Halte au sketch : le vrai scandale n’est pas le rosé, l’office de Pâques ni les pas de danse…, par Gabrielle Cluzel.
À chaque jour, son lot de scandales baroques et dérisoires. Avant-hier, sur la plage de La Grande-Motte, c’était des gendarmes – on en compte une dizaine sur la photo qui a circulé sur les réseaux sociaux – apparemment armés jusqu’aux dents, qui sont venus arrêter une famille, assise sur la plage, s’apprêtant à boire du rosé.
Selon la presse locale, ils venaient de la ville voisine de Lunel… celle que l’on nommait, il n’y a pas si longtemps, Djihad City, eu égard à son nombre impressionnant d’administrés partis en Syrie. Il est vrai qu’on lit, ici et là, que le nouveau maire travaillerait à lui refaire une nouvelle virginité. On imagine néanmoins, Madame Claude ne se transformant pas aisément en rosier de Madame Husson, que la gendarmerie locale – et même si personne ne lui jette la pierre, après tout, elle ne fait qu’obéir aux ordres – serait plus utile à traquer les islamistes que les buveurs de rosé qui, par définition, ne sauraient l’être.
Notons que les promeneurs en goguette ont écopé de la coquette amende de 405 €. À ce tarif-là, à la piquette sur un coin de serviette plein de sable, ils auraient dû préférer un dîner à Chala table de Pierre-Jean lençon. Avec l’insigne avantage que ce Restogate n’étant qu’un vaste poisson (sauce meunière) d’avril, ils ne se seraient, en sus, pas fait pincer.
Aujourd’hui, c’est une vigile pascale sans « gestes barrières » suffisants qui déclenche l’ouverture d’une enquête. Le frère d’un des nouveaux baptisés – qui a préféré changer de nom, c’est plus prudent, les catholiques sont si violents – l’a dénoncée avec indignation. Je ne crois être ni « masquophobe » (on s’y plie bien, bon gré mal gré, dans les supermarchés, pourquoi pas dans les églises ; dans quel catéchisme est-il écrit qu’en porter est un péché ?) ni « masquolâtre » (permettez à mon esprit lent d’avoir du mal à changer de cap à 180° : il y a à peine un an, il était non seulement inutile mais nuisible et, à présent, il faudrait, comme ses sous-vêtements, l’enfiler le matin et ne jamais s’en séparer en public sous peine de susciter le scandale et la réprobation des ligues de vertu). Mais on ne m’empêchera pas de penser que se rendre à l’invitation de son frère à une fête – qu’elle s’appelle d’ailleurs baptême, bar-mitzvah ou soirée échangiste -, goûter aux petits fours et au champagne pour, le lendemain, en guise de remerciement, doucher sa joie en crachant sur l’assistance – au sens figuré, car attention, ces gens-là sont très respectueux des gestes barrière – n’est pas une façon de faire très élégante.
Filmer à leur insu dans l’obscurité, depuis l’immeuble d’en face, deux ou trois obscurs inconnus en costume-cravate esquissant quelques pas de danse au ministère de l’Enseignement par la lucarne éclairée et poster en justicier cette preuve accablante sur les réseaux sociaux, non plus. Comme si le scandale était dans ces gestes de sociabilité, même relâchés. Comme s’il fallait à tout prix faire porter la responsabilité de cette crise sanitaire à des Français pourtant la plupart du temps extrêmement dociles et disciplinés, et pas dans sa gestion ubuesque et erratique par le gouvernement depuis plus d’un an.