Anthropologie « À son image il les créa », par Gérard Leclerc.
La création d’Adam, chapelle Sixtine.
Jacques Julliard a mille fois raison de sonner l’alarme dans Le Figaro du 3 mai, à propos de la terrible crise intellectuelle qui désoriente notre société. Entre les adorateurs naïfs de la nature, qui se sont emparés de certaines grandes municipalités et multiplient les idioties, et les tenants d’une conception constructiviste qui détruit les repères anthropologiques, nos contemporains sont livrés à l’incertitude quant à ce qu’ils sont.
Les plus à plaindre sont les jeunes, et souvent les très jeunes qui s’interrogent sur leur identité, au point de se fixer sur cette absence sans pouvoir s’en libérer. Beaucoup d’enseignants observent ainsi leurs élèves, dans l’impossibilité de leur apporter une aide ou un éclairage. Que voulez-vous répondre à qui vous interdit d’employer le terme de « mère de famille », la bienséance actuelle exigeant le seul emploi du terme de « parent 1 » ou « parent 2 ».
Julliard met en cause, à juste titre, la genèse de la pensée moderne. Et il souligne la fatalité de la destruction de ce qu’on appelle « humanisme ». L’humanisme moderne, lorsqu’il s’est séparé de sa matrice biblique et chrétienne, se trouve ainsi bousculé. Même un Jean-Paul Sartre se voit démenti dans sa conception de la liberté. Et sans doute n’est-il pas sans responsabilité, avec Simone de Beauvoir, d’une certaine évolution contemporaine. Mais celle-ci a dépassé toutes les limites, et l’on ne voit pas comment une liberté pourrait se reconstruire dans un horizon d’humanité. Mais je me permettrais de souligner que c’est l’abandon de toute perspective d’anthropologie chrétienne qui a mené à la catastrophe présente.
Revenir à la Genèse
Il faut toujours revenir au livre de la Genèse, avec la création de l’homme à l’image et à la ressemblance de Dieu. L’individu n’est pas n’importe quelle monade, livrée à l’arbitraire. Il n’est pas l’objet d’une pure construction, pas plus qu’il n’est une excroissance de la nature. Sa vocation surnaturelle l’affecte d’un facteur qui lui confère une originalité absolue. Cela n’est pas sans conséquence sur l’analyse de son identité. Pour la pensée chrétienne, celle des origines, celle de la période médiévale, jusqu’à nos jours, il n’y a pas de nature pure. Le corps ne se conçoit pas sans une âme qui lui donne sa forme et son élan. Il ne se conçoit pas non plus sans l’esprit, qui l’ouvre au sens de Dieu et à la destinée qui le situe au-delà de tout horizon temporel. L’enfermement, à prétexte écologique, dans une nature anonyme, non seulement nous prive de la transcendance humaine, mais contredit tout notre héritage intellectuel et spirituel.
Sans notre ressemblance divine, nous sommes dévolus à ce que Gunther Anders appelait « l’obsolescence de l’homme ». On peut regretter à ce propos l’oubli de ses meilleurs maîtres par le courant écologique. Un Jacques Ellul préférait parler de création, pour montrer comment le cosmos, et l’homme dans le cosmos, étaient orientés à un sens qui libérait des déterminismes, pour le meilleur de notre vocation d’hommes et de femmes.
Source : https://www.france-catholique.fr/