Action française : le mouvement royaliste veut prendre racine dans l’Oise, par Elie Julien (avec Stéphanie Forestier).
Alors qu'une nouvelle section du mouvement royaliste d'extrême droite vient de voir le jour à Chantilly, celle de Compiègne, créée il y a un an, regrouperait huit militants et une quarantaine de sympathisants. Elle proposait donc une conférence intitulée « L'immigration au regard de l'intérêt national », présentée par le secrétaire général du parti, François Bel-Ker, qui revendique 3000 membres en France.
Des chiffres manipulés
Et si le jeune président de l'association refuse le qualificatif d'extrême droite, le champ lexical du conférencier n'en est pas moins clair : « Une immigration massive que nous subissons […] Substitution de population […] Perte d'identité […] Une société multiculturelle est une société multiconflictuelle… »
Autre habitude des nationalistes, les chiffres ont été quelque peu malmenés lors de cette réunion. Le secrétaire général du mouvement en a énuméré des dizaines, tous servant son propos. « Ils sont de sources étatiques », a assuré François Bel-Ker.
Pour deux militants antiracistes, c'est «une branche antisémite du Rassemblement national»
Mais lorsqu'il évoque « 12 à 14 millions d'étrangers en France », assurant citer l'Insee, il « oublie » que l'institut a comptabilisé les enfants d'immigrés, qui sont eux Français. En réalité, en 2019, selon l'Insee, la population étrangère vivant en France s'élève à 4,9 millions de personnes. Un exemple parmi d'autres.
Les thématiques habituelles des extrêmes, donc, qui ont par ailleurs fait appel à la police municipale, en début de réunion, pour dénoncer la présence de… deux militants antiracistes aux abords de la salle municipale où avait lieu la réunion.
« Cette branche antisémite du Rassemblement national, qui prône le retour de la monarchie, n'est pas la bienvenue, assène Benjamin Belaïdi, l'un des deux manifestants. On voulait leur montrer qu'ils ne font pas ce qu'ils veulent. »
D'où la prudence prônée par les organisateurs, le soir de la conférence. Quatre membres en surveillaient l'entrée et le responsable demandait de « ne pas prendre de photos de certaines personnes présentes, en raison de leur emploi ».
La Manif pour tous, un vivier de candidats au recrutement
Parmi eux, beaucoup de jeunes et quelques retraités. Originaire de Beauvais mais étudiant à Compiègne, Virgile Dévot arbore un écusson récompensant son implication dans ce mouvement proche de la Manif pour tous, très présente à Compiègne.
Il s'agit d'ailleurs d'un « vivier énorme » de candidats au recrutement pour l'Action française, dont certains membres participeront à la manifestation prévue ce samedi, à Compiègne, contre la loi bioéthique.
«Rendre hommage à Jeanne d'Arc et même à Louis XVI»
Car les militants d'extrême droite entendent désormais être plus actifs. « Nous voulons participer aux conseils municipaux, continuer à rendre hommage à Jeanne d'Arc et même à Louis XVI », précise Virgile Dévot.
Collage d'autocollants, ventes de journaux sur les marchés… Le jeudi 1er octobre, des membres de l'Action française ont déployé une banderole « anti-masque à l'extérieur » au-dessus de la rocade qui longe la zone commerciale de Jaux-Venette.
Le retour de la monarchie ? «Ce serait logique»
Ce qui rassemble véritablement les membres de l'association reste cela dit le souhait d'un retour de la monarchie. « Ce serait logique pour la continuité du pays », juge ce sympathisant anonyme de 29 ans, professeur de français.
Un peu plus loin, Jeanne, 24 ans, diplômée en gestion d'entreprise, veut elle « défendre le terroir dans une ambiance agréable, avec d'autres jeunes avec qui lesquels on se forme ». Elle apprécie d'ailleurs « un discours pertinent et plus fondé que ce qu'on apprend à l'école ».
Ce qui n'engage qu'elle, qui admet ne pas connaître le maître à penser antisémite du mouvement, Charles Maurras … Ce théoricien du nationalisme intégral né à la fin du XIX e siècle avait notamment été radié de ce dernier en 1945, après sa condamnation par la haute cour de justice de Lyon à la réclusion à perpétuité et à la dégradation nationale, notamment pour ses prises de position antisémites.
Pour le maire de Compiègne, «cela fait partie du pluralisme»
« Nous ne sommes ni extrémistes, ni un Rassemblement national bis, affirme pourtant un autre membre. Certains diront que lorsque je parle de social je suis un gauchiste (sic), et que quand je parle sécurité je suis un facho. »
Interrogé, le maire (LR) de Compiègne, Philippe Marini, ne veut pas de controverse. « Je n'ai pas de censure à exercer si ce groupe est dans le cadre légal, balaye l'élu. Je ne surveille pas plus cette association que les opposants à la chasse à courre. Cela fait partie du pluralisme, je ne suis pas le directeur des renseignements généraux. »
Source : https://www.leparisien.fr/