Y’a plus de jeunesse, ma bonne dame!, par Martin Pimentel.
Capture d'écran de la vidéo de l'agression de Montgeron publiée sur les réseaux sociaux. D.R.
Retour sur les affaires de Montgeron et Combs-la-Ville
La semaine passée a été marquée par deux faits divers au caractère particulièrement déplorable. Pendant que la droite s’inquiète d’une jeunesse hors de contrôle et déplore une France défigurée par une immigration massive, on se refuse à gauche à parler d’ensauvagement de la société. Analyse.
La semaine passée a été marquée par deux faits divers minables. Ils impliquent notre jeunesse, laquelle semble en perdition. Deux vidéos, très partagées sur les réseaux sociaux, ont enflammé les commentaires sur les plateaux des chaînes d’information en continu. Elles sont venues nous rappeler que le fameux « sentiment d’insécurité » n’était qu’une tarte à la crème médiatique, destinée uniquement à euphémiser le réel. Combien de scènes barbares semblables restent inconnues des citoyens faute d’images, se demande-t-on ?
On va reparler d’ensauvagement
En toute logique, les deux séquences devraient susciter encore bien des commentaires dans nos journaux pendant le weekend, et des hommes politiques et éditorialistes de droite vont ressortir de leur chapeau la fameuse notion d’ « ensauvagement » lors des grandes interviews dominicales. Très contestée par la gauche qui se refuse à faire tout lien entre immigration et insécurité, l’expression avait saturé l’espace médiatique après l’agression mortelle du chauffeur de bus survenue à Bayonne et divers incidents violents à l’été 2020. Mais face à la montée des violences en zones urbaines et face au nihilisme de certains jeunes, cela fait en réalité belle lurette que le champ lexical de la « sauvagerie » est employé par des responsables politiques.
Homme de gauche, Jean-Pierre Chévènement avait parlé de « sauvageons » en 1998 alors qu’il était ministre de l’Intérieur. En campagne en 2002, Nicolas Sarkozy préférait fustiger pour sa part les « bandes de racailles », et promettait à une habitante d’Argenteuil de l’en débarrasser. Elle doit sûrement s’en souvenir. L’actuel ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, employait de son côté le terme d’ « ensauvagement » à l’été 2020 en répondant au Figaro [1], et il contraignait Marlène Schiappa à le soutenir devant les journalistes de France Inter qui ne manquèrent pas de lui tomber dessus. Elle leur répondait que « c’est le rôle du ministre de l’Intérieur d’avoir des mots forts et d’être offensif, (…) [et que] cela ne [la] dérangerait pas de l’utiliser également ». Depuis lors, l’expression est fréquemment utilisée chez LR, au RN bien sûr, et dans quelques titres de la presse de droite, jusqu’à la Une de Valeurs actuelles.
Deux séquences surréalistes
Est-ce donc reparti pour un tour ?
Il y a d’abord eu cette vidéo de l’agression à caractère homophobe d’un ado à Montgeron (91), Yanis, survenue le 30 septembre.
On y voit le jeune homme de 17 ans frappé gratuitement par une bande incontrôlable d’une dizaine de jeunes noirs, à l’occasion d’une rencontre fortuite. La victime, à laquelle une femme tente courageusement de porter secours, aurait été violentée simplement en raison de son apparence. Une enquête judiciaire est ouverte pour « violences aggravées » par trois circonstances : violences en réunion, violences à raison de l’orientation sexuelle supposée, et violences par des personnes dissimulant leur visage. En plus des agresseurs, la police recherche également les personnes ayant enregistré et diffusé la vidéo, le « happy slapping » (le fait d’enregistrer et de diffuser des scènes de violence dans un but de divertissement) étant aussi un délit réprimé. La victime, Yanis, est apparue très attristée et visiblement encore sous le choc dans l’émission de Cyril Hanouna, mercredi soir. A cette occasion, des observateurs fustigeant le séparatisme dans les banlieues sont venus rappeler que, selon l’IFOP, l’homosexualité reste une «maladie» ou une «perversion» pour 63% des musulmans en France (contre seulement 14% des catholiques). Si la misère intellectuelle ou sociale de jeunes délinquants est souvent pointée du doigt, des motifs religieux ou culturels ne doivent pas être ignorés pour résoudre certains problèmes.
Ensuite, il y a cette séquence surréaliste filmée dans le lycée professionnel Jacques Prévert de Combs-la-Ville (94). On y voit Yassine, un élève majeur, agresser son enseignante Mme D.
