La jurisprudence CRS-SS, par Michel Onfray.
Les violences faites aux policiers
Malraux rapporte dans Les Chênes qu’on abat que Madame de Gaulle aurait dit qu’en Mai 68, même les abeilles étaient devenues folles! Si la chose n’a pas été dite voire même pensée par l’épouse du général, on imagine bien ce que le penseur a voulu dire: Mai 68 fut un tremblement de nature métaphysique n’ayant rien épargné dans le registre du vivant…
Ce mois de Mai a en effet généré une inversion des valeurs qui fit dire tout et n’importe quoi - éloge de la pédophilie, célébration du fou comme mesure de la raison, invitation à ce que le professeur apprenne de ses élèves, transformation du général de Gaulle, l’homme de l’Appel du 18 juin, en fasciste, et de Lénine, l’inventeur du Goulag, de Trotski, le créateur de l’Armée Rouge, de Mao, le dictateur chinois des millions de morts de la Révolution culturelle, en héros de la liberté! On comprend que, dans cette logique, les abeilles aient pu se prendre pour des libellules et le revendiquer dans les AG de leurs ruchers!
Parmi les sottises nihilistes de cette époque, le fameux slogan «CRS/SS»! Il a été vociféré dans les manifestations, peint sur les murs, reproduit sur des affiches apposées partout à Saint-Germain-des-Prés et dans le Quartier latin.
Or, c’est ce genre de slogan qui assimile la police aux nazis que j’ai vu bombé ces dernières semaines par des Blacks Blocs sur des abris bus ou des palissades de chantier. Ajoutons à cela que la substance de cet énoncé constitue la ligne idéologique de l’extrême-gauche et de ceux qui, fort peu laïcs et encore moins républicains, suivent Mélenchon dans La France insoumise, disons, pour aller vite: les indigénistes et les décolonialistes, ainsi qu’une partie de la gauche européiste et social-démocrate qui court après le plumeau mélenchonien pour se donner bonne conscience et se croire encore de gauche! Le think-tank libéral Terra Nova n’a-t-il n’a pas donné l’ordre en son temps, 2011, à ces petits soldats de la gauche social-démocrate de laisser le peuple aux Le Pen et de célébrer un néo-peuple de substitution présenté comme le gibier de prédilection, par nature, de la police française?
Je suis très étonné que personne ne s’indigne de cette banalisation du nazisme et des SS alors que la Shoah est souvent présentée par ailleurs comme l’abomination de la désolation de l’humanité depuis qu’elle existe! Que font les lois Gayssot qui répriment la contestation des crimes contre l’humanité? car si la police d’aujourd’hui est assimilable aux SS, donc à la Shoah, c’est qu’il y a incontestablement sinon négation, du moins minoration considérable du génocide!
En effet, la plupart des journalistes, des éditorialistes, des commentateurs, des politiciens, des philosophes, dont certains sont juifs, mais ils sont de gauche, ne trouvent rien à redire à ce qui, à mes yeux, s’apparente clairement à une entreprise négationniste! Car, si les nazis ont bien été ce qu’ils ont été et qu’ils ont organisé partout en Europe des rafles pour mettre à mort des juifs à hauteur de six millions de personnes, qu’ils ont fait de même avec des communistes, des radicaux-socialistes, des résistants, des homosexuels, des francs-maçons, des témoins de Jéhovah et toute autre personne ayant résisté de près ou de loin à l’idéologie nationale-socialiste, alors comment peut-on estimer que les policiers de la république française soient aujourd’hui assimilables à ces SS?
