Sur France Culture, un Black Bloc est « mal à l’aise avec le terme de violences »… Il pensait faire de la pâte à modeler ?, par Gabrielle Cluzel.
À chaque jour son lot de problèmes insolubles. Dans la série des « que-voulez-vous-faire-ma-brave-dame », après les délinquants et les terroristes, voici les Black Blocs. Insaisissables. Ils se dissimulent si bien, sont si mobiles que l’on ne sait pas les intercepter. On peut verrouiller 60 millions de Français, les aligner pour un masque sous le nez.
Mais on ne peut rien contre quelques centaines de Black Blocs. On vous a déjà expliqué, c’est trop compliqué.
Étrangement, le site de France Culture a réussi là où les renseignements, les forces de l’ordre ont échoué. Ils ont identifié trois Black Blocs. Les ont approchés. Et les ont interviewés façon Psychologies Magazine parce que, voyez-vous, les Black Blocs sont des être fragiles, avec un petit cœur gros comme ça, des susceptibilités, des coquetteries et des états d’âme. L’article, s’intitule « Ceux que l’on appelle Black Blocs ». Parce qu’« on les appelle souvent Black Blocs, mais les principaux concernés n’apprécient pas trop cette appellation, considérée comme une construction médiatique ». Quel est leur petit nom préféré, dans ce cas ? Enfant de chœur ? Héros ? Justicier ?
L’un d’entre eux affirme aussi « [être] mal à l’aise avec le terme de violences » : « On casse des vitrines de banques, d’assurances qui, pour nous, représentent des dépossessions. » Paris a été dévasté, mais avec les vertueuses intentions de Robin des bois. Du mobilier urbain vandalisé avec délicatesse, des vitres brisées tout en douceur, des flics, des pompiers jetés au sol, caillassés tendrement. Sans compter les tags aimants… « ACAB. Magnanville partout », pour le plus récent, synthèse parfaite, en peu de mots, de l’islamo-gauchisme-qui-n’existe-pas. Ah non, le journaliste de France Culture n’a pas évoqué l’épineuse question des inscriptions.
On préfère laisser Irène, 25 ans, nous compter ses souvenirs d’ancienne combattante : « Elle se souvient très bien de son expérience dans une ZAD du Tarn qui a été le théâtre de la mort du militant Rémi Fraisse. C’était en 2014, et l’affrontement avec les policiers a duré plusieurs heures. C’était un peu la guerre des tranchées, on va dire. […] Les flics lançaient des grenades assourdissantes et ça faisait des cratères sur le sol. » Verdun et le Chemin des Dames réunis…
Il y a aussi « Kevin, thésard en sciences humaines », ou encore Sophie qui, en 2011, s’est engagée, en Italie dans un mouvement qui lutte contre le projet TGV Lyon-Turin… Romantique comme du Fellini : « On est parti à quinze là-bas, dans un petit village en hauteur. Je me souviens avoir dormi dans un jardin à la belle étoile. » « Au réveil, le groupe côtoie les vieux du village italien » : il y règne une « ambiance villageoise », on y est « saisi par l’imaginaire de la résistance ». « Une solidarité plane au-dessus du village. Les vieux du village renseignent les plus jeunes sur les “tactiques” à adopter ou à éviter. La bataille avec les forces de l’ordre dure toute la journée… »
« Face au sentiment d’impuissance, certains choisissent l’émeute », écrit l’auteur de l’article Antoine Guirimand, comme une justification. Si tous les Français se sentant impuissants dévastaient Paris, gageons qu’il ne resterait plus une pierre l’une sur l’autre dans la capitale. À la fin du papier, notons que le journaliste, comme s’il avait couvert un camp scout, va jusqu’à remercier chacun des Black Blocs par son prénom, en vieux copains, pour ce beau témoignage.
Disons-le : pour commencer à lutter contre les Black Blocs, on pourrait – et ça, ce ne serait pas compliqué – faire en sorte que cesse toute complaisance médiatique, surtout venant de médias subventionnés à près de 90 % par la contribution à l’audiovisuel public (anciennement redevance audiovisuelle), c’est-à-dire les impôts des Français, ceux-là mêmes qui serviront à réparer les dégâts perpétrés dans les rues des grandes métropoles. Un bon début et la moindre des décences.