c’est un phénomène qui n’incite guère à l’optimisme.

     

    Mais il y a un autre souci économique et social, c’est le financement des retraites qui risque d’être lourdement impacté par cette baisse de la natalité française, et cela dans un délai de quelques décennies, affectant aussi le système de santé ainsi que celui de l’assurance-chômage, du moins si le système d’une « solidarité nationale » effective et inter-générationnelle (retraites par répartition, sécurité sociale, etc.) perdure, ce qui reste à défendre face aux pressions de la mondialisation dérégulatrice et d’une Union européenne moins protectrice que ne peut l’être, malgré tous ses défauts (et ils peuvent être lourds…), l’État français hérité des années 1936-1962…

    Alors, que faire ? Il serait évidemment nécessaire que l’État, qui n’est pas pour autant le maître des chambres à coucher, travaille à la mise en place d’une véritable stratégie, non pas seulement nataliste, mais familiale au sens le plus complet du terme, et qu’il s’appuie sur tous les acteurs économiques (sociaux, « corporatifs » et locaux) de l’ensemble français, pour la faire advenir : en somme, « susciter plutôt qu’imposer », en favorisant les familles et en soutenant les parents isolés, et toutes celles qui souhaitent avoir des enfants et en sont empêchées par les difficultés économiques du moment ou par les contraintes du milieu professionnel. Car il est un élément à prendre en compte, c’est le désir d’enfants en France qui est, pour les femmes en âge de procréer, de 2,3 : un chiffre supérieur à ceux que nous constatons aujourd’hui et qui est une promesse et une espérance si notre société sait répondre à cette attente ! Bien sûr, de la théorie à l’effectivité, il y a parfois une marge importante, mais il semble que l’enjeu en vaut la chandelle. De plus, il faut rendre aux familles et à leurs enfants qui sont « les parents de demain » des perspectives d’intégration au monde du travail et des possibilités d’une meilleure qualité de vie, et promouvoir une politique audacieuse d’aménagement des territoires, fondée sur le désir de plus en plus fort d’une vie extra-urbaine par exemple (désir exprimé par une part croissante de la population)  ou d’une alternative « heureuse » à la société de consommation. En fait, ce ne sont pas les pistes qui manquent, et c’est aussi ce qu’avance le Haut-commissaire au Plan François Bayrou en train de préparer une note sur ce sujet. Encore faut-il que ce souci démographique ne soit pas la proie des seuls économistes, mais qu’il devienne une des priorités de l’État : en ce domaine comme en d’autres, « Politique d’abord » ! C’est la volonté politique qui peut permettre un rétablissement durable de la natalité, non dans l’excès mais dans la mesure et la raison qui, toujours, doivent guider l’action politique envers la société et les citoyens. La République en est-elle encore capable ? Il n’est pas certain que la réponse soit positive...

     

    Mais, la bonne santé démographique d’une nation n’est pas la seule condition de la force de celle-ci, même si Jean Bodin expliquait au siècle de François 1er que, vraiment, « il n’est de richesses que d’hommes » : il faut y ajouter l’envie de vivre et de transmettre, le besoin de cette amitié nationale qui favorise l’unité des peuples du pays autour d’un axe fédérateur et qui doit s’imposer aux égoïsmes individuels ou communautaires, tous nécessaires mais devant être apprivoisés pour ne pas être empoisonnés… Que la Monarchie royale en France puisse s’apparenter à un État-famille, et que la France soit une « famille de familles », pourrait aider à la vie pérenne et toujours renouvelée de ce pays, « le plus beau royaume qui soit sous les cieux »… 

    Source : https://jpchauvin.typepad.fr/

  • Agaceries au sein du couple stratégique franco-allemand, par Georges-Henri Soutou.

    L’Allemagne et la France sont d'accord pour promouvoir une défense européenne. Mais Berlin aimerait que Paris abandonne à Berlin la maîtrise d'ouvrage, et qu'on laisse les Américains diriger de loin. Il n'est pas certain que la France y trouve son avantage.

    Le dernier sommet de défense franco-allemand, début février, mérite l’attention. Il a porté essentiellement sur le système de combat aérien du futur (le SCAF), franco-germano-espagnol, et sur le projet de drone européen.

    4.jpgLe premier projet, à horizon de vingt ans, pour un coût évalué à une centaine de milliards d’euros, repose sur un avion de combat dit de sixième génération, gérant un essaim d’engins sans pilote de tout type, le tout dans une architecture informatique très complexe, en vue de missions diverses et ambitieuses, y compris à long rayon d’action. C’est incontestablement pour la défense de l’Europe un projet « structurant ».

    Paris et Berlin sont d’accord pour estimer que les Européens doivent parvenir à une indépendance plus grande par rapport aux Américains en matière d’armements (une indépendance totale ne serait pas réaliste, actuellement 80 % des armements européens dépendent peu ou prou des fabrications ou au moins des brevets d’Outre-Atlantique). Mais au moins conviendrait-il d’assurer cette indépendance pour un système majeur comme le SCAF, et également pour le projet lui aussi essentiel de drone, sachant que la loi américaine ITAR impose l’accord des États-Unis pour toute exportation d’armes comportant des composants américains, et leur agrément pour toute participation de sociétés ou d’individus travaillant sur des programmes utilisant ces composants.

    Une nouvelle fois deux avions concurrents ?

    Mais l’accord s’arrête là. En effet, Mme Merkel estime que Dassault, maître d’œuvre du SCAF, tire trop la couverture à lui et ne fait pas assez de place aux industriels allemands, aussi bien pour les fabrications que pour le partage de l’expertise. Tandis que le président français souhaite que l’on signe le plus vite possible les accords lançant le programme et fixant son budget, quitte à régler par la suite la question des participations. En effet Paris est pressé : le Bundestag ne s’engage pour le budget préliminaire d’étude de faisabilité que par périodes de six mois, et ne veut pas aller plus loin avant les élections de septembre prochain en RFA. Or il est tout à fait possible que la future majorité refuse le programme SCAF, auquel les Verts sont opposés et qui divise la SPD (précisons que le Bundestag, à la différence de l’Assemblée française, intervient dès le début des programmes, y compris pour les études préliminaires).

    Pour le drone, on a un problème comparable : un drone d’observation est acceptable pour l’ensemble des partis allemands, un drone armé pose un problème beaucoup plus délicat (du pur point de vue du droit international, c’est d’ailleurs exact). Éventuellement on pourrait s’en sortir avec deux versions (observation et combat) dont la mise au point serait de toute façon nécessaire, la RFA ne faisant pas l’acquisition de la version armée. Mais cette solution industrielle ne répondrait pas au vœu affiché de coopération stratégique accrue entre la France et l’Allemagne.

