Entre précaution et quoi qu’il en coûte, la science mise à mal par la crise du Covid, par Jean-Michel Pradel.
Depuis le début de cette pandémie, on peine à expliquer pourquoi, en Occident mais surtout chez nous, cette crise fait à ce point l’objet de décisions à l’emporte-pièce, mal évaluées (masque en extérieur, décisions de confinement mal fondées, interdiction de l’hydroxychloroquine, vaccination des enfants à venir, etc.), malgré les « sachants » et comités d’experts de tout poil.
Comment rendre compte de ce paradoxe ? Je propose une (très rapide) généalogie de la démarche scientifique expérimentale en vie réelle (pas seulement dans l’asepsie d’un labo), telle qu’elle s’est déployée depuis 2.500 ans jusqu’à récemment, pour voir ce qui a mal tourné : le principe de base de toute science, vieux comme Aristote, était basé sur l’expérience perceptive prudente. Gaston Bachelard lui-même expliquait de façon limpide que la vérité scientifique est une « suite d’erreurs rectifiées » : on expérimente, on observe, on rectifie, et ainsi de suite. Elle obéit à la fois à un principe de prudence mais également d’audace, d’expérimentation raisonnée « grandeur nature » permettant, moyennant veille et vigilance, d’avancer en douceur vers de meilleures connaissances scientifiques.
Sous l’hubris contemporain, accéléré par la crise Covid, ce principe a volé en éclats, formant deux pôles opposés et irréconciliables. D’une part, le fameux principe de « précaution », qui paralyse au moindre doute, d’autre part, le principe que j’appellerai de façon volontairement provocante le principe « Mengele », celui de l’expérimentation à tout prix, quoi qu’il en coûte.
Le premier principe, de « précaution », constitutionnalisé en 2005, applique l’adage « Pour tout doute abstiens-toi » (c’est le principe du « fais gaffe », comme s’en moquait Chevènement). Il considère, en somme, que la fin ne pourra jamais justifier les moyens, qui demeureront éternellement suspects. C’est un principe d’inaction absolue, totalement opposé à l’expérience. Pris en tant que tel, il est foncièrement obscurantiste.
Le deuxième principe, dit de « Mengele », renvoie à de la science totalitaire, puisqu’elle est basée sur de l’expérimentation « intégrale », quitte à mutiler, tuer, faire souffrir, du nom du personnage de sinistre mémoire. Bien entendu, direz-vous, rien à voir avec notre monde présent. Sauf que ce principe est passé subrepticement du camp du mal absolu vers le camp du « bien ». Et dans notre camp du bien, il a changé de nom et s’appelle le principe du « quoi qu’il en coûte » (ah, ça rappelle quelque chose !). Sauf, aussi, que, parfois, il mérite son nom initial lorsqu’il s’agit de « transitionner » les enfants par hormonothérapie ou autre barbarie…
Au nom du premier principe, on interdit l’hydroxychloroquine sur la base de la suspicion née d’une étude bancale.
Au nom du deuxième principe, on vaccine les enfants avec un produit dont le recul est dramatiquement faible.
Bien entendu, il ne s’agit pas de caricaturer : la science, la vraie, l’éthique, continue d’exister. Mais c’est dès qu’il y a irruption du politique en son sein qu’elle prend cette vilaine tournure, cet éclatement en deux pôles jamais réconciliés.
Nos décideurs, chaloupant entre la « précaution » et le « quoi qu’il en coûte », sont tels des conducteurs ivres, ne sachant piloter que par grands coups de volant d’un côté (précaution), puis, de l’autre (quoi qu’il en coûte), la ligne médiane n’étant pas au programme. Pourquoi cette oscillation manichéenne chez nos dirigeants, qui contrefont la science et son usage ? Il est urgent de se poser la question car elle contient peut-être les germes de la solution…