Où sont, à cette heure, en France, l’équivalent des lois racistes qui, dans les années 40, désignaient les juifs comme des sous-citoyens privés de la protection du droit, d’autant plus privés de droit que c’est par le droit qu’on les privait de droits? Quel double contemporain à la Rafle du Vel d’Hiv? Dans quels endroits de France ont été construits ces dernières années des camps comme il y en eut à Pithiviers, Beaune-la-Rolande, à Compiègne à Drancy et dans tant d’autres? Quelle duplication ce jour du Struthof en Alsace qui, sur le territoire français, possédait une chambre à gaz? Quels policiers ou gendarmes français ont réalisé un Oradour-sur-Glane avec massacre de la population civile, incendies, noyades dans des puits? Quels autres représentants français des forces de l’ordre ont conduit des femmes, des enfants, des vieillards, des hommes dans des gares pour les enfermer dans des wagons à bestiaux à destination de camps d’extermination? Où sont d’ailleurs ces camps d’extermination avec chambres à gaz et fours crématoires? En Lozère, en Seine-Saint-Denis, en Corse?
Il faut raison garder…
Si l’on veut pouvoir parler de la Shoah correctement, noblement, historiquement, il ne faut pas la voir partout, ce qui est la voir nulle part. Il faut s’interdire, voire interdire, de la prostituer, de s’en servir tout le temps à des fins militantes ou électorales, polémiques ou militantes, ce qui est cracher sur elle…
Je l’ai déjà beaucoup dit et écrit mais, quand Emmanuel Macron qui sait clairement qu’il a gagné les élections le soir du premier tour s’empresse d’aller à Oradour et au musée mémorial de la Shoah pour inviter les Français à bien voter au second tour, autrement dit: pour lui et contre Marine Le Pen, pourquoi ne pas penser que pareille double récupération s’apparente à du négationnisme? Toute la presse ou presque lui déroule le tapis rouge. Si Macron veut passer pour le général de Gaulle, il lui faut bien que Marine Le Pen soit Adolf Hitler… Qui peut vouloir cela, tolérer cela, accepter cela qui est instrumentalisation des millions de morts de la Shoah?
Un même genre d’obscénité me révulse car il procède du même genre de négationnisme idéologique: quand je vois qu’à La France Insoumise tel ou tel arbore le triangle rouge des déportés politiques dans les camps nazis, une profanation initiée récemment par des Belges de gauche, je ne peux que m’avouer écœuré. Ce signe distinctif nazi faisait savoir aux kapos à qui ils avaient affaire: un juif portait l’étoile jaune, les droits communs un triangle vert, les témoins de Jéhovah un triangle violet, les «asociaux» dont les Tziganes un noir, un rose pour les homosexuels. Que risquent Jean-Luc Mélenchon ou Alexis Corbières quand ils osent se comparer à des prisonniers politiques qui, eux, risquaient la déportation, la mort, la chambre à gaz, le four crématoire, en venant aux matinales de France-Inter (ils n’en sont étrangement pas interdits, eux, on se demande bien pourquoi ils ne sont pas sur la liste noire…), pérorer et débiter leur feuille de route dans les chaînes du service public payées par l’argent du contribuable, en portant cet insigne au revers de leur boutonnière? Ils ne risquent même pas le ridicule… Quant à la honte, ils ignorent ce qu’elle est.
Cette assimilation des CRS aux SS et de la police républicaine française à la police nazie est une infamie.
Le nazisme a eu son tribunal de Nuremberg qui a permis de criminaliser l’idéologie nationale-socialiste, l’antisémitisme, le fascisme, et c’est une bonne chose.
Mais il n’y a pas eu l’équivalent d’un pareil tribunal pour criminaliser l’idéologie marxiste-léniniste qui a pourtant compagnonné avec le national-socialisme pendant la durée du Pacte germano-soviétique (1939-1941), qui a largement été antisémite pendant la période stalinienne (qu’on se souvienne du procès des blouses blanches en 1952) et à laquelle on doit plusieurs dizaines de millions de morts sur la planète depuis 1917 - une centaine est-il dit parfois.
Un semblable travail permettrait d’interroger la Révolution française comme matrice aux génocides et aux gouvernements révolutionnaires ayant suivi - à gauche chez Lénine dès 1917 comme à droite chez Hitler qui lui répond en 1933.