    Quant au SCAF, si on tient compte en outre de ses coûts considérables dans une ambiance budgétaire problématique, le risque existe de voir la France faire cavalier seul avec Dassault, tandis que l’Allemagne soit achèterait des matériels américains (l’option a été envisagée l’an dernier, elle a été simplement suspendue, pas écartée, et là aussi la décision dépendra du prochain Bundestag) soit lancerait un autre programme, autour d’Airbus et avec d’autres partenaires. Ce serait un « remake » du duo Rafale-Eurofighter dans les années 1980, au lieu de l’avion européen unique envisagé au départ. Il est évidemment impossible de dire dans quelle mesure chacun de ces deux programmes aboutirait, mais il est évident que le doublon grèverait lourdement des ressources européennes en tout état de cause rares, et réduirait considérablement la portée de la coopération franco-allemande en matière de défense.

    Les arrière-pensées nucléaires

    Pour les Français, le SCAF sera l’un des deux vecteurs de l’arme nucléaire, à côté des sous-marins, remplaçant là aussi les Rafales, dont c’est l’une des missions. D’où l’importance essentielle du programme pour Paris : c’est en effet un élément clé dans la modernisation des forces nucléaires. Mais cette dimension n’existe pas à Berlin, ce qui explique peut-être le moindre intérêt qu’on y éprouve pour le SCAF.

    Ce n’est pas que la RFA n’ait pas un rôle nucléaire : on sait que vingt bombes thermonucléaires sont stockées sur une base américaine, destinées à être emportées le cas échéant par des avions allemands. Mais cela n’aurait évidemment lieu que dans le cadre de l’OTAN et de sa stratégie de dissuasion nucléaire. En outre ce rôle nucléaire lui-même est contesté en Allemagne, et pourrait être abandonné à l’issue des prochaines élections, étant donné la force des courants antinucléaires et antiaméricains.

    En face, le président de la République a réaffirmé devant l’École de Guerre, le 7 février 2020, la doctrine française de dissuasion, qui n’évolue d’ailleurs pas fondamentalement et reste nationale, malgré une invitation aux partenaires européens à participer à des exercices de nos forces de dissuasion. Cela n’a pas convaincu en RFA : ou bien on y conteste la notion même de dissuasion nucléaire, ou bien on ne la conçoit que dans un cadre atlantique, en dehors de quelques voix isolées.

    On peut même craindre que l’accent mis ici sur le rôle nucléaire du futur SCAF, à côté de ses autres missions, ne complique encore ce dossier à Berlin.

    Mais le nucléaire n’est pas tout

    Il y a un point sur lequel malgré tout Berlin et Paris convergent : la dégradation du système international rend la perspective de conflits majeurs, de « haute intensité », impliquant l’Europe, à nouveau pertinente. Le papier rendu public début février par la ministre allemande de la Défense, Mme Kramp-Karrenbauer, et l’Inspecteur général de la Bundeswehr rejoint les déclarations récentes des chefs militaires français, les généraux Lecointre (CEMA) et Burkhard (CEMAT).

    Mais les conclusions tirées ne sont pas les mêmes : Paris insiste sur sa capacité de frappes aériennes à longue distance, affirme son engagement dans la zone indopacifique, réaffirme le rôle de notre base à Djibouti, ne renonce pas à une présence militaire importante au Mali, avec une action anti-djihadiste dans l’ensemble du Sahel. La réponse comporte ici une ambition globale.

    La réponse allemande est différente, elle est résolument centrée sur la défense de l’Europe. La Bundeswehr doit devenir un « partenaire d’appui » pour les pays voisins, aux moyens militaires limités, en leur permettant de rationaliser et de potentialiser ceux-ci, et de former ainsi une sorte de « plaque tournante » au sein de l’Alliance atlantique et de l’Union européenne, de façon très pragmatique, par une série d’accords bilatéraux. Par exemple la RFA, l’Autriche et la Suisse collaborent déjà dans le format dit DACH (d’après les plaques minéralogiques D, A et CH !) et l’Inspecteur général de la Bundeswehr vient de proposer aux Suisses de former, avec Berlin et Vienne, « une alliance alpine » pour la défense aérienne, problème d’ailleurs crucial. Cette orientation en fait défensive est plus facile à faire admettre en Allemagne, où la plupart des responsables n’ont aucune envie de compliquer leurs relations avec la Russie et la Chine, partenaires commerciaux essentiels.

    Il existe donc une possibilité de voir Berlin réaliser dans les faits une forme de défense européenne commune concrète, quoiqu’informelle, et « faire un plus », comme le disait le très réaliste Frédéric-Guillaume Ier de Prusse, le père de Frédéric II (« Ein Plus machen »).

    Alors que les plans français de « souveraineté européenne stratégique », certes plus ambitieux, se heurtent à l’opposition américaine, au scepticisme des partenaires, au manque de moyens, et en outre au probable refroidissement de la coopération militaire avec Londres, à cause des suites mal maîtrisées du Brexit. Les enjeux sont énormes, et on ne peut que recommander un dialogue stratégique approfondi avec nos partenaires.

    Illustration : Le SCAF. Ou plutôt sa maquette. Belle comme un projet. Profilée comme un mausolée.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Dette publique : ce que l’on voit, ce que l’on ne voit pas, par Olivier Pichon.

    Toute dette publique est d'abord et au final une décision politique, et donc une décision de violence politique : violence de l'impôt, surtout quand il est justifié par des considérations extra-nationales et moralisantes. Une violence qui s'exerce surtout à l'encontre des classes pauvres.

    4.jpgIl est entendu comme une évidence que la dette n’est pas un problème tant le déferlement de monnaie de singe (le quantitative easing, assouplissement monétaire) devrait continuer par la grâce de la BCE. Il est vrai que le coût du service de la dette, en France, a baissé logiquement en raison de taux nuls ou négatifs : en 2018 les intérêts représentaient 3 % de la dépense publique contre plus de 6 % dans les années 90 pour une dette plus modeste. Mais le service de la dette, avant Covid, était quand même de plus de 40 milliards par an, qui seraient les bienvenus pour les ministères régaliens. C’est ainsi que la classe politique se pense à l’abri de la contrainte de la dette et peut se montrer dispendieuse des deniers publics qui lui permettent encore, dans un contexte de pandémie et d’effervescence sociale et politique, d’acheter à bon compte la paix sociale. Mais jusqu’à quand ?