Alors que cette dernière s’oppose à lui et tente de l’empêcher de quitter la classe, l’élève tire violemment sur la poignée de la porte de la salle et provoque sa chute, sous les rires nourris des autres élèves abrutis. A l’origine de l’incident, un différend aurait opposé le délinquant et l’enseignante autour de l’utilisation d’une enceinte portative Bluetooth en classe (!!), laquelle aurait été déclenchée à plusieurs reprises pendant le cours. Oui, nous en sommes là, il existe en France des classes où les jeunes gens estiment apparemment normal de mettre de la musique pendant un cours de gestion de lycée ! Quand on entend toute la classe rire devant la chute de la malheureuse prof, on ne peut que s’interroger au sujet des propos du recteur de Créteil qui a tenté de minorer l’incident en disant qu’il ne s’agissait que d’un « acte isolé ». Jugé en comparution immédiate à Melun mercredi, Yassine a été condamné à cinq mois de réclusion avec sursis probatoire de deux ans. La faiblesse de la sanction judiciaire a été dénoncée. Lors de l’audience, après avoir noté que la professeur de gestion (en arrêt et non présente) était d’origine antillaise, la présidente du tribunal a cherché à savoir quels cris d’animaux Yannis avait poussé pour perturber le cours. Disons-le : elle voulait savoir si Yassine avait fait des cris de singe. On a également appris au tribunal que le jeune voyou avait déjà été condamné par le passé à un « suivi éducatif » pour vol aggravé par violences, menaces et contraintes, et qu’il avait également été arrêté pour détention d’un petit couteau pour se défendre ! Et tenez-vous bien, le lycée n’est même pas un lycée à problèmes, paraît-il.
Islamisme d’atmosphère
Dès lors, l’ensauvagement n’est peut-être pas qu’une vue de l’esprit ou une lubie des citoyens les plus à droite. Le sentiment désagréable que face à la montée de l’insécurité, rien ne change, est très partagé.
À la radio, suite à l’affaire du lycée, notre directrice de la rédaction Elisabeth Lévy a rappelé son crédo actuel : « ras-le-bol du pas de vague ! Ce sont ceux qui veulent nous interdire de voir les problèmes qui sont les vrais fauteurs de haine ». Le journal Le Monde, classé à gauche, n’a-t-il pas dit que la vidéo virale de la prof jetée à terre faisait réagir les candidats de droite à l’élection présidentielle ? Quel aveu ! Cela signifie-t-il qu’il ne faudrait pas s’indigner, parce que cela fait le jeu de la droite ou de l’extrême droite ? Peu importe le réel pourvu qu’on ait bonne conscience, en quelque sorte. Sur TikTok, qu’elle utilise depuis peu pour séduire les jeunes électeurs, montrant les images de l’agression de Montgeron en grondant, Marine Le Pen a affirmé « les agressions sauvages homophobes comme ça, avec moi, on ne tolérera pas ça. »
L’affaire de Montgeron apporte la preuve que les risques encourus par des homosexuels sont vraisemblablement plus grands dans les banlieues qu’ailleurs, n’en déplaise à Arnaud Boisseau, porte-parole de “Stop Homophobie” qui a affirmé sur BFMTV qu’il n’y avait « pas de territoire plus sujet à l’homophobie en France que d’autres ». Quant à l’épisode pitoyable de la classe de Combs-la-Ville, il démontre que l’école de la République n’est plus depuis longtemps un sanctuaire. Cet asile inviolable est en réalité profané tous les jours par des jeunes que l’institution scolaire a peut-être grand tort de garder entre ses murs. Enfin, l’emploi de l’expression « Wallah, écarte toi, sur le Coran, poussez-vous Madame ! » est révélatrice d’un islamisme d’atmosphère qui pourrit notre jeunesse. Le plus terrible étant que Montgeron et Combs-la-Ville ne sont pas des villes particulièrement sensibles, ce qui laisse craindre que le phénomène dénoncé ne se cantonne plus seulement aux cités frappées par le communautarisme, le mal logement ou la misère sociale.
On l’a dit, la gauche a toujours refusé le terme d’ensauvagement de la société, ce dernier étant aussi employé par la droite radicale pour faire le lien entre immigration et insécurité, ce qu’elle estime malvenu. Face à ces violences très médiatisées cette semaine, la gauche se tait, et le gouvernement progressiste semble se contenter de tweeter son indignation, se refusant à établir une analyse des maux qui accablent notre jeunesse. C’est tout comme s’ils n’avaient plus d’arguments, ou ne souhaitaient pas commenter le diagnostic de la droite. Qui ne dit mot consent ?
[1] « Il faut stopper l’ensauvagement d’une certaine partie de la société. Il faut réaffirmer l’autorité de l’État, et ne rien laisser passer » Le Figaro, 24 juillet 2020.