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Saint Charles de Foucauld, une claire intention missionnaire, par Annie Laurent

L’exceptionnel retentissement religieux et médiatique qui a accompagné la canonisation de saint Charles de Foucauld, célébrée à Rome le 15 mai dernier en présence de 5 000 Français dont plusieurs évêques, confère à cet événement une significationéloquente pour notre temps. L’histoire chrétienne montre d’ailleurs comment la Providence suscite les saints dont l’Eglise a besoin à chaque étape de son pèlerinage terrestre. Or, la sainteté de celui qui se faisait appeler « frère universel » s’est manifestée dans un contexte précurseur de celui que nous vivons aujourd’hui : une mondialisation qui favorise plus que jamais le mélange des peuples, des cultures et des religions, notamment du christianisme et de l’islam, avec les risques d’indifférentisme et de confusions doctrinales susceptibles d’en résulter ; mais aussi une laïcisation qui, du moins en Occident, engendre une sécularisation entraînant l’oubli, l’incompréhension, voire le rejet, du devoir missionnaire auquel les catholiques sont appelés par leur baptême.

Annie_Laurent.jpgLa proclamation urbi et orbi de la sainteté de Frère Charles de Jésus par l’autorité magistérielle du souverain Pontifenous invite à puiser dans sa vie, sa spiritualité, ses intuitions et ses enseignements pour réfléchir à notre manière d’aborder en chrétiens ces réalités. Il s’agit donc de retrouver la fidélité à un héritage qui n’a pas toujours été compris danssa vérité et ses profondeurs quand il n’a pas été récupéré à des fins idéologiques. Reprenons les deux points énoncés plus haut.

On a souvent attribué la conversion de Charles de Foucauld à sa rencontre avec l’islam. En réalité, c’est l’attitude religieuse des musulmans, notamment leur soumission au Dieu du Coran et à sa Loi, dont il fut le témoin impressionné durant sa première campagne en Algérie puis durant son expédition au Maroc, qui a suscité en lui l’interrogation fondamentale sur la dimension religieuse de l’existence. Non seulement il n’a pas été convaincu par le contenu de la doctrine islamique mais, une fois revenu à la foi de son baptême, il a reconnu qu’elle « était sans fondement divin et quelà n’était pas la vérité » (1). Preuve de sa clarté, le nouveau saint ad’ailleurs refusé à l’orientaliste Louis Massignon d’avaliser l’idée de ce dernier selon laquelle l’islam s’enracinerait dans une filiation abrahamique, l’apparentant ainsi au christianisme (2). Aucune confusion donc dans l’approche foucauldienne de l’islam comme dans les égarements moraux justifiés par cette religion.

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L’ermite du Sahara ne confondait cependant pas l’islam avec les musulmans, dont il savait considérer les limites et apprécier certaines dispositions naturelles. C’est en les aimant de tout son cœur, et en le leur montrant, qu’il espérait les ouvrir à la vérité de l’Evangile. La gratuité de sa présence à leurs côtés reposait ainsi sur une intention missionnaire claire, laquelle n’échappait d’ailleurs à aucun de ses voisins musulmans, ne serait-ce que par la visibilité de son habit religieux orné du cœur surmonté de la croix et par les conversations qu’il avait avec eux. La spiritualité de l’enfouissement, héritée de son expérience de Nazareth, notamment de son humble service auprès des clarisses, ne doit donc pas être confondue avec une invisibilité muette. « De toutes mes forces, je tâche de montrer, de prouver à ces pauvres frères égarés, que notre religion est toute charité, toute fraternité, que son emblème est un CŒUR », confiait-il à l’abbé Huvelin, son directeur spirituel (3). Aux prédications qu’il devinait sans effet, il préférait le dialogue, non comme une fin en soi mais comme un moyen au service de l’annonce. Que de fois n’a-t-il pas évoqué son intention missionnaire !

Le salut des musulmans était prioritaire pour Frère Charles de Jésus. Cette conception et cette pratique ont peut-être inspiré saint Paul VI lorsqu’il a invité l’Eglise à s’engager dans un dialogue avec le monde, précisant bien qu’il s’agit d’un « dialogue de salut » (Ecclesiamsuam, 6 août 1964, § 74-79), et non pas « de salon », donc sans finalité eschatologique, comme on semble l’avoir compris dans certains milieux catholiquesoù l’on a renoncé à l’annonce explicite de l’Evangile au profit d’un dialogue interreligieux motivé par le seul souci du « vivre ensemble ». Ce faisant, n’avons-nous pas cédé au piège d’une laïcité qui, non seulement ne fait aucune différence entre les religions mais refuse à l’Eglise catholique le droit d’assumer sa vocation civilisatrice par la défense de la loi naturelle et l’appel à la sainteté ?

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  • A. Laurent, Charles de Foucauld, apôtre du Christ auprès des musulmans, SedesSapientiae, n° 154, déc. 2020.
  • Charles de Foucauld, Abbé Huvelin, 20 ans de correspondance, Nouvelle Cité, 2010, p. 315.

 

(Article paru dans La Nef n° 348 – Juin 2022)        

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