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Jean Sévillia : « L’État veut enrégimenter les cultes ! ».

En plein débat de la future loi sur le à l’assemblée, Gérald Darmanin a créé la polémique en visant ces croyants qui mettent la loi de Dieu au-dessus des lois de la République, au risque de revenir sur la loi de 1905 de séparation de l’Église et de l’État.

Réaction de l’historien Jean Sévilla au micro de Boulevard Voltaire.

https://soundcloud.com/bvoltaire/jean-sevillia-300811304

Depuis plus d’une semaine, le corps législatif débat sur cette loi censée lutter contre le séparatisme islamiste. Ces débats sont en train de dériver vers une espèce de retour des débats de la loi de 1905 avec, au cœur, ce qu’a soulevé Gérald Darmanin, ces croyants qui mettent les lois de Dieu au-dessus des lois de la République. Est-ce pertinent de parler de cela ?

La formule est assez surprenante et choquante. Si Dieu existe – à titre personnel, je crois que Dieu existe -, par définition, il est au-dessus de tout. La loi de Dieu est une image, une formule littéraire. Dieu n’a pas édité une loi, encore que les dix commandements bibliques sont une loi de Dieu. La loi de Dieu est au-dessus de la loi civile à toute les époques, sous l’Antiquité, dans le monde chrétien, au Moyen Âge, sous Napoléon et aujourd’hui. Les lois de la République ne sont pas au-dessus des lois divines. C’est du bon sens. Maintenant, faut-il encore savoir quel est le domaine de Dieu et le domaine de César. Il est évident que le temporel a sa légitime autonomie. Or, le monde chrétien, par la distinction contenue dans les évangiles entre le domaine de Dieu et de César, est parvenu à des équilibres satisfaisants. Il y a d’autres civilisations où la distinction entre le temporel et le spirituel n’est pas assurée de la même manière. Globaliser un rapport et mettre toutes les religions sur le même plan, cela risque de créer des problèmes. L’État veut, aujourd’hui, enrégimenter les cultes de façon à ce qu’ils dépassent même l’esprit des meneurs de la loi de 1905 qui étaient pourtant, au départ, des anticléricaux.

Lorsqu’on est assis sur 2.000 ans d’héritage judéo-chrétien, est-ce logique, pour un historien, de mettre toutes les religions sur le même plan ?

Le catholicisme est théoriquement la religion de 90 % des Français jusqu’aux années 1960. Ces derniers étaient parvenus à une forme d’équilibre avec la République après une phase anticléricale au début du XXe siècle. Cet équilibre était parvenu par un certain nombre de compromis obtenus non pas par la gentillesse du législateur républicain qui n’était d’ailleurs pas gentil, mais par la résistance des catholiques. Ce compromis a tenu jusqu’aux années 70. Cet équilibre a été bouleversé par l’arrivée, sur le sol métropolitain, d’une nouvelle religion : l’islam. Cette religion n’était pas nouvelle dans l’Histoire de France, mais avec laquelle la France avait vécu outre-mer dans la période coloniale qui est, d’ailleur, aujourd’hui diabolisée. Parce que l’islam ne distingue pas de la même façon le temporel et la spiritualité et parce que l’islam est à la foi une religion et une loi, pour faire face à l’islamisme, la République est en train de se faire une crispation laïque et de monter une législation. Cela risque de mettre tous les cultes sur le même plan et, donc, de bousculer ces fragiles équilibres dont vont être victimes les cultes, y compris les cultes chrétiens, l’Église catholique. Cette dernière est pourtant un élément plutôt de pacification de la société française depuis très longtemps.

Y a-t-il une peur d’être taxé d’islamophobie ? Y a-t-il une tentative de noyer un peu le poisson plutôt que de passer pour un islamophobe, passer pour un laïcard ? Est-ce plus rentable, aujourd’hui, pour un politique ?

C’est évident. L’islam pose des questions tout à fait inédites extrêmement complexes à résoudre, à tout mettre sur le même plan et à avoir une réponse législative qui aboutit à gommer les spécificités de chaque religion et les problèmes qu’elle pose. On noie le poisson de la question du séparatisme. En réalité, c’est l’islamisme qui est en cause. Mais pour ne pas avoir l’air de stigmatiser l’islam, on recule. En réalité, les musulmans les plus modérés eux-mêmes n’ont pas du tout envie d’être embrigadés dans l’islamisme. Cette pusillanimité se paiera un jour malheureusement politiquement dans la société française.

 

Jean Sévillia

Journaliste et essayiste
Rédacteur en chef adjoint au Figaro Magazine, membre du comité scientifique du Figaro Histoire, et auteur de biographies et d’essais historiques.

Commentaires

  • N'est ce pas un nouvel épisode de "l'arroseur arrosé" ou une illustration de "chercher le bâton pour se faire battre"
    Qui a voulu faire légiférer sans songer que l'outil pour contrer tels et telles pourrait également servir contre les autres ?
    Ainsi , par exemple , les religieuses pourraient ne plus pouvoir sortir dans la rue , voilées , sous prétexte républicain et sans compter les écoles libres qui devraient devenir républicaines .
    Il ne restera qu'à rire jaune .

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