    Le ratio dette publique sur PIB (115 % du PIB, déficit budgétaire à 9,2 %) ne semble pas inquiéter les créanciers qui ne paraissent pas vouloir s’assurer du risque par des taux plus élevés. En revanche, elle pénalise les épargnants quand les obligations de l’État ont un rendement des plus médiocres. Cette étrangeté quasiment sans précédent dans l’histoire économique ne s’explique pas exclusivement par la générosité de la BCE, tandis que les agences de notation ne déclassent pas non plus la France à raison de ses dettes.

    Le monopole de la violence

    L’explication tient au monopole de la violence que possède l’État et à sa capacité à obtenir par la contrainte des ressources fiscales sans cesse croissantes, souvent dissimulées, avec l’aide de la Commission européenne, sous le couvert de la norme et de l’écologiquement ou sanitairement correct, voire de morales à deux sous, telles “sauver la planète”, “aider au développement”, “promouvoir des comportements inclusifs”. C’est pourquoi on peut considérer la dette comme le moyen d’une forme de tyrannie. Ainsi, l’État est solvable non pour des raisons économiques (équilibres financiers) mais pour des raison politiques. Il faut donc s’interroger sur les conséquences de cette dette. Elles sont de deux ordres : monétaires et sociologiques.

    Conséquences monétaires

    En bonne logique, sur le plan monétaire, la France débitrice devrait connaître un taux de change défavorable et sa monnaie, si elle en avait une en propre, se déprécierait à raison de ce taux défavorable. On sait que l’euro, réputé monnaie unique en théorie, la protège de ce risque mais, là aussi, le risque n’est pas totalement écarté, car les Target [1] pourraient faire apparaître que l’euro français est plus faible que l’euro allemand (c’est encore plus vrai pour l’euro italien) : nous serions alors dans un régime de monnaie commune.

    La dette favorise l’expansion d’une classe de rentiers.

    Par ailleurs, cette dette est détenue à 60 % au moins par l’étranger, ce qui produit de l’évasion de richesses et est un gage d’affaiblissement de la puissance. Et, d’un autre côté, les impôts que lève cet État tout puissant enchérissent les coûts de la main d’œuvre en France. Plus encore, les taux d’intérêt négatifs pour l’État incitent ce dernier à ne pas se réformer, autrement dit à ne jamais réduire les dépenses improductives, généralement idéologiques (remarquons que l’ordre et la sécurité sont mal assurées en France, les fonctions régaliennes étant réduites à la portion congrue). L’État est moins fécond dans la dépense et sa captation de richesses produit un effet bien connu d’éviction par les investissements publics – surtout lorsqu’ils s’encombrent des contraintes politiciennes du discours à la mode (écologie, antiracisme, et maintenant l’arsenal woke) –, moins productifs qu’un investissement privé.

    Une classe de rentiers de l’État par la dette publique

    Sur le plan sociologique, la dette favorise l’expansion d’une classe de rentiers au détriment de l’activité réellement productive. Cette classe s’accommode facilement de la financiarisation mondiale de l’économie aux antipodes d’une nation adonnée à l’industrie : là gît la désindustrialisation française. Une classe d’oisifs qui ne travaillent guère et une classe d’actifs sur lesquels pèse le poids de cette dette. La République qui affiche l’égalité partout, dans ces conditions fiscales, s‘accommode d’une inégalité entre ceux qui peuvent bénéficier des revenus de la dette et ceux qui paient via l’impôt les intérêts de cette dette.

    Plus grave encore : par la contrainte réglementaire, l’État a obligé les établissements financiers (établissements majoritairement dirigés par d’anciens hauts fonctionnaires), banques, compagnies d’assurances et caisses de retraite, à être détenteurs de la dette française. Ce qui revient à assurer la protection d’un régime financier favorable aux élites financières et administratives du pays, car la porosité est grande entre le secteur financier et la haute administration.

    Inflation, faillite, croissance nulle, un bilan

    Enfin, on ne peut exclure que cette cascade monétaire induise une forte inflation comme cela a commencé aux États-Unis. Dans ce cas aussi l’inflation va creuser les inégalités selon que vous serez en revenus fixes ou en revenus indexables sur les prix ; retraités, salariés, épargnants en seront aussi victimes, tandis que vendeurs et acheteurs à taux bas verront croitre leurs revenus, au moins nominalement. Au surplus, si les États évitent les faillites, ils ne font que reporter le risque sur la banque centrale qui, en monétisant leur dette, « encaisserait » à tous les sens du terme le risque de faillite, sans compter que, avant même cette échéance fatale, la politique d’assouplissement monétaire n’a pas été capable de favoriser la croissance en Europe qui connaît les taux les plus bas du monde. Enterrement de première classe de la thèse de Keynes selon lequel laquelle la « cheap money » produit de la croissance.

    Pour l’heure, le système semble tenir, mais il contredit l’affirmation d’indépendance de la BCE voulue par les traités puisque celle-ci doit sa survie à la force et à la contrainte, celle du monopole, celle d’accepter sa monnaie, celle des États qui composent le système de l’euro et qui utilisent la violence légale – la France étant ce coup-ci au premier rang. C’est pourquoi l’euro est bien un enfant bâtard du jacobinisme français et c’est ainsi que s’explique l’attraction des monnaies numériques alternatives, que la BCE veut contrer par son projet de monnaie numérique monopolistique.

     

    Illustration : L’Euro est une traite permanente tirée sur les revenus des européens les plus pauvres.

     

    [1] . Le système Target 2 est un organe du SEBC entré en vigueur en 2007, grosso modo ; les soldes Target 2 tracent le passage des frontières (eh oui, elles existent) par les euros. En cas de déficit de la balance des paiements entre la France et l’Allemagne, par exemple, si les banques commerciales allemandes, par manque de confiance, ne font plus crédit à leurs homologues françaises, le seul recours est la BCE. Comme il y a davantage d’euros français qui passent de la France à l’Allemagne, ce pays se retrouve avec plus d’euros que ceux créés par ses propres banques (soldes Target). On imagine aisément ce qui se passerait si les monnaies n’étaient pas intégrées au SBCE : une dépréciation conduisant à la dévaluation, Target 2 étant là pour sauver l’euro.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Sans l’indépendance de l’État, il n’y a pas de libertés, EDITORIAL de Philippe SCHNEIDER (la lorraine Royaliste).