Louis Blanc, un robespierriste peu suspect d’être antirévolutionnaire ou contre-révolutionnaire donc, écrit dans son Histoire de la révolution française (Fiurne éditeur, tome 11, page 131-132): «Il fut question de construire un monument pour la combustion des corps. L’action du feu eût complété l’œuvre de destruction commencé par la guillotine» - ce qui, si je ne m’abuse, se nomme un dispositif de four crématoire.
Jacques Crétineau-Joly quant à lui nous apprend dans son Histoire de la Vendée militaire (Tome 1, page 221) que les robespierristes avaient également le projet d’exécuter en masse la population vendéenne par l’usage de gaz asphyxiants. «Un pharmacien d’Angers, nommé Proust, inventa dans le même temps une boule qui, à l’en croire, contenait une préparation chimique si subtile dont l’effet serait si prompt, qu’elle infecterait toute la contrée. L’essai en fut fait sur le pré de la Baumette. Il ne répondit pas à l’attente révolutionnaire.» C’est le citoyen Santerre qui aspire à ce que soit mis au point ce gaz mortel pour en finir avec les populations rebelles. Une correspondance de ce Santerre avec Rossignol sur la nécessité de mettre au point ce Zyklon B avant l’heure témoigne que cette information se trouve documentée par leurs protagonistes mêmes sans qu’il soit besoin de réfuter Crétineau-Joly sous prétexte qu’il serait contre-révolutionnaire. On connait la musique…
Je ne jetterai pas plus la pierre à Jean-Luc Mélenchon qu’il ne le mérite, car, contrairement à ce qui se trouve si souvent dit dans les médias par des incultes, il ne connait pas l’histoire de la Révolution française, mais seulement son historiographie marxiste, en gros: Soboul et Mathiez.
Mais, quand il milite dans les rangs trotskistes, plus précisément à l’Organisation communiste internationaliste, entre 1972 et 1976, il a un pseudonyme choisi par lui-même et ce pseudonyme, ça ne s’invente pas, c’est le nom de ce fameux Santerre qui échangeait avec Rossignol sur la nécessité de mettre au point l’ancêtre du Zyklon B pour exterminer ses ennemis politiques… S’il ne savait pas, c’est coupable; s’il le savait, c’est plus coupable encore.
Tout ceci devrait rendre extrêmement modeste, du moins précautionneux quand on souhaite donner des leçons de droits de l’homme et dénoncer de prétendues violences policières! La police française n’est pas la police robespierriste qui souhaitait des gaz mortels pour ses ennemis et des fours crématoires pour s’en débarrasser… Or, on sait que la modestie et la précaution ne sont pas les premières vertus des néo-robespierristes du jour!
Tous ceux qui, en France, actuellement, se réclament d’une gauche jacobine, centralisatrice, robespierriste, marxiste, marxiste-léniniste, soixante-huitarde, ce qui fait du monde, devraient balayer devant leurs portes avant d’affirmer que la police française est fasciste, qu’elle est structurellement raciste, que les CRS sont des SS, que les forces de l’ordre de la nation sont assimilables à celles de l’Etat nazi.
