Agnès Thill : « Je ne voudrais pas que l’on se fasse encore avoir par Emmanuel Macron en 2022 ! ».
En juin 2019, la députée de l’Oise Agnès Thill était exclue du groupe La République en marche pour s’être opposée à la PMA pour toutes. Elle sort aujourd’hui un livre, Tu n’es pas des nôtres, dans lequel elle relate l’ostracisme dont elle a été victime de la part de son ancien camp politique.
Elle s’exprime au micro de Boulevard Voltaire.
Vous êtes député de l’Oise. Vous étiez membre de La République en marche et avez été expulsée de ce parti. Il y a deux jours, Pierre Person, Aurore Bergé puis Sacha Houlié ont quitté avec fracas la direction de La République en marche en critiquant la tenue de ce parti. Cela fait-il écho à ce que vous avez vécu l’année dernière ?
Parfaitement. Ils font la promotion parfaite de mon livre qui sort aujourd’hui, Tu n’es pas des nôtres.
Ils font partie de ceux qui m’ont exclue. Pour les mille et une raisons, je décris dans mon livre le sectarisme, cette pensée unique. La liberté d’expression n’a pas vraiment lieu d’être. Ils sont partis avec fracas de leurs fonctions en disant que l’on n’écoute pas assez les autres. Je suis ravie de voir qu’ils s’en aperçoivent. J’espère que ce n’est pas pour faire croire à tout le monde. C’est déjà ce que l’on nous a vendu en 2017 et c’est ce à quoi nous avions cru. On ne va peut-être pas croire dix fois la même chose. Tant mieux s’ils le disent ouvertement.
Vous racontez dans votre livre, Tu n’es pas des nôtres, aux Éditions du Toucan l’Artilleur, d’où vous venez, comment vous êtes entrée en politique, comment vous avez cru au projet d’Emmanuel Macron et comment vous avez été virée après une campagne de diffamation assez inouïe du groupe La République en marche. Ce livre est-il une manière de tirer un trait sur cette période ? Est-ce une sorte de droit de réponse ?
Ce n’est ni l’un ni l’autre. Je voulais informer de ce qui se passe en réalité et ce en quoi nous avons tous cru. Des milliers de personnes ont cru que c’était le meilleur. Quand on vote pour lui, on vote pour un parti, pour un mouvement et pour un groupe. Beaucoup disent « le parti n’est pas bien, mais ce que lui dit, c’est bien ». Il faut savoir que lorsqu’on vote pour lui, c’est le groupe.
Voilà ce que je voulais dire aux gens pour éviter que l’on se fasse avoir à nouveau en 2022. Il faut être clair !
Lorsqu’il dit « ce n’est pas moi, ce sont les députés », c’est lui qui met la bioéthique du 27 juillet au 31 juillet. Il est en lien direct et continuel avec Richard Ferrand. Si c’est sur l’agenda à cette période-là, ce n’est pas pour n’importe quelle raison…
Il a dit à la présidente des AFC « vous croyez que le père est un mâle ». On ne peut pas continuellement se cacher derrière « ce n’est pas moi mais les autres ». Il dit ce que chacun veut entendre. Il dit une chose avec ce en même temps et son exact contraire. Si bien que, dans le parti, il y avait un Aurélien Taché et une Agnès Thill. Tout le monde peut y trouver ses petits. Ainsi, cela a rassemblé tout le monde. On est tous très différents et aucune idéologie ne nous tient.
Dans ce que vous racontez, la politique tient presque du harcèlement. Vous avez reçu des menaces de mort. Le moment où Franck Riester, qui était à l’époque ministre de la Culture, vous a croisée dans un couloir et a ostensiblement fait demi-tour pour emprunter une autre entrée. Vous étiez la pestiférée de la majorité pendant plusieurs mois.
Oui, très clairement. Ils ont tout fait pour que je démissionne de moi-même. Je ne l’ai pas fait parce que je me reconnaissais tout à fait. Je suis peut-être la plus fidèle. Je me souviens très bien qu’Emmanuel Macron disait « on prend les idées et peu importe qui les dit ». Je viens de signer une PPL du RN contre l’écriture inclusive. Alors, ça y est, je suis RN ! Je signe aussi Ruffin pour les femmes de ménage. Je suis justement fidèle à ces propos. Si ce qui est dit est intelligent et de bon sens, signons-le !
Ils ont tout fait pour que je démissionne et cela n’a pas marché. Par conséquent, ils m’ont harcelée.
Je pense avoir fait cette expérience. À la fin de mon livre, j’ai inclus la lettre anonyme que j’ai reçue pendant le Covid-19. Elle est très forte. J’ai déposé plainte pour injure et menace de mort en fonction de ma religion. Je le dis, car tout de même, quand on est menacé de mort pour sa religion, on n’en parle nulle part. On paie cher notre religion dans ce pays si fier de sa laïcité. On paie cher nos positions au pays des droits de l’homme. C’est compliqué, d’être catholique. Ils nous mettent, d’ailleurs, dans des cases, notamment la case vieille bigote, comme si c’était une insulte.
Dans votre livre, vous racontez que vous êtes fille d’ouvrier du 20e arrondissement de Paris. Vous racontez votre enfance, votre jeunesse, vos engagements politiques, votre carrière d’institutrice et le fait que vous ayez élevé seule votre fille. Tout cela vous a construite et a fait que vous étiez opposée à la PMA à titre strictement personnel. Retrouviez-vous votre parcours dans d’autres élus de La République en marche ou étiez-vous « l’OVNI » de ce groupe parlementaire que certains imaginent comme rempli de hauts cadres ?
Il n’y avait personne comme moi. Ils ont cinquante ans à eux deux. Jamais, je n’en ai eu marre de gens plus jeunes. Ils créent ces espèces de différenciations entre les uns et les autres. On est dirigé par des gens qui ont 29 ans qui ont fait des études. Des bobos parisiens !
Ce que vous dites est odieusement réactionnaire…
Oui, mais visiblement, vu mes positions, vous avez en face de vous une dangereuse activiste réactionnaire et conservatrice, paraît-il. Ils sont ravis de me mettre dans cette case. Peut-être suis-je de cette droite populaire. Eux ne l’appellent pas populaire mais populiste. Ils créent cette violence et cette haine dans la population. Je voulais vraiment dénoncer cela dans mon livre.
Je voulais également informer notre État de droit qui est réellement en danger. Notre démocratie m’interroge. Je trouve que nous ne sommes plus en État de droit quand ce n’est plus le droit qui règne. On le voit avec Louis de Raguenel, avec François de Rugy, avec Mila et avec moi. On met quelqu’un au milieu et on lui lance plein de pierres comme au temps de Jésus-Christ, la femme lapidée au milieu.
Si on devait caricaturer, vous sentez-vous la députée des gens qui fument des clopes et qui roulent au diesel, pour reprendre les mots de Benjamin Griveaux à qui, d’ailleurs, vous rendez justice dans ce livre ?
Effectivement, dans mon livre, je cite tous ceux qui ont eu des maladresses. J’ai eu des maladresses, j’ai présenté mes excuses immédiatement et on ne m’a jamais pardonné. Eux, peuvent dire des maladresses comme celles que vous venez de citer, tout le monde est maladroit, tout le monde s’excuse à La République en marche et cela passe. En revanche, pour moi, ils n’ont ni oubli ni pardon. Et pourtant, ils parlent de bienveillance. Ces gens sont intelligents et sont ministres.