Déboulonnage des statues : la folie woke, par Geoffroy Antoine.
Napoléon, Winston Churchill, Christophe Colomb, le général Lee : plus une semaine ne passe sans qu’une statue historique occidentale ne soit déboulonnée dans le monde. Quand ils ne se livrent pas à des autodafés qui feraient trembler Ray Bradbury, l’auteur de l’incroyable Fahrenheit 451, les woke s’adonnent à la « cancelisation » des statues, leur nouveau passe-temps préféré.
Il y a quelques jours, à Mexico, le maire de la ville a annoncé remplacer l’iconique statue de Christophe Colomb, le grand découvreur du continent américain, au profit d’une autre statue représentant une femme indigène, « symbole de la résistance indigène ». C’est oublier que la colonisation des Amériques, si elle a amené avec elle des épisodes de violences et de massacres, est à l’origine même de la nation mexicaine et des États sud-américains. Vouloir nier ce pan de l’Histoire revient à balayer d’un revers de la main 500 ans de coexistence, parfois houleuse, certes, mais réelle, entre cultures européenne et amérindiennes.
Plus au nord, dans des États-Unis assaillis par le « wokisme », c’est la statue du général Lee, l’un des plus grands commandants de la guerre de Sécession, que l’on a ôtée de son socle. Robert Lee était l’un des héros de la guerre d’indépendance, un tacticien hors pair lorsqu’il guida les armées confédérées et, avant toute chose, une figure emblématique de l’Histoire américaine qui, comme toute Histoire nationale, ne fut jamais ni blanche ni noire, mais teintée de gris.
Loin d’être épargnée de ce côté-ci de l’Atlantique, la France fait face à son lot d’excités, désireux de taire sinon de supprimer une grande partie de notre héritage. C’est ainsi qu’à Rouen, profitant de la rénovation de la massive statue de Napoléon, place de l’Hôtel-de-Ville, le maire socialiste Nicolas Mayer-Rossignol cherche à la remplacer par une autre, de Gisèle Halimi. Persuadé du bien-fondé de sa décision, il affirme, sur Twitter : « J’assume la dimension symbolique forte de cette proposition. Il serait formidable que Rouen soit la première ville de France à accueillir, place de la Mairie, une statue ou une œuvre d’art dédiée à Gisèle Halimi, figure de la lutte pour les droits des Femmes. Le débat est ouvert ! »
Nous aimerions comprendre de quel débat parle le maire de Rouen, tant cette prise de position ressemble à un coup de force plus qu’à une discussion démocratique. Si celui-ci parle de débat historique, alors y a-t-il véritablement lieu de discourir ? Peu importent les causes défendues par Mme Halimi, parmi lesquelles les positions favorables au FLN, ces insurgés algériens qui pendirent, torturèrent et émasculèrent des Français par milliers, qui restent en travers de la gorge de nombre d’entre nous : il demeure que cette dernière ne peut rivaliser avec la figure de Bonaparte.
Évidemment, ce n’est pas d’un débat historique qu’il s’agit, mais bel et bien d’une dérive tyrannique qui vise à annihiler tout élément – d’autant plus quand ces derniers sont d’ordre séculaire comme les statues – qui n’entrerait pas dans les codes de la doxa progressiste. Non, Napoléon n’était pas antiraciste, oui, la conquête européenne du Nouveau Monde s’est faite dans la violence, mais il s’agit là de faits historiques à contextualiser. En somme, l’Histoire de l’Occident n’a pas été plus sanglante que celle de l’Orient ni même que celle des civilisations précolombiennes. L’Histoire est un fleuve dont le cours ne suit aucun paradigme idéologique, celle-ci n’est pas plus « injuste » envers les Noirs que les Blancs, les Asiatiques ou les Amérindiens. Dès lors, vouloir supprimer ses représentations revient à dire : « Nous sommes l’Histoire », ce qui est un contresens. L’Histoire est ce que nous sommes, et nous sommes aussi ce que nous avons été.