Dans notre Ephéméride de ce jour...
1945 : Charles Maurras compose son poème "Où suis-je ?"
Le "verdict infâme" vient d'être prononcé : Maurras a été condamné (voir l'Éphéméride du 28 janvier).
Alors que le procès des responsables du désastre n'a pas eu lieu, et n'aura jamais lieu, ces mêmes responsables reviennent, cinq ans après la catastrophe qu'ils n'ont ni su, ni voulu, ni pu éviter, et s'érigent en juges de Maurras :
• qui a tant demandé que l'on prépare la guerre qui venait;
• qui, avec Bainville, a tant et tant mis en garde, depuis la victoire de 1918, contre le sabotage de cette victoire et la renaissance de l'Allemagne, avide de revanche;
• qui, dès le 15 juillet 1936, dans L'Action française, condamnait le racisme hitlérien, "folie pure et sans issue" et qui avait écrit ces lignes, dans L'Action française du 30 mars 1933 : "Le racisme et l'étatisme ne peuvent correspondre qu'à des sociétés imparfaites. Une société dans laquelle la civilisation a atteint ses sommets les plus rares ne peut se contenter de telles significations; l'édifice des valeurs les plus aristocratiques et les plus rares ne saurait abriter ces religions grossières, dont la pauvreté spirituelle n'a d'égale que la malfaisance et la stérilité...";
• alors que, de son côté et dès 1930, dans la même Action française, Bainville dénonçait en Hitler l'énergumène, le monstre, le minotaure, et, dès 1933, les persécutions juives !
Malgré tout cela, Maurras ne fut pas écouté par ceux qui avaient le pouvoir, lui qui faisait mettre comme "manchette" de la Une de L'Action française : "armons, ARMONS, ARMONS !".
Pire, en 45, une partie de ceux-ci reviennent le condamner "pour intelligence avec l'ennemi" !... : c'était le temps de la sinistre Epuration, une re-Terreur (pour parler comme Daudet), pendant laquelle le Parti communiste tenait le haut du pavé, parce qu'il était la force la plus puissante, la mieux organisée, et qu'il profitait pleinement de l'aide du "génial Staline" (sic !). Aragon officiait au Comité national des écrivains, en tant qu'épurateur en chef, sorte de re-Fouquier-Tinville : voir l'Éphéméride du 11 mai, sur l'inique confiscation/spoliation des "Biens de presse"...
Pourtant, le Parti communiste avait bel et bien entériné la Pacte de non-agression germano-soviétique, du 23 août 1939 au 22 juin 1941, et c'est pourquoi elle fut interdite en 1939 (voir l'Éphéméride du 25 août); elle alla même, un an plus tard, jusqu'à célébrer la paix avec Hitler (voir l'Éphéméride du 28 août) : on le voit, les premiers "collabos", même en ayant changé de conduite par la suite, avaient évidemment beaucoup de choses à faire oublier, et c'est la raison pour laquelle ils ont "frappé si fort"... sur les premiers à avoir alerté contre le danger du réarmement allemand, en général, dès 1919, et, dès 1930, contre le danger du nazisme en particulier : c'était eux, les royalistes et l'Action française, qui furent ainsi les premiers "résistants"; cela n'empêcha pas les communistes, qui furent bien les premiers "collaborateurs" avec Hitler, de les briser avec l'Epuration (!) : ainsi vont la brutalité et le mensonge révolutionnaires...
Voir - publié sur Boulevard Voltaire - la mise au point éloquente de Laure Fouré, juriste et fonctionnaire au Ministère des finances et d'Eric Zemmour :
Maurras est en prison, et il y mourra : on le libérera juste avant sa mort, en lui octroyant une "grâce médicale" permettant au Régime de dire qu'il n'est pas mort en prison. Mais il ne reverra plus jamais son "Martigues plus beau que tout...".
Dans son discours de réception à l'Académie, le duc de Lévis Mirepoix, élu au fauteuil de Charles Maurras et prononçant donc son éloge eut cette formule heureuse : "Il eût à subir, comme Socrate, la colère de la cité...".
Et précisément, emprisonné à Riom, comment réagit Maurras : avec le détachement, la grandeur d'âme, la Sagesse du philosophe : dans la nuit du 2 au 3 février, il écrit ce superbe poème, Où suis-je ?
Ce poème fut récité par Jean Piat lors du colloque tenu à l’Institut en 2002 pour le cinquantenaire de la mort de Maurras.