Euthanasie : Michel Houellebecq monte au créneau et défend la vie, par Iris Bridier.
« Une civilisation qui légalise l’euthanasie perd tout droit au respect. » Ces mots forts pourraient aussi bien être (mais ils ne sont pas) ceux de François-Xavier Bellamy, Tugdual Derville ou Pascale Morinière, habitués à se manifester lorsque les questions bioéthiques sont en jeu. C’est pourtant bien Michel Houellebecq, qu’on ne peut soupçonner d’être une grenouille de bénitier, qui utilise sa plume avec brio pour défendre la valeur de la vie dans le FigaroVox.
Et son argumentaire, d’une simplicité biblique, paraît bien plus efficace qu’un raisonnement philosophique : primo, personne n’a envie de mourir ; secundo, personne n’a envie de souffrir ; tertio, on peut éliminer la souffrance physique (et non pas la personne) par la morphine ou l’hypnose. Et l’auteur de Soumission de fustiger la fausse compassion (« le mensonge est palpable »), le « baratin habituel », « l’enfilage de citations » des partisans de l’euthanasie qui ont sur lui « l’effet malencontreux d’éveiller le soupçon » et dont il compare les méthodes à celles des nazis. Il condamne fermement les arguments progressistes (la France serait « en retard ») et économiques (« C’est bien Jacques Attali qui a insisté lourdement, dans un ouvrage déjà ancien, sur le prix que coûte à la collectivité le maintien en vie des très vieilles personnes ; et il n’est guère surprenant qu’Alain Minc, plus récemment, soit allé dans le même sens, Attali, c’est juste Minc en plus bête »).
Pragmatique, le romancier sait bien que les religions se battront contre l’euthanasie (« Les catholiques résisteront de leur mieux » ; « Les musulmans et les juifs pensent sur ce sujet, comme sur bien d’autres sujets dits “sociétaux” [vilain mot], exactement la même chose que les catholiques ») mais, lucide, il écrit que « les médias s’entendent en général fort bien à le dissimuler » et que, tôt ou tard, « ces confessions finiront par plier, par se soumettre au joug de la “loi républicaine” ». Enfin, il rappelle aux médecins la valeur de leur serment d’Hippocrate : « Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion. »
Visionnaire, Houellebecq, qui avait prédit l’avènement de l’islam dans notre société, avait également annoncé : « Nous ne nous réveillerons pas, après le confinement, dans un nouveau monde ; ce sera le même, en un peu pire. » Une fois de plus, il avait raison. Il annonce désormais, avec cette légalisation de l’euthanasie, la fin de notre civilisation et espère qu’une autre « ait une chance d’advenir ». Sentimental, l’auteur rappelle qu’« on a tous plus ou moins besoin de se sentir nécessaires ou aimés ». Cela passe inexorablement par un meilleur accompagnement, pas par une piqûre létale…