    Nous vivons depuis main­te­nant près de 2 ans sous le signe du « Covid », de ses déri­vés et des consé­quences impo­sées par notre gouvernement.

    Dans le temps, ces mesures paraissent contra­dic­toires, impro­vi­sées.

    Cela est dû en grande par­tie à des contraintes maté­rielles : manque de masques, de lits dans les hôpi­taux, sur­tout en réani­ma­tion, mau­vaise orga­ni­sa­tion de notre sys­tème de san­té, beau­coup trop cen­tra­li­sé, à l’administration ten­ta­cu­laire et oné­reuse, etc.

    Des leçons sont à tirer de cet état de fait. Nous pou­vons repro­cher à notre gou­ver­ne­ment de ne rien faire pour amé­lio­rer la situa­tion pour pou­voir avoir les moyens de faire face lors d’une nou­velle épi­dé­mie, ce qui arri­ve­ra fata­le­ment. L’histoire nous montre que cela arrive régu­liè­re­ment et sans « pré­ve­nir ». Il faut donc être prêt. Au contraire, sans doute pour faire des éco­no­mies, il semble que le pou­voir aggrave les choses pour l’avenir : il y aurait eu encore des sup­pres­sions de places dans les hôpi­taux alors qu’il fau­drait en créer !

    Dans le monde, nous consta­tons des réac­tions très dif­fé­rentes d’un pays à l’autre. Cer­tains n’ont pris aucune mesure par­ti­cu­lières, se conten­tant de pré­co­ni­ser de la pru­dence dans les rela­tions entre les per­sonnes (Suède, cer­tains États des USA,…) et d’autres ont pris des mesures très strictes (confi­ne­ments, fer­me­tures des écoles,…) un peu comme la France avec tous les inter­mé­diaires pos­sibles. Or, il semble, pour l’instant, que le pour­cen­tage de morts par rap­port aux habi­tants soit à peu près le même quelque soit la poli­tique sui­vie. Pour­cen­tage d’ailleurs très faible com­pa­ré à d’autres pan­dé­mies ! Ajou­tons que dans cer­tains pays, il y avait des poli­tiques de trai­te­ments dès les pre­miers symp­tômes alors que d’autres ne soi­gnaient que plus tar­di­ve­ment. Tous, par contre, ont comp­tés sur les dif­fé­rents vac­cins pour jugu­ler l’épidémie. Rai­son pour laquelle ils furent dis­tri­bués très vite avant même que les essais ne soient ter­mi­nés (ils ne le sont tou­jours pas, rai­son pour laquelle il est dif­fi­cile et sans doute illé­gal de les rendre obli­ga­toires).  Ces vac­cins – ceux auto­ri­sés en France comme les autres – semblent dimi­nuer les risques du moins pour les formes graves de la mala­die. C’est déjà quelque chose mais cela jus­ti­fie-t-il un tel achar­ne­ment ? Et puis il y a quand même des incer­ti­tudes sur les consé­quences  à moyen et long terme sur­tout pour les vac­cins à base d’ARN mes­sa­gers, selon de nom­breux scien­ti­fiques. Risques faibles sans doute mais risques. Cela jus­ti­fie l’objection de conscience d’ailleurs recon­nue par les Évêques de France, du moins tant que les périodes d’essai ne seront pas terminées.

    Le gou­ver­ne­ment, conscient de ce pro­blème, tourne le pro­blème en impo­sant un « passe sani­taire » pour de nom­breuses acti­vi­tés, ce qui revient à rendre le vac­cin pra­ti­que­ment obli­ga­toire ! Remar­quons qu’il doit dou­ter de son effi­ca­ci­té car, autre­ment,  il ren­drait d’abord ce « passe » obli­ga­toire là où il y a le plus de pro­mis­cui­té, en par­ti­cu­lier les trans­ports en com­mun (bus, métros, trams, RER,…) et non pas dans les cafés et res­tau­rants, sur­tout les ter­rasses, où cela ne sert à rien !

    Nous pou­vons nous deman­der à quoi rime réel­le­ment ce « passe sani­taire » pour nos gou­ver­nants ? Et là nous nous rap­pe­lons que cer­tains comme Jacques Atta­li, le « men­tor » de Macron, mais aus­si le créa­teur du forum de Davos, Klaus Schwab, ou le sul­fu­reux George Soros et leurs amis sou­hai­taient l’apparition d’une épi­dé­mie afin de tes­ter des sys­tèmes de contrôle de la popu­la­tion comme le « passe sani­taire » ! Ensuite, cela pour­rait être géné­ra­li­sé s’il n’y avait pas trop de réac­tions. Ain­si, avec ce « contrôle » et la mon­dia­li­sa­tion, la finance inter­na­tio­nale pour­rait mul­ti­plier ses pro­fits… Com­plo­tisme ? Non car un com­plot est par défi­ni­tion secret et mis en place par un ou des groupes occultes. Là, ce n’est pas le cas, car les per­son­nages cités et d’autres ont clai­re­ment annon­cé cet objec­tif par écrit ou lors de confé­rences publiques et lar­ge­ment dif­fu­sées. Phi­lippe de Vil­liers en donnent toutes les preuves dans son der­nier livre « Le Jour d’après ». Et c’est cela qui jus­ti­fie plei­ne­ment les mani­fes­ta­tions du same­di qui ras­semblent des cen­taines de mil­liers de per­sonnes. Nous remar­que­rons que plus il y a de monde, moins il est dénom­bré de mani­fes­tants par la pro­pa­gande officielle !

    Que l’on com­prenne bien, il se pour­rait très bien qu’un « passe sani­taire » put être utile à un moment ou un autre dans la vie d’un pays et qu’un pou­voir indé­pen­dant l’impose à ce moment là. Il serait en place pour un moment don­né et sans arrière pen­sée. Mais, jus­te­ment, il faut pour cela un pou­voir indé­pen­dant, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, en répu­blique. Com­ment ne pas pen­ser que nos « diri­geants » suivent les direc­tives de leurs « com­met­tants » ? Sur­tout que cela peut per­mettre aus­si de contrô­ler les élec­teurs ! Remar­quons que dans le même temps, dans ce même but de « contrôle », d’autres liber­tés sont sup­pri­mées visant en par­ti­cu­lier les familles comme l’enseignement à la mai­son, les écoles hors contrat, les auto­ri­sa­tions don­nées aux mineurs sans l’autorisation des parents…

    Ici comme dans tous les autres domaines, sans l’indépendance de l’État, il n’y a pas de liber­tés et, en France, il n’y a qu’un seul pou­voir indé­pen­dant pos­sible, celui de notre Roi. Et nous ne pou­vons faire confiance à aucun des can­di­dats à la pré­si­den­tielle de 2022 car, même s’il y en avait un qui sou­hai­te­rait aller vers plus d’indépendance il serait pris dans le sys­tème et ferait comme les autres !

