Danièle Obono contre Valeurs Actuelles, ou quand intellectuellement défaits, les décoloniaux se tournent vers les juges…, par Bernard Lugan.
Le 14 avril 2021, le Parquet de Paris a donné suite à la plainte de Madame le Député Obono contre Valeurs Actuelles, décidant que l’hebdomadaire serait jugé le 23 juin par le tribunal correctionnel pour « injure publique à caractère raciste ».
Figure de proue du mouvement « décolonial », Madame le Député Obono partage bien des combats des islamo-gauchistes. Membre de La France Insoumise, parti qui, au mois de juin 2020, devant le Parlement européen, déposa un amendement visant à ne reconnaître comme « crime contre l’humanité » que la Traite européenne, la seule traite européenne, et non pas toutes les traites, dont la traite arabo-musulmane et la traite interafricaine, comme cela était prévu dans le texte initial, Madame le député Obono ne trouve pas choquante la formule « nique la France ».
Réponse « du berger à la bergère », au mois d’août 2020, l’hebdomadaire Valeurs Actuelles publia un article humoristique illustré d’un dessin représentant Madame le Député Obono enchaînée et prisonnière de chasseurs d’esclaves noirs. Le journal entendait ainsi mettre en évidence la grande réalité de l’histoire de la traite qui est que cette dernière eut été impossible sans leurs associés pourvoyeurs-associés africains auxquels les négriers européens achetaient les captifs. Sans ces partenaires locaux, cette traite eut été en effet, et par définition, impossible puisque les esclaves étaient capturés, transportés, parqués et vendus par des chasseurs d’esclaves noirs. Et comme les acheteurs blancs attendaient sur le littoral ou à bord de leurs navires que les captifs leur soient livrés, il dépendait donc in fine des négriers africains d’accepter ou de refuser de leur vendre leurs « frères » noirs. Une réalité essentielle que je développe largement dans mon livre « Esclavage, l’histoire à l’endroit » en démontrant qu’une partie de l’Afrique s’est enrichie en vendant l’autre partie…
Une évidence historique notamment mise en évidence par Mathieu Kérékou, l’ancien président du Bénin qui n’a pas hésité à écrire que « Les Africains ont joué un rôle honteux durant la Traite », ainsi que par les évêques africains en des termes très forts :
« Commençons donc par avouer notre part de responsabilité dans la vente et l’achat de l’homme noir… Nos pères ont pris part à l’histoire d’ignominie qu’a été celle de la traite et de l’esclavage noir. Ils ont été vendeurs dans l’ignoble traite atlantique et transsaharienne » (Déclaration des évêques africains réunis à Gorée au mois d’octobre 2003).
Tout aurait pu en rester là de l’article de Valeurs Actuelles écrit dans la grande lignée culturelle française du pastiche. Or, à travers la caricature la représentant, la mise en évidence des responsabilités historiques d’une partie des Africains dans la vente de leurs « frères » noirs aux négriers européens, ulcéra Madame le Député Obono. Elle décida donc de porter l’affaire en justice et, le 14 avril 2021, le Parquet de Paris donna suite à sa plainte, décidant que Valeurs Actuelles serait jugé le 23 juin par le tribunal correctionnel pour « injure publique à caractère raciste ».
En revanche, l’on attend toujours une réaction de ce même Parquet de Paris après les déclarations clairement racistes et les appels au génocide des Blancs proférés par Madame Hafsa Askar, vice-présidente du syndicat étudiant UNEF qui se définit elle-même comme « une extrémiste anti-blanc »:
« Je m’en fiche de Notre-Dame de Paris, car je m’en fiche de l’histoire de France…Wallah …on s’en balek (traduction : on s’en bat les c…), objectivement, c’est votre délire de petits blancs » (15 avril 2019).
« On devrait gazer tout (sic) les blancs (resic) » cette sous race (25 mai 2014).
Lors de ce procès dont l’arrière-plan sera le « deux poids, deux mesures », les avocats de Valeurs Actuelles auront beau jeu d’avancer que, revendiquant fièrement, et à juste titre, sa double ascendance maternelle Punu, et paternelle Fang (Ballart.fr, 3 juillet 2017), deux grandes ethnies du Gabon, Madame le Député Obono peut difficilement se poser en descendante de victimes. En effet, l’expansion parfaitement documentée de ces deux grands peuples conquérants et colonisateurs, s’est faite en forme de tenaille dans laquelle les ethnies indigènes furent broyées avant d’être soumises et en partie vendues aux négriers européens.
