Écoles hors contrat: «Les élus s'en prennent à l'instruction libre, plutôt qu'à l'islamisme», par Anne Coffinier.
«Comme si en 2021 les écoles hors contrat catholiques, Montessori, bilingue, juives, ou protestantes posaient sérieusement des problèmes à la République». Adobe Stock
Voulant empêcher l'ouverture d'une école musulmane de crainte qu'elle soit communautariste, la mairie du Mans a déclaré qu'elle était opposée à la création de toute école hors contrat sur son territoire. Anne Coffinier, la présidente de l'association Créer son école, demande aux élus de ne pas céder de libertés face à la peur du séparatisme.
La mairie du Mans a publiquement déclaré vendredi qu'elle était opposée à la création d'écoles hors contrat sur son territoire. C'est-à-dire à toute création d'école libre, par principe. Cette déclaration survient alors que la commission spéciale de l'Assemblée nationale commence à examiner en deuxième lecture le projet de loi confortant le respect des principes républicains, dont les articles 22 à 24 concernent les écoles privées hors contrat.
Comme l'article L. 441-1 du Code de l'éducation donne au maire le pouvoir de s'opposer à l'ouverture d'une école libre seulement pour quatre raisons limitativement définies, une opposition systématique de « principe », autrement dit politique, est donc tout simplement contraire aux lois de la République. Elle est même inconstitutionnelle, depuis la décision de 1977 des Sages du Palais-Royal qui ont consacré expressément la liberté de créer un établissement privé hors contrat.
La déclaration d'hostilité aux écoles hors contrat formulée par la mairie du Mans témoigne en réalité d'un profond malaise des élus de terrain. Cette collectivité locale a cherché le moyen de s'opposer à l'ouverture d'une école privée musulmane de crainte qu'elle soit communautariste, islamiste et séparatiste, mais comme elle a eu peur d'être taxée d'islamophobie, la mairie du Mans a préféré s'opposer à toute création d'école libre en général, quelle qu'elle soit ! Et tant pis si la ville de Stéphane le Foll se pénalise en s'empêchant d'accueillir demain une école Montessori laïque ou une école bilingue franco-chinoise. À ne pas nommer clairement ce que l'on combat, on fait reculer les libertés de tous. Évidemment, il y a moins de danger physique et politique à tacler les créateurs d'école privée qu'à se frotter aux islamistes et à leurs soutiens. Mais personne ne sera dupe de son hypocrite et anachronique « La liberté scolaire, voilà l'ennemi ! » Comme si en 2021 les écoles hors contrat catholiques, Montessori, bilingue, juives, ou protestantes posaient sérieusement des problèmes à la République !
Ce n'est évidemment pas avec la liberté d'enseignement que notre époque a un problème, mais bien avec l'instrumentalisation par les islamistes de nos libertés, pour gagner à leurs vues les personnes comme les territoires.
Anne Coffinier
À sa décharge, il n'est pas le seul à se livrer à ce type de camouflage et de déplacement sémantique. Que dire ainsi du gouvernement qui présente en ce moment même au vote des assemblées un projet de loi dont l'affadissement du nom annonce le renoncement qu'il porte ? L'intitulé de la loi n'a pas gardé trace de la volonté initiale de lutter contre l'islamisme clairement affirmée par le président Emmanuel Macron dans le discours de Mureaux, ni même contre le séparatisme. Le gouvernement se propose finalement simplement de « renforcer le respect des principes de la République ». Au lieu de combattre l'islamisme en commençant par le définir, le projet de loi jette le discrédit sur la religion en général et multiplie les atteintes aux libertés proprement... républicaines que sont la liberté de religion, de culte, d'enseignement, d'association etc ! Les saisines se préparent, les portes étroites vont atteindre un nombre record pour cette loi et l'on s'attend à une censure au moins partielle du Conseil constitutionnel.
Parce que les pouvoirs exécutif et législatif n'osent pas désigner clairement et traiter le problème que nous pose l'islam radical, c'est une fois de plus les juges qui décideront à leur place de questions qui appellent pourtant un traitement avant tout politique. La conséquence n'en sera jamais qu'un énième recul de la démocratie, dans une indifférence croissante et particulièrement inquiétante.
On gagnera donc à s'émanciper de cette hypocrisie, en nommant clairement les problèmes, et en rompant résolument avec les logiques de boucs émissaires. Ce n'est évidemment pas avec la liberté d'enseignement que notre époque a un problème, mais bien avec l'instrumentalisation par les islamistes de nos libertés, pour gagner à leurs vues les personnes comme les territoires.
L'heure est venue de répondre aux défis que l'islam politique pose à notre pays, et de cesser de criminaliser toujours et encore la liberté d'enseignement. Nous avons collectivement besoin que de nouvelles écoles se créent pour innover et mieux transmettre, et pour accueillir les enfants dans leur singularité et donner corps à des projets éducatifs novateurs. Même l'école publique et laïque a été incubée en son temps dans une école privée : l'école alsacienne. Paul Bert, le collaborateur le plus direct de Jules Ferry et qui fut lui-même ministre de l'Instruction Publique, proclamait le 9 juin 1891, dans un discours dans cette école privée : «Vous êtes les auxiliaires de l'Université, faisant pour elle des expériences qu'elle ne peut tenter elle-même». Alors ce n'est pas le moment d'être lâches ou amnésiques.
Anne Coffinier, présidente de l'association Créer son école.
Source : https://www.lefigaro.fr/vox/