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • La France entre l’Œdipe algérien et celui des « décoloniaux »…, par Bernard Lugan.

    Le « Système » algérien et les « décoloniaux » accusent la France d’être responsable de leurs problèmes. Une attitude œdipienne déjà bien décrite en son temps par Agrippa d’Aubigné quand il écrivait que :
    « Le cadavre de France se décompose sous l’œil de deux enfants : le premier est félon et le second parasite. L’un est tourné vers la mort et l’autre vers la dévastation. »

    bernard lugan.jpgAu mois de janvier 2021, un journaliste algérien complaisamment relayé par les médias français, exigea même de la France un dédommagement pour le « pillage » du fer « algérien » qui, selon lui, aurait servi à fabriquer la Tour Eiffel !!!

    Or, comme l’a montré Paul Sugy, les pièces composant l’emblématique monument furent fondues en Lorraine, dans les aciéries de Pompey, à partir de minerai de fer extrait de la mine de Lurdres, également située en Meurthe-et-Moselle…

    La prétention aussi exorbitante que surréaliste de ce stipendié du « Système » algérien n’est pas le coup de folie d’un illuminé. Elle s’inscrit tout au contraire dans une stratégie de surenchère revendicatrice destinée à obtenir des excuses, puis des réparations « sonnantes et trébuchantes » de la part de la France.

    Or, il faut bien voir que, jusqu'à l’arrivée de François Hollande au pouvoir, la position algérienne avait été relativement « retenue ». Ni Georges Pompidou, ni Valéry Giscard d'Estaing, ni François Mitterrand, ni Jacques Chirac et ni Nicolas Sarkozy n’auraient en effet accepté de telles demandes d’excuses. Or, tout a changé avec les déclarations irresponsables de François Hollande suivies de celles d’Emmanuel Macron au sujet de la colonisation. A partir de là, la France s’étant auto-humiliée, l’Algérie s’est donc trouvée en position de force pour exiger toujours plus d’elle. D'autant qu’acculé par la rue, sa survie étant même en jeu, le « Système » algérien n’a plus que deux moyens pour tenter de détourner la marée de la contestation populaire  qui menace de l’emporter :

    1) S’attaquer au Maroc, comme en 1963 quand la « Guerre des Sables » lui a permis de mettre en parenthèses le soulèvement kabyle. Mais, avec le Maroc, qui s’y frotte s’y pique…

    2) Rien de tel avec le chapon français dont les actuels dirigeants n’osent pas rappeler à leurs homologues algériens qu’en 1962, la France « mère généreuse », légua à sa « chère Algérie » selon la formule du regretté Daniel Lefeuvre, un héritage composé de 54 000 kilomètres de routes et pistes (80 000 avec les pistes sahariennes), de 31 routes nationales dont près de 9000 kilomètres étaient goudronnés, de 4300 km de voies ferrées, de 4 ports équipés aux normes internationales, de 23 ports aménagés (dont 10 accessibles aux grands cargos et dont 5 qui pouvaient être desservis par des paquebots), de 34 phares maritimes, d’une douzaine d’aérodromes principaux, de centaines d’ouvrages d’art (ponts, tunnels, viaducs, barrages etc.), de milliers de bâtiments administratifs, de casernes, de bâtiments officiels, de 31 centrales hydroélectriques ou thermiques, d’une centaine d’industries importantes dans les secteurs de la construction, de la métallurgie, de la cimenterie etc., de milliers d’écoles, d’instituts de formations, de lycées, d’universités avec 800 000 enfants scolarisés dans 17 000 classes ( soit autant d’instituteurs, dont deux-tiers de Français), d’un hôpital universitaire de 2000 lits à Alger, de trois grands hôpitaux de chefs-lieux à Alger, Oran et Constantine, de 14 hôpitaux spécialisés et de 112 hôpitaux polyvalents, soit le chiffre exceptionnel d’un lit pour 300 habitants. Sans parler du pétrole découvert et mis en exploitation par des ingénieurs français. Ni même d’une agriculture florissante laissée en jachère après l’indépendance, à telle enseigne qu'aujourd’hui l’Algérie doit même importer du concentré de tomates, des pois chiches et jusqu'à la semoule du couscous…

    Tout ce qui existait en Algérie en 1962 avait été payé par les impôts des Français. En 1959, l’Algérie engloutissait ainsi 20% du budget de l’Etat français, soit davantage que les budgets additionnés de l’Education nationale, des Travaux publics, des Transports, de la Reconstruction et du Logement, de l’Industrie et du Commerce ! Et tout ce que la France léguait à l’Algérie avait été construit à partir du néant, dans un pays qui n’avait jamais existé puisqu'il était directement passé de la colonisation turque à la colonisation française. Même son nom lui avait été donné par la France…

    L’attitude des « décoloniaux » relève quant à elle d’un complexe œdipo-existentiel doublé d’une dose de schizophrénie.

    Selon eux, la France qui les accueille, les nourrit, les habille, les soigne, les loge et les éduque, est une nation « génétiquement esclavagiste, raciste et colonisatrice », dans laquelle les descendants des colonisées sont dans une « situation coloniale », c’est-à-dire de « dominés ». D'où leur prétendue « marginalisation ». A cette affirmation victimaire s’ajoute un sentiment à la fois revanchard et conquérant bien résumé par Houria Bouteldja, une des figures de proue de ce courant:

    « Notre simple existence, doublée d’un poids démographique relatif (1 pour 6) africanise, arabise, berbérise, créolise, islamise, noirise, la fille aînée de l’Eglise, jadis blanche et immaculée, aussi sûrement que le sac et le ressac des flots polissent et repolissent les blocs de granit aux prétentions d’éternité (…) ».

    Authentiquement francophobes, haïssant la France, les « décoloniaux » rejettent donc tout ce qui se rattache à elle. Hafsa Askar, vice-présidente du syndicat étudiant UNEF, a ainsi écrit le 15 avril 2019, jour de son incendie :

    « Je m’en fiche de Notre-Dame de Paris, car je m’en fiche de l’histoire de France… Wallah … on s’en balek (traduction : on s’en bat les c…), objectivement, c’est votre délire de petits blancs ».