La galanterie imposant de commencer par l’ethnie de Madame Mère, les avocats de Valeurs Actuelles ne manqueront pas de s’intéresser tout d’abord aux Punu. Qualifiés de « peuple belliqueux » par l’universitaire gabonaise Cerena Tomba Diogo, les Punu se désignent sous le nom de « batu diba di badi » ou « gens de guerre », leur nom étant lui-même, et toujours selon Cerena Tomba , une « déformation du terme puni qui signifie tueur ». A partir des années 1550, venus de l’actuelle RDC, les Punu dévastèrent et ruinèrent le brillant royaume de Kongo qui fut sauvé de justesse de la totale destruction grâce à une intervention portugaise. En 1574, les Punu franchirent le fleuve Congo pour aller conquérir une partie des actuels Congo-Brazzaville et Gabon, réduisant au passage les pygmées en esclavage (Rey, 1969). Puis, ils lancèrent d’incessantes incursions chez les peuples voisins, devenant ainsi les principaux pourvoyeurs d’esclaves d’une partie de la côte de l’actuel Gabon (Picard-Tortorici, 1993).
Quant aux Fang, les Pahouin de la littérature coloniale, il s’agit de l’ethnie paternelle de Madame le Député Obono. Cet autre grand peuple, lui aussi au riche passé expansionniste vit aujourd’hui à cheval sur le Cameroun, la Guinée équatoriale et le Gabon, régions conquises à la suite d’un vaste et rapide mouvement de colonisation. A la suite des récits de Paul du Chaillu, explorateur-naturaliste qui voyagea dans le pays dans les années 1855-1865, leur fut associée une réputation de cruauté doublée de cannibalisme. Cette dernière mention qui fut à l’origine d’interminables débats et controverses, a été exhumée d’un passé oublié par Frédéric Lewino dans un article de l’hebdomadaire le Point en date du 4 août 2018, intitulé « Le tour du monde des cannibales : les Fang d’Afrique centrale ».
Que les Fang aient été cannibales ou non, peu importe. Là n’est en effet, et en aucun cas l’essentiel car nos ancêtres Cro-Magnon faisaient bien leurs délices de nos autres ancêtres Neandertal… En revanche, il est clairement établi que la conquête Fang du Moyen-Ogooué s’opéra notamment aux dépens des Seke, des Mpongwe, des Kele, etc.
Dans leurs plaidoiries, les avocats de Valeurs Actuelles ne manqueront évidemment pas de citer le célèbre ethnologue Georges Balandier, pour lequel les Fang constituaient un « groupe mobile, organisé pour la conquête (…) dont la poussée continue a été entretenue par la terreur au sein des populations refoulées ». Un mouvement de conquête qui, là encore, n’en déplaise aux « décoloniaux » et à Madame le député Obono, fut bloqué par la colonisation vue comme libératrice et émancipatrice par les populations qui le subissaient….
Conclusion : l’erreur de Valeurs Actuelles fut de représenter Madame le député Obono en esclave, sous les traits d’une malheureuse victime, alors que son ascendance ethnique la rangerait au contraire parmi les peuples conquérants, non parmi les peuples conquis. Une « affaire » qui n’en n’est pas une et une plainte qui, en d’autres temps eut été qualifiée de « corne-cul », mais qui illustre à merveille, les contradictions du mouvement « décolonial ». Ce dernier prétend en effet vouloir détruire la société française, mais il n’hésite pas à s’adresser à sa justice quand il se trouve mis en difficulté intellectuelle... Voir à ce sujet mon livre « Répondre aux décoloniaux, aux islamo-gauchistes et aux terroristes de la repentance ».
Références bibliographiques
- Balandier,G., (1949) « Les Fan (Fang), conquérants en disponibilité » Tropiques, n° 3/6, décembre 1949, pp 23-26.
- Du Chaillu, P., (1863) Voyages et aventures dans l’Afrique équatoriale. Paris.
- Hombert, J-M et Perrois, L., (2007) « Cœur d’Afrique, gorilles, cannibales et Pygmées dans le Gabon de Paul du Chaillu ». Paris, éditions du CNRS.
- Picard-Tortorici, N et François, M., (1993) « La traite des esclaves au Gabon du XVII° au XIX° siècle. Essai de quantification pour le XVIII° siècle ». Les Etudes du CEPED (Centre français sur la population et le développement), n°6, Paris, juin 1993.
- Rey, P-P., (1969) « Articulation des modes de dépendance et des modes de reproduction dans deux sociétés lignagères (Punu et Kunyi du Congo-Brazzaville). En ligne
- Tomba Diogo, C.A., ( 2015) « Etude d’un genre de la littérature orale : la devise « kûmbu » chez les Punu du Gabon ». Université Sorbonne Paris, en ligne.
Source : http://bernardlugan.blogspot.com/