Car , je le rappelle à ceux qui aiment la Révolution française parce qu’ils ont le goût des piques et du sang, de Robespierre et de Marat, du Tribunal révolutionnaire et des lois sur les suspects, de Fouquier-Tinville et de la guillotine; je rappelle à ceux qui sont souvent les mêmes et qui goûtent fort le goulag de Lénine et ses exécutions sommaires, la police politique bolchevique et son système concentrationnaire, les tribunaux du Parti communiste et les procès staliniens, ou bien encore à ceux qui apprécient tant Mao, Kim Il Sung, Castro et autres idoles devant lesquelles le couple Sartre & Beauvoir se prosternait tout en disant du général de Gaulle qu’il était un «fasciste» assimilable à Franco, Hitler et Mussolini, selon l’argumentaire fourni par le PCF et Mitterrand dans son Coup d’État permanent ; je rappelle également à ceux qui trouvent encore des vertus à Mitterrand, comme Mélenchon, que cet homme-là défilait avec les fascistes français dans les années 30 et invitait à ce que «les métèques» quittent la France, qu’il fut monarchiste maurassien et lecteur de L’ Action française, puis vichyste, puis maréchaliste décoré de la francisque en 1943 des mains même du Maréchal , qu’il fut giraudiste c’est-à-dire antigaulliste et pro-américain à la Libération, qu’il fut le ministre de l’Intérieur et de la Justice d’un gouvernement socialiste pendant la guerre d’Algérie et qu’ès qualités, il envoyait sans états d’âme les militants nationalistes algériens par dizaines à la guillotine, qu’il ne voyait pas d’un mauvais œil les putschistes d’Alger qu’il a d’ailleurs réhabilités quand il fut président, c’était aussi l’époque où cet homme qui était à l’Élysée faisait fleurir la tombe du Maréchal Pétain à l’île d’Yeu et où sa gerbe, payée par l’argent du contribuable, côtoyait celle que venait déposer Jean-Marie Le Pen; je rappelle enfin que ceux qui ont hurlé au fascisme du général en Mai 68 et crié comme des dératés que les CRS étaient des SS en Mai 68, tous ceux-là, donc, semblent bien mal placés pour assimiler aujourd’hui la police à une bande de violents déchaînés qui effectuent des contrôles au faciès de façon pavlovienne avant de tabasser sans raison de pauvres victimes innocentes et geignardes, pleureuses et plaintives, qui se retrouveraient pourchassés par les forces de l’ordre sans aucun autre motif que celui d’être de couleur!
On peut, comme moi, préférer une Révolution française qui ne fait pas couler des ruisseaux de sang sous prétexte d’accélérer le bonheur du monde sur terre et qui propose une règle du jeu pour la démocratie et la république. C’est celle qui, dans sa Déclaration des droits de l’homme, article 7, décrète que: «Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l'instant: il se rend coupable par la résistance.» Puis, dans son article 12: «La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique: cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.» Ce qui veut dire, s’il faut préciser que «le monopole de la violence légale», pour utiliser les catégories du sociologue Max Weber, n’existe que pour contrer l’existence d’une violence illégale! La police ou la gendarmerie, voire l’armée, ne sont pas des forces en soi mais des contre-force qui agissent après qu’une force illégale ait été supposée, constatée, envisagée, supputée. Rappelons que dans l’article 2 de cette même Déclaration, il est dit «Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression.»
La sûreté n’est donc pas une valeur de droite, encore moins d’extrême-droite, ne parlons pas même d’un tropisme fasciste, sinon nazi, c’est tout simplement une valeur républicaine! CRS, rappelons-le, est l’acronyme de Compagnie républicaine (sic) de sécurité. Dans l’allemand Schutzstaffel, abrégé en SS, Escadron de protection, on chercherait en vain quelque référence républicaine que ce soit: cet escadron est d’abord créé en 1925 pour protéger la personne du dictateur Adolf Hitler avant de devenir sa police politique et le bras armé de l’idéologie nationale-socialiste que l’on sait.
Ce que dit la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est très simple. Premièrement: la sûreté est l’un des droits de l’homme et il s’avère imprescriptible; deuxièmement: l’interpellation policière ne s’effectue qu’au nom de la loi; troisièmement: s’y refuser constitue déjà un acte délictueux - je répète: s’y refuser constitue déjà un acte délictueux. Cette trilogie peut être refusée au nom des dites violences policières mais c’est un prétexte, une dissimulation.
Car la véritable raison est ailleurs.