    Cependant, exprimant leur ressentiment et leur haine de la France dans la langue du « colon » honni, et s’affirmant intellectuellement à travers ses références philosophico-politiques, les « décoloniaux » ont une attitude schizophrénique…

    Là n’est cependant pas le moindre paradoxe de ces sycophantes dont la « pensée » a germé sur le terreau philosophique de la révolution de 1789. En s’attaquant frontalement, et d’une manière œdipienne, aux dogmes de leurs géniteurs - « valeurs de la République », « droits de l’homme », « vivre ensemble » et « laïcité » -, les « décoloniaux » ont en effet pulvérisé l’armature doctrinale et morale de cette gauche universaliste qui, depuis des décennies, est le vecteur de la décadence française. Comme elle ne survivra pas à la mort de son idéologie et de ses « valeurs fondatrices », la voilà qui sort donc peu à peu de l’histoire, dégageant ainsi la voie à un changement de paradigme.

    Aux porteurs de forces créatrices de saisir cette opportunité historique !

    - Pour la critique de l’histoire officielle de l’Algérie écrite par le FLN et par Benjamin Stora, l’on se reportera à mon livre Algérie, l’histoire à l’endroit.

    - Pour l’analyse et la réfutation de l’idéologie « décoloniale », on consultera mon livre Répondre aux décoloniaux, aux islamo-gauchistes et aux terroristes de la repentance.

    Source : http://bernardlugan.blogspot.com/

  • Affaire Ghosn, affaire Renault-Nissan, affaire française ?

    Par François Reloujac

    Carlos Ghosn, grand capitaine et citoyen mondial, mettait moins sa fortune au service du bien commun qu’il ne mettait en péril le bien commun pour sa propre fortune. Ou comment la philosophie financière d’un leader en vient à fragiliser une industrie nationale. 

    À la fin du mois de novembre, le monde interloqué a appris l’arrestation au Japon, à sa descente d’avion, du patron du premier groupe automobile mondial, considéré jusque-là comme le modèle de tous les capitaines d’industrie actuels. Il ne s’agit pas ici de porter un jugement sur une affaire en cours dont la justice est saisie mais, à cette occasion, de réfléchir sur ce qu’elle révèle des fragilités d’un système économique mondialisé par la finance.

    Le groupe Renault, fleuron de l’industrie française

    Avec plus de dix millions de voitures vendues en 2017 (9 % du marché mondial), ce que l’on appelle en France le « groupe Renault » est devenu le premier constructeur automobile au monde, devant Volkswagen, General Motors et Toyota. Ce groupe est considéré comme le fleuron de l’industrie française et, pour le maintenir à cette place, l’État en détient 15 % du capital et 22 % des droits de vote. Il désigne un membre du Conseil d’administration et en « propose » un autre au vote de l’Assemblée générale des actionnaires. Mais, à y regarder de plus près, la « nationalité » française du groupe n’est pas aussi clairement assumée. Tout d’abord le capital de l’ensemble se trouve réparti entre le Japon, la France, la Russie, l’Allemagne, tandis que les voitures vendues par le groupe sont commercialisées sous les marques Nissan, Renault, Mitsubishi, Lada, Dacia, Alpine… Il faut y ajouter des filiales, dites stratégiques, qui ont pour but d’optimiser les résultats financiers et la pression fiscale, comme la filiale d’assurance domiciliée à Malte. Mais ce qui est le plus significatif, c’est que la société qui joue le rôle de holding (mais qui est une filiale 50/50 de Renault et de Nissan) est domiciliée à Amsterdam pour permettre au groupe de bénéficier de ce qui est connu dans le jargon des conseillers fiscaux comme le « sandwich hollandais ». Il en résulte qu’en 2017, si l’on en croit les chiffres officiellement publiés, le montant de l’impôt sur les bénéfices payés en France par Renault était inférieur à 15 % du bénéfice. Mais il n’y a pas que l’optimisation fiscale que peuvent s’offrir les grands groupes multinationaux, il y a aussi une optimisation sociale. C’est ainsi que la réussite du groupe Renault-Nissan, sous l’impulsion de Carlos Ghosn, a été en partie due à une « externalisation » de la sous-traitance, à des mises à la retraite anticipées – dont la conséquence première est de faire prendre en charge par la collectivité des rémunérations perçues par ces nouveaux retraités – et à des délocalisations massives. Aujourd’hui, sur les 181 350 salariés que compte le groupe, à peine 48 000 travaillent en France. Et on pourrait continuer la liste de ces avantages ouverts aux seules multinationales, simplement organisées autour de liens financiers et jonglant avec des systèmes juridiques entremêlés.

    Les multinationales au-dessus des droits communs

    Le groupe, tel qu’il est organisé, semble bien, en effet, « optimiser » aussi le droit¹. Il repose sur un système de participations croisées entre Renault qui détient plus de 43 % du capital de Nissan et Nissan qui détient 15 % du capital de Renault. Sans compter que Renault détient 2,17 % de son propre capital (en pratique cette « autodétention » débouche sur un gonflement artificiel du capital nominal, dont le droit dit qu’il est la garantie des créanciers). Au regard du droit français, Nissan n’a donc pas le droit de prendre part aux votes affectant la direction de Renault. Mais on constate que si Nissan détient un poste d’administrateur, privé du droit de vote en vertu de la loi, un autre administrateur est élu « sur proposition de Nissan » ; rien ne s’oppose donc à ce qu’il participe aux décisions. De plus, la « tête » du groupe est la société Alliance BV dans laquelle il n’y a pas de participations croisées et où Nissan et Renault sont à parité. Et c’est Alliance BV qui prend les décisions stratégiques. Cette « optimisation » juridique permet d’éviter nombre de contraintes imposées tant par le droit des sociétés que le droit de la concurrence² (sans parler bien sûr du droit fiscal).

