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Affaire Sarah Halimi : entre colère et désolation, des milliers de manifestants rassemblés à Paris, par Rachel Binhas.

Nicolas Portnoi / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

À la suite de la décision de justice confirmant l’irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi, plusieurs rassemblements avaient lieu ce dimanche 25 avril dans toute la France. A Paris, une foule a manifesté sa colère et son désarroi.

2.pngIls étaient plusieurs milliers réunis place du Trocadéro pour protester face à ce qu’ils estiment être un déni de justice. L’arrêt de la Cour de cassation du 14 avril, rejetant le pourvoi des parties civiles qui demandaient de reconnaître la responsabilité pénale de Kobili Traoré, a déclenché l’indignation de bon nombre de Français.

Ce dimanche 25 avril, à Paris, plus de 20 000 manifestants, selon la police, se sont retrouvés en début d’après-midi place du Trocadéro à Paris, à l’initiative du collectif Agissons pour Sarah Halimi.Les slogans sur les pancartes n’y ont pas épargné la justice : « Justice défoncée ? », « Justice délirante, justice stupéfiante ! », « Jewish lives matter » ou encore « La drogue ne peut pas être un permis de tuer ». La « bouffée délirante aiguë » causée selon les expertspar la prise de cannabis à l’origine du meurtre de Sarah Halimi en 2017 se révèle être une explication inaudible pour toute une partie de l’opinion publique.

La difficile union nationale

Arrivée dès 14 heures sur le lieu du rassemblement, Hala observe la moyenne d’âge des autres manifestants : « Je ne voudrais pas ici que ce soit un Ehpad comme souvent lorsqu’on manifeste pour défendre la laïcité ou pour Murielle Knoll. Par contre, lors des mobilisations pro-Traore, c’est le jardin d’enfants ! »

A la tribune, à un an de la présidentielle, les politiques et autres personnalités publiques se succèdent. Devant la foule, Xavier Bertrand déclare : « les Juifs sont les premières victimes mais jamais les dernières ». Le philosophe Raphaël Enthoven explique l’importance de « décommunautariser cette affaire ». Pour le grand rabbin de France Haim Korsia, « le peuple français doit se sentir concerné par une décision de justice. »

Méthode Coué ? Force est de constater que l’essentiel des Français présents cet après-midi semble être issu du monde juif. En attendant de pouvoir passer le contrôle de sécurité obligatoire pour rejoindre la place du Trocadéro, une quadragénaire scrute autour d’elle les organisations présentes : « feuj, feuj, feuj là-aussi… C’est dommage », regrette-t-elle.

Des appels médiatiques qui "n'ont pas beaucoup été entendus"

Esther a écourté son week-end en Normandie avec son compagnon pour pouvoir exprimer son mécontentement dans les rues parisiennes. « Malheureusement, je crois qu’il y a une majorité de Juifs dans ce rassemblement. Les messages de personnalités médiatiques appelant à l’unité ces derniers jours n’ont pas beaucoup été entendus », observe cette mère de famille d’une cinquantaine d’années. « Persécuter un Juif est devenu une normalité », ajoute-elle.

Sur écran géant, les noms et les photos des Français juifs victimes du terrorisme sont diffusés comme pour rappeler que ce que l’on a pu considérer comme des faits divers sont en réalité des faits sociaux. Mais tous le répètent, la question de l’antisémitisme en France ne concerne pas uniquement la communauté juive. Esther insiste : « Je suis juive et française de la même façon ! D’ailleurs, je tiens à rester ici jusqu’à la Marseillaise, qui doit être chantée. »

L’exode des Français juifs

Le sentiment de solitude, voire d’abandon, persiste au sein des Français juifs. Membres des scouts israélites de France, Rebecca et Elsa distribuent des autocollants en soutien à Sarah Halimi. Les deux jeunes filles de 14 ans ne comprennent pas que l’auteur du meurtre ait pu être déclaré irresponsable après avoir fumé du cannabis. Rebecca souligne le poids de l’antisémitisme en France, mais elle n’envisage pas pour autant de partir, « on se sent bien dans notre pays. » Elsa, quant à elle, envisage de faire son aliyah [l'immigration en Terre d'Israël par un Juif] « pour des raisons sécuritaires et religieuses. » Un projet courant au sein de la communauté juive. Ainsi, entre 2000 et 2017, plus de 55 000 Juifs ont fait leur aliyah, soit 10% des Français de confession juive. Si le premier motif d’aliyah reste religieux, l’aspect sécuritaire agit comme un accélérateur. A cela s’ajoutent les milliers de départs vers le Canada, le Québec, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni.

Esther pense aussi à déménager hors de l’hexagone, « mais pas pour m’installer en Israël ». Si cette Parisienne ne se sent pas particulièrement en insécurité en France, elle confie ne plus supporter ce qu’elle estime être de la lâcheté politique : « Nous avons un gouvernement qui veut sans arrêt ménager la chèvre et le chou, qui ne veut pas prendre de décision… Ce n’est plus possible. »

Résister à la violence

Avocat, père de quatre enfants, Eyal a tenu à faire partie de la foule, en famille. « De part ma profession, je n’aime pas que l’on critique la Cour de cassation. Ceci dit, dans cette affaire, je voudrais une commission d’enquête, comme avec Outreau, il faut tout mettre à plat », explique-t-il. Celui qui s’oblige à l’optimisme admet demander à ses fils de cacher leur kippa sous une casquette sur le trajet de l’école, avant de passer les murs de l’établissement juif. Eyal en est persuadé, « il y a un avenir pour tous les Français », tout en constatant que de plus en plus de personnes, ces dernières années, s’installent en Israël.

Parmi les pancartes flottent quelques drapeaux de la Ligue de défense juive (LDJ). Nathan* et Benjamin* en sont membres, « pour défendre tous les Juifs en France qui seraient en danger » indiquent-ils. Le premier, fluet, habite dans un territoire perdu de la République, à Bondy (93). Il révèle avoir été victime d’un traquenard, en classe de troisième, roué de coups par plusieurs jeunes, car juif. Benjamin n’a jamais rencontré ce type de violence, peut-être du fait de son physique imposant.

Résidant à Sarcelles (95), une ville longtemps surnommée « la petite Jérusalem » du fait de son importance communauté juive, le jeune homme explique avoir davantage d’amis « goys, arabes, noirs » que « juifs ». « De manière générale, je n’ai jamais eu de problème, à part les habituelles insultes comme « sale juif » quand je porte la kippa dans la rue », note Benjamin, tentant de dédramatiser la situation. Le garçon conclut : « Les Français juifs qui choisissent de s’installer en Israël devraient le faire pour des motifs religieux et certainement pas sécuritaires. »


*Les prénoms ont été changés

Source : https://www.marianne.net/

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