Ce slogan est fait pour les médias, pour les journalistes, pour les éditorialistes et autres cervelles d’oiseau dont un grand nombre de militants. Refuser ces trois points républicains - garantir la sûreté, interpeller au nom de la loi, criminaliser tout refus d’interpellation- c’est clairement… refuser la République! Il ne s’agit donc pas de violences policières mais de violences faites aux policiers. Car, transformer les porteurs de la Loi en délinquants c’est faire des délinquants les nouveaux porteurs de la Loi! Cette transmutation des valeurs a pour but de criminaliser la police tout en héroïsant les délinquants. C’est clairement le dispositif d’un processus révolutionnaire. Il se trouve analysé et proposé par Bakounine. Il en va là d’une tactique révolutionnaire dans une stratégie de prise du pouvoir.
Cette révolution, c’est l’internationalisme après lequel courent encore les anciens soixante-huitards. Aujourd’hui, ils communient avec le grand capital dans un même internationalisme: c’est un genre de pacte entre la néo-révolution et le néo-capital. Entre July & Minc, entre Attali & Cohn-Bendit, entre BHL & Christine Lagarde, entre Barroso, dix ans président de la commission européenne après avoir été président des étudiants maoïstes en 1974 et Georges Soros, le milliardaire que l’on sait, ou bien encore, plus drôle, aujourd’hui entre Mélenchon et le pape François…
De Tarnac au FMI, tout ce qui précipite la fin de la vieille nation française, la disparition du pays, l’effacement de ses traces civilisationnelles, voilà qui est bon pour ces néo-internationalistes! Qu’on se souvienne que Toni Negri, à sa manière compagnon de route des Brigades rouges, était un farouche défenseur de l’Europe maastrichienne!
Or, quels meilleurs agents (quels meilleurs idiots utiles?) que ceux qui estiment que, pour éviter de voir ce qu’il y a à voir, il vaut mieux concentrer l’attention des demeurés sur ce qui est présenté comme des violences policières plutôt que de montrer qu’il existe un pacte faustien entre délinquance, haine de la police, Blacks Blocs (de jeunes bourgeois qui ne sont que des esthètes de la violence) et mondialisation libérale?
Pourquoi Emmanuel Macron laisserait-il faire les Blacks Blocs, sinon parce qu’ils l’aident à réaliser son projet de mondialisation libérale via la déconstruction nationale? Quand les gilets-jaunes, eux, proposent pendant deux, trois ou quatre semaines, une autre politique plus sociale, plus décentralisée, plus humaine, plus démocratique, plus référendaire, un nouveau pacte réunit Mélenchon, la gauche dite antilibérale avec Macron, Castaner et sa bande qui ravagent les Gilets Jaunes les uns en les faisant matraquer et énucléer, les autres en récupérant leur mouvement. Le but étant toujours l’avènement du post-national: celui des robespierristes associés à celui des banquiers.
Les réseaux sociaux et la presse marchent comme un seul homme derrière la propagande des fake-news qui dégoulinent non-stop sur le net. Dans les ciné-clubs des années soixante-dix, à coup de confrontations filmiques entre les œuvres de Dziga Vertov et de Sergueï Eisenstein, les gauchistes expliquaient combien un plan, un montage, un cadrage étaient politiques. Nous avons totalement oublié cette leçon. C’est bien dommage.