    Que sert à l’homme de gagner l’univers ?

    cover-r4x3w1000-5bf3f56429a3c-b9e10bb0539b41666e194f723d5936e3d7a7e22c-jpg.jpgUne autre information est frappante. Carlos Ghosn est vraiment un homme universel. Il sait tout faire. Ce n’est pas pour rien que, jusqu’au début de l’affaire, il était président de Renault, Nissan, Mitsubishi et Alliance. Mais, au-delà, il était aussi impliqué dans diverses opérations immobilières, notamment au Brésil et dans le nord du Liban, ainsi que dans la gestion d’un domaine viticole. Etant ainsi un homme universel, que l’on voyait un jour à Maubeuge auprès du président Macron, un autre à Moscou avec le président Poutine, un troisième à Pékin avec le président Xi Jinping et un autre au forum de Davos, il partageait son temps entre ses divers domiciles, à Beyrouth, Tokyo, Paris, Amsterdam, Rio de Janeiro, sans compter Beaulieu, sur la Côte d’Azur. On comprend qu’il ait eu besoin d’un avion privé pour pouvoir se rendre rapidement de l’un à l’autre. On comprend aussi que les Libanais, fiers de « leur » enfant, aient émis un timbre à son effigie et que les Japonais reconnaissants aient imaginé un manga dont ce « samouraï » d’aujourd’hui est le héros. On comprend enfin que pour assurer sa défense devant les juridictions japonaises il fasse appel à un célèbre cabinet d’avocats américains. Que restera-t-il de tout cela demain ? En attendant, il bénéficie provisoirement d’une nouvelle résidence, qu’il n’a ni choisie ni fait aménager spécialement pour lui.

    Trois leçons

    De ce rapide tour d’horizon, il y a au moins trois leçons principales à tirer. La première est que, dans un groupe multinational comme Renault-Nissan, un événement – quelles qu’en soient la cause et la nature – se produisant dans un pays entraîne des conséquences qui peuvent affecter gravement l’économie d’un autre pays, sans que les autorités de celui-ci puissent intervenir. La seconde est qu’un Conseil d’administration composé de membres éminents choisis pour leur appartenance à « l’élite » politico-administrative, et comportant presque autant de femmes que d’hommes, est impuissant à comprendre les agissements du président ; en l’occurrence, ils n’ont rien vu venir et ils sont incapables de prendre la défense dudit président qu’ils sont pourtant chargés d’accompagner et de surveiller. Plus grave : s’il s’agit d’un complot proprement japonais au profit de Nissan, qui se grefferait sur l’affaire, ce qui peut évidemment se supputer, voilà les Français dans l’incapacité de réagir !

    Enfin, les entreprises d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec celles que l’on présente aux étudiants dans les Universités et dont Schumpeter a vanté les mérites. Dans le modèle enseigné, les entrepreneurs étaient des hommes qui risquaient leur fortune personnelle au service d’un projet qu’ils avaient conçu et qui donnait du travail à d’autres pour servir le bien commun ; aujourd’hui, le capitaine d’industrie est quelqu’un qui utilise l’argent des autres en faisant la promotion d’un projet qui lui est extérieur et pour lequel il est prêt à sacrifier de nombreux travailleurs afin d’en retirer une fortune personnelle.   

    1. Nous n’aborderons pas ici le droit boursier car les variations observées sur les cours des actions ne sont pas caractéristiques des sociétés multinationales mais du fonctionnement de ces « casinos » appelés Bourses.
    2. Dans ce domaine, on doit aussi se poser la question de la « coopération » avec l’Allemand Daimler qui détient 3 % du capital de Renault et autant de celui de Nissan.
     François Reloujac
    Journaliste, spécialiste des questions économiques
    Lire aussi dans Lafautearousseau ...
    Revers de fortune
  • Gilets jaunes antifascistes : les nouveaux idiots utiles, par Laurent Vergniaud.

    Le rassemblement contre la dissolution de Génération identitaire du 20 février 2021 donna lieu à une arrestation remarquée de Jérôme Rodrigues aux côtés des contre-manifestants gauchistes. Profitons donc de l’occasion pour effectuer l’autopsie du cadavre du mouvement des Gilets jaunes.

    Compte tenu du contexte électrique, on aurait pu s’attendre, en ce samedi de février, à ce que la manifestation contre la dissolution de Génération identitaire livre les rues de Paris à un chaos sans précédent. Pendant des semaines, les anathèmes ont fusé depuis les rangs de la gauche plurielle, sur les plateaux télés, les réseaux sociaux et dans les communiqués : racistes, terroristes, milices fascistes ! Des reportages chocs ont été ressorti de derrière les fagots, du fait divers sordide pour choquer le bon notable de gauche. On a rappelé l’invasion du Capitole, un océan plus loin. Nombreux avancèrent que l’État de droit était assurément menacé par les actions du groupe, que nous étions au bord de la guerre civile. Comme de bien entendu, les antifas parisiens ne manquèrent pas à l’appel.

    Les antifas entrent en scène

    Dans une déclaration aux accents insurrectionnels publiée sur la plateforme de propagande appeliste ACTA, l’Action antifasciste Paris-Banlieue a appelé fermement à contre-manifester. Toutes les gymnastiques intellectuelles furent de mise pour convaincre son auditoire de cette nécessité révolutionnaire : si le Système dissout Génération identitaire, c’est un complot pour mieux renforcer l’extrême droite, et dissimuler au peuple que les idées identitaires sont déjà au pouvoir. Mieux encore, si le pot au rose n’est pas dénoncé, c’est le Rassemblement national qui sera le grand gagnant de l’histoire. Plus direct, le mouvement de jeunesse marxiste Jeune Garde a salué une dissolution qu’il réclamait de longue date et a annoncé continuer son action sur le terrain de la rue en publiant sur les réseaux sociaux des photos de militants prêts à en découdre. « Ça va swinguer ! » promettaient-ils, singeant les codes du hooliganisme. Syndicats d’extrême gauche, partis politiques, pages Facebook insurrectionnelles, tous contresigneront. Des appels qui pousseront la préfecture à déployer par prudence un important dispositif policier, dans le souci d’éviter une bataille rangée entre extrêmes.

    Le jour J, chacun fut donc au rendez-vous pour y jouer sa partition, rassemblement et contre-rassemblement. Mais ce que les caméras auront montré, c’est un sans-faute en termes de mobilisation et communication de la part du camp identitaire. De bons Français indignés mais respectueux des lois, le soutien de nombreux élus de droite, un rassemblement à l’organisation sérieuse, une place remplie, des profils variés à mille lieues de l’image d’Épinal du terroriste en puissance au crâne rasé. Bien embêtés devant l’absence des ligues fascistes prêtes à renverser la République, les caniches du système tenteront en dernier recours de débusquer un salut hitlérien. Une pathétique manœuvre qui sera rapidement débunkée par les prudents décodeurs de l’AFP.

    Le clown Jérôme Rodrigues

    La seule échauffourée notable ne mettra pas en scène des militants antifas ultraviolents, au grand dam du spectacle médiatique, mais quelques poignées de Gilets jaunes avinés. Pas de romantiques affrontements entre bandes rivales, pas de choquantes agressions fascistes, juste quelques perturbateurs expulsés sans ménagement par le service d’ordre. Introuvables sur le terrain, les militants antifascistes auront manqué leur coup. En mobilisant à leur place les Gilets jaunes pour aller au contact du rassemblement identitaire, l’intention initiale était très certainement de montrer que l’opposition au fascisme ne venait pas de militants radicaux, mais du peuple, éternelle chimère de tous les gauchismes. Raté sur toute la ligne, le contribuable français ne s’est pas reconnu dans ce Lumpenprolétariat dégénéré, ces chômeurs-casseurs qui n’ont plus d’identité nationale ou de patrimoine à conserver. Point ici de large mobilisation antifasciste de la France d’en bas, mais le triste spectacle d’une poignée de gogos paumés aux revendications peu identifiables. Affaibli et brisé par des mois de mobilisation et de répression dont le sens lui échappe, le Gilet jaune survivant n’a plus grand-chose à voir avec le terreau dont il est issu. Il manifeste, par tradition religieuse, tous les samedis. Ne se définissant plus que par leurs « gilets », ces nouveaux damnés de la terre lutteront jusqu’au bout, peu importe contre quoi. Face à ces déclassés, ces « intouchables », on aura vu se dresser la France, de toutes les classes, de tous les horizons, fédérée par le drapeau, unie dans la défense de la liberté d’expression. Deux mondes qui se regardent de chaque côté d’une ligne de CRS. L’aboutissement de cette récupération du Gilet jaune aura seulement eu pour effet de mettre dans les pattes de l’extrême gauche de rue cet encombrant boulet.

    Il suffira pour s’en convaincre de regarder l’intervention ubuesque du clown borgne Jérôme Rodrigues au micro de Russia Today. Sans crainte du ridicule, il ânonne une bancale démonstration dont on peine à distinguer les tenants et les aboutissants. On comprend vaguement que le pauvre homme serait en guerre contre « Macron » et « l’Allemand » – Jérôme Rodrigues veut parler de Lallement, Didier de son prénom, préfet de police de son état. Hier c’étaient les Allemands, aujourd’hui c’est « l’Allemand ». Le Gilet jaune est pour la liberté d’expression, il doit donc manifester contre Génération identitaire car tous les points de vue doivent se faire entendre. Eh oui, en dissolvant Génération identitaire, Macron a fait le choix de leur donner parole ! La manifestation des identitaires n’a pas été interdite par « l’Allemand », on en déduit donc que les identitaires sont de mèche avec lui. À moins que ce ne soit l’inverse. Les argumentaires calculés des théoriciens antifascistes sont mis à nus. Privés du jargon sociologique et de leur lyrisme militant, dans le cerveau brouillon du gogo Rodrigues, ils retournent à leur état naturel de bouillie inintelligible. Point d’orgue de cette clownerie, le nouveau bouffon du roi se plaindra piteusement d’un violent toucher aux testicules par les forces de l’ordre. L’État tremble devant tant d’ardeur révolutionnaire et le public se gausse. On croirait entendre un de ces délinquants banlieusards se victimiser sur le plateau de Konbini pour tirer les larmes et les sous du bobo bien-pensant. Révélateur de la castration mentale et de la soumission totale de celui qui, on le rappelle, rejoindra prochainement le cirque d’Hanouna comme chroniqueur.

    L’art du recyclage idéologique

    Bien avant la « récupération » gauchiste, c’est la société du spectacle qui aura terrassé les Gilets jaunes. Le 17 novembre 2018, acte un des Gilets jaunes, il n’y avait précisément pas de « gilets jaunes », il y avait des Français en colère qui se plaignaient du matraquage fiscal. Sur Internet, on parlait de « mouvement national contre la hausse des taxes », de « France en colère ». Le gilet jaune n’était qu’un outil pour se reconnaître, on portait le gilet jaune, on n’était pas « un Gilet jaune ». Puis la mise en scène permanente fit naître l’identité du Gilet jaune. On était plus Gilet jaune parce qu’on voulait payer moins d’impôt, on était Gilet jaune car on défilait tous les samedis et qu’on se revendiquait comme tel sur les réseaux. Les Gilets jaunes étaient une grande famille, une communauté dans la communauté. Au fur et à mesure que le mouvement perdait en dynamique, au fur et à mesure que la fracture avec le Français moyen s’accentuait, la tentation de se reposer sur le tissu associatif de la gauche pour continuer d’exister et de se faire entendre devenait de plus en plus importante. Il fallait prêter allégeance au dogme de la convergence des luttes. Le Gilet jaune devenait l’homme de tous les combats : écolo, antiraciste, syndicaliste même ; dans une totale contradiction avec ses revendications de départ. Mieux encore, par opposition à la police, seule constante du mouvement, il fallait adopter les slogans et les codes visuels du black block et par extension de l’antifascisme. L’identité du Gilet jaune antifasciste était née. D’abord construction médiatique pour assimiler le mouvement aux « casseurs », la synthèse finit par devenir réalité.

    La pieuvre identitaire gauchiste, habituée à assimiler en son sein tous les combats d’arrière-garde, était impuissante, dépassée, larguée face à la mobilisation spontanée du peuple français. Des Gilets jaunes cependant, elle n’aura fait qu’une bouchée. Sa spécialité reste de rabattre les multiples identités que revendiquent les proscrits pour les rallier à la haine de l’homme bourgeois blanc, personnifié par le flic et par le militant de droite. La gauche intersectionnelle a cela de magique qu’elle multiplie les cautions au fur et à mesure qu’elle perd les masses. À défaut d’avoir eu les prolos, elle aura eu les Gilets jaunes. On a connu le Beur de service pour se dédouaner du racisme, on a à présent le Gilet jaune de service pour se dédouaner du mépris de la France périphérique. Encombrant allié, mal à l’aise devant les caméras, inutile dans la rue, mais nécessaire pour préserver l’illusion morale que la lutte gauchiste est celle des « sans-dents » contre les élites.

    On a pu longtemps débattre du statut d’« idiots utiles du système » des antifas, personne ne niera aujourd’hui que les Gilets jaunes sont devenus les idiots utiles de la gauche.

    Source : https://www.revue-elements.com/