Car, la plupart du temps, l’opinion publique se constitue désormais avec des images, des vidéos acceptées telles quelles, en soi, comme des Idées platoniciennes, des formes pures a priori de la sensibilité, des icones tombées du ciel! Elles sont vues et commentées sans aucun esprit critique, sans aucun regard dialectique: d’où sortent ces quelques minutes montrées et montées? D’une vidéo de quarante-cinq minutes que personne n’a vue et qui, pourtant, explique ce que l’on voit autrement qu’avec ce qui est brièvement exhibé… Ce qui est donc montré a été monté: par qui? Pour illustrer quelle thèse? Une photo exhibe le visage tuméfié et sanguinolent d’un homme en Une d’un quotidien bienpensant, sa lèvre est coupée, il semble avoir le visage explosé: deux jours plus tard, il se trouve sur un plateau de télévision pour témoigner, aucune ecchymose, aucune trace de cette lèvre entaillée, nulle cicatrice, un beau visage bien lisse… Quiconque a eu un simple bouton de fièvre sait que pareille tuméfaction ne part pas aussi vite. Une vidéo permet à un jeune de témoigner qu’il s’est fait plaquer au sol par des policiers, les monteurs ont fait sauter l’aveu du jeune homme qui ouvrait le film, mais que d’autres ont posté ailleurs, et qui disait qu’il venait de voler un scooter et s’enfuyait à la vue des uniformes…
L’esprit critique a disparu et les images fonctionnent comme les coups de sifflets qui font saliver les chiens de Pavlov. Il y eut un temps, premier coup de sifflet, où ce qui se disait était: «J’aime la police», c’était après le Bataclan. Entre deux Ricard, Renaud en fit même une chanson qui avait pour titre J’ai embrassé un flic (2016) - c’est dire... Il y a aujourd’hui un second coup de sifflet: c’est le moment du «Nique la Police», ce qui est souvent la ligne de nombreuses chansons de rap, mais également celui des slogans bombés lors de manifestations tels «ACAB» ce qui veut dire « All cops are bastards » - autrement dit «tous les flics sont des connards». Quand le président de la République dit sur un média de jeunes qu’il ne voit rien à redire à parler de «violences policières», il inscrit ses pas dans ceux qui estiment que la délinquance qui sape le pays est moins un problème que la violence à laquelle se trouve conduits ceux dont le métier consiste à stopper la violence nihiliste qui se présente comme anticapitaliste - bien qu’on voie mal comment l’incendie d’une poubelle ou d’un abribus, sinon la destruction d’une vitrine de vêtements ou d’une agence bancaire peuvent vraiment saper un tant soit peu le capitalisme! Au contraire : le capitalisme adore ce nihilisme qui détruit l’État français et la nation pour la bonne et simple raison qu’il travaille au même but que lui: établir un gouvernement planétaire post-national, mais ce ne seront pas les mêmes pilotes une fois l’objectif atteint d’une France diluée.
Nous sommes sous le règne d’une dictature néo-orwelienne, la plupart en ont maintenant conscience, mais personne ne doute pour autant des images qui sont données à manger aux consommateurs boulimiques de ces images qui coulent comme dans un égout perpétuel. Nous vivons sous le règne de la croyance: désormais, on ne croit plus ce que l’on voit, on voit ce que l’on croit.
Si nous jugions des rushes, nous verrions bien souvent que, quand il y a violence de la police, elle est la plupart du temps une contreviolence légale qui répond à la violence illégale du délinquant. Or, rappelons l’article de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 pour lequel se refuser à une interpellation c’est déjà entrer dans le régime de la délinquance. Ce qui, de façon paradoxale, permet de dire que, même si le présumé délinquant n’a pas commis d’acte délictueux, contrairement au constat qui, pourtant, motive la police dans son contrôle, dès qu’il est interpellé par la police et qu’il se dérobe, il devient délinquant de ce fait même. Sauf à récuser et refuser ce principe édicté dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, il faut en convenir.
Un mot pour conclure : le magazine américain Time consacre sa Une à Assa Traoré, une figure emblématique française de ce faux combat anticapitaliste vrai combat mondialiste, la preuve: il est salué par les États-Unis qui voient là une nouvelle occasion de détruire la nation française et ce quelle représente. Les USA veulent que la France soit en tête du combat islamophobe pour mieux désigner son cou au cimeterre islamique! Il leur faut casser le pays comme ils en ont le désir depuis juin 1944…
Faut-il rappeler que le même Time avait fait sa couverture avec Hitler en homme de l’année en 1938, puis Staline en 1939 et en 1942. On dira que le magazine a le sens de l’Histoire et de ceux qui mettent le feu au monde.
Michel Onfray
Source : https://michelonfray.com/